Archive dans février 2021

Dans un secteur aérien sinistré, ADP annonce une perte nette de 1,17 milliard d’euros en 2020

Plusieurs avions sur le tarmac de l’aéroport parisien Roissy-Charles-de-Gaulle, en mai 2020, alors que la pandémie de Covid-19 affecte fortement le secteur aérien.

Sous l’effet de la pandémie de Covid-19 qui a amputé son trafic passager de 60 % et sinistré le secteur aérien mondial, le gestionnaire d’aéroports Groupe ADP a subi une lourde perte nette de 1,17 milliard d’euros en 2020.

L’entreprise, qui gère notamment les aéroports parisiens de Roissy-Charles de Gaulle et Orly, a vu son chiffre d’affaires chuter de 54,5 % par rapport à 2019, à 2,14 milliards d’euros, a-t-elle détaillé dans la soirée du mercredi 17 février. Sa trésorerie stabilisée devrait, toutefois, lui permettre « d’envisager sereinement l’année 2021 », malgré la poursuite de la pandémie.

La chute du chiffre d’affaires est conforme à la fourchette précédemment évoquée par ADP et au consensus des analystes compilé par le fournisseur de données Factset. En revanche, la perte nette est plus importante qu’attendu : elle a notamment été aggravée par la révision à la baisse de la valeur d’actifs à l’international et par des provisions pour un plan de départs.

Témoin de la pression qui va continuer à s’exercer sur le transport aérien, encore affecté par la fermeture des frontières, le groupe a abaissé ses prévisions de trafic dans ses aéroports parisiens pour 2021 : il compte atteindre entre 35 % et 45 % de celui de 2019, dernière année pleine avant la pandémie, contre une fourchette précédemment mentionnée de 45 % à 55 %.

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A l’international « en revanche, nous comptons sur un objectif de trafic groupe de l’ordre de 45 % à 55 % en 2021 par rapport au trafic de 2019. Nous comptons bien sur le dynamisme de l’activité de nos concessions et autres actifs », a affirmé le directeur général adjoint finances du groupe, Philippe Pascal, lors d’une téléconférence de presse. ADP gère plus d’une vingtaine d’équipements dans le monde.

« Les traces d’une crise brutale et sans précédent »

Le chemin sera long pour retrouver l’activité d’avant la crise sanitaire. Le groupe persiste à penser que « le trafic 2019 ne reviendra que dans une fourchette comprise entre 2023 et 2027 », a précisé M. Pascal.

Côté trésorerie, « nous ne brûlons quasiment plus de cash », a-t-il ajouté, se disant déterminé à parvenir en 2021 et 2022 à une trajectoire d’« endettement maîtrisé ». Fin décembre 2020, la dette nette du groupe atteignait 7,48 milliards d’euros contre 5,25 milliards un an plus tôt – celui-ci ayant emprunté sur les marchés pour affronter la crise.

Les résultats de 2020 « portent les traces d’une crise brutale et sans précédent », mais « enregistrent aussi les efforts exceptionnels du groupe » pour y faire face, a ajouté M. Pascal, en mentionnant le déploiement d’un plan d’économies drastiques de 668 millions d’euros.

Ce plan, passant notamment par une fermeture partielle des infrastructures, dont certains terminaux de passagers, a permis de préserver un excédent brut d’exploitation positif, à 168 millions d’euros, s’est-il félicité. Le chiffre d’affaires par passager était resté quasi stable en 2020, malgré la très forte chute de la fréquentation.

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ADP avait annoncé la signature en décembre d’un accord de rupture conventionnelle collective fixant à 1 150 le nombre maximum de départs volontaires – dont 700 ne seront pas remplacés – et permettant d’éviter des départs contraints. Au total, le groupe, dont l’Etat est l’actionnaire majoritaire, va se séparer de 11 % de ses effectifs d’avant-crise.

Le Monde avec AFP

Le sort du PDG de Danone, Emmanuel Faber, en suspens avant un conseil d’administration

Des syndicats volant au secours d’un patron en train de supprimer près de 2 000 postes. Des actionnaires qui réclament davantage de croissance (et pas de réduire les coûts). La crise chez Danone, où le PDG, Emmanuel Faber, se retrouve sur la sellette, donne lieu, depuis quelques jours, à d’improbables prises de position, souvent à front renversé.

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Officiellement, le sujet de la gouvernance n’est pas inscrit à l’ordre du jour du conseil d’administration qui se tient jeudi 18 février : l’objectif est d’arrêter les comptes de l’exercice 2020. Mais la question de l’avenir de M. Faber est bien au cœur des discussions, qui se sont intensifiées en coulisses depuis que des actionnaires de Danone ont réclamé publiquement une dissociation des fonctions de président et de directeur général.

Le gestionnaire d’actifs américain Artisan Partners – qui affirme détenir plus de 3 % du capital de Danone –, ainsi que l’activiste londonien Bluebell Capital, militent ainsi pour que deux personnes différentes occupent le poste de président et de directeur général du groupe. Et tant qu’à faire, ils ne voient M. Faber dans aucun des deux rôles. Cette analyse est partagée par certains administrateurs du groupe, mais pas tous.

« “Kocherisation” de la situation »

Face à cette contestation, le PDG aurait souhaité aller au bout de son mandat, qui s’achève en 2022, avant de procéder à la dissociation demandée. Toutefois, cette solution d’attente paraît aujourd’hui intenable aux yeux des détracteurs de M. Faber. Pour deux raisons. D’abord, la performance financière de Danone est jugée insuffisante. A cet égard, les comptes de l’exercice 2020 seront examinés de près après leur publication, vendredi 19 février. Ensuite, la contre-offensive tous azimuts lancée ces derniers jours par les défenseurs de M. Faber a laissé des traces.

« On assiste à une kocherisationde la situation », lance un bon connaisseur de Danone, en référence à la défense désespérée d’Isabelle Kocher, l’ancienne directrice générale de l’énergéticien Engie, qui avait voulu politiser le non-renouvellement de son mandat, décidé en février 2020. Cette manœuvre pour sauver son poste l’avait coupée de ses derniers soutiens.

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A l’époque, un collectif d’intellectuels et de politiques avait publié une tribune dans Les Echos assurant que la dirigeante était « indispensable » à la transition écologique. De son côté, le camp de M. Faber souhaite installer le dirigeant comme le garant d’un capitalisme responsable chez Danone. Aidé par Mathias Vicherat, ancien directeur de cabinet de Bertrand Delanoë puis d’Anne Hidalgo, devenu secrétaire général de Danone en 2019, le PDG a cherché des alliés dans le monde politique. Il a ainsi rencontré notamment Nicolas Sarkozy et François Hollande.

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Harcèlement chez Lidl : un entrepôt de l’enseigne de hard-discount perquisitionné

Les gendarmes ont perquisitionné mardi 16 février la plate-forme logistique Lidl de Ploumagoar (Côtes-d’Armor), près de Guingamp, a fait savoir le procureur de la République de Saint-Brieuc. L’équipe encadrante a été placée en garde à vue dans le cadre d’une information judiciaire pour « harcèlement au travail », a-t-on appris de sources concordantes.

« Ce matin, vers 9 heures, environ 25 gendarmes se sont rendus sur la plate-forme logistique de Guingamp pour placer en garde à vue l’intégralité de notre équipe encadrante locale pour motif de discrimination syndicale », a déclaré de son côté une porte-parole de l’enseigne hard-discount.

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Alerte au procureur

« Les salariés présents et témoins de la scène sont extrêmement choqués. C’est pourquoi les collègues de la plate-forme voisine de Rennes sont venus les soutenir et mettre en place une cellule psychologique (…). L’activité de la plate-forme logistique est maintenue », a ajouté cette porte-parole. Elle n’a pas pu préciser le nombre de personnes placées en garde à vue.

Arnaud Rouxel, délégué syndical CGT sur le site, a évoqué un « dossier assez important en termes de cas ». « On a fait une alerte au procureur fin juillet lui expliquant l’ambiance, la dégradation des conditions de travail, les salariés sanctionnés de manière discriminatoire, les pressions sur le droit de grève », a-t-il expliqué, évoquant un « management toxique, à la dérive ». Le « dossier détaillé avec des pièces » remis au procureur de la République de Saint-Brieuc portait aussi sur des faits de harcèlement, selon lui. M. Rouxel a précisé avoir porté plainte personnellement pour discrimination syndicale, de même que plusieurs autres salariés.

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Le Monde avec AFP

La mort du juriste, spécialiste du droit du travail, Philippe Waquet

Philippe Waquet.

« J’aime le droit. Il n’y a pas de paix entre les hommes sans droit. J’aime la dialectique, la recherche, l’imagination juridiques », aimait dire Philippe Waquet.

L’ancien doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation est mort le 6 février, à l’âge de 87 ans. Il aimait la Bretagne et en particulier le golfe du Morbihan, berceau de sa famille, où il venait aussi travailler. Car Philippe Waquet était bon vivant, et grand travailleur. Associée à une autorité naturelle, à son intelligence pétillante et à sa culture peu commune, cette puissance de travail lui a assuré un rôle central partout où il a exercé. Et ses six enfants ont souvent eu droit à la parabole des talents, ou au poème de Jean de La Fontaine « Le Laboureur et ses enfants » : « Le travail est un trésor », individuel mais aussi collectif.

Il était un vrai juriste, « car celui qui ne connaît que la technique juridique ne connaît rien du droit » : l’adage est connu. Le « doyen Waquet » maîtrisait évidemment cette technique ; mais au-delà de cette indispensable technique d’organisation de la société, le droit reflète un système de valeurs. Dans les deux parties de sa vie professionnelle, ce catholique social formé à l’école du scoutisme et du mouvement Vie nouvelle n’a cessé de les mettre en avant.

Voir plus loin que le bout de son code

Entre 1967 et 1987, comme avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, spécialisé dans le droit des étrangers, il conseille le Groupe d’information et de soutien des immigrés. Puis cet homme d’action décide, en 1988, de rejoindre la chambre sociale de la Cour de cassation, à une époque cruciale car y arrivent des milliers de dossiers liés au tremblement de terre des quatre lois Auroux, de 1982, sur les droits des travailleurs.

Face à ce tsunami, comment tenir bon la barre de la « fabrique du droit » ? Car son rôle n’est pas de rendre au coup par coup des milliers d’arrêts discrètement marqués par les faits de l’espèce, mais assurer unité et cohérence avec une politique jurisprudentielle stable : mission accomplie.

Et voir plus loin que le bout de son code. Ainsi de la loi du 4 août 1982 « relative aux libertés des travailleurs dans l’entreprise » : sa traduction jurisprudentielle figure dans le sous-titre de l’ouvrage de Philippe Waquet, L’entreprise et les libertés du salarié (éd. Liaisons, 2003) : « Du salarié-citoyen au citoyen-salarié ».

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Sidération, chômage technique… Le traumatisme des salariés victimes de rançongiciels

Par et

Publié aujourd’hui à 11h19

« Il y avait un écran tout bleu m’informant que mes dossiers avaient été cryptés, et qui me demandait à peu près 2 000 euros. J’avais envie de pleurer. » En 2016, Julie Wernert, chef d’entreprise dans les Bouches-du-Rhône, a vécu un scénario qu’ont vécu depuis des milliers de professionnels en France.

Après avoir cliqué sur une pièce jointe infectée par un logiciel malveillant, son ordinateur, qui sert à la fois de poste de travail professionnel et personnel, a été la cible d’un rançongiciel : un virus qui chiffre les fichiers d’une machine ou de tout un réseau, et demande le paiement d’une rançon en cryptomonnaies pour en récupérer l’usage.

Lire notre enquête sur les attaques aux rançongiciels : Les autorités tentent de contenir la déferlante

« On a remonté une sauvegarde, mais elle datait de fin 2015, donc j’avais à peu près huit mois de travail à refaire », se rappelle-t-elle. Devis, factures, documents fiscaux… Au total, 4 652 documents ont été chiffrés par le rançongiciel. Par chance, des copies sur papier avaient été conservées, mais il a fallu « grosso modo » un mois pour tout entrer à nouveau informatiquement. « Il y a eu du retard de pris sur les chantiers parce qu’on n’avait plus nos devis », explique cette chef d’une TPE du bâtiment.

« Phase de sidération totale »

2016 était une autre époque, une éternité pour une cybercriminalité qui évolue à toute vitesse. Les opérateurs de rançongiciels tapaient plus large, visant aussi bien les petites sociétés que les particuliers. En 2021, si la majorité des attaques restent opportunistes (elles visent des réseaux peu sécurisés), ces groupes sont mieux organisés, et font surtout plus de dégâts, laissant généralement les particuliers tranquilles, et se concentrant sur les multinationales et les collectivités locales (petites et grandes).

Les réactions des victimes lorsqu’elles prennent conscience de ce qu’il vient de se passer sont cependant presque universelles. « On se sent un peu démuni, abandonné parce qu’il n’y a pas un médecin qui vient vous soulager comme quand vous êtes malade », abonde une avocate dont le cabinet a été touché par un rançongiciel il y a environ cinq ans, et qui souhaite garder l’anonymat. Comme Julie Wernert, son premier sentiment fut la panique : « On devient très vite parano, on se demande si nos données sont accessibles à d’autres. »

« Il y a une phase de sidération totale, [les entreprises] ne comprennent pas ce qui leur arrive », raconte Pauline Donon, responsable de la gestion de crise pour Intrinsec, une entreprise de réponse à incident qui vient en aide aux victimes de rançongiciel. « Souvent, on arrive dans l’heure ou les deux premières heures après le début de la crise. (…) Il y a des gens qui courent un peu partout dans les couloirs. Il y a des gens aussi qui sont complètement désœuvrés », relate Gérôme Billois, expert pour l’entreprise Wavestone.

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Transport aérien : le plan social de Hop ! retoqué

C’est un sévère coup de règle sur les doigts du mauvais élève ! La direction du travail (Pays de Loire) a décidé, mardi 16 février, de ne pas accorder son feu vert au plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) de Hop !, filiale court-courrier d’Air France. A quarante-huit heures de la publication des résultats annuels d’Air France-KLM, cette décision va faire tache.

Le plan social drastique de Hop ! prévoit 1 007 suppressions de postes sur 2 421 au total. Dans un courrier adressé aux salariés et dévoilé sur le site de La Tribune, Pierre-Olivier Bandet, PDG de Hop !, a reconnu que la direction du travail « dans sa lettre d’observation, nous demande de revoir certaines mesures prévues au plan et applicables aux personnels navigants dans le cadre du plan ».

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En fait, indique au Monde le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL-Hop !), « c’est le ministère du travail qui a décidé de ne pas valider le PSE ». Selon le syndicat de navigants, « en demandant à Air France de revoir sa copie, le gouvernement ne veut pas créer une jurisprudence » qui pourrait être utilisée à l’avenir par d’autres groupes publics ou dans lesquels l’Etat a une participation.

Calendrier de négociations

Dans sa lettre d’observation, la direction du travail a tancé la direction de Hop !. « Un salarié reclassé en interne n’est pas placé dans la même situation qu’un salarié en recrutement externe, il bénéficie de garanties de par son reclassement en interne, du fait de la continuité de son contrat comme, par exemple, l’absence de période d’essai, ou encore la reprise des éléments liés à l’ancienneté », a rappelé la direction du travail. En clair, les salariés de Hop ! repris par Air France doivent conserver leur rémunération et leur ancienneté.

A l’examen, ce sont principalement les conditions de reclassement des 180 pilotes et des 200 personnels navigants commerciaux (PNC) de Hop ! qui ne seraient pas conformes au droit du travail. Les commandants de bord de la filiale y perdraient leur fonction en intégrant les rangs d’Air France tandis que la centaine de chefs de cabine n’y retrouveraient pas leurs rémunérations ou leur fonction. Notamment en raison de l’opposition de PNC d’Air France, confie un syndicat de Hop !.

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La filiale veut aller vite. Un comité social et économique extraordinaire devait être organisé, mercredi 17 février, pour proposer un calendrier de négociations avec les syndicats. « Dans la crise sans précédent que nous traversons, je tiens à préciser que le plan industriel de Hop ! n’est pas remis en cause », indique la direction. Selon le SNPL, « elle ne veut avancer que sur l’ancienneté », mais ne voudrait rien lâcher côté rémunérations. Il faut dire que l’activité court-courrier d’Air France, dont Hop ! est partie prenante, est fortement déficitaire, avec 200 millions d’euros de pertes en 2019. Désormais, Hop ! a 21 jours pour corriger sa copie. A défaut, « [on] ne pourrai[t] pas y donner une suite favorable », a-t-on indiqué à la direction du travail.

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Avec le Covid-19, l’intérêt du travail en binôme gagne les Etats-Unis

Kathy Jacobs et Winona Barron sont un vieux couple de travail. Elles partagent leurs activités de conseils immobiliers depuis vingt-sept ans à l’agence Realty d’Austin, au Texas. Cette association a commencé presque par hasard. Mme Jacobs, qui était alors en poste chez Coldwell Banker, devait apporter des documents à un client. Elle propose à sa jeune collègue de l’accompagner. « C’est beaucoup plus amusant », remarque-t-elle.

Une autre fois, le duo décide de partager le coût d’une publicité dans le journal Austin Chronicle : 67 % des affaires de l’année suivante ont démarré grâce à cette annonce. Les deux femmes en sont vite convaincues, leur travail en duo est bien plus efficace que deux carrières solos.

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C’est ainsi que l’équipe « Kathy et Winona » a peu à peu organisé son partage de travail en fonction des forces de l’une et de l’autre. « Nous ne nous ressemblons pas, admet Mme Jacobs. Moi, je suis extravertie, je parle beaucoup. Elle est plus réservée, elle fait attention aux détails. » Et de poursuivre : « Winona sait comment réorganiser les meubles d’une maison pour mieux la vendre. Moi, pendant ce temps-là, je travaille sur l’analyse du marché et les documents à remplir. » Les deux femmes se reposent l’une sur l’autre pour prendre des congés, s’occuper de leur famille, vivre, tout simplement.

Pas de crainte de déclassement

Le duo est à l’avant-garde d’un mouvement peu développé de partageuses de postes. Quelques femmes autrefois acceptaient des mi-temps pour passer plus de temps avec leurs enfants. Mais cet arrangement signifiait la fin de leurs aspirations professionnelles. L’enquête National Study of Employers, réalisée par la Society for Human Resource Management (SHRM) montre ainsi qu’en 2016, 8 % seulement des employeurs américains proposaient à leurs troupes d’échanger un poste à plein temps contre un temps partiel, tout en gardant leur statut.

L’équipe Kathy et Winona fait voler en éclats cette crainte du déclassement. On peut aujourd’hui partager un poste à haute responsabilité et continuer à gravir les échelons. Celles qu’on appelle « les reines d’Austin Central » ont ainsi fondé leur propre agence immobilière.

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De grandes entreprises aussi se sont laissées séduire : le constructeur auto Ford, General Electric Power, Deloitte, Accenture, les hypermarchés Target, le fournisseur de technologies de réseaux Cisco, Hewlett-Packard… toutes ont dans leurs bureaux, des duos à la tête d’un seul poste.

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Du bon ou mauvais usage du droit, au travail

Carnet de bureau. Si depuis quelques jours les salariés peuvent enfin manger à leur poste de travail en toute légalité, ils étaient nombreux à bafouer cet interdit depuis des années dans la plus totale impunité. Une fois l’épidémie de Covid-19 terminée, cette situation pourrait bien se reproduire : le décret 2021-156 adopté le 14 février ne supprime pas l’article 4228-19 du code du travail, qui interdit de se restaurer « à l’intérieur des locaux affectés au travail », mais n’accorde qu’une dérogation temporaire liée à l’état d’urgence sanitaire. Les salariés qui déjeunent fréquemment à leur bureau devront déguster ces précieux moments de légalité, car ils pourraient ne durer qu’un temps.

A l’instar de l’article 4228-19, d’autres lois sont couramment enfreintes dans les entreprises, parce qu’elles ne correspondent plus à la vie quotidienne des salariés, sur la prohibition d’alcool (R4228-20), la fourniture de trois litres d’eau par jour (R4534-143), ou l’exigence d’un local d’allaitement (L1225-32) par exemple. Le code du travail se construit au fil du temps pour résoudre des problèmes d’hygiène, de sécurité ou de conditions de travail du moment. Au début du XXe siècle, il s’agissait de lutter contre l’alcoolisme des ouvriers, aujourd’hui il faut protéger les salariés de la propagation du Covid-19.

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Les citoyens doivent respecter la loi parce qu’« ils en sont les auteurs », indique le site Viepublique.fr. Mais l’usage évolue plus vite que le droit. Quand les pratiques en entreprise – le déjeuner sur le pouce, les pots de Nouvel An ou de départ d’un collègue – contreviennent fréquemment aux lois, les salariés ignorent ou feignent d’en ignorer l’existence, en accord total avec les responsables des ressources humaines qui seraient bien en mal de les faire appliquer.

L’inventivité et l’adaptation des salariés

Qui n’a pas participé à un pot en 2020 ? Pourtant, depuis le 6 mars 1917, aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail. Cette loi a été instaurée à une époque où seuls les alcools blancs étaient jugés nocifs pour la santé mais où la consommation de vin par repas était d’un demi-litre par personne. Les habitudes ont bien changé. Aujourd’hui, l’Agence nationale de santé publique donne comme repère de « consommation à moindre risque » : deux verres par jour.

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Les DRH verraient quand même d’un mauvais œil la consommation quotidienne de vin, bière ou champagne, à son poste de travail – l’employeur étant tenu responsable de la santé physique et mentale des salariés. Mais ils savent que les pots sont un moment de convivialité précieux pour entretenir la cohésion d’équipe.

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Télétravail : faut-il allumer la caméra ?

Droit social. Le développement du télétravail a conduit à la multiplication de réunions professionnelles en distanciel. L’employeur peut-il exiger que tout participant à une visioconférence ouvre sa caméra, ou le salarié peut-il légitimement le refuser au motif d’une éventuelle atteinte à la vie privée ?

L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales énonce que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile ». L’article 9 du code civil proclame que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». L’article 226-1 du code pénal punit d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende l’atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui notamment « en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ».

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Pour sa part, le code du travail, concilie, en son article L. 1121-1, ce droit inhérent également à la personne du salarié et le pouvoir de direction et d’organisation de l’entreprise de l’employeur. Sont admises les seules restrictions qui sont « justifiées par la nature de la tâche à accomplir » et « proportionnées au but recherché ».

Principe dit « de minimisation »

Le télétravail justifie-t-il une obligation d’allumer sa caméra ? Une abondante jurisprudence a tracé, parfois non sans hésitations, revirements ou ajustements, les contours de la sphère privée du salarié : lors d’entretien d’embauche, de fouilles du lieu de travail ou de casiers de rangement, de contrôles d’alcoolémie, d’utilisation d’informations sur la vie personnelle, de contenu de messageries, de propos sur des réseaux sociaux ou lors de la mise en œuvre d’une gestion algorithmique du personnel (au moyen de mégadonnées ou « big data » RH).

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a tranché le débat entre, d’une part, le souhait d’avoir une qualité proche de l’interaction dans un même lieu en facilitant la communication visuelle et non verbale, unanimement considérée comme très utile en réunion d’équipe pour repérer les désaccords, l’étonnement ou l’enthousiasme et, d’autre part, la volonté du salarié de ne pas donner une vue même partielle de son lieu de séjour.

Dans ses « questions-réponses sur le télétravail du 12 novembre 2020 », cette autorité administrative indépendante s’appuie sur le principe dit « de minimisation », selon lequel les données à caractère personnel doivent être « adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées », figurant à l’article 5. 1. c du règlement général de l’Union européenne 2016/679 sur la protection des données (le RGPD).

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