« Une agence nationale pour l’innovation de rupture, pour faire quoi ? »
Entreprises. Le Royaume-Uni a annoncé la création d’une agence nationale pour l’innovation de rupture. Inspirée de l’Agence américaine de recherche pour la défense (DARPA), cette agence devrait se caractériser par une grande liberté d’action au service de projets très risqués et à fort enjeu sociétal.
Un rapport parlementaire (« A New UK Research Funding Agency », HC 778, février 2021) soutient cette initiative mais analyse aussi les questions soulevées par ce projet. Au-delà du contexte britannique, le débat a le mérite d’interroger les différents modèles d’organisation de l’innovation et de la recherche, ainsi que les connaissances disponibles dans ce domaine.
La pandémie actuelle et l’absence de vaccin français l’ont rappelé avec force : la recherche et l’innovation sont également indispensables à la compétitivité des Etats, à la protection sanitaire, aux transitions énergétiques ou à la conservation des écosystèmes. Ruse de la raison ? Plus nous affirmons de nouvelles valeurs ou de nouveaux idéaux – seraient-ils technophobes ou frugaux – et plus nous appelons à la recherche et à l’exploration de concepts novateurs.
Partout les budgets de la recherche sont invités à croître, tandis que des alertes répétées sur la place des pays asiatiques dans la recherche mondiale inquiètent l’Europe et les Etats-Unis. Mais comme en témoigne le débat public anglais, l’effort financier nécessaire s’accompagne aussi de controverses sur la bonne gestion des institutions de recherche et d’innovation.
On y retrouve les reproches adressés aux institutions classiques de la recherche : manque d’audace, rejet des projets risqués, faible interdisciplinarité, lourdeurs des procédures d’évaluation. Mais l’enquête anglaise remarque aussi que cet esprit conservateur se retrouve autant dans les organismes traditionnels (de type « science push), fondés sur la seule qualité scientifique et le jugement par les pairs, que dans ceux qui doivent financer des innovations tournées vers le marché.
Dilemmes habituels
Dans le premier cas, la recherche « disruptive » serait freinée par le corporatisme académique et la pression sur les publications ; dans le second cas, elle se heurterait au court-termisme des industriels. D’où l’idée d’un nouveau type d’organisme qui serait autorisé à prendre des risques scientifiques élevés et qui serait doté d’une totale autonomie de gestion et d’orientation.
Ce point de vue est contesté par certains experts qui craignent qu’un tel organisme ne retombe rapidement dans les travers dénoncés et complexifie la politique scientifique. Mais le gouvernement et le Parlement soutiennent qu’une telle structure, hors normes, est vitale pour le pays.
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