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La fin des titres-restaurant pour les télétravailleurs ? Pas si sûr

« Depuis mars 2020, les entreprises ont avancé en ordre dispersé dans la prise en charge des frais professionnels des salariés en télétravail, en particulier pour la restauration. »

Carnet de bureau. Le 10 mars, le tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine) a donné raison à une entreprise qui refusait d’accorder les titres-restaurant à ses salariés en télétravail. Cette décision sonne-t-elle le glas de ce soutien financier aux télétravailleurs qui, pour certains, entament leur troisième confinement ?

Depuis mars 2020, les entreprises ont avancé en ordre dispersé dans la prise en charge des frais professionnels des salariés en télétravail, en particulier pour la restauration. Certaines organisations ont privilégié un accompagnement optimal de leurs collaborateurs pour créer un environnement favorable au maintien de l’activité et ont tout de suite prévu un package complet avec ordinateur, téléphone, fauteuil de bureau, permanence téléphonique de soutien psychologique et titres-restaurant. Des entreprises n’y ont pas pensé jusqu’à ce que les représentants du personnel ne soulèvent la question. D’autres, enfin, n’ont rien mis en place.

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L’Unité économique et sociale Malakoff Humanis a, quant à elle, arrêté depuis le 17 avril 2020 de donner des titres-restaurant aux salariés placés en télétravail. L’organisation syndicale UNSA-Fessad, qui en réclamait le rétablissement, vient d’être déboutée au motif qu’il n’y avait pas de « surcoût lié à leur restauration ».

La réglementation du travail traite la question des titres-restaurant en trois points.

Un local de restauration

Tout d’abord, l’employeur n’a pas d’obligation légale à donner des titres-restaurant. Mais leur mise en place a permis à de nombreuses entreprises d’éviter une autre obligation, celle de créer un local de restauration. L’attribution des titres-restaurant aux salariés est prévue par le code du travail « pour leur permettre d’acquitter en tout ou en partie le prix du repas consommé au restaurant ou acheté (…) à un organisme ». Si l’employeur décide l’attribution de titres-restaurant, c’est à raison d’un ticket pour chaque jour travaillé au cours duquel le repas est compris dans l’horaire de travail.

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Deuxième point : l’article L.1222-9 du code du travail indique que « le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise ». Si les salariés sur site en reçoivent, le télétravailleur devrait donc y être éligible, dans le respect de l’égalité de traitement.

Toutefois, le tribunal de Nanterre rappelant l’article 4 de l’accord national interprofessionnel relatif au télétravail du 19 juillet 2005, selon lequel « les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise », a jugé que la situation des salariés sur site ou à domicile n’était pas comparable. L’objectif de l’employeur « est de permettre à ses salariés de faire face au surcoût lié à la restauration hors de leur domicile », argue le jugement en première instance.

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Largué par son « ex », mais viré à tort

« Donnant raison à la Cour d’appel qui avait qualifié le licenciement du salarié pour faute grave comme abusif et indemnisé le salarié, la Cour de cassation en a déduit que l’employeur qui a sanctionné n’a pas suffisamment établi le lien entre le comportement du salarié et le travail. »

Droit social. Une relation amoureuse entre collègues prend fin. L’homme, par ailleurs supérieur hiérarchique puis formateur au sein de l’établissement dans lequel travaille sa collègue et amie, lui adresse alors de nombreux messages intimes pour la presser de reprendre contact, la soupçonnant d’entretenir une relation avec un autre collègue.

Il lui envoie des messages par l’intermédiaire de sa messagerie professionnelle, en dépit du fait que l’intéressée lui a expressément indiqué qu’elle ne souhaite plus avoir de contact avec lui en dehors de l’activité de l’entreprise. Il dépose dans sa bannette professionnelle un DVD intitulé L’Infidèle. Enfin, il installe une balise GPS sur son véhicule afin de la surveiller à son insu.

L’employeur, après une enquête interne, licencie le salarié pour faute grave, avec effet immédiat. La cause semblait entendue, d’autant que l’intéressé avait reconnu, dans un courriel, harceler la collègue afin qu’elle communique à nouveau avec lui. Mais il conteste la sanction, arguant de ce que les faits relevaient de sa vie privée et non de sa vie professionnelle.

Un trouble objectif

En effet, il ne suffit pas que des éléments susceptibles de constituer le harcèlement soient établis, encore faut-il qu’ils se produisent dans le cadre du travail. En dehors de l’entreprise et du temps de travail, ils relèvent de la vie privée et ne peuvent pas, en principe, être sanctionnés par l’employeur.

Toutefois, la jurisprudence admet des exceptions, notamment lorsque le comportement du salarié harceleur, bien qu’en dehors du temps de travail, crée un trouble objectif au sein de l’entreprise, ou que les faits se produisent au moins partiellement en entreprise.

Ainsi, le 19 octobre 2011, la chambre sociale de la Cour de cassation affirmait que « les propos à caractère sexuel et les attitudes déplacées du salarié à l’égard de personnes avec lesquelles l’intéressé était en contact en raison de son travail ne relevaient pas de sa vie personnelle » et justifiait de la sorte la sanction disciplinaire de l’employeur.

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La Cour de cassation a également indiqué le 25 septembre 2019, qu’un fait tiré de la vie privée du salarié, dans le cadre d’une « relation amoureuse complexe » entre un supérieur hiérarchique et une collaboratrice, peut justifier un licenciement disciplinaire du fait des impacts sur la vie de l’entreprise, en l’occurrence « une perte d’autorité et de crédibilité dans l’exercice de sa fonction de direction » du… supérieur hiérarchique.

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Salaires et engagements sont-ils liés ?

« Malaise dans les rémunérations », de Rodolphe Delacroix (Marie B, 240 pages, 18 euros).

Le Livre Avec le mouvement des « gilets jaunes » de 2018, la question des rémunérations avait fait un retour en force dans l’agenda politique et social du pays. La crise de 2020 l’a maintenue dans l’actualité, en posant des questions déjà en germe durant la période précédente : assistons-nous, avec la montée en puissance de l’économie digitale globalisée, à une panne salariale combinée à une explosion des inégalités ? A une baisse du niveau de vie pour tous et à un déplacement de la question des rémunérations vers d’autres formes de rétribution ? Malaise dans les rémunérations (Editions Marie B) de Rodolphe Delacroix, analyse les raisons du divorce entre les pratiques salariales et les perceptions de plus en plus négatives des salariés et de la société.

« Alors que nous abordons la période critique de la sortie de la crise du Covid-19, il n’est pas inutile de partir d’une brève histoire des rémunérations afin de se projeter dans l’avenir », estime le consultant en rémunérations et actionnariat salarié depuis vingt ans. L’ouvrage commence par un rapide retour historique sur l’évolution des politiques de rémunérations, depuis le Front populaire de 1936, afin de comprendre les enjeux et les mécanismes de gestion.

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Qu’est-ce que le salaire est censé rémunérer ? Comment situer son niveau sur le marché ? Comment s’assurer d’une réelle équité interne à l’entreprise entre les emplois et les salaires ? Comment augmenter les salariés et par quels mécanismes ? Comment rendre la rémunération plus incitative ? Sans oublier les sujets qui fâchent : l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, et les rémunérations des dirigeants. L’ouvrage s’intéresse également à la rémunération « au-delà du salaire », aux aspects liés à la reconnaissance et à la gestion de la performance.

Prise de conscience des RH

Dans la seconde partie du livre, Rodolphe Delacroix traite de la rémunération vue de la cité : « le malaise des rémunérations dépasse largement le cadre des grandes entreprises et se donne à voir dans toute la société, aussi bien chez les fonctionnaires que parmi les indépendants ou les “travailleurs pauvres” ».

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Ce qui est, à tort, attribué aux jeunes générations de diplômés, à savoir la recherche du sens dans le travail, concerne tous les salariés, « dès lors qu’ils ont atteint un niveau de satisfaction de leurs besoins primaires et disposent de revenus réguliers et assurés. » Les responsables des ressources humaines ne s’y trompent pas, qui ne cessent de mettre en avant des aspects qualitatifs du management : management participatif, séminaires de team building, coaching… « On peut penser ce qu’on veut de ces techniques, qu’elles ne servent à rien ou qu’elles masquent la réalité des vraies souffrances, il n’en demeure pas moins vrai qu’elles s’imposent massivement comme une réponse à une aspiration individuelle et collective de plus en plus partagée dans les entreprises. »

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Les acquis sociaux, des conquêtes menacées

Histoire d’une notion. Intangibles, immuables, intouchables, inattaquables, immortels, ils sont gravés dans le marbre, arborés sur le fronton du syndicalisme. Ce sont les acquis sociaux, ces droits collectifs inscrits dans la loi, voire dans la Constitution, ou dans des accords d’entreprise ou des conventions collectives, auxquels tous les gouvernements, de droite et même de gauche, ont été soupçonnés de vouloir porter atteinte.

Ils peuvent concerner tous les salariés ou une partie d’entre eux. Ils dépendent d’un contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée ou ils relèvent d’un statut, comme dans la fonction publique ou dans les entreprises publiques. Les syndicats en sont les gardiens intransigeants.

Il y a deux catégories d’acquis sociaux, ceux qui ont été arrachés de haute lutte par les syndicats, à l’issue d’une grève, de manifestations ou d’une négociation qui permettra à tous les salariés, et pas seulement à ceux qui sont syndiqués, d’en bénéficier, et ceux qui ont été octroyés par la puissance publique, lorsqu’elle prenait les devants pour éviter un mouvement social.

Rapport de forces

Symboles des progrès de la condition ouvrière, ces trophées font partie du patrimoine syndical. « Je crois à la négociation perpétuelle, aux petites améliorations grignotées chaque jour », assurait André Bergeron, ancien secrétaire général de Force ouvrière (1963-1989) et promoteur, durant les « trente glorieuses », du « grain à moudre ».

Un bon nombre d’acquis résulte d’un rapport de forces favorable aux syndicats. Il en est ainsi de la loi de 1919 instaurant la journée de 8 heures de travail et la semaine de 48 heures, revendication de la CGT, et, la même année, de la création de conventions collectives. Certains droits sont le fruit d’une conjonction entre des demandes syndicales et l’orientation progressiste d’un gouvernement comme sous le Front populaire avec les congés payés et la semaine de 40 heures. Toutes les avancées en matière de réduction de la durée du travail, jusqu’aux lois Aubry de 1998 et 2000 sur les 35 heures, découlent, peu ou prou, de combats syndicaux.

Il en est de même pour ce qui touche à la protection sociale, avec la création en 1945 de la Sécurité sociale, inscrite dans le programme du Conseil national de la Résistance, œuvre de tous les partis et des syndicats CGT et CFTC. Même si c’est le régime de Vichy qui a mis en place, en 1941, la retraite par répartition, les syndicats ont agi avec constance pour l’abaissement de l’âge de la retraite, leur principale victoire étant la retraite à 60 ans, en 1983, sous la présidence de François Mitterrand.

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« En télétravaillant à Niort avec mon salaire parisien, j’ai le meilleur des deux mondes » : les villes moyennes séduisent les jeunes actifs

Emilie et Mathieu Satostefano télétravaillent dans le même bureau de leur domicile à Niort, le 18 mars.

C’est un rituel auquel il ne déroge jamais. « Tous les matins, j’enfile une paire de baskets pour aller travailler », confie Mathieu Santostefano, développeur Web pour une agence parisienne. Le jeune homme de 29 ans n’a pourtant qu’une quinzaine de marches à gravir pour accéder à son bureau. Depuis deux ans, il travaille 100 % du temps à distance depuis chez lui, à Niort (Deux-Sèvres). C’est dans une petite pièce spécifique, au premier étage de sa maison, qu’il tape ses lignes de code toute la journée au milieu de ses maquettes de Lego.

« Quand Emilie, ma compagne, m’a annoncé qu’elle avait décroché un poste d’UX designer ici, j’avoue, j’ai eu un petit moment de panique, raconte l’ancien Parisien. Je ne connaissais pas Niort. Je savais à peine la situer sur une carte. »

L’affaire a pourtant vite été entendue. « En m’installant ici avec mon salaire parisien, je pouvais bénéficier du meilleur des deux mondes », résume Mathieu. « La Rochelle est à trois quarts d’heure de route, Paris à deux heures en TGV. A Paris, nous louions un 40 mètres carrés pour un smic par mois. C’était délirant. Ici, nous avons pu acheter une maison avec jardin, à dix minutes à pied de la gare, pour moins de 200 000 euros. » Côté qualité de vie, il n’y a pas photo. Même s’il reconnaît que la vie culturelle n’a rien à voir avec celle de la capitale – mais qui en profite, en ce moment ?

Des jeunes cadres qui fuient Paris, Lyon ou Marseille pour Niort, Chartres ou Albi : la tendance était déjà en marche avant la crise sanitaire – elle ne devrait faire que se renforcer, portée par l’essor du télétravail, l’expérience des confinements successifs, la montée des préoccupations environnementales et l’explosion des prix de l’immobilier à Paris.

Une tendance sur laquelle surfent de nombreuses villes moyennes : ces temps-ci, les campagnes de communication fleurissent sur les murs du métro parisien, vantant la belle vie à Alès (Gard), à Bourges ou à La Roche-sur-Yon.

Paris, trop chère

Selon un sondage Harris Interactive réalisé en octobre 2020 pour le réseau immobilier Procivis, 36 % des jeunes de 18 ans à 34 ans résidant dans une métropole ont amorcé une recherche immobilière ces derniers mois dans le but de déménager.

« Autant les jeunes plébiscitent toujours largement les grandes agglomérations pour suivre leurs études, autant ils changent d’état d’esprit une fois leur cursus terminé, aux alentours de 25-30 ans, analyse Elie Guéraut, maître de conférences en sociologie à l’université Clermont-Auvergne. C’est le moment où ils commencent à se projeter dans une situation plus stable, à vouloir accéder à la propriété, à avoir des envies d’enfants. » Des projets plus faciles à concrétiser dans des villes peuplées de 20 000 à 100 000 habitants que dans la mégapole parisienne, jugée trop dense, trop stressante et surtout trop chère.

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A la Fonderie de Bretagne : « Quel contraste entre les discours qui parlent de relocalisation et ce qui se passe réellement dans l’industrie française ! »

Maël Le Goff, représentant syndical CGT de la Fonderie de Bretagne, filiale du groupe Renault, lors d’un rassemblement le 23 mars 2021, à Caudan (Morbihan), après l’annonce par Renault de la vente de l’usine. (Photo par Fred TANNEAU / AFP)

« Trahison, abandon, Renaulution », « Chez Renault, fondeurs oui, chômeurs non ! ». Banderoles, pancartes et messages tracés à même la chaussée annoncent la couleur aux abords de la Fonderie de Bretagne, à Caudan (Morbihan), sur laquelle apparaît, en immenses lettres jaunes et noires, l’inscription « groupe Renault ». Mais pour combien de temps encore ?

Mardi 23 mars, ils étaient plusieurs centaines, salariés, militants syndicaux, élus, tous drapeaux dehors, rassemblés devant le site pour dénoncer la décision du constructeur français de se séparer de la fonderie dans le cadre de son vaste plan d’économies. Le groupe s’est donné cinq mois pour trouver un repreneur. « Ça fait une échéance finale le 8 août, au milieu de l’été. On nous aura oubliés ! C’est maintenant qu’il faut se mobiliser, pour interpeller les politiques, au plus haut niveau », glisse Maël Le Goff, délégué CGT.

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« On veut mettre les politiques devant leurs incohérences : voyez le contraste entre les discours de Bruno Le Maire [le ministre de l’économie] et de notre président qui parlent de relocalisation, et ce qui se passe réellement dans l’industrie française ! », insiste Jimmy, 44 ans, l’un des 350 salariés de la fonderie.

Incendie en 2018

Trois dates ont été peintes en orange fluo à l’entrée du site bientôt sexagénaire, comme pour replacer cet événement dans son histoire récente : 1999, 2009 et 2021. L’usine de pièces en fonte pour l’automobile était en effet déjà sortie du groupe Renault en 1999, vendue à l’italien Teksid-Fiat, souvenir pour les salariés d’une soudaine dégradation de leurs conditions de travail. Le repreneur revend à son tour à un autre italien, le groupe Zen, en 2006, qui dépose le bilan deux ans plus tard. Les salariés se mobilisent alors pour que Renault reprenne le site. C’est le cas en 2009.

Lire l’entretien : Jean-Dominique Senard : « Il s’agit de la survie de Renault »

Ce mardi 23 mars, ce combat victorieux était dans toutes les têtes. « Il y a douze ans exactement, nous avons mené une lutte afin de revenir dans le groupe Renault. Cette lutte paraissait utopiste aux yeux de beaucoup, mais on est bel et bien revenu dans la firme au losange », lance Maël Le Goff en préambule d’une longue prise de parole au micro. Mais voilà, dans toutes les têtes aussi, on note la différence de taille entre la situation de 2009 et celle d’aujourd’hui : « A l’époque, Renault n’avait pas le choix, car il y avait des pièces qu’on était les seuls à faire. Ce n’est malheureusement plus le cas », souligne Eric, 35 ans, technicien en étude et robotique, parmi les centaines de salariés présents sur le parking.

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Le gouvernement veut développer plus largement l’insertion par l’activité économique en détention

Depuis l’ouverture du premier chantier d’insertion par l’activité économique (IAE) en détention à la prison d’Oermingen (Bas-Rhin), en 2016, six autres initiatives menées avec différents partenaires ont vu le jour. Un bilan de ces « expériences pilotes » réalisé fin 2019 a amené le ministère de la justice et le ministère du travail à décider en 2020 de développer cette forme d’accompagnement par le travail de personnes détenues avec des associations ayant des structures à l’extérieur susceptibles de proposer une continuité après la sortie de prison.

Eric Dupond-Moretti, ministre de la justice, et Brigitte Klinkert, ministre déléguée chargée de l’insertion, ont ainsi lancé en février un « tour de France de l’IAE en détention », afin d’essaimer la pratique dans un maximum d’établissements pénitentiaires d’ici à 2022. Dans chaque région administrative, une réunion sera organisée entre acteurs de l’insertion d’un territoire et les services des deux ministères afin de faire émerger des projets autour des prisons.

« Le plus difficile a été de faire travailler ensemble la direction de l’administration pénitentiaire et les services du ministère du travail », se souvient Thierry Kuhn, à l’origine de la création de l’atelier de rénovation de meubles au centre de détention d’Oermingen. Pour l’ex-président d’Emmaüs France, désormais directeur d’Emmaüs Mundolsheim (Bas-Rhin), l’objectif de ce type de dispositif est « de créer une activité valorisante pour les personnes détenues et valorisable à l’extérieur en se rapprochant le plus possible du droit commun ». L’association strasbourgeoise embauche ainsi chaque année en contrat d’insertion de six mois renouvelables trois à quatre ex-détenus passés dans son atelier de la prison mosellane.

Formes variées

C’est avec une démarche identique que l’association alsacienne a créé un atelier de réparation de vélos à la maison d’arrêt de Strasbourg. Fermé depuis le début de la crise sanitaire, il devrait rouvrir en juin avec le véritable label « chantier d’insertion » pouvant faire travailler six personnes à la fois. Un statut qui permet un cofinancement par les services de l’Etat de la rémunération, fixée en détention à 45 % du smic (soit 4,60 euros net de l’heure). Fort de cette formation et de l’expérience acquises, certains pourront être embauchés à leur sortie de prison à l’atelier de réparation et de vente de vélos d’occasion qu’Emmaüs a ouvert dans le quartier de Cronenbourg.

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Danone : « Le modèle comptable actuel valorise mal le capital immatériel à l’origine de la création de valeur sur le long terme »

Tribune. L’éviction récente d’Emmanuel Faber interroge quant à la viabilité des sociétés à mission, statut créé en mai 2019 dans le cadre de la loi Pacte. Est-il vraiment impossible de concilier, ainsi qu’espéré, les intérêts financiers des actionnaires et les intérêts plus larges (écologiques, sociaux…) d’autres parties prenantes ?

Avec des actionnaires très nombreux, dont beaucoup ayant montré leur souci du développement de l’entreprise sur le long terme, rien n’obligeait, en réalité, les administrateurs de Danone à agir comme ils l’ont fait. Lorsque chez PepsiCo, par exemple, une stratégie de long terme analogue avait été remise en cause par des fonds spéculatifs activistes, les administrateurs avaient décidé de soutenir les choix de la direction.

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Pourquoi, dans le cas de Danone, ont-ils cédé ? La trop grande concentration du pouvoir aux mains d’Emmanuel Faber, à la fois président du conseil et directeur général de la société, a été un des problèmes évoqués. Un tel cumul des mandats peut faciliter des prises de décision rapides, mais des recherches ont montré que ce pouvoir trop centralisé compromet la qualité des décisions en particulier dans les périodes de turbulences.

Une attention aux résultats sociétaux

Les PDG concernés obtiennent en moyenne des résultats nettement inférieurs à ceux des firmes concurrentes. Et Danone a effectivement sous-performé dans la dernière période, notamment par rapport à Nestlé ou Unilever. Mais au-delà de ces questions spécifiques, la difficulté de toutes les sociétés à mission (ou B-Corp aux Etats-Unis) est d’arriver à rendre compte de manière convaincante à leurs actionnaires de leurs résultats en matière non strictement financière.

Certains fonds d’investissement visent le profit à court terme, mais d’autres, comme The Children’s Investment Fund, par exemple, choisissent délibérément d’investir dans des entreprises qui s’engagent sur le long terme, en luttant notamment contre le dérèglement climatique.

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De plus en plus d’investisseurs institutionnels se déclarent également sensibles aux résultats sociétaux. Encore faut-il que les dirigeants soient capables de les convaincre, chiffres à l’appui, de la pertinence de leurs actions en ce sens. Le modèle comptable actuel n’est pas idéal car il valorise mal le capital immatériel à l’origine de la création de valeur sur le long terme.

Uniformisation des performances extra-financières

Les rapports intégrés ont été créés pour remédier à ce problème. Au sein d’un document unique, ils mêlent des informations à la fois financières et extra-financières, notamment sociales et environnementales. George Serafeim, professeur à Harvard, a montré en 2015 que les sociétés qui publiaient des informations en suivant le modèle de ces rapports intégrés arrivaient ainsi mieux, en moyenne, à attirer les investisseurs de long terme.

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« L’engagement d’Emmanuel Faber en faveur de la RSE pourrait bien avoir aussi attiré… les investisseurs activistes »

Tribune. Vingt-neuf mois avant le retrait d’Emmanuel Faber du poste de PDG de Danone, Paul Polman, PDG d’Unilever depuis plus d’une décennie, démissionnait à la suite, lui aussi, d’une rébellion de ses actionnaires.

Les turnovers de dirigeants dus à l’insatisfaction des actionnaires sont légion, mais ceux d’Emmanuel Faber et de Paul Polman ont en commun une résonance très actuelle, puisque les deux PDG faisaient la part belle à la responsabilité sociale et environnemental (RSE), au capitalisme responsable et à un modèle multipartite.

Paul Polman s’était notamment positionné en fer de lance d’un plan décennal qui devait dissocier la croissance économique d’Unilever de son empreinte environnementale et promouvoir la santé et le bien-être d’un milliard de personnes à travers le monde. Emmanuel Faber s’était lancé dans des initiatives ambitieuses du même acabit chez Danone, dans l’espoir de transformer la façon de produire nos aliments, de rendre Danone neutre en carbone et d’améliorer la santé d’un maximum de personnes.

L’entreprise « dépense »

Les PDG ont une réelle influence sur les activités de leur entreprise en matière de RSE, comme le montre une étude réalisée auprès de 1 199 PDG à la tête de 819 sociétés aux Etats-Unis (« How much influence do CEOS have on company actions and outcomes ? The example of corporate social responsibility », Christophe Boone, Miha Sajko et Georg Wernicke, Academy of Management Discoveries, 15 janvier 2021). Près de 30 % de la variation totale des actions écoresponsables d’une entreprise découlent de la politique managériale de son PDG.

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Selon certains investisseurs, Paul Polman et Emmanuel Faber avaient donc le profil idéal pour orienter leurs entreprises vers une lente transition « verte » et tenaient compte des besoins de tous les acteurs de leurs entreprises, et non seulement de leurs actionnaires, et permettaient aussi d’attirer des investisseurs orientés vers la RSE.

Cependant, l’engagement fort de Paul Polman et d’Emmanuel Faber en faveur de la RSE pourrait bien avoir aussi attiré… les investisseurs activistes qui les ont évincés. Analysant les campagnes de 506 investisseurs activistes aux Etats-Unis, une étude a démontré qu’une entreprise qui investit dans le développement durable peut également attirer l’attention non désirée d’investisseurs qui considèrent qu’un tel engagement est un signal d’alerte indiquant que l’entreprise « dépense » au lieu de maximiser la valeur de l’action à court terme (« Why Activist Hedge Funds Target Socially Responsible Firms : The Reaction Costs of Signaling Corporate Social Responsibility », Mark DesJardine, Rodolphe Durand et Emilio Marti, Academy of Management Journal, 22 avril 2020).

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Les salariés des entreprises des départements reconfinés devront « déjeuner seuls »

Dans une entreprise lyonnaise en septembre 2020.

Une version actualisée du protocole sanitaire en entreprise a été présentée, lundi 22 mars, aux partenaires sociaux, à la suite des annonces du premier ministre, Jean Castex, soumettant seize départements à des mesures sanitaires renforcées. Afin de mieux les appliquer, le nouveau texte prévoit ainsi l’obligation pour les employeurs des départements concernés d’augmenter le recours au télétravail, et fixe de nouvelles règles de restauration collective.

Selon les termes du protocole, « les entreprises définissent un plan d’action pour les prochaines semaines, pour réduire au maximum (sic) le temps de présence sur site des salariés, tenant compte des activités télétravaillables au sein de l’entreprise ». « En cas de contrôle, les actions mises en œuvre seront présentées à l’inspection du travail », précise le document, qui doit être publié mardi sur le site du ministère du travail, les partenaires sociaux disposant encore d’un délai pour faire des retours.

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Plages horaires, distanciation stricte et déjeuner à emporter

En matière de restauration collective, la fiche précise qu’il faut « déjeuner seul en laissant une place vide en face de soi, et en respectant strictement la règle de distanciation » de 2 mètres entre chaque personne. Le texte demande aussi d’adapter « systématiquement » les plages horaires d’ouverture et évoque la mise en place, « dans la mesure du possible, de paniers à emporter et à consommer sur le poste de travail pour tout ou partie des convives ».

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Le protocole rappelle aussi les règles en matière de respect des gestes barrières en cas de covoiturage, et recommande à l’employeur de « limite[r] autant que possible les situations de covoiturage ». « C’est presque plus des rappels de bon sens que des choses nouvelles », a commenté auprès de l’Agence France-Presse Cyril Chabanier (CFTC), tandis que Gérard Mardiné (CFE-CGC) a vu dans les plans d’action sur le télétravail « un détournement d’énergie » et « un excès de formalisme ».

Une étude de l’Institut Pasteur réalisée en mars 2021 montre que les contaminations au travail représentent 15 % des cas identifiés de Covid-19.

Le Monde avec AFP