Archive dans janvier 2021

Joe Biden lance la bataille du salaire minimal aux Etats-Unis

Manifestation en faveur d’un salaire minimum à 15 dollars de l’heure, devant le siège de McDonald’s, le 15 janvier à Chicago.

Joe Biden a décidé de doubler le salaire minimal fédéral à 15 dollars (12,30 euros). Ce salaire fut instauré en 1938 par Franklin Delano Roosevelt pendant la Grande Depression mais il est devenu théorique ; son niveau est si bas – 7,25 dollars de l’heure depuis 2009 – qu’il concerne moins de 2 % des 80 millions de travailleurs américains payés à l’heure, soit 1,6 million de personnes. Si elle était étalée jusqu’en 2025, cette hausse entraînerait une augmentation de salaire directe pour 23 millions d’Américains, soit plus de 15 % de la population active, selon David Cooper, économiste à l’Economic Policy Institute (EPI).

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La mesure n’est pas acquise, car elle doit être approuvée à 60 % par le Sénat, dans lequel les républicains détiennent la moitié des sièges. Mais la dynamique politique est forte sur le terrain. Depuis des années, faute d’action fédérale, ce sont les Etats et collectivités locales qui ont augmenté le salaire minimum local. En 2021, plus de 20 Etats auront augmenté le leur. Dernière à rejoindre le mouvement, la Floride a décidé par référendum en novembre 2020 de passer de 8,56 à 15 dollars d’ici à 2026.

Les écarts territoriaux restent considérables : la rémunération minimale locale est au plus haut dans les riches régions démocrates (San Franciso, 16,07 dollars, Seattle et New York (15 dollars), Californie (13 dollars) et au plus bas dans le Wyoming ou en Géorgie (5,15 dollars). Entre salaire minimal fédéral et local, c’est le plus élevé qui s’applique. Ainsi, une grande partie du chemin vers les 15 dollars a été de facto accomplie : au total, le salaire minimal « moyen » aux Etats-Unis était en 2019 de 11,80 dollars, selon l’économiste Ernie Tedeschi. Les entreprises ont bougé elles aussi : Amazon a augmenté sa rémunération à 15 dollars sous la pression politique et face au manque de main-d’œuvre.

Amazon a augmenté sa rémunération
à 15 dollars sous la pression politique
et face au manque de main-d’œuvre

La révolution Biden ne changera rien dans les régions riches au salaire local élevé, mais elle va entraîner une révolution dans les Etats les plus pauvres du Sud et du Midwest et auprès des minorités. Selon l’EPI, la hausse toucherait 28 % des salariés d’Alabama, de Louisiane et d’Arkansas, 26 % en Floride ou dans le Montana, mais personne en Californie et 1,4 % seulement dans l’Etat de New York. Elle bénéficierait à 25 % des Noirs, 20 % des Hispaniques et 13 % des Blancs. Dans la restauration et de l’hôtellerie, 40 % et 33 % des salariés en profiteraient, contre 3,7 % des employés du public et 10 % des salariés souvent syndiqués de l’industrie et de la construction. Le gain annuel moyen serait de 3 580 dollars, soit de 20 %. S’y ajoutent les gains de 2 760 dollars pour 10 millions de salariés payés au-dessus de 15 dollars et dont la rémunération serait poussée à la hausse par la dynamique du smic.

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« Il existe une divergence des imaginaires au sein de la jeunesse française »

Jean-Laurent Cassely, journaliste, et Monique Dagnaud, directrice de recherches au CNRS.

La jeunesse française est loin d’être homogène, et le critère le plus pertinent pour appréhender cette diversité, c’est le niveau de diplôme. Un marqueur associé à des modes de vie, des aspirations, un rapport au travail ou des choix résidentiels spécifiques. Tel est le constat de Jean-Laurent Cassely, journaliste et essayiste, et Monique Dagnaud, sociologue, directrice de recherches au CNRS, qui publient, le 27 janvier, Génération surdiplômée. Ces 20 % qui transforment la France (Odile Jacob, 304 p., 22,90 €).

Les deux auteurs, qui se sont appuyés sur une enquête et de multiples entretiens, se sont intéressés aux « bac + 5 ». Un groupe social en pleine croissance, issu de la massification de l’enseignement supérieur, et qui représentent désormais 20 % des 25-40 ans. S’il est pertinent d’étudier ces « super diplômés », estiment les auteurs, c’est qu’ils jouent un rôle politique et social majeur dans la société. Ni très riches ni assimilables aux classes moyennes, ils sont les producteurs des normes, des symboles et des modes de vie les plus visibles, qui se diffusent dans le reste de la société… Mais qui divergent parfois des aspirations d’une autre jeunesse, majoritaire, moins ou pas diplômée. Au risque d’alimenter certaines fractures.

Votre livre est consacré à ces jeunes de moins de 40 ans, diplômés bac + 5 ou plus, et du modèle de société auquel ils aspirent. Pourquoi s’intéresser à cette catégorie ?

Monique Dagnaud : Ces « super diplômés » forment un groupe social qui n’existait pas, par son ampleur numérique, il y a vingt ou trente ans. Ils sont le produit de la massification de l’enseignement supérieur. Ce qui est intéressant, c’est qu’en les étudiant, on s’aperçoit qu’ils transforment les modalités de la reproduction sociale – non pas en raison de leurs propres origines, mais en raison de leurs choix professionnels et de leurs orientations, qui se distinguent de ceux de la génération d’avant. Ils inventent et diffusent des normes culturelles dans l’ensemble de la société.

Si l’on additionne les diplômés de masters universitaires et de grandes écoles, ce sont près de 200 000 jeunes qui, chaque année, entrent sur le marché du travail avec ce niveau de titre. Ils représentent désormais un peu plus de 20 % de leur génération.

Parallèlement aux professionnels et cadres des fonctions classiques (enseignants, cadres et autres professionnels), nombre de ces diplômés occupent des postes qui reflètent l’essor d’un capitalisme d’innovation, qui a généré de nouveaux métiers – consultants, chercheurs, ingénieurs et informaticiens, spécialistes des données, fondateurs de start-up, entrepreneurs de l’économie sociale et solidaire, UX designers, etc.

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A Tarascon, l’espoir renaît pour les salariés de Fibre Excellence

Vue de l’usine de Fibre Excellence à Tarascon, en 2014.

A Tarascon, depuis trois générations, on travaille de père en fils à l’usine de pâte à papier. Longtemps, la voie qui menait à Fibre Excellence au bord du Rhône a porté le nom de « Route de la cellulose », ce qui dit combien les lieux sont liés à cette activité depuis 1951. Mais l’histoire pourrait bien s’arrêter.

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Le tribunal de commerce de Toulouse – la société mère a son siège en Haute-Garonne – doit statuer, mardi 26 janvier, sur un ultime sursis sollicité par le site des Bouches-du-Rhône, placé en redressement judiciaire depuis le 8 octobre 2020. Confrontés à des carences de trésorerie, les administrateurs judiciaires avaient saisi les juges, début janvier, d’une requête en liquidation. D’autant qu’à la date butoir du 12 janvier, aucun candidat à la reprise ne s’est déclaré et que Paper Excellence, l’actionnaire de l’usine de Tarascon maintient jusqu’à présent son refus d’apporter tout soutien financier.

De nouveaux éléments sont récemment intervenus faisant, selon l’intersyndicale CFDT-CGT, remonter le « yoyo émotionnel » auquel sont soumis les 300 salariés. Début janvier, l’Etat a apporté 1,6 million d’euros à la société afin de permettre la poursuite de la période d’observation jusqu’au 8 avril. Sept millions d’euros de fonds publics avaient déjà été apportés à l’automne.

Embellie sur le marché de la pâte à papier

Ce ballon d’oxygène s’est doublé d’une embellie sur le marché de la pâte à papier. Evoquant « un coup de chance », Jean-François Guillot, président de Fibre Excellence Tarascon, assure avoir décroché ces derniers jours des contrats payables au chargement des bateaux avec des clients asiatiques. Depuis janvier, l’usine de Tarascon ne sort plus que de la pâte écrue UKP. Son coût de revient est inférieur de 80 euros par tonne à la pâte blanchie et son prix de vente supérieur. En Chine, de nouvelles règles sur l’importation de papiers recyclés font que la demande en pâte écrue s’est récemment développée et, après une année 2020 marquée par l’effondrement des prix et une parité dollar euro défavorable, le marché est à la hausse. Fort de ce sursaut de trésorerie, « nous avons l’opportunité de présenter au tribunal un dossier plus positif », estime M. Guillot.

Mais la prolongation de la période d’observation n’offrirait qu’un bref répit. Sans repreneur, le sauvetage de Fibre Excellence Tarascon est loin d’être gagné. L’engagement fort de l’Etat s’explique par les conséquences en cascade qu’aurait la fermeture de l’usine de Tarascon. Au-delà des trois cents emplois directement menacés, c’est toute la filière bois française qui serait fortement impactée car l’usine consomme 1,2 million de tonnes de bois par an provenant de quatre régions, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche Comté.

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« La protection du climat est une opportunité pour renforcer la cohésion européenne »

Veronika Grimm, professeure à l’université de Nuremberg, est depuis mars 2020 membre du très influent SVR, le cercle de cinq experts qui conseillent le gouvernement sur les questions économiques.

Comment analysez-vous les bouleversements qui ont eu lieu en Allemagne en 2020 ?

En 2019, l’industrie allemande était déjà au milieu d’une transformation structurelle. Parallèlement, le débat sur le climat était en train de gagner en intensité, notamment grâce aux manifestations du vendredi pour le climat. Cela a débouché sur un changement de paradigme dans la politique climatique allemande. Puis, en 2020, la pandémie du Covid-19 a d’abord mis un frein aux développements très positifs en cours sur ce sujet, mais elle a aussi accéléré beaucoup de choses.

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Au début, elle a révélé la fragilité de l’Union européenne [UE] : les frontières se sont fermées rapidement. Cela a ouvert les yeux à nombre d’Allemands, on a compris l’importance de la cohésion européenne. L’interruption des chaînes de sous-traitance a conduit à un effondrement spectaculaire de l’économie allemande au printemps. Aujourd’hui, parallèlement aux initiatives nationales, le plan de relance européen offre une vraie opportunité : en finançant des infrastructures d’avenir, nous avons la possibilité de développer des visions communes pour l’Europe. La protection du climat s’y prête bien.

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Pourquoi le mot de « souveraineté » industrielle et technologique s’est-il imposé dans les discours ?

On a compris qu’il était important de renforcer l’UE et d’afficher une « souveraineté », entendue au sens de capacité d’action, dans le contexte géopolitique. Une industrie tournée vers l’avenir et compétitive au niveau international est essentielle pour relever les défis. La question est de savoir comment on positionne l’UE, avec ses intérêts et ses valeurs, dans les structures géopolitiques actuelles, où les alliances ne sont plus aussi claires que dans le passé. Même après l’élection de Joe Biden, il n’est pas certain que nous pourrons compter à long terme sur une alliance stable des pays industrialisés. L’attaque du Capitole, à Washington, le 6 janvier, l’a clairement montré. La coopération en matière de protection internationale du climat peut ouvrir de nouvelles voies de coopération avec les partenaires commerciaux. Il est important d’inclure les pays en développement et les pays émergents, par exemple en Afrique, dans toutes ces considérations. La croissance future ne doit pas reposer sur les combustibles fossiles, mais sur les énergies renouvelables. Pour cela, les technologies neutres sur le plan climatique doivent être disponibles en temps utile.

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Comment Berlin s’est converti à la politique industrielle

Par

Publié aujourd’hui à 18h00

En élisant le centriste Armin Laschet, samedi 16 janvier, à la tête de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), le premier parti allemand, les conservateurs ont posé un jalon important du programme économique de l’après-Merkel. S’ils avaient choisi son concurrent Friedrich Merz, plus proche des milieux d’affaires et partisan d’une approche plus libérale des questions économiques, ils auraient implicitement remis en cause les changements majeurs opérés par l’Allemagne en 2020.

A la faveur d’une conjonction unique de facteurs historiques – pandémie du Covid-19, présidence allemande de l’Union européenne (UE), fin du long mandat d’Angela Merkel, faiblesse des taux d’intérêt –, Berlin a tranché une série de débats qui la tiraillaient depuis longtemps. Tous sont liés à un constat sans appel : l’Allemagne a pris conscience de l’érosion de son modèle industriel et commercial classique, et de sa fragilité face aux Etats-Unis et à la Chine. Dès lors, comment réagir pour éviter de décrocher dans le contexte du double défi, numérique et climatique ? Ce qui amène à la question quasi philosophique du rôle de l’Etat dans un pays façonné depuis l’après-guerre par la pensée ordolibérale où l’Etat régule mais se mêle le moins possible des entreprises.

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A ces questions, l’Allemagne a livré, en 2020, plusieurs éléments de réponse inattendus. Rarement l’analyse des faiblesses du pays avait été suivie de réponses aussi rapides et d’interventions aussi massives du politique dans l’économie. En quelques mois s’est installée, dans les cercles économiques les plus influents et au sein de la CDU, l’idée qu’une « politique industrielle », impliquant une intervention forte de l’Etat, était incontournable pour moderniser l’outil industriel allemand et renforcer l’Europe, seul ensemble ayant une taille critique suffisante pour s’affirmer dans le face-à-face commercial et technologique Pékin-Washington.

Renversement du modèle dominant

C’est un renversement du modèle dominant ces dernières années dans les milieux conservateurs, qui privilégiait la neutralité de l’Etat dans l’économie, un strict équilibre des finances publiques et la confiance dans la bonne marche du libre-échange. « On peut vraiment parler d’un changement de paradigme », confirme Jens Südekum, professeur d’économie internationale à l’université de Düsseldorf. « On ne peut pas encore exclure la possibilité qu’on revienne au statu quo ante après les élections générales de septembre. Mais les chances sont fortes que ces transformations se maintiennent. »

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La Deutsche Bank demande plus d’Etat

On ne l’attendait pas dans ce débat, mais son avis pourrait considérablement influencer les débats à venir sur la transformation de l’économie allemande. Deutsche Bank, la première banque du pays, plus connue ces dernières années pour ses scandales à répétition et ses plans de restructuration, recommande de prolonger les dispositifs d’aide publics aux entreprises expérimentés pendant la pandémie de Covid-19 pour améliorer le financement des technologies de rupture, de la numérisation et de la décarbonation de l’économie.

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Sur le fond, la Deutsche Bank pose un constat largement partagé par les acteurs publics et privés de l’économie : contrairement aux Etats-Unis et à la Chine, les entreprises allemandes de taille moyenne parviennent difficilement à mobiliser des quantités de capital suffisantes pour financer les investissements les plus risqués. Outre-Atlantique, cette mission est assurée par les fonds de pension ou les grands investisseurs. En Chine, c’est l’Etat ou les institutions financières proches de lui qui s’en chargent. En Allemagne, les entreprises de taille moyenne – le fameux Mittelstand – se financent traditionnellement par les banques, qui ne peuvent, elles, assumer ce risque, car le rendement de ces investissements est trop lointain, ou trop incertain.

Crédits aux entreprises

« En Allemagne, si vous êtes une entreprise de taille moyenne, que vous réalisez un chiffre d’affaires entre 50 et 100 millions d’euros par an et que vous n’êtes pas coté en Bourse, il est très difficile de trouver des sources de financement privées », explique au Monde un porte-parole de la Deutsche Bank. « Si nous trouvons le moyen en Allemagne de transformer les conditions d’investissement de sorte que ces entreprises aient un meilleur accès au capital-risque privé, nous aurons fait un grand pas en avant. »

La banque a constaté pendant la pandémie que le système adopté par l’Etat pour soutenir ses entreprises pouvait facilement être étendu au financement des technologies d’avenir. Les banques privées ont pu accorder des crédits aux entreprises, en bénéficiant d’une garantie partielle de la banque publique d’investissement KfW contre le risque encouru. « Cela a très bien fonctionné et pourrait être adapté. En tant que banque de dimension mondiale, nous voyons que nos entreprises de taille moyenne et les jeunes entreprises, faute de financement approprié, sont souvent tentées de se financer à l’étranger pour grandir, notamment aux Etats-Unis », poursuit cette source.

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Entre l’Assemblée nationale et le siège du Medef, manifestation à Paris contre les licenciements

Lors de la manifestation contre l’interdiction des licenciements en France, à Paris, samedi 23 janvier.

Entre mille et deux mille personnes, selon un journaliste de l’Agence France-Presse (AFP), ont manifesté samedi 23 janvier, à Paris, pour réclamer « l’interdiction des licenciements » à l’initiative du syndicat CGT du voyagiste TUI, rejoint par d’autres syndicats et soutenu par des responsables politiques de gauche.

Le cortège est parti peu après 14 heures de l’Assemblée nationale, en direction du siège du Medef, dans le 7e arrondissement. « Soixante-six millions de procureurs antilicenciement », pouvait-on lire sur une pancarte faisant référence aux propos d’Emmanuel Macron, selon qui « nous sommes devenus une nation de soixante-six millions de procureurs » face à la gestion de crise du Covid-19 par le gouvernement.

« Les salariés licenciés s’invitent dans les beaux quartiers », a tweeté la CGT TUI France, tandis que retentissait le slogan « de l’argent, il y en a dans les caisses du patronat ».

Alors que le groupe TUI, numéro un mondial du tourisme, prévoit de supprimer jusqu’à six cent un postes sur neuf cents au sein de sa branche française, les élus CGT de l’entreprise avaient lancé cet appel à manifester.

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Des dizaines de sections CGT mais aussi SUD-Solidaires de branches ou d’entreprises touchées par des plans sociaux, comme Sanofi, Cargill, SKF ou General Electric, se sont jointes à l’initiative.

Appel à décréter « l’état d’urgence sociale »

Quelques dizaines de « gilets jaunes » et plusieurs élus de gauche participaient également à la manifestation, dont les députés de La France insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon, Clémentine Autain et Adrien Quatennens.

Evoquant devant la foule les conséquences économiques et sociales de la crise du Covid-19, le président du groupe LFI à l’Assemblée nationale a relevé que « beaucoup de gens croyaient que, dans le malheur commun, chacun prendrait sa part ». Or « tandis que les riches se sont enrichis, nous avons marché à quatre-vingts plans de licenciements par mois, un million de personnes sont devenues pauvres » et « des centaines de milliers » de Français n’ont plus accès à l’eau, à l’électricité, voire à la nourriture, a énuméré M. Mélenchon. Il a réitéré son souhait que soit décrété « l’état d’urgence sociale », assorti d’une « interdiction des licenciements pendant toute la période de pandémie ».

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Le Monde avec AFP

Casinos : les syndicats s’alarment de licenciements chez Barrière

Rien ne va plus chez Barrière, le numéro un des casinotiers en France et le seul qui licencie actuellement. Mardi 26 janvier se tiendra une réunion du comité de groupe portant notamment sur l’emploi, après une série d’annonces de licenciements depuis le 17 décembre 2020 lors de comités sociaux et économiques locaux. « Il y en a 8 au casino de Cassis, 4 à Biarritz, 3 au Cap d’Agde, 6 à Dinard », égrène Jean-Christophe Tirat, secrétaire fédéral de FO Casinos et cercles de jeux, premier syndicat de ce secteur qui compte 15 000 emplois directs et 45 000 indirects. S’est ajoutée l’annonce le 21 janvier, lors du comité social et économique à Enghien-les-Bains (Val-d’Oise), d’un plan de sauvegarde de l’emploi avec 64 suppressions de postes, réparties entre le casino le plus grand de France et les deux hôtels dont l’un, l’Hôtel du Lac, ferme.

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Au total, dans ce groupe qui emploie 4 000 salariés, les syndicats FO et CGT comptabilisent pour le moment 70 à 80 suppressions de postes. Et, selon nos informations, la direction ne s’est pas engagée devant eux à ne pas procéder à d’autres licenciements en 2021.

Au total, dans ce groupe qui emploie
4 000 salariés, les syndicats FO et CGT comptabilisent pour le moment 70 à 80 suppressions de postes

Une conséquence de la crise, assure le groupe alors que l’ensemble des 202 casinos de France sont fermés depuis fin octobre 2020, après cinq mois d’activité de juin à octobre 2020, et qu’ils ne disposent d’aucune perspective de réouverture. « Malgré les aides de l’Etat, Barrière se voit contraint de prendre des mesures de sauvegarde indispensables pour préserver l’avenir du groupe et l’emploi (…). Nous savons que nous ne retrouverons pas le niveau de fréquentation de nos établissements avant plusieurs mois, voire plusieurs années », souligne-t-on à la direction du casinotier.

Mais l’explication de la direction ne satisfait pas les syndicats, qui y voient « des licenciements d’aubaine ». Une expertise comptable demandée par les cinq organisations syndicales du groupe (FO, CFDT, CFTC, CGT et CFE-CGC), qui sera présentée le 26 janvier, les conforte dans l’idée « d’absence de motif économique à ces licenciements », observe-t-on à la CGT.

« Le bilan de l’année 2020 est catastrophique dans le secteur, la baisse d’activité, qui se mesure au produit brut des jeux [PJB, soit la différence entre les mises et les gains], est de 47 % », indique Philippe Bon, délégué général de Casinos de France, qui représente 156 casinos et 8 clubs de jeux. Mais « nous n’avons pas, actuellement, connaissance d’intentions de licenciements autres que dans le groupe Barrière. Cela ne veut pas dire qu’il s’agit du seul opérateur dans la difficulté. »

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« Le télétravail ne peut être imposé, mais doit reposer sur le volontariat du salarié et la situation de l’entreprise »

Tribune. Le monde du travail est à l’aube d’une nouvelle ère. La crise sanitaire a provoqué de tels bouleversements qu’il semble désormais impossible de revenir en arrière. Elle a été, entre autres, un accélérateur du télétravail. Avant le confinement, 8 % des entreprises avaient développé le télétravail pour plus de 25 % de leurs salariés. Avec le confinement, elles étaient 84 % !

Les partenaires sociaux ont signé un nouvel accord national interprofessionnel (ANI) relatif au télétravail. C’est une étape décisive, car l’avenir du télétravail doit prioritairement se construire par le dialogue social ! La mise en œuvre réussie du télétravail ne reposera pas sur une loi rigide et uniforme. Elle se fondera sur les grands repères définis par les partenaires sociaux au niveau national, débouchant autant que possible sur des accords négociés, au niveau des branches et/ou des entreprises, qui tiennent compte des problématiques territoriales.

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Pour nous, en dehors de circonstances exceptionnelles, le télétravail ne peut être imposé, mais doit au contraire reposer sur le volontariat du salarié et la situation de l’entreprise. Le maintien du lien physique avec l’entreprise comme la préservation de la santé des salariés sont, en effet, indispensables. Parce que le télétravail ne se décrète pas, il est essentiel que les salariés, les dirigeants des entreprises, petites ou grandes, ainsi que les manageurs soient pleinement formés à cette nouvelle organisation du travail.

Un télétravail choisi par le dialogue social

Quant au dialogue social, sa place doit être confirmée au sein de l’entreprise. Le télétravail « d’urgence », cinq jours sur cinq, souvent contraint et permanent, s’il permet la continuité de l’activité en période de crise, n’est pas viable dans la durée. Il peut générer des troubles musculo-squelettiques, ainsi que des risques de démotivation et de désocialisation, d’autant que plus de la moitié des salariés en télétravail sont des primotélétravailleurs !

Une enquête OpinionWay d’avril 2020 montre que 44 % des employés se sont déclarés en situation de détresse psychologique. Mais le télétravail, lorsqu’il est choisi, limité en jours, encadré et bien accompagné dans les entreprises, peut devenir l’une des normes du travail de demain.

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Ces dernières années, plusieurs enquêtes ont prouvé ainsi qu’il constitue une source de bien-être, de performance accrue des salariés et un facteur d’attractivité pour les entreprises. Selon l’université Stanford (2015), le télétravail permettrait d’augmenter la productivité des salariés de 13 % ! C’est donc à nous, collectivement et en lien avec les employeurs et les représentants du personnel, de fixer le bon curseur !

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Dominique Méda : « Un détricotage du salariat s’opère de toutes parts »

Chronique. On ne voyait presque plus qu’eux durant le premier puis le second confinement, et le phénomène n’a pas véritablement décru depuis : les livreurs à vélo sont devenus hypervisibles – comme les marques qu’ils arborent sur leurs sacs –, à un moment où les contacts humains sont considérés comme potentiellement dangereux et où les télétravailleurs, le plus souvent des cadres ou des professions intermédiaires mais pas seulement, recourent massivement à la livraison à domicile.

Même si elle ne concerne qu’un très petit nombre de personnes, on peut néanmoins se demander si cette « profession », comme celle de chauffeur VTC, ne préfigure pas dangereusement ce que pourraient devenir les relations d’emploi dans les années à venir : des travailleurs prétendument indépendants sous le statut de micro-entrepreneur, travaillant avec – en fait pour – de grandes entreprises qui refusent purement et simplement d’endosser le rôle d’employeur. Ce n’est pas seulement la gestion du personnel qui est ainsi évitée, mais plus généralement tout ce qui est inclus dans la relation salariale, c’est-à-dire notamment l’obligation d’assurer la santé et la sécurité de ses employés, faire respecter la durée du travail et payer des cotisations sociales.

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A deux reprises, la Cour de cassation a indiqué que ce statut de travailleur indépendant était fictif et que les chauffeurs et livreurs qui avaient demandé une requalification de leur relation de travail étaient bien des salariés, notamment parce qu’ils ne disposaient pas de leur clientèle ni de la liberté de fixer leurs tarifs et parce que la plate-forme encadrait fortement leur travail et pouvait les sanctionner, par exemple en les déconnectant du service.

Double résistance

Le rapport « Réguler les plateformes numériques de travail », rédigé par Jean-Yves Frouin, ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation, et remis au premier ministre le 1er décembre 2020, contient pourtant cette argumentation tout à fait stupéfiante : « La reconnaissance d’un statut de salarié à tous les travailleurs des plates-formes est une deuxième option. Elle aurait pour avantage de régler immédiatement les questions de sécurité juridique en éteignant les contentieux en requalification. Elle aurait également pour effet d’étendre aux travailleurs des plateformes les droits et protections des salariés. Cette option techniquement aisée à mettre en œuvre amènerait enfin de la clarification. Ce n’est, cependant, pas l’hypothèse de travail des pouvoirs publics ayant initié cette mission. » Le rapport reconnaît même que l’argument selon lequel les travailleurs des plates-formes ne voudraient pas être salariés est « factice ».

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