Chronique. Jeudi 3 juin, l’association Notre hôpital, c’est vous a donné le coup d’envoi d’un projet de référendum d’initiative partagée (RIP) sur l’hôpital public. Si 185 parlementaires et 4,7 millions de nos concitoyens soutiennent celui-ci, une proposition de loi « garantissant l’égalité d’accès aux soins sur tout le territoire » serait soumise au vote des Français.
Son idée maîtresse est que « le fonctionnement des hôpitaux doit prioritairement être tourné vers la réponse aux besoins en santé ». La formulation est surprenante. N’est-il pas évident que l’hôpital est une institution entièrement organisée pour apporter une réponse adaptée aux besoins de santé de la population ? N’est-ce pas d’ailleurs l’objet des discussions qui ont lieu chaque année depuis 1996 au Parlement, lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, le PLFSS ? Et l’Objectif national des dépenses d’assurance-maladie, l’Ondam – le total des sommes consacrées à la prise en charge collective des dépenses de santé, fixé au terme de ces débats –, n’est-il pas censé être le résultat d’une discussion bien informée ? N’est-ce pas au terme de celle-ci que les moyens nécessaires sont affectés aux différents volets de la politique de santé française ?
Alors que les hospitaliers se plaignent depuis plusieurs années de la crise qui affecte l’hôpital et maltraite soignants et patients, plusieurs publications confirment qu’il n’en est rien. Issues tant du monde de la recherche que de hauts fonctionnaires, pourtant d’habitude réticents à s’exprimer, elles dévoilent les logiques à l’œuvre depuis deux décennies.
Chiffre fétiche
Dans un article publié par Les Tribunes de la santé juste avant l’irruption de la crise sanitaire, Pierre-Louis Bras, ancien directeur de la Sécurité sociale et membre de l’inspection générale des affaires sociales, décortique le processus qui a conduit au malaise des soignants et au risque de submersion de l’hôpital. Il ouvre la boîte noire de la fabrique de ce chiffre fétiche. « L’Ondam constitue un élément majeur de la régulation des finances publiques, plus que le résultat d’une délibération sur la politique de santé. La démarche est fondamentalement descendante, la politique des finances publiques (objectif visé pour le niveau du déficit public, objectif visé pour le niveau des prélèvements obligatoires…) dicte le niveau de l’Ondam et les hôpitaux publics doivent s’y adapter », écrit-il.
Fixée hors d’une réelle prise en considération des besoins de santé et de l’activité des hôpitaux, imposée à ces derniers, mais aussi à la majorité parlementaire, systématiquement trop faible pour couvrir l’augmentation de l’activité, l’évolution de l’Ondam s’est traduite depuis des années par un rationnement du nombre de lits, des effectifs et des salaires et par un fort accroissement de la productivité des soignants dont l’aggravation des conditions de travail est parfaitement visible dans les enquêtes… et dans la rue.
Il vous reste 47.64% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
La tension est montée d’un cran chez Europe 1. A l’issue d’une assemblée générale tenue vendredi 18 juin, les salariés de la station du groupe Lagardère ont voté la grève. Sur les 95 bulletins remis dans l’urne, 84 s’y sont dits favorables, 9 seulement étaient contre. Trois choix leur étaient offerts : ils pouvaient soit cesser le travail immédiatement, soit commencer la grève dimanche à 18 heures, soit la commencer lundi, après la soirée électorale. Finalement, ils ont choisi d’entamer le mouvement à partir de 16 heures vendredi, pour tout le week-end, et jusqu’à lundi inclus. Ce jour-là, ils se réuniront en assemblée générale à 10 heures pour envisager la suite. Les salariés doivent maintenant se déclarer – grévistes ou non-grévistes – auprès de leur supérieur hiérarchique.
Ces derniers demandent « l’annulation de la procédure disciplinaire entamée contre Victor Dhollande »,une requête déjà formulée jeudi 17 juin. Vers 12 h 30, Constance Benqué, la patronne de la radio, a écrit aux syndicats pour refuser tout retour en arrière, arguant qu’ils ne connaissaient pas « les motivations exactes » de la procédure ni « la nature des faits reprochés » au journaliste, selon un message lu par Le Monde.
Mise au pas de la rédaction
Le rédacteur avait eu une altercation mercredi 16 juin avec un membre des ressources humaines qui enregistrait clandestinement une réunion des salariés censée faire le point sur la situation de la station et l’influence de Vincent Bolloré, devenu le premier actionnaire de Lagardère chez Europe 1. Victor Dhollande, connu pour « ses élans » mais « unanimement apprécié », avait été mis à pied dix jours, jusqu’au 30 juin, avec à la clé un possible licenciement. Les syndicats avaient été reçus par deux responsables des ressources humaines jeudi 17 juin, qui avaient justifié la procédure par d’autres événements survenus antérieurement. « C’est complètement disproportionné. Jusque-là, il n’avait même pas eu d’avertissement », rétorque un journaliste.
Pour les salariés, cette mise à pied brutale témoigne surtout de la volonté d’un actionnaire d’effectuer une mise au pas de la rédaction. « On a face à nous une direction qui se raidit, qui se cabre, analyse un membre de la rédaction. De toute façon, Constance Benqué n’a plus les clés du camion. »
« Le match est joué. Je ne vois aucun autre scénario possible que celui d’i-Télé », déclare un autre membre de la rédaction. En 2016, la rédaction de la chaîne d’information, propriété de Vivendi (dont Vincent Bolloré est le premier actionnaire), avait mené un mois de grève, sans toutefois faire vaciller le milliardaire breton. Au final, des dizaines de journalistes étaient partis, et la chaîne avait changé d’identité pour devenir CNews. La direction d’Europe 1 a laissé entendre cette semaine que, fin août, une sorte de « clause de conscience » – dispositif qui permet à un journaliste de quitter un média avec lequel il n’est plus en accord – pourrait être mise en place. C’est là une demande de la rédaction, qui craint avec effroi une transformation d’Europe 1 en satellite de la très conservatrice CNews, alors que des figures de la chaîne prennent déjà du galon dans la grille.
« Collaboration sans surconnexion, c’est possible ? » « Comment maintenir le “travail ensemble” quand les équipes sont éclatées ? » « Travailler ensemble : quels enseignements de la crise ? »… Les thématiques abordées lors des (web) conférences organisées à l’occasion de la Semaine pour la qualité de vie au travail (QVT), du 14 au 18 juin, témoignent de ce changement de paradigme : la crise sanitaire a déclenché un basculement décisif dans nos façons de travailler et de collaborer. La qualité de vie au travail s’invite désormais à la maison. Pour le meilleur ou pour le pire ? La question demeure en suspens.
Alors que les enquêtes s’enchaînent sur les conséquences de l’adoption massive du télétravail sur le bien-être des salariés, Jérôme Ballarin, le président de l’Observatoire de la qualité de vie au travail, en est convaincu : pour les employés, il est hors de question de retourner en arrière : « A l’occasion de la crise sanitaire, la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle a dû se réinventer. Les salariés en télétravail ont mis en place de nouveau rituels, gagné en temps de transport. En même temps, il y a l’envie de retrouver ses collègues. Ce qui est sûr, c’est que la demande de flexibilité a pris de l’ampleur. »
Son observatoire, qui se penche depuis treize ans sur les « bonnes pratiques » des entreprises pour concilier vie personnelle et professionnelle des salariés, a formulé dix recommandations aux employeurs pour réussir la sortie de crise sans désengagement des salariés.
Au cœur de son programme : le choix d’une organisation du travail hybride tenant compte des contraintes de chacun, en trouvant le bon équilibre entre travail en présentiel et à distance, renforcement du dialogue social, management participatif et écoute des salariés.
« Un rôle de révélateur »
Mais en quoi la période actuelle inciterait les manageurs et les responsables des ressources humaines à être davantage à l’écoute des aspirations des salariés ? « Bien sûr, cela va dépendre avant tout du management et de la volonté des chefs d’entreprise, admet Jérôme Ballarin. Mais la crise a joué le rôle de révélateur. Même les manageurs les plus rétifs au télétravail ont compris que cela pouvait fonctionner. » Des manageurs qui ont vu leur rôle remis en question pendant cette crise : « Par la force des choses, les salariés ont expérimenté une relation de travail davantage basée sur la confiance, constate le président de l’Observatoire de la qualité de vie au travail. Aujourd’hui, ils aspirent à un mode de management plus participatif. »
Il vous reste 57.98% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
« ADP = rentabilité faire + avec − », « Non aux suppressions des primes » :près de 700 manifestants ont défilé sur les routes de Groupe ADP (ex-Aéroports de Paris) à Roissy, vendredi 18 juin, pour demander le retrait d’un plan impliquant des baisses de salaire pour faire face à la crise sanitaire. Les manifestants ont défilé dans le calme jusque devant le siège d’ADP, perturbant momentanément l’accès à des terminaux. Une centaine de personnes étaient également rassemblées à l’aéroport d’Orly.
Les manifestants répondaient au préavis de grève déposé par deux syndicats de Groupe ADP, la Confédération générale du travail (CGT) et la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC), pour le week-end du 18 au 20 juin, avant une nouvelle mobilisation prévue du 1er au 5 juillet, premier grand week-end de départs de l’été.
Les salariés mobilisés sont essentiellement des opérationnels, mais d’autres appartiennent aux services administratifs ou d’ingénierie. « La direction nous fatigue psychologiquement et financièrement », déplore Ramesh Monsard, 44 ans, qui a géré pendant vingt ans les parkings de la plate-forme sur des horaires décalés. « Ils se servent du Covid pour essorer la masse salariale. Ils veulent nous dégoûter : si on ne signe pas [l’avenant au contrat de travail], on est dehors », abonde sa collègue, Eva Leroi, 46 ans.
Le « plan d’adaptation des contrats de travail » de la direction prévoit de supprimer certaines primes, comme l’indemnité kilométrique, ce qui aboutirait à des baisses de salaire allant de 4 à 8 %, selon la direction. En cas de refus, le salarié s’expose à un licenciement par le biais d’un plan de sauvegarde de l’emploi.
Les organisations syndicales évoquent, elles, des baisses de revenus pouvant aller jusqu’à « un mois de salaire » et des mobilités géographiques contraintes. Le 21 mai, le comité social et économique d’ADP s’est prononcé contre le projet. De son côté, la direction justifie ces mesures par la nécessité de réaliser des économies dans un contexte de pandémie qui a considérablement affecté l’activité du groupe, dont l’Etat est actionnaire majoritaire.
« Ce n’est pas justifié. L’entreprise se porte bien, le trafic aérien va reprendre… On sait que ce qu’ils préparent derrière, c’est la privatisation », lâche Pascal Durieux, responsable proximité CGT chez les pompiers d’ADP, veste jaune « fire rescue » sur le dos.
Après avoir plongé dans le rouge sous l’effet de la crise, les comptes de l’assurance-chômage devraient quasiment revenir à l’équilibre en 2023. C’est ce que révèlent les « prévisions financières » présentées, jeudi 17 juin, par l’Unédic, l’association copilotée par les partenaires sociaux qui gère le système d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Eric Le Jaouen, le président (Medef) du conseil d’administration, voit dans cette amélioration la preuve de la « solidité » et de la « résilience » du système.
Les données rendues publiques jeudi montrent que l’assurance-chômage reste sous le choc de la récession déclenchée par l’épidémie de Covid-19. Après avoir atteint en 2020 le niveau record de − 17,4 milliards d’euros, le déficit du régime devrait refluer cette année, tout en demeurant massif, à − 12 milliards. Ce chiffrage pour 2021 est supérieur (de 2 milliards) aux précédentes extrapolations réalisées en février, car le reconfinement décidé au début du printemps a provoqué un surcroît de dépenses lié, notamment, au recours accru au chômage partiel, son coût étant partiellement supporté par l’Unédic. En outre, la prolongation jusqu’à la fin juin de l’indemnisation des demandeurs d’emploi arrivés en fin de droits est venue gonfler la facture.
Mais la situation est susceptible de connaître une nette embellie à partir du second semestre, avec le recul de l’épidémie et la levée graduelle des restrictions imposées aux entreprises. « L’activité reviendrait à son niveau d’avant-crise en 2022 », ce qui jouerait en faveur des finances du régime, comme le souligne la note diffusée jeudi : le chômage partiel absorberait beaucoup moins de ressources et le nombre d’allocataires, lui, se réduirait, grâce au « rebond » sur le marché du travail. De plus, l’entrée en vigueur de la réforme de l’assurance-chômage, à compter du 1er juillet, « commencerait à générer des économies ». Une allusion aux nouvelles règles inscrites dans un décret du 30 mars qui changent les modalités de calcul de la prestation et entraîneront une baisse des montants mensuels versés : entre juillet 2021 et fin juin 2022, quelque 1,15 million de personnes auraient droit à une allocation journalière inférieure de 17 % en moyenne à celle qu’elles auraient touchée avec les dispositions antérieures, d’après l’Unédic.
Levées de fonds
Il y a toutefois une inconnue de taille, tenant au fait que six syndicats ont récemment saisi en référé le Conseil d’Etat pour réclamer la suspension du décret du 30 mars. Si la décision de la haute juridiction, qui est imminente, leur donne gain de cause, elle risque de remettre en question les économies escomptées. Dans le cas inverse – c’est-à-dire une réforme qui s’applique comme prévu –, le déficit du système serait ramené à – 2,4 milliards d’euros en 2022, avant d’être pratiquement résorbé l’année suivante (– 500 millions d’euros).
Il vous reste 44.54% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Semaines à rallonge, auxquelles peuvent s’ajouter des violences psychologiques, physiques, sexuelles… les internes en médecine sont appelés à la grève vendredi 18 et samedi 19 juin. Ils n’ont qu’une revendication : ne travailler « que »… quarante-huit heures par semaine.
« Déjà en 2019 les internes en France travaillaient en moyenne 58,4 heures par semaine. Et cela ne s’est pas amélioré », notamment avec la crise du Covid-19, alerte Gaétan Casanova, président de l’Intersyndicale nationale des internes (ISNI), selon qui ces derniers sont « dans un sale état ». « On se met en danger sur le plan physique, psychologique », martèle l’interne en anesthésie réanimation, enquêtes à l’appui.
« Dangereux pour le patient »
Une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) concluait en mai que le fait de travailler cinquante-cinq heures ou plus par semaine était associé à une hausse estimée de 35 % du risque d’AVC et de 17 % du risque de mourir d’une cardiopathie ischémique.
Une autre, réalisée en 2017 à l’initiative de l’ISNI, indiquait que 23,7 % des internes avaient déjà eu des idées suicidaires, 28 % avaient souffert de troubles dépressifs et 66 %, de troubles anxieux. « Et c’est également dangereux pour le patient », ajoute Gaétan Casanova. « Quand, en fin de garde, on a du mal à faire une phrase sujet/verbe/complément, j’aimerais bien qu’on m’explique comment on peut prendre en charge un patient de façon optimale. »
L’internat, troisième cycle des études de médecine, débute sept ans après le bac et dure de trois à six ans selon les spécialités. La France compte un peu plus de 30 000 internes travaillant au sein de ses hôpitaux.
Après deux rencontres au ministère de la santé, infructueuses selon l’intersyndicale, même si Olivier Véran s’est engagé à « améliorer leurs conditions de travail », cet appel à la grève pour vendredi et samedi a été lancé. Il pourrait être suivi, même si des mesures d’assignation ou de réquisition ne sont pas exclues. En outre, une manifestation est prévue à Paris samedi après-midi pour réclamer « le décompte horaire du temps de travail », premier pas vers des semaines de quarante-huit heures de travail conformes au droit européen.
Violences psychologiques
« Les réglementations existent, elles sont connues, mais elles ne sont pas systématiquement appliquées à l’hôpital, et qui plus est chez les internes », explique François Jaulin, qui vient de terminer son internat en anesthésie-réanimation et demande une réflexion approfondie sur la formation des futures générations. « Il existe toute une panoplie de possibilités, complètement inconnues en médecine, du fait de l’entre-soi ».
Aux semaines à rallonge s’ajoute « la peur de faire des erreurs », note-t-il. Et « ce n’est pas la seule forme de violence » auxquels peuvent être soumis les jeunes internes, relèvent Amélie Jouault et Sara Eudeline, généralistes, citant des violences psychologiques, physiques, voire sexuelles. Pour leurs thèses de doctorat, soutenues en octobre dernier, les deux jeunes médecins ont enquêté sur les violences subies par les étudiants en médecine générale. Le résultat est sans appel : 93,6 % des internes ayant répondu au questionnaire (soit 2 179 internes, 20 % des effectifs) « ont déclaré avoir subi des violences psychologiques de façon occasionnelle ou répétée au cours des études » ; 53,5 %, des violences de nature sexuelle et sexiste ; 49,6 %, des violences physiques.
Les faits et propos recueillis sont accablants : « Tu vois la fenêtre ? Tu l’ouvres et tu sautes » après une mauvaise réponse ; « Tu vas tenir les écarteurs, t’as l’habitude de les écarter » ; lancers de compresses tachées de sang ou coups de pince… Il s’agit en général d’actes « en majorité commis par des supérieurs hiérarchiques », que les étudiants ne signalent pas.
Pourtant, un peu plus de quatre victimes sur dix jugent que cela a des conséquences sur leur santé physique et mentale, et 36,1 % sur leur professionnalisme. « Les violences diminuent les capacités de mémorisation, de concentration, bloquent la réflexion », souligne Amélie Jouault. « Cette situation a donc également des répercussions sur la prise en charge des patients », fait valoir sa consœur.
Retour au bureau, reprise de l’activité, retrouvailles avec les collègues en réunion, à la cantine ou autour d’un pot : depuis le 9 juin, le télétravail n’est plus la règle dans les entreprises qui peuvent le pratiquer et beaucoup d’entre elles font progressivement revenir leurs salariés dans leurs locaux.
Une perspective qui inquiète certains, convertis au travail à distance, quand d’autres se montrent plus ambivalents ou résignés. « Il va falloir revivre comme avant, malheureusement », se désole ainsi Pierre-Olivier, 55 ans, commercial pour une compagnie aérienne de fret, qui a répondu à un appel à témoignages sur Lemonde.fr.
Cet assouplissement amorce un retour à la normale pour nombre de salariés. Un jour, deux jours, trois jours sur site : les scénarios de rentrée sont aussi variés que les réponses des entreprises aux questions d’autonomie de travail, de mobilité territoriale et de santé des employés. Une partie d’entre eux – ceux dont le métier le permettait – ont travaillé à distance pendant de longs mois consécutifs, depuis la mi-mars 2020. De quoi « découvrir une nouvelle façon de travailler » et souhaiter la « conserver même après la pandémie », dit Cyril, ingénieur de 24 ans, qui s’estime « plus efficace à distance ».
Après s’être rendu trois jours à son bureau lors des huit derniers mois, Guillaume en a retiré l’impression «d’avoir perdu du temps en transport, en : “salut ça va, oui, et toi ?” de collègues aimables et en réunions dont on aurait du mal à expliquer pourquoi elles nécessitent une présence physique ». Cet éditeur de 46 ans y oppose « le calme, moins de stress, l’organisation du quotidien (courses, école des enfants) facilitée, et une productivité bien supérieure » du travail à distance.
« Je ne suis pas prête »
Selon une étude de l’Institut Sapiens publiée à la mi-mars, le travail à distance augmente la productivité des employés de 22 %. Les raisons sont multiples, selon le think tank : une réduction des « distractions et perturbations » – pauses-café, déjeuners à rallonge, bruits environnants – ou encore des « réunions inutiles et chronophages qui nuisent à la productivité ». Le temps de trajet économisé s’est transformé en temps d’activité ou en temps de sommeil économisé. Toujours selon ce document, le travail à distance permettrait d’augmenter la motivation et la responsabilisation des salariés.
Il vous reste 70.25% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Est-ce la fin d’une époque ? L’institution néerlandaise ING, pionnière de la banque en ligne, qui est arrivée en France, en 2000, pour tailler des croupières aux établissements hexagonaux, en lançant un livret d’épargne à la rémunération très attrayante, semble vouloir jeter l’éponge. Dans un communiqué publié jeudi 17 juin, le groupe bancaire annonce « qu’il mène une revue stratégique de ses activités de banque de détail en France », qui ne concernera pas les « activités de banque de gros d’ING », destinées aux entreprises, dans l’Hexagone.
Le groupe, qui revendique « environ 1 million de clients » (comptes courants, crédits immobiliers, prêts à la consommation et produits d’investissement) en France, y compte quelque 700 employés, dont les deux tiers travaillent dans la banque de détail. « La décision de conduire une revue stratégique a été prise du fait des difficultés liées au contexte économique actuel, et notamment la faiblesse des taux d’intérêt, des résultats financiers négatifs enregistrés par la banque en ligne ces dernières années et de sa part de marché relativement limitée », explique un porte-parole d’ING en France.
ING ne précise pas, à ce stade, ses intentions. « La revue stratégique commence et aucune décision n’a été prise », poursuit ce responsable, en renvoyant à « une vision plus claire de la direction dans quelques mois ». Le communiqué du groupe ne présage toutefois rien de bon : « Quelle que soit l’issue de la revue stratégique », elle sera effectuée « conformément à la législation sociale et réglementaire en vigueur », indique-t-il, en tenant compte « des meilleurs intérêts de nos clients et de nos employés ».
D’autres restructurations sont en cours
Il y a près de deux ans, une autre banque internationale, HSBC, lançait, elle aussi, une « revue stratégique » de son métier de banque de détail en France. Pour s’y implanter, également en 2000, le géant sino-britannique avait racheté à prix d’or (11 milliards d’euros) le Crédit commercial de France (CCF), une enseigne haut de gamme, dont le siège rayonnait sur les Champs-Elysées, à Paris. Après avoir cherché en vain un acquéreur dans la sphère bancaire, HSBC s’apprêterait finalement à vendre sa filiale française au fonds d’investissement américain Cerberus, qui devrait encaisser un important chèque au passage pour prendre en charge la restructuration à venir de la banque déchue.
Il vous reste 23.94% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Ils accusent Uber de les avoir bannis illégalement, selon un processus automatique. Cent soixante et onze chauffeurs VTC ont mandaté la Ligue des droits de l’homme (LDH), pour déposer une plainte, jeudi 17 juin, auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
De nombreux chauffeurs se sont ainsi vu bannir de l’application Uber après « l’envoi de messages automatiques et strictement identiques, tous établis sur le même modèle », est-il écrit dans la plainte. Ils évoquent dans la plupart des cas une « violation de l’un des principes de la charte de la communauté Uber » ou bien une « anomalie », sans précision supplémentaire.
« Déconnexions en chaîne »
Pour les plaignants, ce processus de sanction standardisé est entièrement automatisé et sans intervention humaine, ce qui est illégal. D’autant plus que dans l’immense majorité des cas, il n’existe aucune voie de recours pour contester ces sanctions.
Dans une enquête menée auprès de 813 chauffeurs VTC, l’Intersyndicale nationale VTC (INV) a établi que plus de la moitié d’entre eux avaient été victimes d’une déconnexion définitive ou temporaire. Sur les 138 chauffeurs définitivement déconnectés, 120 disent l’avoir été sans le moindre avertissement et 123 n’avoir pu bénéficier d’aucun recours pour contester la sanction.
Ces derniers mois, « on assiste à des déconnexions en chaîne », affirme Me Jérôme Giusti, l’avocat de la LDH. « Il y a eu l’ordonnance sur le dialogue social [qui prévoit des élections professionnelles dans le secteur pour 2022] et nous suspectons Uber de vouloir faire le ménage dans cette perspective », avance-t-il.
Le 24 février, un tribunal d’Amsterdam a condamné Uber pour avoir procédé à des déconnexions « fondées uniquement sur un traitement automatisé », est-il écrit dans la plainte. Un jugement contesté par Uber, qui a demandé son annulation. Toute déconnexion « est prise après un examen manuel par notre équipe de spécialistes », a affirmé un porte-parole de la compagnie à l’Agence France-Presse, ajoutant que les chauffeurs pouvaient à tout moment demander d’avoir accès à leurs données, sauf lorsque « leur divulgation porterait atteinte aux droits d’une autre personne ».
Jérôme Giusti appelle de son côté la CNIL à « saisir en urgence les tribunaux pour faire cesser ces déconnexions temporaires ou définitives massives ». « Aujourd’hui, c’est un risque dans le domaine des droits sociaux qu’il y ait des ordinateurs qui traitent et prennent des décisions », a-t-il conclu.
Ce n’est plus vrai depuis l’instauration d’un système de malus-bonus temporaire : désormais, même avec le taux plein au régime de base, la pension complémentaire peut être minorée de 10 % ou 5 % durant trois ans si l’on ne décale pas sa retraite d’au moins un an, à partir du moment où sont remplies les conditions du taux plein. Avec des exceptions, notamment pour les plus modestes.
Cette réforme avait été imposée par le Medef pour inciter les séniors à repousser leur retraite, dans le cadre de négociations sur le régime menées avec les syndicats en 2015. L’idée avait à l’époque des visées plus idéologiques et politiques que financières puisqu’il était question que le dispositif fasse économiser au régime quelque 500 millions d’euros par an seulement sur les plus de 6 milliards d’économies que devaient permettre, en 2020, toutes les mesures de l’accord.
Pas de CSG, pas de minoration
L’incertitude régnait toutefois sur les comportements des aspirants à la retraite. Allaient-ils partir avec le malus temporaire ? Attendre un an ? De premiers éléments de réponses ont été fournis fin mai par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) dans son rapport « Les Retraités et les retraites ».
« ) } }, « legend »: { « enabled »: « 1 », « reversed »: « », « layout »: « horizontal », « verticalAlign »: « top », « align »: « left », « margin »: 40, « y »: -30, « x »: 0, « itemStyle »: { « fontSize »: 13, « font-family »: « ‘Marr Sans’,Helvetica,arial », « fontWeight »: « normal », « color »: « #2A303B » }, « itemMarginBottom »: 10 }, « series »: [ { « name »: « Part des pensions Agirc-Arrco liquid\u00e9es en 2019 », « showInLegend »: true, « innerSize »: « 40% », « data »: [ { « name »: « D\u00e9part avec un malus », « y »: 49.3, « color »: « #af160f » }, { « name »: « D\u00e9part avec un bonus », « y »: 0.3, « color »: « #569e64 » }, { « name »: « Dispens\u00e9s de malus », « y »: 29.2, « color »: « #c3ced0 » }, { « name »: « Non concern\u00e9s par le malus », « y »: 12.7, « color »: « #767c7e » }, { « name »: « Partis avec une d\u00e9cote d\u00e9finitive », « y »: 8.5, « color »: « #1c1717 » } ], « step »: « » } ], « accessibility »: { « enabled »: true }, « exporting »: { « enabled »: false }, « credits »: { « enabled »: false }
} ); });
Ces chiffres intègrent les retraités visés par le malus entier de 10 % (ceux qui paient la CSG à taux plein), mais aussi par le « demi-malus » de 5 % (ceux qui la paient au taux réduit de 3,8 %), nous ont précisé les auteurs du rapport.
La réforme a aussi instauré un bonus pour qui prend sa retraite au moins deux ans après le taux plein : durant un an, la pension complémentaire est dopée de 10 % pour un report de deux ans, de 20 % pour trois ans, de 30 % pour quatre. En 2019, les retraités nés en 1957 ou après ne sont que 1 033 à l’avoir perçu (0,3 %), mais cette donnée est pour l’heure peu parlante, car le nombre de séniors éligibles au bonus était réduit en 20191.
Quid des retraités de 1957 ou après ayant échappé au malus comme au bonus ? Ils se divisent en trois groupes :
29,2 % (du total) en étaient exemptés d’office. Le sont les foyers modestes (exonérés de CSG), les départs anticipés pour handicap, les inaptitudes au travail, certains aidants familiaux, chômeurs en fin de droit ou titulaires de pension d’invalidité, les bénéficiaires de l’Allocation adulte handicapé (AAH), etc.
12,7 % y ont échappé parce qu’ils avaient déjà dépassé leur taux plein d’un an (sans atteindre le bonus).
8,5 % n’ont pas subi de malus temporaire mais une minoration définitive. Le malus temporaire est en effet « réservé » aux retraites à taux plein, les autres ont de toute façon une minoration définitive à l’Agirc-Arrco.
Les hommes plus que les femmes
Autre élément : les femmes sont plus souvent automatiquement dispensées de malus que les hommes. Elles sont ainsi 32 % à avoir été exemptées pour situation spécifique (foyer modeste, aidant familial, etc.) contre 26 % des hommes. Et 10 % (contre 7 % des hommes) à ne pas avoir subi de malus temporaire parce qu’elles avaient déjà un malus définitif. Résultat, les hommes sont en proportion davantage touchés par le malus – 51 % contre 47 % des femmes.
Ce ne sont toutefois que des premières données. Il est trop tôt pour tirer le bilan des comportements de la génération 1957, la première concernée par la réforme, les séniors ayant décidé de reporter leur départ d’au moins un an et qui pouvaient partir à compter de 2019 (à 62 ans, l’âge légal) n’apparaissant logiquement pas dans les statistiques des départs de 2019.
Les services de l’Agirc-Arrco ne souhaitent par ailleurs pas commenter ces chiffres pour l’heure, ni fournir plus de détails sur les départs de 2020, car les discussions entre les partenaires sociaux qui copilotent le régime devraient reprendre dans les mois à venir, sur ce sujet et sur les finances du régime en général.
« Les services de l’Agirc-Arrco doivent nous fournir cette année une évaluation plus fine du dispositif et nous pourrons alors voir l’effet de la mesure sur les comportements, savoir quelles populations ont opté pour le malus, etc. Mais ma première impression confirme ce que je pressentais en 2015, la mesure aura peu d’effet sur les comportements, la plupart des gens préfèrent le malus à un report de retraite », réagit Frédéric Sève, secrétaire national CFDT.
Combien coûte le malus sur une pension complémentaire de 500 euros ?
Prenons l’exemple, fictif, de Barbara, qui avait prévu de prendre sa retraite au 1er juillet 2021 à 62 ans, avec les 167 trimestres requis pour décrocher le taux plein pour sa génération (1959). Sans le nouveau dispositif de malus-bonus de l’Agirc-Arrco, elle aurait touché 1 650 euros de pension nette : 1 150 euros de pension de base + 500 euros de complémentaire.
Avec la réforme, si elle maintient son départ au 1er juillet 2021, et qu’elle ne compte pas parmi la population exemptée de malus ou concernée par le demi-malus, sa pension complémentaire sera minorée de 10 %, pour trois ans. Jusqu’à juin 2024, elle touchera donc 1 600 euros par mois (1 150 + 450). Et à compter de mai 2022, sa pension intégrale, 1 650 euros, lui sera versée. La réforme lui coûtera au total 1 800 euros (calculs hors revalorisations annuelles). Si elle attend le 1er juillet 2022 pour prendre sa retraite, elle échappera au malus… mais elle renoncera à un an retraite.
1. Pour avoir dépassé dès 2019 le taux plein de deux ans tout en étant né au moins en 1957, et donc être éligible au bonus, il fallait avoir décroché son taux plein au plus tard en 2017. Cela suppose d’avoir eu droit à un départ anticipé à 60 ans ou avant, contre 62 ans dans le cas général.