Archive dans mars 2021

SFR veut se séparer de 1 700 salariés

A Lille, en 2012.

Chez Altice, les plans d’économies s’enchaînent au rythme d’un métronome. Après le pôle médias, qui coiffe BFMTV, RMC et leurs déclinaisons, c’est au tour de SFR de repasser par la case « plan social ». L’opérateur télécoms, qui avait annoncé la suppression de 5 000 emplois en 2016, soit un tiers de ses effectifs, va de nouveau mettre en œuvre un plan massif d’économies. Il pourrait se séparer de 1 700 salariés, selon nos informations.

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Cette annonce intervient alors que se tenait, mercredi 3 mars, un comité social d’entreprise (CSE), lors duquel la direction de l’opérateur devait présenter son plan d’« orientations stratégiques » pour les deux années à venir.

« Baisse de fréquentation »

Dans le détail, les boutiques, qui emploient 2 500 personnes, et dont la direction déplore une « baisse de fréquentation », pourraient voir leurs effectifs réduits de 400 salariés. Les 1 300 autres suppressions de postes devraient concerner les autres activités, selon des chiffres provisoires obtenus par Le Monde, et se faire sur la base du volontariat, selon une source syndicale. La partie « opérateur » compte 7 300 CDI, de source syndicale, et les centres d’appels, 2 500 personnes.

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Un nouveau coup dur au sein du deuxième opérateur français, même si, en interne, la rumeur d’un nouveau plan circulait depuis plusieurs mois. Armando Pereira, fidèle allié de Patrick Drahi depuis trois décennies et l’homme de la réduction de coûts, avait déjà laissé entendre que des changements étaient en préparation. En décembre 2020, lors d’un échange avec les salariés, en répondant à une question sur l’éventualité d’un plan social, il avait laissé planer le doute : « Aujourd’hui, on réfléchit à des choses, oui. Il faut regarder le problème économique qu’il peut nous arriver, dans les mois à venir, on ne sait pas. Il se peut que l’on soit obligé de se réorganiser par rapport à ça », avait-il dit, ce qui n’avait pas manqué d’alerter les syndicats.

A Mazingarbe, près de Lens, une usine Seveso abandonnée par ses propriétaires

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Publié hier à 16h00, mis à jour à 09h18

C’est ubuesque. Et dangereux. A Mazingarbe, petite commune située près de Lens, dans le Pas-de-Calais, la direction madrilène de Maxam Tan, site classé Seveso, a déserté l’entreprise installée sur un terrain de 160 hectares et abandonné ses soixante-quatorze salariés. Ces derniers, en attendant la liquidation judiciaire actée par le tribunal de commerce de la Métropole européenne de Lille pour le 13 avril, sont désormais seuls à assurer la sécurité de l’usine d’ammonitrate (des engrais azotés) et sa « sphère ».

Cette cuve d’ammoniac, encore remplie de 750 tonnes de produit, doit être vidée selon un protocole strict que seuls les employés de Mazingarbe maîtrisent. « Cette sphère, ce n’est pas une bombe, mais c’est hautement toxique, explique la directrice adjointe de Maxam Tan, Colette Jardin, vingt ans d’ancienneté. On peut tuer des gens à des kilomètres à la ronde. »

La sphère, emblème du site, contient encore 750 tonnes d’ammoniac. A Mazingarbe (Pas-de-Calais), le 26 février 2021.

Chaque jour, les salariés veillent sur le gaz liquéfié dans cette cuve arrondie. « Le danger, c’est la montée en pression de l’ammoniac, ajoute Mme Jardin. En cas de fuite, il y a un risque de nuage toxique. » Olivier Bouchez, 46 ans, chef de fabrication depuis vingt et un ans, continue d’animer son équipe, même si la motivation est au plus bas :

« La direction a posé les clés et dit débrouillez-vous. Plus personne ne se préoccupe de nous, mais on a le sens des responsabilités, alors pas question de laisser les soupapes de la sphère s’ouvrir et tuer des milliers de gens alentour. »

On est loin de l’époque des ouvriers de Cellatex, dans les Ardennes, qui, en 2000, avaient menacé d’utiliser les produits chimiques de la dernière fabrique française de viscose pour « tout faire sauter ».

Olivier Bouchez, chef de fabrication. Comme tous les salariés, il porte un sac a dos qui contient un masque de protection en cas de fuite de produit toxique.

Le groupe espagnol MaxamCorp a tenté de céder sa filiale à un repreneur, mais le seul candidat a jeté l’éponge

Situé entre les terrils de Grenay et Loos-en-Gohelle, ce site dit « Seveso seuil haut » est à vocation industrielle depuis 1897. Il a cessé, depuis la mi-juin 2020, de produire du nitrate d’ammonium industriel, composant chimique intervenant dans la fabrication d’explosifs de carrières. Un choix justifié par l’effondrement du marché dû à la crise sanitaire, selon la maison mère espagnole, MaxamCorp, détenue par le fonds américain Rhône Capital.

Le groupe espagnol a tenté de céder sa filiale à un repreneur, mais le seul candidat, anglais, a jeté l’éponge mi-octobre. Sans surprise, le tribunal de commerce de la Métropole de Lille a annoncé la liquidation judiciaire de l’entreprise, le 13 janvier 2021, avec poursuite d’activité de trois mois pour sécuriser le site.

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Le Groupe Lohr, spécialiste des systèmes de transports, compte sur le plan de relance pour sortir de l’ornière

Présentation de la nouvelle navette i-Cristal éléctrique, au siége de Lohr, à Duppigheim (Bas-Rhin), le 10 septembre 2018.

Il n’y aura pas de plan social chez Lohr. C’est en tout cas la feuille de route suivie par la nouvelle direction de ce groupe de 800 personnes, installé à Duppigheim (Bas-Rhin), au nord de l’Alsace, et bien connu dans ses quatre domaines d’activité : remorques porte-voitures, wagons d’autoroutes ferroviaires, véhicules militaires (via sa filiale Soframe) et navettes urbaines électriques et autonomes (i-Cristal). Des secteurs pourtant touchés de plein fouet par la crise liée à l’épidémie de Covid-19.

En 2020, le constructeur a ainsi vu son chiffre d’affaires fondre de plus de 30 % (470 millions d’euros en 2019), et 2021 ne devrait pas encore voir de reprise. « Jamais la situation n’a été aussi incertaine, pas même en 2012, quand le groupe était en cessation de paiement », témoigne Nasri Bouazza, délégué syndical CFDT de l’entreprise. Pour faire face au creux d’activité actuel, pas question cependant pour le propriétaire de la société, le très discret Robert Lohr, de licencier. L’industriel a préféré négocier avec les syndicats un accord de chômage de longue durée, qui lui permet d’avoir recours au chômage partiel à hauteur de 50 % maximum pendant deux ans. À charge pour les équipes de rentrer de nouveaux contrats durant cette période et ainsi relancer l’activité.

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« Nous avons des savoir-faire à défendre », affirme ainsi Marie-José Navarre, vice-présidente du groupe. Ancienne directrice du développement stratégique de Lohr industrie, elle a été rappelée en février par le nouveau PDG de la société, François Lhomme, moins d’un an après avoir été remerciée par son prédécesseur. Ce dernier, polytechnicien, s’était efforcé pendant trois ans de transformer les méthodes de production de l’entreprise. Son successeur semble désormais plus proche des valeurs humanistes et de combativité véhiculées par la société familiale. « Maintenant, on peut repartir à l’offensive avec une société nettoyée », résume Patrick Bourreau, directeur de la filiale Soframe.

« Être dans les radars »

Le secteur militaire concentre en partie les craintes quant à l’avenir du groupe. Dans ce domaine en effet, la crise est venue renforcer une baisse cyclique de l’activité. Seules quelques commandes résiduelles devraient occuper l’année 2021, avec notamment l’achèvement d’un programme de construction de véhicules de dépannage pour l’armée belge. « Les perspectives sont pourtant là. On travaille sur de nombreux appels d’offres, nos bureaux d’études et nos commerciaux sont très sollicités, mais il s’agit de projets de long terme », explique M. Bourreau.

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Le gouvernement abat ses cartes sur la réforme de l’assurance-chômage

Elisabeth Borne, ministre du travail, lors de la séance des questions au gouvernement, à l'Assemblée nationale, mardi 2 mars.

Partiellement suspendue en raison de l’épidémie de Covid-19, la réforme de l’assurance-chômage vient d’être replacée sur des rails. Mardi 2 mars, le gouvernement a confirmé que ce chantier serait mené à son terme, mais en suivant un plan différent de celui défini, en juillet 2019, dans deux décrets. Les transformations décidées à l’époque font donc l’objet d’aménagements. Concrètement, les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi vont être durcies, à partir du 1er juillet, tout en étant un peu moins sévères que celles fixées initialement. Des assouplissements ne faisant nullement retomber les critiques exprimées, depuis le départ, par les syndicats.

C’est Elisabeth Borne, la ministre du travail, qui a dévoilé les arbitrages, mardi, lors d’une réunion avec les partenaires sociaux. Ses décisions sont le fruit d’une concertation que l’exécutif avait engagée, au début de l’automne 2020, avec les organisations d’employeurs et de salariés.

Au cœur des réflexions, il y avait quatre dispositions-clés. Trois d’entre elles, unanimement dénoncées par les centrales syndicales, touchent les chômeurs : augmentation de la durée de cotisation pour bénéficier d’une allocation ; dégressivité des sommes versées à partir du septième mois pour les moins de 57 ans qui gagnaient 4 500 euros brut quand ils occupaient un poste ; nouveau mode de calcul, ayant pour conséquence d’amputer le montant mensuel de la prestation octroyée à ceux qui alternent contrats courts et périodes d’inactivité.

Lire l’entretien : « Les demandeurs d’emploi concernés vont avoir un lourd sentiment d’injustice »

Une quatrième mesure – dénoncée, elle, par le patronat – instaure une logique de bonus-malus dans les coti­sations payées par les entreprises de sept secteurs : celles qui multiplient les contrats de courte durée sont soumises à des contributions majorées, tandis que les employeurs dont la main-d’œuvre est stable voient leurs prélèvements diminuer.

Un plancher instauré

Ces mécanismes, inscrits dans la première mouture de la réforme, sont maintenus tout en étant retouchés. L’objectif affiché par Mme Borne est double : combattre la précarité liée à un recours excessif aux contrats courts, par le biais, en particulier, du bonus-malus, et introduire plus d’équité dans la détermination du niveau de l’allocation.

Sur ce deuxième point – celui de l’équité, donc –, la ministre fait valoir que les règles actuellement en vigueur débouchent sur des niveaux d’indemnisation différents pour des personnes ayant travaillé continûment à mi-temps et pour celles qui ont été employées à temps plein un jour sur deux, même si les unes et les autres ont effectué le même nombre d’heures, sur un laps de temps donné.

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Danone : la pression de rendements insoutenables

Editorial du « Monde ». Quand, en juin 2020, Emmanuel Faber est parvenu à faire de Danone le premier groupe coté de taille mondiale à se doter du statut juridique d’entreprise à mission, le volontarisme du PDG avait ouvert de nouvelles perspectives sur l’évolution du capitalisme. L’entreprise n’avait plus pour unique horizon le retour sur investissement des actionnaires, elle devait parallèlement se fixer des objectifs sociaux et environnementaux ambitieux. Huit mois plus tard, la crise de gouvernance que traverse le géant des produits laitiers et de l’eau en bouteille résonne comme un dur rappel aux réalités de la primauté des actionnaires sur les autres parties prenantes : salariés, consommateurs, fournisseurs et citoyens.

Lundi 1er mars, sous la pression de deux fonds d’investissement, le conseil d’administration de Danone a réduit les responsabilités d’Emmanuel Faber. Le patron se voit retirer la direction opérationnelle pour se concentrer uniquement sur la présidence du groupe. Cette dissociation des fonctions vise à répondre aux inquiétudes des actionnaires sur les performances de Danone. Le cours de Bourse a chuté d’un quart en 2020, tandis que sa rentabilité reste inférieure de quatre points à celle de ses principaux concurrents comme Nestlé ou Unilever qui affichent des marges autour de 18 % du chiffre d’affaires.

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Même si les deux fonds n’ont pas obtenu entière satisfaction dans la mesure où ils réclamaient le départ pur et simple du PDG, la décision de limiter le pouvoir d’Emmanuel Faber révèle ainsi la difficulté de concilier les intérêts des actionnaires, qui réclament un niveau de rendement maximum, avec une croissance plus responsable. Déjà, en novembre 2020, l’exercice avait montré ses limites lorsque Danone avait annoncé la suppression de 2 000 emplois malgré un bénéfice net stable sur l’année à près de 2 milliards d’euros.

Emmanuel Faber n’est, certes, pas exempt de tout reproche. En interne, son exercice du pouvoir, autoritaire et solitaire, fait grincer des dents. Quant à sa stratégie, qui consiste à réorganiser le groupe par pays et non plus par marque pour mieux répondre aux attentes locales des consommateurs, elle suscite le scepticisme des cadres d’un groupe qui s’est construit sur le marketing. Les actionnaires peuvent être fondés à exprimer des critiques sur ces choix et sur cette concentration des pouvoirs.

Interrogation sur la soutenabilité des exigences

En revanche, au-delà du cas particulier de Danone, cette crise amène à s’interroger sur la soutenabilité des exigences de rentabilité des fonds d’investissement. Est-il raisonnable que les rendements des entreprises restent aussi élevés que dans les années 1990, alors qu’entre-temps les taux d’intérêt à long terme sont tombés à zéro et que le rythme de la croissance économique a singulièrement diminué ?

Hormis dans certains secteurs innovants ou dans celui du luxe, de tels retours sur investissement ne peuvent être obtenus impunément. Sur le plan environnemental, ils conduisent à générer des dommages qui sont incompatibles avec ce que la planète est capable de supporter. Sur le plan social, ils ont abouti, ces dernières années, à une déformation spectaculaire du partage de la valeur au détriment des salaires.

Fonds de pension et fonds souverains arbitrent de plus en plus leurs investissements en fonction de critères sociaux et environnementaux. Mais tant que cette évolution ne s’accompagnera pas d’une modération des rendements exigés, le développement durable s’en trouvera d’autant limité.

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Le Monde

Dans les start-up, la frontière est ténue entre engagement total et management toxique

« Les faits dénoncés par les témoignages sont, pêle-mêle, une surcharge de travail, des cas de chantage affectif, des humiliations récurrentes, discrimination à l’embauche, sexisme ou de racisme. »

« L’un des patrons appelait un manager “mon toutou devant tout le monde, alors qu’il faisait juste bien son travail, raconte au Monde Vincent (les prénoms ont été modifiés), un ancien salarié de la start-up d’intérim Iziwork. Après six mois d’humiliation, ils ont imprimé un t-shirt avec une photo de chien, et au verso la phrase “bonne petite bête or go home (rentre chez toi)” ».

La victime présumée de cette anecdocte s’incrit en faux et la qualifie de « plaisanterie entre amis ». « Il y a bien eu un t-shirt, mais jamais je n’ai été appelé toutou, et jamais je ne me suis senti humilié. Quant à l’expression “bonne petite bête or go home c’est un détournement humoristique de notre mantra “go big or go home ».

De son côté, Chloé, ex-chargée de recrutement dans la même entreprise, se souvient : « On me faisait travailler en arrêt de travail. Un jour, je me suis fait renverser par une voiture, ma manageuse m’a demandé de bosser ». Chez Iziwork comme ailleurs, les témoignages de mauvaises pratiques pleuvent sur le réseau social Instagram.

Créé le 25 décembre 2020 par une ancienne employée de start-up, le compte Balance ta start-up (BTS) relaie, depuis deux mois, la parole de centaines de salariés qui dénoncent anonymement les méthodes de management toxiques des start-up. « J’ai été témoin d’abus. Souvent, les mêmes schémas s’y reproduisent, liés au non-respect du droit du travail », explique Louise, la fondatrice de BTS, qui tient à rester anonyme.

Eviter la diffamation

Balance ta start-up s’inscrit dans une lignée de libération de la parole amorcée par #balancetonporc en 2018. « Il y a une grande omerta. Quand on est bloqué, les réseaux sociaux sont le dernier recours », observe Louise. Pour vérifier l’authenticité des témoignages et éviter la diffamation, « je demande si la personne a bien travaillé dans l’entreprise, elle doit m’envoyer une preuve : un extrait de profil LinkedIn, un contrat de travail… », explique cette trentenaire. Au 25 février, quelque 147 start-up sont mises en cause par plus de 1 200 témoignages. Parmi elles, les très populaires Lou Yetu, Lydia, Swile et Doctolib.

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BTS invite évidemment les entreprises à exercer leur droit de réponse, mais sans grand succès. Seules quatre ont répondu, dont une seule reconnaît le problème. Lou Yetu, qui vend des bijoux, dénonce une « campagne de dénigrement » et parle de « choses fausses et infondées ». Pour y voir plus clair, elle a toutefois annoncé le lancement d’un « audit indépendant ».

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Ici Radio Covid : les employeurs parlent à leurs salariés

« Le dialogue est beaucoup plus informel et quasi permanent pour remotiver les salariés, et pallier le silence qui, pour les télétravailleurs, peut être lourd de risques psychosociaux.  »

Carnet de bureau. A 9 heures, « Mini-Morning » : les actus du jour, chronique, interviews (actus/business) ; 11 h 30, « Les auditeurs ont la parole » : questions-réponses ; 17 heures, « Mini-drive » : l’essentiel de l’actu de la journée et interview d’un salarié. C’est la grille d’Ensemble !, la radio créée en mars 2020 par le groupe pharmaceutique Ipsen.

Les 1 800 salariés du groupe sont éclatés entre le siège parisien, un centre de recherches en Ile-de-France et trois sites de production en province, sans compter les filiales à l’étranger. « Dès le premier confinement, le 18 mars, on a mis en place une webradio pour garder le lien avec les collaborateurs, et pour qu’ils puissent suivre l’évolution de la pandémie, notamment en Chine où ils ont des collègues. En vidéo, des salariés racontaient comment ça se passait avec le Covid pour leur métier, comment ils s’adaptaient au jour le jour », explique Régis Mulot, responsable des ressources humaines d’Ipsen France.

Deux mois plus tard, le travail à distance s’installant dans la durée, la radio adaptait sa grille pour ajouter un live avec un ou deux membres de la direction et une session hebdomadaire pour parler « gestion du stress ».

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Chargée d’accompagner les transformations et de maintenir le collectif, la communication en entreprise a pris une place centrale depuis la crise sanitaire. Le dialogue est beaucoup plus informel et quasi permanent pour remotiver les salariés, et pallier le silence qui, pour les télétravailleurs, peut être lourd de risques psychosociaux. Mais aussi organiser la grand-messe annuelle sur les résultats du groupe et les événements de l’entreprise.

Les plateaux télé s’arrachent

Depuis un an, les employeurs s’adressent différemment aux salariés, avec de nouveaux contenus (audio, vidéo, etc.) : 90 % des cadres disent que leur entreprise utilise des outils vidéo, dont 22 % depuis la crise sanitaire, indique une étude Harris Interactive publiée le 8 février. Au-delà de la désormais classique visioconférence, « on a créé des morning-café, des magasines internes, où les salariés filment leur organisation à la maison, leurs réalisations sur le terrain, pour valoriser les efforts de tous, malgré les obstacles du Covid », confirme Charlie Clarck, fondateur et directeur général de Whistcom, organisme de formation à la communication des dirigeants.

Lire la chronique : Le 100 % télétravail, un modèle d’exception

Mises à part les grands-messes des résultats annuels qui sont restées au format traditionnel, tout l’événementiel a été numérisé. Engie, Sodexo, Edenred, LVMH ont ainsi investi les plateaux télé, dont la location s’arrache. « Nombre de nos événements ont été digitalisés dès le mois de mai, sous forme d’émissions, avec des présentateurs télé, comme Marie Drucker, témoigne un porte-parole de LVMH. Personne ne sait combien de temps va durer la crise, on s’est inscrit dans une logique de long terme, et on a touché une audience plus large à l’international ».

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Uber : « worker », ou le troisième statut d’emploi

« N’en déplaise aux fanatiques du travail subordonné, idéal insurpassable, le « travail à la demande » correspond pour nombre d’entre eux – en particulier les jeunes – à une « demande de travail » flexible, quitte à en payer le prix. »

Droit social. La Cour suprême de Londres a requalifié, le 19 février 2021, un chauffeur Uber inscrit comme travailleur indépendant en « worker » : un troisième statut, à mi-chemin entre « salarié » et « indépendant », pour les travailleurs dits « parasubordonnés », car n’ayant aucune marge de négociation, et dont le cocontractant n’est pas le client. Avec une protection spécifique : salaire minimal, durée du travail, congés payés… Mais ni congés maladie ou maternité, ni indemnités de licenciement ou de chômage, ni retraite financée.

Ce statut, plus fin que notre opposition salarié/indépendant et correspondant mieux à la situation de ces chauffeurs, est cependant une fausse bonne idée en droit français, pour trois raisons.

En premier lieu, à la place d’une seule frontière déjà floue, il en créerait deux, qui devraient être redéfinies par deux juges différents : le juge social et le juge commercial, jusqu’en cassation. Sachant qu’au bout du chemin, la Cour de Luxembourg pourrait imposer ses vues au nom du droit communautaire.

Deuxième raison : réserver ce statut aux seuls travailleurs des plates-formes de transports, dont certains déjà pluriactifs (ayant leur propre clientèle, salariés à temps partiel), constituerait une nouvelle sous-catégorie, créant une distorsion de concurrence avec les travailleurs indépendants du même secteur. Pour limiter les effets de bord, il faudrait donc élargir ce statut aux situations comparables.

Troisième raison enfin : il risque de déstabiliser le salariat, en voulant conférer une meilleure protection sociale à ces 180 000 travailleurs si particuliers. En effet, des entreprises pourraient réfléchir à passer certains de leurs salariés autonomes en « workers », ou proposer ce statut aux futurs recrutés. De quoi inquiéter notre régime général, déjà mal en point.

Des contentieux en trompe-l’œil

La vraie question posée par l’économie des plates-formes ? D’abord de mieux protéger ces chauffeurs et cyclistes à hauts risques (les accidents du travail sont fréquents), mais à la protection sociale réduite. Les contentieux prud’homaux sont donc ici en trompe-l’œil : au-delà de la création d’un rapport de force avec les plates-formes, il s’agit moins d’obtenir un contrat de travail que la protection du régime général et l’indemnisation du chômage attachées au salariat, comme l’a montré le rapport Frouin.

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Pour y parvenir, la Cour de cassation requalifie donc avec entrain. Avec son arrêt Uber du 4 mars 2020, elle a par exemple imaginé un contrat de travail créatif avec une « subordination juridique permanente », où l’employeur n’est pas tenu de fournir du travail et le salarié d’exécuter des ordres. Arrêt qui, un an plus tard, n’a pas vraiment « fait jurisprudence » : moins de quatre cents assignations aux prud’hommes, et deux arrêts d’importantes cours d’appel en sens inverse. Ce qui ne traduit pas automatiquement de rudes contradictions, les plates-formes reconfigurant au fur et à mesure leurs règles afin d’échapper aux nouvelles mailles du filet.

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« Sept négociations qui ont fait l’histoire de France » : gros plan sur les grands négociateurs de l’histoire

« 7 négociations qui ont fait l’histoire de France », de Jean-Edouard Grésy et Eric Le Deley (Fil Rouge, 286 pages, 16 euros).

Le livre. Analyser l’histoire à travers les rapports de force est usuel. Etudier l’autre versant, à savoir l’art de la paix, est moins courant. Pourtant, les traités de paix ont eu dans l’histoire une influence plus grande que bien des campagnes militaires, « car ils ont remodelé des Etats, redessiné des continents et créé des paix durables dans l’histoire », soulignent Jean-Edouard Grésy et Eric Le Deley dans 7 Négociations qui ont fait l’histoire de France (Fil Rouge). A la fois livre d’histoire, manuel d’aide à la décision et précis de management, l’ouvrage invite le lecteur à découvrir ces accords élaborés par des femmes et des hommes « plus vaillants et clairvoyants que bien des stratèges militaires ».

L’anthropologue et le docteur en sciences de gestion se penchent sur sept histoires du passé, de Louis XI à Michel Rocard. A chaque fois, ils abordent de manière didactique les facettes de l’art de la négociation, pour permettre aux négociateurs d’aujourd’hui d’élargir leur répertoire de réponses : il s’agit en effet de comprendre et de convaincre les multiples parties prenantes.

Catherine de Médicis, qui concilia huit guerres de religion et inspira l’édit de Nantes, incarne les vertus de la médiation : elle a su accompagner les belligérants pour définir les termes d’un terrain d’entente mais ne l’a pas fait à leur place, « car l’autonomie et la responsabilisation permettent de trouver des solutions durables aux problèmes ».

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Avec Jules Mazarin, qui offrit une paix durable avec l’Espagne par le traité des Pyrénées, le lecteur apprendra l’importance de se connaître et de connaître les autres dans la négociation. Durant la Fronde, le genre littéraire des « mazarinades », couvrant des dizaines de milliers de pages, a moqué et insulté le cardinal. Ce dernier conseillait alors de se procurer ces pamphlets, et écrivait : « Lis-les, montre-les à tout le monde et fais mine d’en rire de bon cœur : tu décourageras leurs auteurs. »

Stratégies de temps long

Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, qui défendit la position française dans le concert européen, illustre de son côté la voie de la patience : il invita l’ensemble des délégations à penser à long terme, à prévoir le cadre de la mise en œuvre afin que chaque accord ne soit pas remis en cause ultérieurement.

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Simone Veil, enfin, qui parvint à faire voter la loi sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG), montre l’importance de mener des négociations en parallèle. « Les tractations officieuses permettent bien souvent d’aplanir les difficultés avant le début des négociations officielles, écrivent les auteurs. Aller à la rencontre de Gaston Deferre pour lui expliquer qu’elle allait devoir céder sur la clause de conscience permet à Simone Veil d’anticiper sa réaction, et de s’assurer qu’il ne perd pas la face vis-à-vis des parlementaires socialistes et communistes. »

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A Canal+, les signataires d’une pétition de soutien à Sébastien Thoen sous pression

Le journaliste Sébastien Thoen, sur le plateau de Canal +.

Si les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures, le sketch de l’humoriste Sébastien Thoen parodiant l’émission de CNews « L’Heure des pros » pour un site de paris en ligne, en novembre 2020, n’en finit plus de semer le malaise à Canal+.

Depuis que son auteur, le chroniqueur dans l’émission hebdomadaire « Canal Sports Club » et présentateur du mensuel « Journal du hard », a été congédié, tout comme le journaliste sportif Stéphane Guy, qui lui avait rendu hommage à l’antenne, nombre de collaborateurs, occasionnels ou réguliers, du service des sports craignent de perdre leur emploi.

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Leur adhésion à un texte de soutien à M. Thoen, publié sur Twitter le 4 décembre 2020 et signé par 148 personnes (dont 48 de façon anonyme), remettrait en cause leur « loyauté » à l’entreprise – un terme employé dès décembre 2020 par la direction lors d’un comité social et économique (CSE). Au point que leurs supérieurs hiérarchiques leur feraient savoir oralement qu’il serait préférable qu’ils quittent la chaîne.

Une situation jugée suffisamment alarmante pour que les représentants du personnel demandent, mercredi 3 mars, la tenue d’un CSE extraordinaire.

Une fin de collaboration inévitable

Mi-février, trois pigistes du service des sports se sont vu signifier la fin de leur collaboration, ainsi que l’a révélé le site d’information en ligne Les Jours. Puis, le quotidien sportif L’Equipe a indiqué que la présentatrice de l’émission « Canal Sports Club », Marie Portolano, partait pour rejoindre M6. La jeune femme, confie une source interne, aurait anticipé une fin de collaboration rendue inévitable par son paraphe en soutien à M. Thoen. Contactée, la journaliste refuse de commenter cette interprétation des faits.

« On leur dit qu’on ne peut plus avoir confiance en eux et que ce serait pas mal qu’ils s’excusent », expose un élu du CSE

Une étape supplémentaire a été franchie il y a une dizaine de jours quand « les manageurs », selon plusieurs sources, ont commencé à suggérer à leurs troupes de se rapprocher de Thierry Cheleman, le directeur des sports du groupe Canal+, et Didier Lahaye, son adjoint. Là, expose un élu au CSE, « on leur dit qu’on ne peut plus avoir confiance en eux et que ce serait pas mal qu’ils s’excusent ». « Ils doivent dire qu’ils regrettent et le signifier par mail à Vincent Bolloré », assure un proche de certaines des personnes concernées.

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