Archive dans mai 2021

« La concertation entre employeurs et travailleurs a amélioré la résilience de l’économie à la brutalité de la crise »

Tribune. Des centaines de milliers de saisonniers traversant l’Europe saisie par la pandémie pour venir aider aux récoltes ont dû faire face à une mosaïque de règles frontalières incohérentes. Des pêcheurs européens ont été immobilisés dans l’Atlantique en raison de la fermeture des ports de débarquement au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Des employés de commerce des grandes villes ont été agressés par des clients en raison de pénuries de certains biens de consommation et des mesures obligatoires de distanciation sociale.

Des imprimeurs ont été confrontés à des pénuries de solvants à cause de l’explosion de la demande de gel hydroalcoolique. Des techniciens en télécommunications ont même été harcelés parce que, disait la rumeur des réseaux sociaux, la 5G favoriserait la pandémie ! Comment employeurs et travailleurs ont-ils géré de telles situations, parfois totalement inattendues ?

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L’Institut syndical européen s’est penché sur les négociations sociales entre représentants d’employeurs et de travailleurs au niveau européen. Quelque trente secteurs d’activité économique, allant de l’hôtellerie-restauration aux services de sécurité privée en passant par le tourisme, le transport, l’agriculture et la pêche, le spectacle vivant, etc., ont été passés au peigne fin, à la lumière des mesures prises ou demandées à l’Europe et aux gouvernements pour tenter de surmonter les conséquences concrètes de la pandémie dans leur secteur (« “Union sacrée ? Les partenaires sociaux sectoriels face à la crise du Covid-19 en Europe », Christophe Degryse, rapport de l’ETUI 2021-4).

Une gestion sectorielle

Il est vrai que la gestion de la pandémie par les autorités publiques a été principalement sectorielle. La plupart des mesures prises depuis plus d’un an portent sur l’ouverture ou la fermeture des écoles, des commerces, des restaurants et des cafés, des administrations publiques, de la culture, du tourisme…

Bien malgré eux, ces secteurs constituent la principale variable d’ajustement à la pandémie. Et les interdépendances créent des effets dominos. Par exemple, employeurs et travailleurs de la pêche maritime fournissent près de 50 milliards de repas par an aux Européens ; lorsque, en début de pandémie, ils avertissent la Commission européenne que les navires de pêche risquent de devoir arrêter leurs opérations, on prend conscience que la priorité sera de trouver les conditions d’un maintien à tout prix de l’activité économique.

Comment adapter en quelques jours les chaînes d’approvisionnement, les services de transport, la logistique, l’activité portuaire − sans laquelle 75 % des marchandises auraient été purement et simplement bloquées en Europe au printemps 2020 ? L’analyse du dialogue social sectoriel européen en temps de pandémie apporte plusieurs enseignements.

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Le mauvais chiffre du chômage en avril provoque un débat sur la politique de Joe Biden

Le président Joe Biden, en conférence de presse sur le chômage, à Washington, le 7 mai 2021.

La déception a été immense vendredi matin : l’économie américaine n’a créé que 266 000 emplois au mois d’avril, soit quatre fois moins que le million d’emplois attendus par les économistes. Ainsi, le taux de chômage est remonté de 6 % à 6,1 % aux Etats-Unis, selon les chiffres publiés vendredi 7 mai par le département du travail.

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, l’économie américaine a perdu 8,2 millions d’emplois et le pays compte 9,8 millions de chômeurs pour un taux de participation à l’emploi en légère hausse, de 61,7 %. « Nous savions que ce ne serait pas un sprint, ce serait un marathon. Franchement, nous avançons beaucoup plus rapidement que je ne l’aurais cru », a déclaré dans la foulée le président américain Joe Biden. « La montée est raide et nous avons encore un long chemin à parcourir. »

L’allocation fédérale controversée

La contreperformance d’avril a donné lieu à de nombreuses explications. Il y aurait d’abord une pénurie d’offre de travail. Trois arguments conjoncturels sont également avancés : la persistance de l’épidémie due au coronavirus, même si un Américain sur trois est complètement vacciné ; les écoles, pas complètement rouvertes – ce qui pose des problèmes de garde d’enfant, comme l’a expliqué la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, dépêchée en urgence dans la salle de presse de la Maison Blanche ; et l’allocation fédérale de 300 dollars (246 euros) par semaine pour les chômeurs, qui doit durer jusqu’en septembre.

Le sujet de l’allocation fédérale fait l’objet de vives controverses. La chambre de commerce américaine, qui s’oppose depuis le début à cette mesure, estime qu’elle incite de nombreux travailleurs à ne pas accepter d’emploi. « L’aide de 300 dollars fait qu’un récipiendaire sur quatre gagne plus au chômage qu’il ne gagnait en travaillant », a accusé son vice-président Neil Bradley.

Le Montana et la Caroline du Nord ont d’ailleurs annoncé qu’ils allaient supprimer cette aide fédérale fin juin, en raison de la pénurie de main-d’œuvre. Jason Furman, professeur à Harvard et ancien conseiller économique de Barack Obama, a estimé sur CNN que cette allocation était utile au pire de la crise, en 2020 et en janvier 2021, lors de la deuxième vague de l’épidémie, mais l’était beaucoup moins pour cet été. Le président Biden a, lui, rejeté ce qu’il a appelé « des propos vagues selon lesquels les Américains ne veulent tout simplement pas travailler ». « Les données montrent que davantage de travailleurs recherchent un emploi et que beaucoup ne peuvent pas le trouver », a-t-il déclaré.

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Des collectifs des travailleurs des plates-formes ne veulent pas entrer dans le moule du syndicalisme traditionnel

Les longues heures passées à auditionner des collectifs de livreurs à vélo, chauffeurs VTC, travailleurs indépendants et des organisations syndicales, ont finalement accouché d’un texte de loi. Sur les recommandations de la mission Mettling, chargée de poser les jalons du dialogue social entre les travailleurs des plates-formes et leurs employeurs, une ordonnance publiée le 22 avril crée un « droit au syndicalisme » pour les chauffeurs VTC et les livreurs, qui voient aujourd’hui leurs conditions de travail dictées unilatéralement par les plates-formes et leurs algorithmes.

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Dès 2022, ces catégories de travailleurs pourront élire leurs représentants tous les deux ans (puis tous les quatre ans), à partir du moment où les électeurs justifient d’au moins trois mois d’exercice. Le vote se fera par voie électronique, selon des modalités qui restent à définir.

Pourront être élus des syndicats professionnels, mais aussi des collectifs de travailleurs indépendants, à condition qu’ils répondent à certains critères (ancienneté, influence, audience…). Le texte crée aussi une Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE), chargée de superviser le scrutin et de veiller à la protection des représentants. Ainsi, les plates-formes ne pourront pas rompre arbitrairement le contrat commercial qui les lie aux élus.

Les tarifs et les algorithmes en débat

Un premier pas vers la structuration du dialogue social, saluent les syndicats et les collectifs qui se battent depuis des mois aux côtés des travailleurs des plates-formes. Sans se priver d’émettre des réserves sur le fond du texte. « L’ordonnance s’est bornée à définir le périmètre des élections, sans entrer dans le détail du contenu du dialogue social, s’inquiète Hind Elidrissi, cofondatrice et porte-parole d’Indépendants.co. Il ne faudrait pas laisser les plates-formes décider des sujets qui seront abordés, comme la couleur du sac des livreurs ! »

Selon la porte-parole d’Indépendants.co, deux sujets de discorde se dégagent : les tarifs fixés unilatéralement par les plates-formes et le fonctionnement obscur des algorithmes décidant des courses. Jérôme Pimot, lui, ne mâche pas ses mots : le fondateur de Clap, le collectif des livreurs autonomes de Paris, voit dans cette institutionnalisation du dialogue social une relative perte de temps. « On se détourne du véritable sujet, à savoir les conditions de travail des livreurs. Le temps de mettre en place les élections et de négocier, ils ne verront les résultats que dans quelques années ! »

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Assurance-chômage : les syndicats peu emballés par le « big-bang » du Medef

Un « big bang ». C’est ainsi que Geoffroy Roux de Bézieux a qualifié, jeudi 6 mai, sa proposition pour refonder la gouvernance et le financement de l’assurance-chômage. Lors d’une renconte en visioconférence avec l’Association des journalistes de l’information sociale (AJIS), le président du Medef a mis sur la table un schéma en « trois blocs » afin de revenir à un dispositif où « chacun a sa responsabilité ». Une initiative qui ne doit rien au hasard : elle intervient quelques jours avant le lancement d’une concertation sur le sujet entre le ministère du travail et les partenaires sociaux. Pour l’heure, aucune date n’est fixée. « Nous, on est prêts (…). Du coup, on s’est dit : “On va mettre ça dans l’atmosphère, pour démarrer le débat” », a expliqué M. Roux de Bézieux.

Pour le numéro un du Medef, le régime, géré depuis le début de la VRépublique par les syndicats et par le patronat au sein de l’Unédic, « ne fonctionne plus » : il est devenu « hybride et déresponsabilisant ». Sous l’effet de réformes gouvernementales engagées en 2008 et durant le quinquennat d’Emmanuel Macron, les pouvoirs publics s’immiscent de plus en plus dans le pilotage et la définition des règles du système d’indemnisation des demandeurs d’emploi, au point que celui-ci est de moins en moins paritaire.

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En outre, a souligné M. Roux de Bézieux, l’assurance-chômage « n’a fait qu’accumuler de la dette » au cours des douze dernières années : elle devrait s’élever à 64 milliards d’euros fin 2021, du fait notamment des dépenses massives liées au chômage partiel que l’Unédic couvre en partie depuis le début de la crise sanitaire.

« Règle d’or » budgétaire

Aujourd’hui, le Medef entend sortir d’une situation ambiguë « où l’Etat décide mais fait semblant de demander leur avis aux partenaires sociaux ». Dans cette optique, il a donc imaginé une organisation qui comprendrait « un régime de solidarité géré et financé par l’Etat, un régime assurantiel géré et financé par les partenaires sociaux et un service public de l’emploi géré et financé par l’Etat ». M. Roux de Bézieux avait déjà fait cette proposition, en 2018, dans une interview aux Echos : à l’époque, il avait aussi évoqué l’hypothèse d’un compartiment « supplémentaire pour les indépendants et les chefs d’entreprise qui ne sont pas assurés aujourd’hui par les cotisations ». Des idées similaires avaient, par ailleurs, été développées par sa prédécesseure, Laurence Parisot, en 2007.

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Sauver le climat et créer des emplois : le manifeste de la CGT, Greenpeace et Attac

Des manifestants syndicaux et associatifs devant le ministère de l’économie, le 28 avril 2021, pour soutenir les salariés de l’usine de recyclage de papier Chapelle-Darblay (Seine-Maritime).

Un an après leur premier appel commun, le collectif Plus jamais ça précise sa démarche. Cette alliance d’une vingtaine d’associations et de syndicats entend répondre à la fois « aux urgences sociales et environnementales » en formulant une série de propositions adressées aux pouvoirs publics – et en alimentant le débat sur des sujets qui ne font pas consensus.

Au premier rang des revendications de ce regroupement composé notamment de la CGT, de Greenpeace ou de l’association altermondialiste Attac, la volonté d’encourager la création d’emplois « dans des secteurs d’utilité sociale et écologique » : la santé et l’éducation, l’« agriculture écologique » et « l’alimentation de qualité ». Les organisations proposent donc de mettre en place une politique directe de soutien aux filières, à la recherche, et à la reconversion professionnelle.

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Dans le même temps, Plus jamais ça propose de manier le bâton en même temps que la carotte : « Aucune aide publique ne doit être versée aux entreprises qui détruisent de l’emploi et ne respectent pas les objectifs climatiques. » Exit les soutiens publics pour le secteur automobile, Air France ou les aéroports si ceux-ci ne prennent pas d’engagements plus fermes en matière d’emploi et de climat. Une position difficile à assumer pour des syndicats comme la CGT ou Solidaires (qui comprend notamment SUD), présents dans ces secteurs très touchés par les conséquences économiques de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19.

Mobilisations communes

Autre exigence : « Rendre contraignants pour l’Etat et les entreprises des objectifs de réductions de gaz à effets de serre avec un système de sanctions permettant de respecter l’accord de Paris » de 2015 sur le climat. Le collectif demande également à « développer les dispositifs de soutien au secteur privé contribuant à la création d’emploi de qualité, en particulier dans les secteurs de la transition écologique ».

L’objectif : imaginer une transition écologique créatrice plutôt que destructrice d’emploi. Ainsi, pour l’automobile, les signataires appellent à « limiter la circulation automobile (…) et à appuyer les reconversions favorisant la transformation de véhicules thermiques vers des véhicules sans émissions ». Ils appellent à construire cette diversification avec les salariés, en s’appuyant sur un plan de reconversion et de formation.

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Ce collectif, lancé lors du premier confinement autour d’une tribune sur France Info titrée « Plus jamais ça ! », regroupe des syndicats dont la CGT, la FSU ou la confédération paysanne, et des ONG comme Greenpeace, Oxfam ou Les Amis de la Terre. Alors que ces deux univers se côtoyaient jusqu’ici assez peu, ils ont publié en mai 2020 un « Plan de sortie de crise » pour interpeller le gouvernement. Les nouveaux alliés ont depuis mené des mobilisations communes contre la reconversion de la raffinerie de Total à Grandpuits (Seine-et-Marne) ou la fermeture de l’usine de recyclage de papier de la Chapelle Darblay (Seine-Maritime).

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Dominique Méda : « La réforme de la fonction publique va affaiblir considérablement l’administration en la rendant dépendante du pouvoir politique »

Le ministère de l’économie et des finances, à Paris, en 2012.

Au moment même où la légitimité et le bien-fondé de l’intervention de l’Etat n’ont jamais été aussi évidents et où le nouveau président des Etats-Unis apporte une contribution majeure à une forme de rupture avec le néolibéralisme, le président de la République française vient de décider de porter à la fonction publique un inquiétant coup d’estoc.

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Selon le discours qu’il a prononcé le 8 avril et le projet d’ordonnance en cours, il ne s’agit en effet pas seulement de supprimer l’Ecole nationale d’administration (ENA), bouc émissaire tout trouvé dans une période difficile, et trophée habilement agité devant les populistes de tout poil, mais surtout de mettre en œuvre la « fonctionnalisation » de nombreux postes (notamment de trois inspections générales interministérielles chargées d’importantes missions de contrôle) : les agents concernés devront passer continuellement d’un emploi à durée limitée à un autre, en étant étroitement subordonnés à l’autorité hiérarchique qui les y aura nommés.

C’est une augmentation considérable du nombre d’emplois mis ainsi à la main du pouvoir politique. Ils ne disposeront plus, en effet, des marges d’indépendance qui leur permettaient non seulement de rédiger des rapports (parfois critiques) sur les politiques publiques ou sur les pratiques de l’administration, des associations ou du secteur privé (on pense au rapport de l’inspection générale des affaires sociales sur le Mediator, en 2011), mais aussi de disposer du recul et du temps nécessaires pour en proposer de meilleures.

Démocratiser l’ensemble des grandes écoles

Cette réforme, mise à l’agenda en urgence, va ainsi contribuer à affaiblir considérablement l’administration, en la rendant plus dépendante du pouvoir politique, et ce, alors qu’il existe un risque majeur que l’extrême droite arrive au pouvoir. En 1946, le statut des fonctionnaires avait pourtant été précisément conçu en réaction à celui imposé par le régime de Vichy, pour organiser la professionnalisation, l’indépendance et la protection de la fonction publique contre l’arbitraire du politique.

Si un certain nombre de critiques portées contre l’ENA et les hauts fonctionnaires sont parfaitement justifiées, il serait tout à fait possible d’y répondre sans prendre de tels risques.

« Oui, certains “grands” corps sont des lieux de pouvoir exorbitant. Il suffirait d’encadrer voire d’interdire le pantouflage, redonnant au métier de fonctionnaire sa vocation première : le service de la collectivité »

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Les professionnels de la restauration d’entreprise veulent chercher les salariés « là où ils se trouvent »

Dans une cuisine de Dejbox, service de livraison de repas pour les salariés dans les entreprises.

« Les impacts de la crise sanitaire constatés ces derniers mois ont fortement aggravé la situation économique de la restauration collective », alertait en décembre le Syndicat national de la restauration collective (SNRC). « La perte du chiffre d’affaires pour l’ensemble des sociétés de restauration collective s’élève à 1,5 milliard d’euros pour 2020 », estime Esther Eklou-Kalonji. Pour la déléguée générale du SNRC, « les 6 000 suppressions d’emplois prévues par Sodexo, Elior et Compass sont le miroir de ce qui se passe dans toutes les entreprises du secteur ».

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Le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) annoncé par Sodexo en octobre 2020 prévoit plus de 2 000 suppressions de postes, avec une première phase de départs volontaires en cours et des reconversions vers le secteur de la santé. « Les salariés sont plutôt inquiets. Pour les premiers départs, les seuls volontaires sont les salariés proches de la retraite », précise Sonia Porot, secrétaire générale départementale CGT des Yvelines. Un autre ténor du secteur, le groupe Elior, a aussi déclaré en octobre 2020 un PSE avec 1 888 suppressions d’emplois. D’autres enfin n’ont pas fait ce choix – comme Compass Group, malgré une réduction d’effectif prévue de 1 500 emplois – et misent sur l’activité partielle de longue durée pour absorber le caractère progressif de la reprise après le Covid-19.

« L’histoire de ce grand bouleversement commence le 16 mars 2020. On a dû fermer une grande majorité de nos établissements et mettre des collaborateurs en activité partielle », raconte Camille Berthaud, le directeur général d’Eurest, une filiale de Compass spécialisée dans la restauration d’entreprise. Que ceux-ci soient commis de cuisine, employés de restauration, chefs pâtissiers, chauffeurs-livreurs, caissiers, manageurs ou responsables de restaurant, le recours à l’activité partielle a été massif pour tous les métiers.

Montagnes russes

La baisse d’activité du secteur a suivi un rythme de montagnes russes, guidée par la fréquentation des cantines d’entreprise, avec des plus bas en mars 2020, en août – période creuse traditionnelle – puis en novembre, lors du deuxième confinement, et à nouveau depuis fin mars, pour le troisième confinement. « On est en moyenne à 15-20 % d’occupation des restos au mieux, avec de très fortes variations selon l’activité des entreprises et la part du télétravail. Les ateliers d’Hermès tournent à 80 %, mais la Société générale est à 10 % grand maximum », décrit Laurent Corbasson, délégué CGT de Sodexo. La direction du groupe, également contactée, n’a pas souhaité s’exprimer.

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Le Crédit mutuel Arkéa généreux avec son patron démissionnaire

Ronan Le Moal, alors directeur général du Crédit Mutuel Arkéa, le 27 février 2019, au Relecq-Kerhuon (Finistère).

Le Crédit mutuel Arkéa a beau être une banque coopérative régionale – son siège est situé près de Brest, au Relecq-Kerhuon (Finistère) –, ses rémunérations comme ses parachutes dorés peuvent rivaliser avec les rétributions versées par de grands groupes nationaux. Selon le dernier rapport d’informations financières mis en ligne par l’établissement bancaire (le document d’enregistrement universel 2020), son ancien directeur général, Ronan Le Moal, a en effet quitté l’institution en février 2020 avec un chèque de 5 millions d’euros.

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Ronan Le Moal, 49 ans, a passé vingt-cinq années chez Arkéa, qui regroupe les fédérations de Bretagne et du Sud-Ouest du Crédit mutuel, dont douze comme directeur général. Il en est parti pour créer un fonds d’investissement, Epopée Gestion, spécialisé dans l’investissement en région, aux côtés de l’entrepreneur Charles Cabillic.

Le document financier d’Arkéa précise que le banquier a perçu 3,25 millions d’euros « au titre de la cessation de son contrat de travail » et 714 000 euros « au titre de son épargne congés », auxquels s’ajoutent ses revenus versés en 2020 : un fixe de 177 000 euros, une rémunération variable de 853 000 euros et un avantage en nature de 5 000 euros.

Bataille de sept ans

« Ronan Le Moal a bien géré l’entreprise, mais de tels montants sont choquants, pour une entreprise mutualiste qui compte 10 500 salariés », réagit une source en interne. « Je m’attendais à ce que l’entreprise respecte en la matière les recommandations du code Afep-Medef », ajoute un responsable. Selon ce code de bonne gouvernance pour les entreprises cotées, « le versement d’indemnités de départ à un dirigeant mandataire social doit être exclu s’il quitte à son initiative la société pour exercer de nouvelles fonctions ». Or, comme le précise le document d’enregistrement universel du Crédit mutuel Arkéa, Ronan Le Moal a bien démissionné.

« L’indemnité de départ ne doit pas excéder, le cas échéant, deux ans de rémunération (fixe et variable annuelle) », poursuit le code de gouvernance d’entreprise. Or l’ex-directeur général a perçu un total de 1,29 million d’euros en 2019. Sollicitée, la banque a indiqué qu’elle ne faisait « plus référence au code Afep-Medef (…), n’étant pas une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ».

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Le Crédit mutuel Arkéa a régulièrement fait parler de lui en raison de la bataille qu’il a menée, durant sept ans, pour divorcer du reste du groupe mutualiste et obtenir son indépendance. Les tensions avec la Confédération nationale du Crédit mutuel se sont toutefois apaisées depuis le départ de Ronan Le Moal, suivi par l’annonce, en mars 2020, du retrait du président d’Arkéa, Jean-Pierre Denis. Les deux hommes portaient ensemble le projet de séparation, qui a désormais peu de chance de voir le jour.

La crise sanitaire a aussi bouleversé le travail des espions

Au centre d’opérations et de renseignement de la gendarmerie, à Evry-Courcouronnes, en juillet 2020.

Quand viendra le temps d’écrire l’histoire du contrôle démocratique du renseignement en France, il faudra s’arrêter sur le rôle méconnu joué par la Commission nationale du contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Les historiens verront comment une petite instance administrative et consultative, mais indépendante, née de la loi renseignement de 2015, a de fait assumé quasiment seule la fonction de contre-pouvoir dans un domaine pourtant essentiel.

Son cinquième rapport annuel, rendu public jeudi 6 mai, ne déroge pas à la règle. Derrière une présentation comptable et juridique de son activité qui découragerait le plus passionné des affaires d’espionnage, on décèle le regret qu’un champ encore assez vaste de la surveillance d’Etat échappe encore à tout contrôle. C’est aussi le seul document public où l’on découvre concrètement ce que font les services de renseignement français. Car pour chaque opération de surveillance technique, ils doivent saisir la commission qui veille à la conformité légale de leur demande avant de la transmettre au premier ministre qui délivre, seul, l’autorisation.

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En 2020, la commission a été saisie de 79 605 demandes de mise en œuvre de techniques de renseignement contre 73 543 en 2019. Dans 46,3 % des cas, les moyens ont été utilisés pour lutter contre le terrorisme. Cette augmentation cache cependant une surprise. A cause du Covid-19, et faute de pouvoir se déplacer, les espions ont été contraints de travailler à distance grâce aux données de connexion de leurs cibles.

Souhait de peser sur des débats démocratiques

Les mesures les plus intrusives, dites de « proximité », ont chuté de 44 % à cause « du confinement et des restrictions de déplacement imposées par la pandémie en 2020 », dit le rapport. Les services ont moins pu s’introduire dans des lieux privés pour y poser des micros ou dérober les contenus des ordinateurs ou des portables. Mais les « délinquants » et « les criminels » étant eux aussi assujettis aux interdictions de mouvement, leurs méfaits ont aussi été réduits.

La crise sanitaire a également ralenti l’activité du renseignement chargé de la défense des intérêts économiques, qui a perdu six points par rapport à 2019 ; « une conséquence directe de la pandémie qui a entraîné une réduction drastique de l’activité économique ». En revanche, la prévention des violences collectives est passée de 6,2 %, en 2017, à 14,2 % en 2020. La CNCTR dit être « vigilante » à ce que cette « prévention » n’autorise pas « la pénétration d’un milieu syndical ou politique ou la limitation du droit constitutionnel de manifester ses opinions, fussent-elles extrêmes, tant que le risque d’une atteinte grave à la paix publique n’est pas avéré ».

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