Un employeur peut-il exiger la vaccination pour recruter ?

Question de droit social. Beaucoup de commerces, et en particulier cafés et autres restaurants attendent avec impatience leur réouverture juste avant un été prometteur. On comprend qu’ils veuillent éviter qu’un collaborateur contamine les autres dès la première semaine ou exerce son droit de retrait en invoquant la toux inquiétante d’une collègue. Si les gestes barrières restent obligatoires, une telle contamination ne peut être exclue. Se pose alors la question d’exiger une attestation dès l’embauche, sachant que la vaccination est possible pour toute personne majeure volontaire depuis le 12 mai. La solution est contestable en droit et son résultat incertain.
Ce n’est qu’après deux semaines qu’une première vaccination réduit drastiquement les risques graves, et la contagiosité. Et l’effet maximum n’intervenant qu’au bout de deux vaccinations séparées d’un ou deux mois, la saison sera finie. C’est donc largement en amont qu’il faut y réfléchir.
Certes, l’article L. 3111-1 du code de la santé publique impose depuis longtemps des vaccins obligatoires (le BCG par exemple). Et si demain une loi française exigeait des personnes majeures un passeport sanitaire, général ou sectoriel, chaque employeur devrait alors veiller à l’application de ces règles d’ordre public. Mais, en attendant, ce n’est pas le cas.
D’ailleurs, tout salarié peut refuser d’être vacciné, indique le « Questions-réponses » du ministère du travail mis en ligne le 26 avril : « Il peut toujours refuser, et ce refus ne doit emporter aucune conséquence. »
Bon sens et respect
Et ce dès l’étape du recrutement. En effet, en application de l’article L. 1132-1 du code du travail : « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié, ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte (…), en raison de son état de santé ». Discrimination lourdement sanctionnée par le code pénal de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
Pourquoi ? Parce qu’en l’absence d’impératif légal, nos choix de santé nous appartiennent. Ensuite, en matière d’informatique et libertés, nos très personnelles données de santé sont parmi les plus sensibles. Dans l’entreprise, elles sont confiées aux services de santé au travail, soumis au secret médical : en particulier à l’égard de l’employeur, même si le médecin du travail procède sur site à des vaccinations.
Mais si l’on quittait la problématique égotique de notre société d’individus ? Car « l’homme n’est pas une île » et un salarié n’est pas Robinson : il vit au sein d’une communauté de travail. « Il incombe à chaque travailleur de prendre soin (…) de sa santé et de sa sécurité, ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail », énonce l’article L. 4122-1 : rappel de bon sens et respect minimum des collègues, et des clients. Mais cet article commençant par « conformément aux instructions qui lui sont données par l’employeur », ce dernier tenu par sa lourde obligation de sécurité demeure le premier responsable. Et finalement bien démuni face au si contagieux Covid-19, en l’absence d’obligation de vaccination, générale ou sectorielle.
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