Archive dans septembre 2021

Le PDG d’Orange prêt à lâcher la direction générale mais pas la présidence du groupe

Le patron d’Orange, Stéphane Richard, le 3 février 2016 à Paris.

Le président-directeur général (PDG) d’Orange, Stéphane Richard, dont le mandat à la tête de l’opérateur téléphonique arrive à son terme à la mi-2022, a formulé dans Le Journal du dimanche le « souhait personnel » de rester président du groupe après cette date, en dissociant la fonction de directeur général. « Rester dans le groupe en tant que président dans une gouvernance renouvelée et dissociée est mon souhait personnel, mais ce sera bien sûr au conseil d’administration d’en décider », a-t-il déclaré dans l’hebdomadaire.

« Assurer la présidence du conseil est une fonction qui me prend de plus en plus de temps », ajoute-t-il.

« J’observe parallèlement que les évolutions récentes dans la gouvernance des sociétés du CAC 40 ont conduit à scinder les fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général. Je pense que c’est une bonne chose, si le tandem fonctionne. Il reviendra naturellement aux actionnaires d’Orange d’en décider le moment venu. »

Le géant français des télécoms, qui a accusé une perte nette de 2,76 milliards d’euros au premier semestre, en raison principalement d’une dépréciation d’actifs en Espagne, a pour premier actionnaire l’Etat français, qui détient 23 % du capital du groupe et 29,43 % des droits de vote en Assemblée générale.

Sérénité face à l’affaire Tapie

Orange s’est récemment retrouvé pointé du doigt par le gouvernement à la suite d’un vaste dysfonctionnement du système des numéros d’urgence en France le 2 juin, rendant pour beaucoup de Français inaccessibles ou joignables seulement après de multiples tentatives les 15, 17, 18 et 112.

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Stéphane Richard, PDG d’Orange depuis 2011, a en outre affiché sa sérénité avant que la cour d’appel de Paris ne rende sa décision, au début d’octobre, dans l’affaire Bernard Tapie, dans laquelle il est accusé de « complicité d’escroquerie » et « complicité de détournement de fonds publics ».

« J’espère être relaxé, comme en première instance », a-t-il déclaré au JDD. « S’il devait y avoir condamnation, le conseil d’administration et moi-même examinerions immédiatement la situation et nous prendrions les décisions qui s’imposent dans l’intérêt d’Orange. »

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Le Monde avec AFP

Hermès augmente ses capacités de production

A l’usine Hermès de Saint-Vincent-de-Paul (Gironde), le 9 septembre.

La main hésite. Les fils s’emmêlent. Et le point obtenu est irrégulier. Depuis lundi 6 septembre, la promotion P6 de la maroquinerie Hermès de Saint-Vincent-de-Paul (Gironde) apprend à coudre à l’aide de deux aiguilles, de deux fils de lin ciré et d’une alène, poinçon au manche de bois propre à percer le cuir. La présence d’Axel Dumas, gérant d’Hermès, de son état-major, des officiels de la région Nouvelle-Aquitaine et des élus de la municipalité, vendredi 10 septembre, lors de l’inauguration officielle de ce site de production de sacs, trouble aussi beaucoup cette quarantaine d’apprentis.

Parmi eux figurent surtout des candidats à une reconversion professionnelle, observe une formatrice. Les autres ont, dès l’enseignement secondaire, « tout fait » pour « entrer là », avoue Adrien Brejou, bachelier de 20 ans du lycée professionnel Jean-Rostand d’Angoulême. Parce qu’« Hermès, c’est le Graal ».

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Ce petit-fils de bourrelier sait combien « les méthodes, les techniques » du sellier sont singulières. Et déjà, il a repéré « la qualité des moyens et des outils » de la marque de luxe dont il espère « fabriquer le Kelly », le modèle phare d’Hermès, qui exige quinze à vingt heures de montage. Il lui faudra rester concentré, adroit, patient, minutieux. Humble, probablement aussi. Car quinze à dix-huit mois de formation sont théoriquement nécessaires pour maîtriser les gestes du maroquinier et espérer décrocher un CAP. « Il faut dix ans pour former un artisan à tous les modèles et à tous les cuirs », affirme Axel Dumas.

Une forte demande en Asie et aux Etats-Unis

La marque, qui vient de créer son propre centre de formation et d’apprentissage, à Fitilieu (Isère), forme ainsi chaque année des centaines d’apprentis. Depuis 2010, Hermès a ouvert neuf maroquineries en France, portant à plus de 4 000 le nombre d’artisans selliers-maroquiniers au sein du groupe. La maroquinerie de Saint-Vincent-de-Paul – la dix-neuvième exploitée en France – a été ouverte fin 2020 ; elle emploie aujourd’hui 180 personnes. A terme, elle pourrait compter près de 300 salariés.

« Depuis le début de l’année 2021, nous avons créé 400 emplois », précise M. Dumas. Et, au sein de cette entreprise de 17 000 employés, dont 5 600 artisans, les besoins demeurent. Trois autres maroquineries sont en cours d’aménagement à Louviers (Eure), pour une ouverture en 2022, Tournes (Ardennes), pour 2023, et Riom (Puy-de-Dôme), pour 2024. Chacune pourrait employer 300 personnes. Hermès va aussi agrandir son site de Saint-Junien (Haute-Vienne). Près de Lyon, à Pierre-Bénite (Rhône), la marque a décidé d’étendre son atelier de soie, où sont imprimés ses foulards.

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Rémunérations : les salariés veulent leur part de la reprise

Ce 23 août, l’heure de la rentrée n’avait pas encore sonné que le ministre de l’économie lançait l’offensive. « Il y a un sujet dont je ne démords pas, c’est la meilleure rémunération de ceux qui ont les rémunérations les plus faibles », lançait Bruno Le Maire, inaugurant la nouvelle saison de l’émission matinale de France 2, « Les Quatre Vérités ». « La croissance doit profiter à tout le monde, sans exception, même aux plus faibles, même aux moins qualifiés, tous ceux qui ont été aux avant-postes de la crise, c’est une question qu’on doit se poser collectivement. »

Dans la tête de M. Le Maire, l’idée n’est pas nouvelle. Il l’avait déjà exprimée en janvier 2020, lors de ses vœux à la presse. La France vivait alors au rythme des manifestations contre la réforme des retraites, après des mois de mobilisation de « gilets jaunes ». « La question salariale est l’une des questions fondamentales du nouveau capitalisme », disait alors le ministre. « C’est quoi ce nouveau capitalisme ? Un capitalisme qui réduise les inégalités et garantisse à chacun un niveau de salaires décent par son travail », précisait le locataire de Bercy.

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Vingt mois et une crise sanitaire plus tard, M. Le Maire a choisi de relancer le sujet à la veille de l’université d’été du Medef, tout en annonçant la fin du « quoi qu’il en coûte ». Une façon de jeter une pierre dans le jardin des entreprises qui, depuis mars 2020, ont reçu 80 milliards d’euros d’aides publiques (hors prêts garantis de l’Etat), alors que la reprise économique se confirme : la croissance devrait dépasser les 6 % en 2021, selon les prévisions de l’Insee publiées mardi 7 septembre.

Heures supplémentaires

Certes, rappellent les économistes, malgré une chute du PIB de 8 % en 2020, les revenus des ménages ont été globalement préservés, grâce, notamment, au chômage partiel. Et le retour de l’activité permet aussi aux salariés de récupérer des heures supplémentaires et autres primes qui avaient disparu. « Les effets de la crise sur les salaires sont en voie de s’effacer », selon Fabien Guggemos, responsable de la division salaires et revenus d’activité à l’Insee. Compte tenu des aides apportées aux ménages, le pouvoir d’achat a même augmenté de 0,4 % en 2020 et devrait progresser de 1,8 % en 2021.

Oui mais, dans le même temps, les entreprises connaissent aujourd’hui une situation financière très favorable : leur taux de marge a atteint 35,9 % au premier trimestre 2021, un record depuis… 1951. Quant aux géants du CAC 40, ils ont réalisé plus de 60 milliards d’euros de profits au premier semestre, soit 41 % de plus que lors de la même période de 2019.

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Les fonctionnaires réclament également des revalorisations salariales

Manifestation du personnel de l’hôpital Robert-Debré, à Paris, le 11 juin 2020.

Le 8 septembre, le premier ministre, Jean Castex, a demandé aux entreprises d’augmenter les salaires. Mais l’Etat, lui, donnera-t-il l’exemple ? « Il serait paradoxal que le gouvernement enjoigne au privé d’ouvrir des négociations salariales et que lui s’en exonère… », souligne Jean-Marc Canon, secrétaire général de l’Union fédérale des syndicats de l’Etat de la CGT.

Or, le 21 septembre, la ministre de la transformation et de la fonction publiques doit précisément lancer des discussions avec les partenaires sociaux sur la question de la rémunération. En l’annonçant, le 6 juillet, Amélie de Montchalin a précisé que cette « conférence sur les perspectives salariales », qui doit se dérouler jusqu’en février, aurait pour objectif de « repenser le système des carrières et des rémunérations », lequel est « à bout de souffle ».

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L’idée est de discuter des « enjeux structurels » et de « formuler collectivement des propositions », mais pas de lancer une négociation salariale. Aujourd’hui, cependant, l’entourage de la ministre ne ferme aucune porte. « Tout est ouvert », assure l’un de ses conseillers. Car « ça va ensemble, justifie-t-il : ce qui ne va plus dans le système est lié au niveau de rémunération. La conférence part d’un constat clair : le système de rémunération et de progression est à bout de souffle. Donc il faut en tirer les conséquences, en ayant une réflexion très opérationnelle pour que le travail paye davantage dans la fonction publique, que la progression soit plus rapide… »

Augmentations catégorielles

La CGT, pourtant, n’attend pas grand-chose de cette conférence. Sans cacher sa « grande circonspection », Jean-Marc Canon mettra la question du niveau des salaires sur la table. « Alors que, depuis des mois, le discours est louangeur vis-à-vis des services publics dans le traitement de la crise sanitaire, s’agace le responsable syndical, en matière de pouvoir d’achat, on est loin du compte. » Après dix années de gel du point d’indice, mis à part le coup de pouce de 1,2 % décidé par François Hollande en 2016, la rémunération des agents publics s’est érodée. Selon l’Insee, de 2009 à 2019, elle a diminué de 0,7 % quand celle du privé a augmenté de 4,8 %.

Les syndicats réclament toujours que le point d’indice soit dégelé. Le gouvernement ne veut pas en entendre parler. Le 6 juillet, Mme de Montchalin avait évoqué « une rupture assumée avec les augmentations générales du point d’indice », mesures « assez inéquitables et très coûteuses ».

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Pour la Cour des comptes, les dépenses publiques ont permis de contenir le chômage

Le « quoi qu’il en coûte » a permis de contenir la flambée du chômage, malgré les imperfections de ce bouclier protecteur. Dans un rapport rendu public jeudi 9 septembre, la Cour des comptes tire le « bilan opérationnel » des dépenses publiques pendant la crise liée au Covid-19. Réalisé à la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale, cet audit évalue – entre autres – l’efficacité des décisions prises dans le champ de l’emploi et de la formation professionnelle : leur incidence a été globalement « favorable », aux yeux de la haute juridiction, mais des publics en situation de fragilité en ont moins tiré partie.

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Dans le bouquet des aides accordées aux employeurs, certaines se sont révélées « attractives » et ont produit des « résultats tangibles ». Ainsi en va-t-il pour les subventions versées aux sociétés qui recrutent des apprentis. Le nombre de contrats « débutés en 2020 » par cette catégorie d’actifs a atteint « un niveau inédit » : un peu plus de 525 000, soit une progression de 42 % en un an, précise le rapport. Cette envolée s’est toutefois « faite, en partie, au détriment » d’un autre dispositif fondé, lui aussi, sur l’alternance entre immersion en entreprise et enseignements dispensés par un organisme de formation : les contrats de professionnalisation, qui sont en très net recul (– 48,4 % en 2020). La tendance à la baisse était certes antérieure à la crise mais elle a été « accentuée dans ce nouveau contexte ».

Lancée durant l’été 2020, l’aide à l’embauche des personnes de moins de 26 ans a également suscité de l’engouement mais le « démarrage » s’est avéré « plus lent », avec une montée en charge qui « est en fait intervenue » durant le premier trimestre 2021. A la mi-juin, près de 384 000 patrons l’avaient touchée. Cependant, la Cour considère qu’il ne faut pas se laisser griser par ces chiffres flatteurs : elle préconise « des études complémentaires » pour analyser l’impact de ces mécanismes sur l’emploi des jeunes et leurs éventuelles retombées négatives. Il est possible, par exemple, que des entreprises aient bénéficié de ces subsides, alors qu’elles auraient de toute façon pris un ou plusieurs apprentis, même en l’absence de mesures de soutien.

Puissant rôle d’amortisseur

Soucieux d’améliorer les compétences des travailleurs, le gouvernement s’est emparé d’un outil qui existe depuis plusieurs années : le Fonds national de l’emploi, le FNE-formation. Celui-ci a été remanié afin d’accompagner des entreprises traversant une mauvaise passe et qui veulent développer les qualifications de leur main-d’œuvre. Là encore, les données quantitatives paraissent bonnes, avec plus de 360 000 individus formés. Mais ces actions « ont plus largement profité aux salariés les plus qualifiés, dans des secteurs (…) moins menacés que d’autres », déplorent les auteurs du rapport. Ainsi, plus de la moitié des financements ont été attribués à des sociétés du tertiaire « potentiellement moins fragilisées » par la crise. Parallèlement, les ouvriers ne représentent que « 12 % des bénéficiaires » du dispositif, alors que leur poids dans la population active est supérieur (20 %). Au total, le FNE-formation a une portée, à ce stade, « limitée » et se traduit par des « effets d’aubaine ».

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Seine-Saint-Denis : la renationalisation du RSA prévue dès 2022

Le département de Seine-Saint-Denis, en proie à des difficultés financières en raison du nombre d’allocataires du revenu de solidarité active (RSA), s’apprête à bénéficier, dès 2022, de la renationalisation du RSA, une mesure au menu du budget examiné cet automne au Parlement, selon des sources parlementaire et gouvernementale, jeudi 9 septembre.

La prise en charge par l’Etat du RSA en Seine-Saint-Denis, sous la forme d’une expérimentation de cinq ans, figurera dans le projet de loi de finances attendu le 22 septembre en conseil des ministres et à partir du 11 octobre dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale.

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A la fin de 2020, le premier ministre, Jean Castex, avait promis cette expérimentation en raison des « difficultés sociales exceptionnelles auxquelles est confronté le département », le plus pauvre de France métropolitaine.

« On travaille effectivement à la nationalisation du RSA en Seine-Saint-Denis avec les acteurs du département. Les négociations ont très bien avancé et seront très prochainement finalisées », a confirmé à l’AFP Matignon, qui évoque une ligne budgétaire dans le projet de loi de finances pour « sécuriser » le dispositif et qui « sera ajustée à l’issue définitive des négociations ».

La Seine-Saint-Denis est le premier département métropolitain à voir le versement du RSA pris en charge par l’Etat. C’est déjà le cas depuis 2019 à Mayotte et en Guyane, et depuis le début de 2020 à La Réunion. Etranglé financièrement par l’afflux d’allocataires du RSA, ce département de banlieue parisienne avait régulièrement réclamé la nationalisation du RSA.

Lire l’entretien : « Recentraliser le RSA est un vrai débat pour les départements »

Expérimentation d’une recentralisation du RSA

La Seine-Saint-Denis compte 90 000 allocataires du RSA, pour une enveloppe annuelle de plus de 550 millions d’euros par an, dont plus de 220 millions qui restaient à la charge du département, selon ses chiffres.

« Cet accord historique, [dont la] finalisation des termes est en cours, [va] nous redonner un peu d’oxygène [et] doit nous permettre de doubler les politiques d’insertion », assure le président PS du conseil départemental, Stéphane Troussel.

L’expérimentation d’une recentralisation du RSA est également prévue dans un projet de loi de décentralisation (loi 3DS) en cours d’examen au Parlement, mais ce texte n’est attendu à l’Assemblée qu’en décembre, ce qui risquait de retarder l’application de la mesure en Seine-Saint-Denis.

A la mi-juillet, durant les débats sur cette loi, la ministre de la cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, avait mentionné la Seine-Saint-Denis, mais aussi « d’autres départements intéressés » par la centralisation du RSA comme l’Aisne, la Somme, la Creuse, la Corrèze, la Gironde ou les Landes, des territoires avec « des profils sociaux très différents ».

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Le Monde avec AFP

En 2021, les cadres du privé ont fait grimper le taux d’absentéisme

« Le nombre de salariés en arrêt de travail a augmenté de 30 % entre janvier et mai, et la proportion d’arrêts de travail chez les manageurs explose par rapport à celle des non-manageurs : au mois de mai, 23 % des premiers en moyenne ont déposé au moins un arrêt de travail, contre 13 % pour les seconds. »

Alors que l’activité économique repart de plus belle, les chefs d’entreprises, inquiets, scrutent de près la courbe des arrêts pour maladie déposés par leurs employés. Mais ce sont les manageurs, épuisés par des mois de crise sanitaire, qui risquent de leur faire faux bond.

Menée en partenariat avec Harris Interactive, une étude du groupe de protection sociale Malakoff Humanis, intitulée « L’impact de la crise sanitaire sur l’absentéisme en entreprise et les risques psychosociaux », jette un éclairage instructif sur l’évolution du profil des absentéistes dans les entreprises.

Selon les résultats de cette enquête, au cours de laquelle 10 028 salariés du privé ont été interrogés, le nombre de salariés en arrêt de travail a augmenté de 30 % entre janvier et mai 2021 et la proportion d’arrêts de travail chez les manageurs explose par rapport à celle des non-manageurs : au mois de mai 2021, 23 % des premiers en moyenne ont déposé au moins un arrêt de travail, contre 13 % pour les seconds. Alors que cet écart était quasiment inexistant au 1er semestre 2020, il n’a cessé de progresser depuis.

Fatigue

Les arrêts de travail des manageurs sont aussi davantage liés à des motifs professionnels : 32 %, contre 26 % pour l’ensemble des salariés. Une évolution inédite par rapport aux enquêtes précédentes menées par Malakoff Humanis sur l’absentéisme, aux dires d’Anne-Sophie Godon : « La fatigue des manageurs est aujourd’hui un vrai sujet dans les entreprises, avance en guise d’explication la directrice des services de Malakoff Humanis. Ils ont dû veiller à la cohésion du collectif, gérer les organisations tout en maintenant leurs objectifs. »

Alors que la France entière célébrait les travailleurs de la première ligne, les manageurs, souvent invisibilisés par le télétravail, ont vu leur rôle remis en question.

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La fatigue des manageurs a été pointée dans une autre étude, menée par Opinion Way pour Empreinte Humaine. En décembre 2020, ce cabinet de conseil en ressources humaines se penchait sur l’état psychologique des salariés français. Dans cette étude, 56 % des manageurs se déclaraient déjà en situation de « détresse psychologique », davantage que les autres catégories de salariés ; 35 % des collaborateurs se disaient même inquiets de l’état moral de leur manageur.

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Tandis que le pays sortait d’un deuxième confinement, avant de plonger dans la troisième vague de l’épidémie, les encadrants ont dû gérer, durant de longs mois, les répercussions de la crise sur l’entreprise et ses collaborateurs.

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« Troubles dans le travail » : le travail sans équivoque

« Troubles dans le travail. Sociologie d’une catégorie de pensée », de Marie-Anne Dujarier, PUF, 352 pages, 22 euros.

Le livre. « Notre projet est celui de la société du travail », annonçait celui qui a été élu président de la République française en 2017 sur ce programme. Il affiche très explicitement la place du travail dans une société qui porterait jusqu’à son nom. Les événements sanitaires depuis 2020 ont rappelé que le travail reste plus que jamais au centre des politiques publiques. « Qu’il s’agisse de l’encadrer, de le réguler, de le libérer, de s’en libérer, de le réformer ou de le réinventer, le mot “travail” hante les discours politiques de tout bord », analyse Marie-Anne Dujarier.

Et pourtant, sauriez-vous dire avec certitude à quel moment vous travaillez ? Votre point de vue est-il partagé par vos proches, votre employeur et les administrations publiques ? Qu’appelons-nous travailler dans notre société ? C’est à cette interrogation apparemment anodine qu’est consacré l’ouvrage de Marie-Anne Dujarier, professeure de sociologie à l’Université de Paris, Troubles dans le travail (PUF).

L’essai rompt avec la représentation selon laquelle il y aurait une chose ou un sujet derrière le mot travail, qui désigne une diversité spectaculaire de tâches et de métiers, mais aussi de statuts et de situations. Renonçant à construire une définition universelle du travail, la sociologue s’intéresse « au travail comme représentation sociale historiquement construite qui exprime l’état de la société et s’impose à nous pour finalement outiller notre manière de penser, d’agir et de sentir ».

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Dès les années 1970, les féministes avaient souligné le caractère profondément politique de la signification du mot « travail ». L’entrée dans le « capitalocène », les pratiques numériques en réseau, l’intelligence artificielle remettent sur le devant de la scène cette problématique. La catégorie de pensée « travail » est troublée par ces transformations sociales empiriques.

Des emplois nocifs

La société actuelle est caractérisée par des emplois parfois inutiles, voire nocifs à notre subsistance, au moment même où nombre de pratiques non identifiées comme du travail sont vitales. Des revenus importants sont obtenus sans rien faire, tandis que l’emploi ne permet pas à chacun de gagner son pain. S’accumulent des situations dans lesquelles l’activité, l’utilité sociale et économique, l’emploi et le revenu sont désarticulés, ouvrant sur des conflits sociaux et psychiques.

Faut-il réformer les institutions du travail pour intégrer les nouvelles pratiques, en excluant les emplois inutiles ou toxiques du droit du travail ? Ou bien faut-il tordre ces pratiques pour qu’elles entrent dans les institutions actuelles, à l’instar des luttes visant à salarier le travail domestique ou les chauffeurs Uber ?

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