Quand le Covid-19 réhabilite le travail
Le livre. Au printemps 2020, le confinement généralisé de la population a mis entre parenthèses beaucoup d’activités professionnelles en confiant à quelques-unes d’entre elles le soin d’assurer l’existence de tous. Les soignants ont été en première ligne, les livreurs et autres acteurs de la logistique des transports ont approvisionné le pays coûte que coûte, les caissières et caissiers ont garanti avec les agriculteurs et les maraîchers la continuité de notre alimentation, les agents de la propreté publique ont veillé à l’entretien journalier de l’espace public.
« Le travail réel a fait la démonstration de sa valeur économique pour la vie collective au-delà du seul marché. Il a aussi montré sa fonction psychique vitale pour chacun d’entre nous », souligne Yves Clot dans Le Prix du travail bien fait (La Découverte).
Des travailleurs d’habitude invisibles ont enfin pu éprouver le sentiment d’un peu de reconnaissance sociale. Ils ne sont pourtant pas dupes de l’héroïsation qui a enflammé les discours du moment, et le professeur émérite en psychologie du travail au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) nous invite à ne pas être plus naïfs qu’eux.
Un lourd tribu
Au nom de l’urgence, beaucoup de leurs droits ont sauté, que ce soit en matière de durée du travail, d’organisation des congés ou de prérogatives des représentants du personnel. « L’après-crise ne laissera pas une situation pacifiée et les héros d’un jour risqueront bien de redevenir invisibles. » A moins que tous les protagonistes de la situation réagissent pour se mesurer au problème que pose cet essai, qui s’appuie sur le récit de trois longues expériences de travail collectif : « celui d’ouvrir les lieux de décision à d’autres professionnels venus du “terrain”, celui, en quelque sorte, de revoir les frontières entre dirigeants et dirigés. »
Les soignants se sont acquittés d’un lourd tribut à l’épidémie. En septembre 2020, Amnesty International estimait que 7 000 d’entre eux étaient morts du virus dans le monde. Ils ont enduré des efforts démesurés, et, paradoxalement, ils ont aussi, malgré la fatigue, « éprouvé les vertus de l’action, celles du “pouvoir d’agir”, retrouvé au bénéfice de leur santé mentale ».
Pendant la première vague de l’épidémie, le virus a fait sauter les cloisons de la division du travail, l’administration hospitalière est redevenue une ressource au service du soin. « Les médecins ont repris les rênes et l’administration s’est conformée au traitement prescrit par les soignants. » L’hôpital est gouverné par l’intelligence des situations. « Lorsque cette souveraineté du travail a été rétablie, on a recommencé à discuter et à s’épauler là où, avant, on avait pris la mauvaise habitude de se parler parfois “comme des chiens” pour faire un travail de fou. »
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