Archive dans octobre 2021

Prêt-à-porter masculin : Celio et Jules changent de modèle

Un magasin Celio, à Caen, en novembre 2019.

En 1990, Celio avait pour slogan : « La mode, je m’en fous. » Trente et un ans plus tard, l’enseigne d’habillement masculin renoue avec cet esprit. « Be normal » (« soyez normal »), affirme sa dernière campagne, qui met en scène un homme incapable de rentrer dans son jean « après trois confinements et une vingtaine de barbecues ». « Il s’agit d’équiper tous ceux qui veulent s’habiller sans être une victime de la mode », affirme Sébastien Bismuth, son président depuis août 2020.

Celio entend redevenir une « enseigne populaire et accessible », affirme-t-il. En juin 2020, quelques semaines après la fin du premier confirment dû à la pandémie de Covid-19, le leader du prêt-à-porter masculin en France a demandé l’ouverture d’une procédure de sauvegarde auprès du tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis). « C’était une question de survie », affirme M. Bismuth, en rappelant que l’entreprise était alors confrontée à des difficultés d’endettement, de modèle d’activité ainsi qu’à la chute de ses ventes.

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Son plan de restructuration a été « drastique ». Elle a, depuis, fermé 102 magasins, dont ceux consacrés au costume, pour ramener son parc à 350 points de vente dans l’Hexagone et ce, au prix de 380 suppressions d’emplois.

La direction de l’enseigne détenue par ses fondateurs, Laurent et Marc Grosman, depuis 1978, a annoncé, jeudi 14 octobre, sortir de cette procédure de sauvegarde. « Cette étape était nécessaire », note Joannes Soënen, directeur général de Celio, en admettant devoir « maintenant transformer l’essai ». Le chiffre d’affaires de la marque devrait s’établir à 500 millions d’euros en 2021.

Pression sur les prix

Son principal concurrent, Jules, filiale d’Happychic, groupe que possède l’Association familiale Mulliez (AFM), doit aussi réussir sa mue, amorcée en 2018. Un plan de sauvegarde de l’emploi avait alors conduit à la suppression de 466 postes. L’enseigne a fermé 80 de ses boutiques. Aujourd’hui, elle en exploite 475. Après une année 2020 marquée par une perte de chiffre d’affaires de 130 millions d’euros, 2021 devrait se solder par « de 90 millions à 100 millions d’euros » en moins, précise Franck Poillon, son directeur général. En 2019, ses ventes atteignaient 574 millions d’euros.

Les Français n’ont plus envie d’acheter des vêtements neufs. Beaucoup se tournent vers l’achat de seconde main, notamment sur l’application Vinted

Ces deux figures de la mode masculine – Celio et Jules détiennent respectivement 5,8 % et 5,2 % de part de marché – sont confrontées à la mutation radicale du secteur. « Le marché français ne se porte pas bien depuis plusieurs années. Et il peine aujourd’hui à se redresser », rappelle Hélène Janicaud, responsable des études sur la mode chez Kantar. Evaluées à 6,6 milliards d’euros, les ventes annuelles s’affichaient en recul de 11,8 % fin août 2021 dans l’Hexagone par rapport à 2019.

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« Il est désormais illégal, en Californie, de “réduire au silence” les salariés victimes de harcèlement ou de discrimination »

La lanceuse d’alerte Frances Haugen lors de son audition au Sénat, le 5 octobre 2021, à Washington.

Chronique. Il y a une éternité – au milieu des années 2010 –, la tech terrorisait ses employés. Les géants de la Silicon Valley interdisaient à qui que ce soit de parler à la presse, fût-ce du beau temps, un comble au pays de la liberté d’expression. Essayer de questionner des techies aux arrêts de bus des navettes Google était une expérience frustrante : des robots, le regard vide, les oreilles bouchées par leurs écouteurs. Ceux qui acceptaient de souffler un mot prenaient des airs de dissidents de régime autocratique : « On n’a pas le droit de parler »

Les employés étaient paralysés par les désormais célèbres NDA (non disclosure agreements), ces accords de confidentialité que les salariés sont obligés de signer à leur embauche, officiellement pour protéger les secrets des start-up. Il se trouve aussi que les techies croyaient à leur mission (changer le monde, connecter les Terriens jusqu’au dernier, etc.). Dix ans plus tard, le temps est venu de la rébellion contre la loi du silence. Une vague de lanceurs d’alerte est en train de déferler sur les entreprises de la Silicon Valley. Rien n’est aussi dangereux que les missionnaires défroqués.

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Frances Haugen, ex-data scientist de Facebook, est devenue le visage le plus médiatisé des nouveaux whistleblowers, mais elle est loin d’être unique. En avril, Sophie Zhang, autre data scientist, avait révélé la tolérance de Facebook pour les faux comptes entretenus par les gouvernements étrangers qui cherchent à manipuler leurs opinions publiques. Ces dernières années, rares sont les entreprises qui n’ont pas connu leurs protestataires, déçus du double langage de leur messianique fondateur.

« Toxicité » de la culture d’entreprise

Coïncidence : au moment même où Frances Haugen témoignait devant le Congrès, une autre lanceuse d’alerte, Ifeoma Ozoma, publiait un guide pour les employés des entreprises technologiques tentés de révéler les méfaits qu’ils constatent. Son Tech Worker Handbook s’adresse aux livreurs et aux petites mains de l’économie numérique aussi bien qu’aux project managers. Loin de les inciter à jouer les justiciers, il met en avant les risques. Et offre des conseils. Quelles institutions contacter ? Comment parler à la presse ? Comment se préparer à la perte de son salaire et de son assurance santé ? A la vague de discrédit qui ne va pas manquer d’être orchestrée par l’entreprise incriminée ? Comme le dit Ifeoma Ozoma, quand on connaît la capacité des outils de surveillance de la tech, il y a de quoi devenir parano…

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Le paradoxe des « transclasses », héros malgré eux

Les récits de « coming out social », qui racontent les difficultés rencontrées lors du passage d’un milieu à un autre via les études supérieures, se multiplient dans le monde de l’édition ou sur les réseaux sociaux. Au risque de masquer la réalité d’un système toujours peu inclusif pour les jeunes issus de milieux défavorisés.

Quatre cents emplois maintenus dans la principale usine du groupe métallurgique Manoir Industries

Le tribunal de commerce de Paris a validé un plan de redressement de la principale usine du groupe métallurgique en difficulté Manoir Industries, située à Pîtres (Eure), qui prévoit le maintien de quelque 400 emplois, selon une copie du jugement reçue lundi.

Dans ce jugement daté de vendredi, le tribunal valide le « plan de redressement par voie de continuation » présenté par l’actionnaire, « le fonds d’investissement chinois CAM SPC ». « Ce plan prévoit le maintien de la totalité des emplois existants », précise le tribunal. Manoir Pîtres emploie près de 400 personnes, a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Daniel Duché, élu CGT du site.

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« L’engagement de verser la somme totale de 20 millions d’euros en 2021 », pris le 15 juillet devant le tribunal, a bien été rempli par l’actionnaire, soulignent les juges. Le vice-procureur de la République Raphaël Grandfils a « donné son accord de principe à ce plan en dépit des réserves » qu’il a formulées « quant au respect par CAM SPC des engagements pris en matière de financement et de calendrier de versement à la lumière des défaillances survenues dans le passé », selon le jugement. « Il n’y a pas d’alternative à ce plan de redressement », a souligné le magistrat.

Forte croissance de l’activité attendue

L’actionnaire s’est engagé à « apporter la somme de 30 millions d’euros à compter de 2022 », selon le tribunal. Le plan « repose sur une forte croissance de l’activité, appuyée notamment sur la reprise des activités nucléaires », détaille le jugement.

Les clients de Manoir Pîtres, qui fabrique des pièces métalliques comme des tubes ou des vannes, appartiennent principalement aux secteurs de la pétrochimie, du nucléaire, de l’énergie et de la défense.

« On est content. Il n’y a pas de licenciement. L’inquiétude, c’est de savoir si leur plan va marcher », a déclaré M. Duché.

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Le groupe métallurgique Manoir Industries avait annoncé, au début du mois de mars, le placement en redressement judiciaire de l’essentiel de ses filiales en raison de la défaillance de son nouvel actionnaire chinois, qui n’avait pas versé les fonds promis. Pîtres employait alors 430 salariés. Mais beaucoup ont, depuis, quitté l’entreprise volontairement, via notamment des départs en retraite, a précisé M. Duché.

Le Monde

Election présidentielle 2022 : Valérie Pécresse propose de supprimer « 150 000 postes dans l’administration »

« Pour stopper l’explosion de la dette et la ramener en 2027 au niveau actuel, nous devons atteindre 45 milliards d’euros d’économies, auxquels j’ajoute 15 milliards de recettes de privatisation », dit Valérie Pécresse.

La primaire à droite s’accélère. Dans un entretien publié sur le site de L’Opinion, lundi 18 octobre, Valérie Pécresse, candidate à l’investiture des Républicains (LR) à l’élection présidentielle, propose d’importantes suppressions de postes dans la fonction publique durant le prochain quinquennat.

« Mon objectif, c’est de supprimer 150 000 postes dans l’administration administrante. L’Etat doit se recentrer sur ses trois missions prioritaires : protéger, éduquer, soigner, avec là où il le faut des postes supplémentaires pour la justice, l’éducation et les soins. Il ne s’agit pas de dégrader le service public ni de casser la reprise. Mais les dépenses doivent baisser », insiste la présidente de la région Ile-de-France.

« Pour stopper l’explosion de la dette et la ramener en 2027 au niveau actuel, nous devons atteindre 45 milliards d’euros d’économies, auxquels j’ajoute 15 milliards de recettes de privatisation. L’Etat n’a pas vocation à rester actionnaire minoritaire d’entreprises concurrentielles », poursuit la candidate, qui brigue les votes des adhérents LR lors du congrès du 4 décembre face à ses deux principaux rivaux que sont Michel Barnier et Xavier Bertrand.

« Si je suis élue présidente de la République, ma première décision sera donc d’engager quatre grandes réformes de structure pour baisser les dépenses et diminuer la pression fiscale », ajoute-t-elle, énumérant « la retraite à 65 ans, la dégressivité des allocations-chômage, la “débureaucratisation” du pays et une décentralisation avec un lâcher-prise de l’Etat pour supprimer les doublons ».

En septembre, Mme Pécresse avait déjà évoqué la réduction « en cinq ans de 10 % de l’administration administrante, c’est-à-dire des fonctionnaires qui gèrent des normes et des procédures ».

Un objectif caressé puis abandonné par Emmanuel Macron

Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, a réagi sur Twitter. « L’“administration administrante” » n’existe que dans les interviews de Valérie Pécresse. Cette expression bien floue traduit le manque de vision de l’Etat à droite. C’est le retour de la méthode RGPP : les coupes sombres sans l’efficacité », a-t-elle estimé, dans une allusion à la « révision générale des politiques publiques » menée durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, de 2007 à 2012. En 2017, François Fillon, candidat défait de la droite à la présidentielle, avait défendu la suppression de 500 000 postes d’agents publics en cinq ans.

Emmanuel Macron avait, quant à lui, promis la suppression de 120 000 postes, 70 000 parmi les collectivités territoriales et 50 000 dans la fonction publique d’Etat, un objectif abandonné dès juillet 2019. Le budget pour 2022 confirme une stabilité des effectifs de la fonction publique d’Etat durant l’ensemble du quinquennat.

Dans l’entretien accordé à L’Opinion, Mme Pécresse propose par ailleurs « une aide à l’investissement de proximité », afin de « rééquilibrer les territoires. Dans les communes de moins de 20 000 habitants, les particuliers pourront investir en action ou prêter à leurs entreprises locales sur cinq ans minimum avec un crédit d’impôt de 50 % pour un investissement maximal de 20 000 euros », suggère-t-elle.

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Le Monde avec AFP

Osez le féminisme ! saisit les Prud’hommes contre Miss France

Protester verbalement, année après année, contre un concours considéré comme « rétrograde » et « sexiste » ne suffisait plus. Cette fois, Osez le féminisme ! passe à l’étape supérieure. Accompagnée de trois demanderesses (qui préfèrent garder l’anonymat), l’organisation féministe universaliste intente une action aux prud’hommes contre Miss France. La requête aux fins de saisine, envoyée vendredi 15 octobre au CPH de Bobigny, vise Endemol Productions, la société qui organise le concours et l’émission diffusée sur TF1 chaque année, ainsi que la société Miss France en tant que co-employeur. « Nous avons beau protester chaque année contre ce concours qui véhicule des valeurs sexistes, rien ne change jamais, justifie Alyssa Ahrabare, la présidente de l’association. Cet effort de sensibilisation ne suffisant plus, nous avons décidé d’utiliser le droit pour faire avancer la cause des femmes. » Les griefs d’Osez le féminisme ! sont triples : la participation au célèbre concours de beauté reviendrait à livrer une prestation de travail ; le règlement imposé par Miss France comporterait des clauses discriminantes ; postuler au poste de Miss France relèverait de la discrimination à l’embauche.

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Du point de vue des requérantes, la relation contractuelle commencerait dès la signature du formulaire de participation à la préparation des spectacles à l’échelon local, lorsque les jeunes femmes prétendent remporter l’élection qui leur permettra de représenter leur région au niveau national. Dès ce stade, les candidates doivent donner de leur temps « sans rapport avec la vie privée » pour se prêter à des répétitions et des prestations qui, in fine, les mènera à la réalisation d’une « émission à valeur économique » – un « show ». Selon Violaine de Filippis-Abate, l’avocate d’Osez le féminisme !, la relation de travail entre les « meneuses de revue » (terme employé par Endemol), et la société de production (entité du groupe Banijay, géant français de la production audiovisuelle) devrait faire d’autant moins de doutes qu’un arrêt de la Cour de cassation de 2013 concernant « Mister France » – une compétition similaire réservée aux hommes – l’a déjà établi.

Autre élément tendant à prouver le lien de subordination : les candidates doivent se plier à un certain nombre d’obligations, y compris en dehors des répétitions ou des enregistrements

Autre élément tendant à prouver le lien de subordination : les candidates doivent se plier à un certain nombre d’obligations, y compris en dehors des répétitions ou des enregistrements. Ainsi, elles sont sommées de ne pas boire d’alcool ou consommer des substances illégales en public, et, d’une manière générale, sont priées d’adopter un comportement qui ne soit pas « contraire aux bonnes mœurs, à l’ordre public ou à l’esprit du concours basé sur des valeurs d’élégance ». En cas de manquement, elles s’exposent à être disqualifiées.

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« Les femmes se taisent, car elles craignent les représailles des collègues et celles de la direction » : à la RATP, les violences sexistes persistent

Christelle, conductrice, a été victime d’une agression sexuelle sur son lieu de travail, en 2018. Ici, le 17 octobre.

Blagues sexistes, gestes déplacés… « C’est comme ça à la RATP, faut faire avec », avait répondu une responsable ressources humaines (RH) à Camille (prénom modifié), agent de station de métro, qui s’en plaignait. Camille n’a pas pu faire avec les « ça va, mes petites pétasses ? », les « voilà mon harem », etc. que prononçait son chef. « Les femmes en rigolaient », se souvient-elle. Pas elle. Engagée à la RATP en mars 2016, elle ne dit rien, étant en période probatoire.

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Jusqu’à la blague de trop, en octobre 2016. « Alors que j’étais au téléphone, il tente de se coller à moi par-derrière en mimant un acte sexuel », raconte la jeune femme. Elle en parle à sa responsable RH. Le chef, recadré, modifie un temps son comportement, mais reprend rapidement ses anciennes habitudes. Commence alors les représailles. Camille apprend que certains de ses collègues menacent de s’en prendre physiquement à elle. Son chef prend l’habitude de l’informer tardivement de son planning du lendemain.

La jeune femme sera mutée en février 2017, perdant des primes au passage. Mais elle côtoie toujours son harceleur. En novembre 2017, le service RH lui conseille de se mettre en arrêt maladie. A son retour, elle est mutée, mais elle le croise encore et toujours. Ses arrêts maladie se succèdent, la pression de la direction se fait plus intense pour qu’elle revienne, sous peine de perdre ses indemnités.

L’enquête interne conclut à des « manquements professionnels » de son chef, mais pas à du harcèlement sexuel

Mercredi 20 octobre, soutenue par le syndicat Solidaires RATP, l’agente, qui n’a pas pu reprendre le travail depuis juin 2019, demandera au Conseil des prud’hommes de Paris la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur et la condamnation de la RATP pour « violation de son obligation de sécurité », « harcèlement sexuel et moral » et « discrimination ». Il aura en effet fallu attendre 2019, quand Camille alerte Catherine Guillouard, la patronne de la RATP, pour qu’une enquête interne soit enfin engagée. A l’initiative de Solidaires RATP, un rassemblement de soutien aura lieu le jour de l’audience à l’appel également des syndicats SUD Rail et la CGT du centre bus Flandre, à Pantin (Seine-Saint-Denis).

L’enquête interne conclut à des « manquements professionnels » de son chef, mais pas à du harcèlement sexuel. Le chef ne passera en conseil de discipline qu’en juin 2020, et sort avec une sanction d’un mois de mise à pied sans solde. De son côté, l’enquête de l’inspection du travail, en mars 2021, qualifie bien les faits de harcèlement sexuel. L’inspecteur relève également l’existence d’un « harcèlement sexuel d’ambiance », qui expose le collectif à des propos et blagues obscènes. La défenseure des droits constate pour sa part « que l’employeur a manqué à son obligation de prévention et de sécurité ».

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A Hirsingue, le textile renoue avec le fil de son histoire

Par et Fabien Voileau/Hans Lucas

Publié hier à 06h30, mis à jour à 09h20

Mine sombre sous vitrine en Plexiglas, c’est une vieille photo d’Arnaud Montebourg qui accueille les visiteurs à l’entrée des ateliers de l’usine de textile Emanuel Lang, à Hirsingue (Haut-Rhin). L’ancien ministre de François Hollande, aujourd’hui candidat sans étiquette à la présidentielle, était venu en 2013 soutenir les salariés qui se battaient contre la fermeture du site. Epinglées sur des panneaux, les coupures de presse de l’époque rappellent que la haute cheminée de brique, totem du bourg depuis 1908, a failli disparaître. Sauvée in extremis de la liquidation, l’entreprise a redémarré autour d’un noyau de quatre salariés. Ils sont désormais trente-quatre.

L’usine Emanuel Lang, ici le 3 septembre 2021, est installée à Hirsingue (Haut-Rhin) depuis 1908.

En ce mois de septembre, la PME se remet de sa dernière embûche. Le 8 mai, elle a échappé au pire. Un incendie accidentel a fait partir en fumée la moitié de son parc de 33 métiers à tisser. Couverte de cendres, l’autre moitié est gravement endommagée. « A une heure près, on perdait tout le tissage », s’effraie encore Christian Didier, le directeur général, barbe poivre et sel sur chemise en tissu « maison », en parcourant les ateliers surdimensionnés. Au siècle dernier, la fabrique a employé jusqu’à 1 000 ouvriers sur des centaines de métiers à tisser.

100 « Fragments de France »

A six mois de l’élection présidentielle, Le Monde brosse un portrait inédit du pays. 100 journalistes et 100 photographes ont sillonné le terrain en septembre pour dépeindre la France d’aujourd’hui. Un tableau nuancé, tendre parfois, dur souvent, loin des préjugés toujours. Ces 100 reportages sont à retrouver dans un grand format numérique publié le 20 octobre.

Au bout du bâtiment, les silhouettes désarticulées et calcinées d’une douzaine de Dornier, la « Rolls » du métier à tisser, de fabrication allemande, témoignent de l’ampleur de la catastrophe. Dans un décor à la Mad Max, Charles Kocer, contremaître, désosse jusqu’à leurs rouages les grandes blessées. « C’est l’hôpital ici », lance-t-il en se contorsionnant autour d’un circuit électrique grillé. Dans la pièce voisine, les murs peinent à atténuer les trépidations des machines qui ont déjà repris du service. Dix-neuf monstres d’acier automatisés entrelacent les fils de trame et de chaîne pour fabriquer les étoffes pour chemises qui ont fait la réputation d’Emanuel Lang.

Le 3 septembre, des séquelles de l’incendie survenus quatre mois plus tôt étaient encore visibles dans l’usine Emanuel Lang de Hirsingue (Haut-Rhin). A gauche, Charles Kocer, contremaître, répare les machines ayant brûlé.

Trois semaines d’arrêt et des dégâts estimés à 1 million d’euros quand le chiffre d’affaires en fait à peine le triple auraient pu stopper la renaissance de la PME. S’il n’y avait eu ce coup de fil : « Qu’est-ce qu’on peut faire pour vous aider ? » A l’autre bout de la France, depuis Bordeaux, la marque en ligne de prêt-à-porter pour homme Asphalte propose de lancer une cagnotte de soutien pour son fournisseur. D’autres PME engagées et chantres du « made in France » (Réuni, Le Slip français, 1083, Atelier Loden, Païsan, Bonne Gueule…), elles aussi clientes d’Emanuel Lang, relaient l’appel. En quelques jours, 60 000 euros sont récoltés – des dons de particuliers pour la plupart –, qui permettent de financer l’achat de deux métiers d’occasion. De quoi faire repartir la production en attendant les indemnités des assurances et les 300 000 euros d’aide débloquée par la région.

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Sarah Ruget, du casino à la cybersécurité via le poker et les études

Les parcours professionnels suivent des chemins parfois cahoteux, sinueux, parfois tranquilles. Reconversions, ruptures de carrière, révolution dans l’environnement de travail… Portraits en série.

Le 6 octobre, Twitch subissait un piratage massif de données. Quelques jours plus tard, le 13 octobre, OVHCloud affrontait une panne généralisée. Que le responsable soit le maladroit auteur d’un « copier-coller » ou un hackeur, la cybersécurité est omniprésente dans nos activités professionnelles. C’est devenu le quotidien de Sarah Ruget.

«  Elle part s’installer en Bretagne et suit le cursus de l’Ensibs toujours en alternance, cette fois-ci avec Orange Cyberdéfense. »

Il n’y a rien de classique ni de prévisible dans le parcours de Sarah Ruget. Après le bac, elle s’inscrit en faculté d’histoire et ambitionne de devenir enseignante-chercheuse. Mais ce projet ne tient pas longtemps. « J’avais trouvé un job d’été de deux mois comme croupière dans un casino. Ça m’a plu, j’ai décidé de rester », raconte-t-elle. Ce qui lui a plu dans ce milieu et ce métier ? « La relation avec les clients, on vend du rêve, on joue avec les émotions, mais aussi le calcul mental, le respect des règles et le travail de nuit ! »

Cinq ans plus tard, c’est dans les tournois de poker qu’elle exerce en tant que croupière indépendante. Au bout de quelques années, elle veut s’acheter un appartement, mais sans CDI, les banques refusent sa demande de prêt. « C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai décidé de changer de métier. J’exerçais dans ce milieu depuis neuf ans et le poker commençait à perdre du terrain en France, j’ai eu envie de trouver un métier où je pourrais m’éclater. De plus, on croit que les croupiers sont bien payés mais c’est un cliché, ils sont payés au smic et touchent des primes pour la nuit ou les jours fériés… »

Déjà curieuse de comprendre comment fonctionnait un ordinateur et ce qu’il y avait derrière le clavier et l’écran, Sarah Ruget suit le conseil d’un ami ingénieur informaticien qui lui dit de « retourner à l’école ». Installée dans la région de la technopole Sophia-Antipolis, dans les Alpes-Maritimes, elle sait qu’il y a des débouchés dans les entreprises locales et plusieurs écoles qui forment à l’informatique. « Mais reprendre des études à 27 ans, c’est le parcours du combattant », avoue-t-elle.

« J’étais ulcérée… »

Elle s’inscrit dans une école privée de Sophia-Antipolis où elle commence par un BTS SIO (services informatiques aux organisations) et poursuit avec un bachelor puis un master spécialisé de développement informatique, le tout en alternance avec différentes entreprises.

Lire l’entretien : Article réservé à nos abonnés Guillaume Poupard : « La cybercriminalité a un impact sur la sécurité nationale »

Au début du master, elle commence à s’intéresser à la cybersécurité, aux problèmes liés au piratage, aux attaques. « Il n’y avait jamais le temps, ni à l’école ni en entreprise, pour ajouter de la sécurité dans les projets. J’étais ulcérée de voir que des petits mecs tout juste assez malins pouvaient abuser madame Michu en la faisant cliquer sur un lien de phishing ou pouvaient planter une entreprise, c’est-à-dire des salariés et des familles, avec un rançongiciel… », s’exclame-t-elle quand on lui demande pourquoi elle a choisi cette voie.

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Facebook va recruter 10 000 personnes en Europe pour créer le « métavers »

Le patron de Facebook Mark Zuckerberg, le 23 octobre 2019, à Washington DC.

Facebook prévoit d’embaucher 10 000 personnes d’ici à cinq ans dans l’Union européenne (UE) pour travailler sur le « métavers », le monde parallèle numérique qui est le Graal de Mark Zuckerberg, le fondateur et patron du géant américain des réseaux sociaux.

« Cet investissement est un vote de confiance dans la force de l’industrie technologique européenne et le potentiel des talents technologiques européens », ont fait savoir, lundi 18 octobre, dans un article de blog le Britannique Nick Clegg et l’Espagnol Javier Olivan, deux des plus hauts responsables du groupe qui compte aujourd’hui plus de 63 000 salariés.

Aucun détail précis n’est donné sur les pays où seront localisés les futurs emplois, ni sur les métiers concernés. « Le besoin d’ingénieurs hautement spécialisés est l’une des priorités les plus urgentes de Facebook », se contentent-ils de souligner.

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Le métavers, contraction de « méta » et « univers » (metaverse en anglais), est une sorte de doublure numérique du monde physique, accessible via Internet. Grâce, notamment, à la réalité virtuelle et augmentée, il devrait permettre de démultiplier les interactions humaines, en les libérant des contraintes physiques, par le biais d’Internet. Il pourrait, par exemple, offrir la possibilité de danser dans une boîte de nuit avec des personnes situées à des milliers de kilomètres, mais aussi d’acheter ou de vendre des biens ou des services numériques, dont beaucoup restent encore à inventer.

« Le sentiment de vraiment être là »

« La qualité essentielle du métavers sera la présence le sentiment de vraiment être là avec les gens », expliquait Mark Zuckerberg, en juillet, sur son profil Facebook. Il ne s’agit pas simplement de créer « une nouvelle expérience formidable », mais aussi « une vague économique qui pourrait générer des opportunités pour les gens dans le monde entier », avait-il également expliqué dans une interview vidéo lors du salon Vivatech, en juin.

L’annonce de Facebook survient dans un contexte tendu pour l’entreprise californienne, qui a besoin de redorer son blason alors qu’elle est régulièrement accusée d’ignorer les impacts sociaux négatifs de ses activités.

La dernière salve est venue début octobre de la lanceuse d’alerte Frances Haugen, une ancienne employée de Facebook, qui accuse le groupe américain de pousser les adolescents à utiliser toujours plus ses plates-formes, au risque de provoquer une addiction.

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Dans leur message, Nick Clegg et Javier Olivan rendent un hommage appuyé au rôle joué par l’Europe dans la régulation contre les excès d’Internet. « Les décideurs européens ouvrent la voie en aidant à intégrer les valeurs européennes telles que la liberté d’expression, la vie privée, la transparence et les droits des individus dans le fonctionnement quotidien d’Internet. »

Aucune entreprise ne possédera le « métavers »

Ils répètent, par ailleurs, que Facebook ne cherche pas, avec le « métavers », à construire un nouvel univers fermé, à l’image de son réseau social. « Aucune entreprise ne possédera ni n’exploitera le métavers », affirment-ils.

« Comme Internet, sa caractéristique principale sera son ouverture et son interopérabilité. Pour lui donner vie, la collaboration et la coopération seront nécessaires entre les entreprises, les développeurs, les créateurs et les décideurs politiques. »

Facebook est déjà l’un des leaders mondiaux de la réalité virtuelle avec son casque Oculus, issu de l’entreprise du même nom rachetée, en 2014, pour deux milliards de dollars (1,7 milliard d’euros). En septembre, la société de Mark Zuckerberg a annoncé qu’elle avait nommé au poste de directeur technologique du groupe Andrew Bosworth, dirigeant de Facebook Reality Labs et, à ce titre, un de ses spécialistes du métavers.

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Le géant américain n’est pas le seul à parier sur ce monde virtuel. Epic Games, l’entreprise derrière le jeu Fortnite, a fait savoir qu’une partie du milliard de dollars levé cette année auprès d’investisseurs institutionnels, dont Sony, serait consacrée au « métavers ». Sur Decentraland, une plate-forme en ligne considérée comme l’un des précurseurs du métavers, il est désormais possible de décrocher un job de croupier dans un casino virtuel.

Le Monde avec AFP