Archive dans décembre 2020

De la faillite à la reprise, la bonne affaire des actionnaires du lunettier jurassien L’Amy

Début novembre, les titres de la presse annonçant le sauvetage et la préservation de l’emploi chez L’Amy ont fait bondir les anciens salariés du lunettier jurassien. « Plusieurs opticiens, avec lesquels on travaillait depuis plus de quinze ans, nous ont appelés pour nous dire : “Alors, tout va bien pour vous, finalement.” On a l’impression de n’avoir jamais existé », se désolent plusieurs d’entre eux.

Car ceux qui ont vécu la crise de l’intérieur n’ont pas la même lecture des faits. Eux pensent être victimes de l’ordonnance du 20 mai qui facilite, en raison de la crise sanitaire, la reprise d’une entreprise par les actionnaires qui l’ont mise en faillite. Et sur laquelle s’est appuyé le tribunal de commerce de Lons-le-Saunier (Jura), le 2 novembre, pour autoriser ILG − actionnaire suisse de L’Amy depuis 2015 − à reprendre le fabricant de montures à la barre du tribunal, en s’associant avec MadaLuxe, un distributeur californien. Cette disposition avait déjà simplifié la reprise d’Alinea, Orchestra Prémaman, Phildar… par leurs anciens dirigeants.

Lunettier jurassien créé en 1810, L’Amy produit et commercialise des lunettes sous licences, avec des marques grand public « comme Chevignon, Cerruti, Sonia Rykiel, ou Paddington pour les enfants. L’attente des opticiens était sur ce créneau », relèvent les anciens salariés. En 2017, la société s’étend vers le segment du luxe en reprenant le fabricant de montures Henry Jullien, alors en liquidation.

Chômage partiel

Au début du premier confinement, les 102 employés de L’Amy − 73 à Morez (Jura) dans l’unité de fabrication et 29 à Paris pour l’approvisionnement et la commercialisation − sont placés en chômage partiel. Le 11 mai, « c’était la libération. On avait reçu des kits sanitaires, et il était prévu que les commerciaux repartent sur le terrain. C’est alors que la direction nous explique que la société est en grande difficulté », relate un ancien salarié. « Ils nous disaient que l’activité allait reprendre. Ils nous ont menés en bateau », lance un autre.

En coulisses, la direction discute avec les représentants du personnel d’un plan de licenciements

Le 28 mai, L’Amy demande sa mise en cessation de paiement, auprès du tribunal de commerce de Lons-le-Saunier. L’entreprise est placée sous observation jusqu’à début décembre. Des administrateurs sont nommés et les salaires payés par le régime de garantie des salaires (AGS). Le 21 juin, par visioconférence, les salariés sont incités à « trouver des idées pour continuer à travailler avec les marques de moyenne gamme ». Mais, en coulisses, une autre histoire est à l’œuvre : la direction discute avec les représentants du personnel d’un plan de licenciements.

Il vous reste 43.54% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le gouvernement cherche à améliorer la couverture chômage des indépendants

Le gouvernement cherche à mieux protéger les travailleurs indépendants qui sont – ou vont être – privés d’emploi à cause de la crise. C’est Alain Griset, le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, qui a récemment exprimé cette intention. « Il faut qu’on arrive à mettre en place une assurance-chômage » pour cette catégorie d’actifs, a-t-il déclaré, le 8 décembre, au Salon des entreprises SME Online, précisant qu’il formulera des « propositions dans les prochaines semaines ». Sollicité par Le Monde, M. Griset indique qu’une « concertation » va avoir lieu avant « l’annonce » des mesures.

L’exécutif vole ainsi à la rescousse d’une classe sociale dont l’une des principales caractéristiques est sa très grande hétérogénéité : du médecin au commerçant en passant par l’artisan ou le livreur à vélo qui exerce son métier avec le statut de microentrepreneur, quelque 3,5 millions de personnes sont répertoriées sous l’étiquette d’indépendants. Elles n’étaient pas éligibles, jusqu’à une date très récente, au régime d’indemnisation des demandeurs d’emploi géré par l’Unédic, l’association paritaire que le patronat et les syndicats copilotent.

Lire aussi la chronique : « En l’absence d’une stratégie globale, nous allons voir se constituer une vaste classe d’entrepreneurs précaires, un “entreprécariat” »

La situation a un peu évolué depuis la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » de septembre 2018 et un décret d’application, publié en juillet 2019. Ces textes sont censés traduire l’une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron : transformer l’assurance-chômage « pour en faire un droit universel », ouvert – en particulier – aux indépendants. Ces derniers peuvent désormais percevoir une allocation mensuelle d’environ 800 euros durant six mois s’ils perdent leur emploi. Mais les règles prévues pour être éligible à cette somme sont strictes : avoir exercé une activité non salariée pendant au moins deux ans, être placé en liquidation ou (à certaines conditions) en redressement judiciaire, etc.

Circonspection

L’admission dans le dispositif étant très sélective, le nombre de bénéficiaires s’avère pour l’heure quasi anecdotique : un peu plus de 700 personnes, seulement, ont touché la prestation depuis son entrée en application, le 1er novembre 2019, jusqu’à la fin octobre, comme l’a révélé le quotidien Les Echos. Un nombre légèrement supérieur de dossiers est toujours en cours d’instruction, tandis que les refus d’attribution se situent aux alentours de 800. Si l’on rapporte ces chiffres à ceux des défaillances d’entreprises (52 000 en 2019, selon le cabinet Altares), l’objectif d’universalité est donc loin d’être atteint – ce que M. Griset a d’ailleurs implicitement reconnu, à travers ses propos du 8 décembre.

Il vous reste 41.06% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Dans le Jura, le tissu industriel souffre mais ne rompt pas

Une manifestation d’employés de MBF Aluminium à Saint-Claude, dans le Jura, le 15 octobre.

Jamais on ne croirait que cet entrepôt anodin aux confins du Jura et de l’Ain cache une usine d’outils de précision. Vincent, 56 ans, et Carine, 44 ans, font fièrement la visite, décrivant les techniques qui permettent de transformer de longues tiges d’acier en minuscules pointes effilées.

Lui, vingt et un ans d’ancienneté chez LMT-Belin, l’a formée elle, arrivée il y a deux ans et demi. Une reconversion après treize ans dans la grande distribution. « J’ai appris sur le tas, j’ai tout donné pour y arriver », confie-t-elle. Vincent balaye l’atelier du regard : « Tout ce savoir-faire perdu… Tuer une entreprise qui fonctionne, c’est choquant. » Car le groupe allemand LMT Tools, qui a racheté cette PME en 2001, la ferme malgré ses bons résultats pour relocaliser la production en Allemagne. Le 3 décembre, le groupe et les syndicats ont trouvé un accord entérinant les 80 licenciements, avec jusqu’à quatorze mois de congés de reclassement pour les plus de 50 ans, près de la moitié des effectifs. « Je vais devoir reprendre une formation » prévoit Vincent. « Le perçage par électroérosion, on n’en trouve pas par ici », s’inquiète Carine, qui craint de repartir à zéro.

Il faudra aller chercher plus loin, dans d’autres secteurs. Le Jura, département rural, est aussi le plus industrialisé de l’Hexagone en proportion du nombre d’emplois salariés (33 % contre 13,3 % en France). Mais ici aussi, les sous-traitants de l’aéronautique et de l’automobile connaissent une forte baisse d’activité.

« Exode »

En parcourant 20 km par le parc naturel régional du Haut-Jura, on rejoint Saint-Claude, petite ville encaissée entre les montagnes. « Usine en danger » dit la banderole le long de la fonderie MBF Aluminium qui fait des pièces pour moteurs thermiques. Le Covid-19 a aggravé une situation financière compliquée, avec une dette fiscale et fournisseurs de près de 10 millions d’euros. En redressement judiciaire, la société a jusqu’au 18 janvier pour trouver un repreneur. 260 emplois sont en sursis, 300 avec les intérimaires. « A terme, c’est de l’exode vers les grandes villes, et la disparition des services publics ici », souligne Nail Yalcin, délégué CGT. La ville a perdu plus de 2 000 habitants en dix ans. Sa maternité a fermé en 2018.

« Il ne faudrait pas que cette main-d’œuvre très qualifiée parte en Suisse », s’inquiète Jean-Pierre Parizon, président de la CCI

Il vous reste 62.45% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

L’argot de bureau : le « benchmark » a fait du plagiat un outil de stratégie d’entreprise

Gad Elmaleh dit rendre hommage à l’humoriste Jerry Seinfeld lorsqu’il reprend nombre de ses blagues dans ses sketchs, Pierre-Frédéric, élève de CM2, aime beaucoup s’« inspirer » du devoir de mathématiques de son voisin, quant à Michel de la compta, il est aussi réputé pour reprendre en réunion une phrase brillante lancée par un autre à la machine à café. Tous trois sont des experts du benchmark.

C’est la géométrie qui a donné naissance à ce mot étrange : les benchmarks étaient à l’origine de petites marques sur les structures en pierre, des repères. En anglais, un benchmark, c’est une référence, un point de comparaison, et le benchmarking consiste donc à comparer son entreprise à un concurrent sur des points précis.

La technique du benchmark est née au début des années 1980 : le fabricant d’imprimantes américain Xerox était dans l’impasse, alors que ses concurrents japonais arrivaient à produire pour bien moins cher. L’issue était pourtant à portée de main : et si nous allions au Japon pour observer leurs petits secrets, et les rapatrier aux Etats-Unis ?

Un outil de prospective

Le benchmark est le résultat d’une analyse pour voir ce qui marche, et surtout ce qui cloche : sur un aspect particulier de son activité, on part à la pêche aux bonnes idées parmi les gros poissons du marché. Dans le secteur de la téléphonie, Orange est réputé pour développer des axes de progression grâce au benchmarking, en ayant par exemple étudié le portail Internet et le service après-vente de Bouygues Telecom ou SFR.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi La Gigafactory Tesla près de Berlin, ou comment Elon Musk bouscule le secteur automobile en Allemagne

Darty a lancé en 2009 en France le désormais célèbre « click and collect » : force est de constater que cela fonctionne. Et si moi, libraire, je créais mon propre service « commande et cueillette » ? En jouant sur les mots et la manière de reprendre une innovation, on peut alors se l’approprier et l’adapter à son entreprise.

On ne parlera donc pas de vol, mais d’inspiration, d’un outil de prospective. En français, on pourrait traduire le benchmark par un « étalonnage concurrentiel », une « inspiration stratégique » ou une « analyse comparative ».

Une nouvelle politique du chiffre ?

Le benchmark, évolutif, nécessite de toujours garder un œil ouvert sur ce qui se fait ailleurs : il y aura toujours un concurrent qui proposera quelque chose de plus, quelque chose de mieux… Il ouvre la porte à une amélioration perpétuelle de la productivité et est devenu, au fil des ans, un pilier de la stratégie d’une entreprise.

Il vous reste 25.17% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Peut-on cumuler revenus professionnels et pensions de retraite ?

Le cumul des pensions de retraite et des revenus d’activité peut être limité en montant, ou intégral, selon les cas.

Question à un expert

Puis-je continuer une activité professionnelle en état à la retraite ?

Le cumul emploi-retraite permet de reprendre ou continuer son activité professionnelle tout en percevant ses pensions de retraite. Pour bénéficier du dispositif, il faut liquider l’ensemble de ses retraites des régimes de base et complémentaires en France et à l’étranger (sauf exceptions).

Les règles du cumul diffèrent selon que vous reprenez une activité relevant d’un régime de retraite de base auquel vous n’avez jamais cotisé ou d’un régime auquel vous avez déjà cotisé.

Ainsi, si vous étiez salarié et que vous vous mettez à votre compte, vous pouvez cumuler revenus et retraite sans limite de montant. En revanche, si vous demeurez dans le même régime, le cumul ne sera illimité que si vous êtes dans l’un des cas suivants : vous avez l’âge du taux plein automatique à votre départ à la retraite (de 65 à 67 ans, selon votre année de naissance) ; ou vous avez au moins 62 ans et le nombre de trimestres nécessaire pour obtenir le taux plein (il varie selon les générations – c’est par exemple 167 trimestres pour ceux nés en 1958).

Lire aussi Travailleurs non salariés, plus que quelques jours pour puiser dans votre épargne retraite

Sinon, le cumul sera limité, en montant. Pour les salariés, par exemple, le cumul est plafonné lorsque le total des retraites et salaires dépasse 2 463 euros mensuels (plafond 2020) ou, si c’est plus favorable, la moyenne des trois derniers salaires. Un plafonnement existe aussi pour les non-salariés, avec des modalités différentes.

En pratique, vous devez avertir votre caisse de retraite dans le mois qui suit la reprise d’activité et, si vous ne remplissez pas les critères du cumul illimité, vous devrez respecter un délai de carence de six mois avant la reprise d’activité lorsque vous travaillez chez le même employeur. N’oubliez pas que, dans tous les cas, vous continuerez à cotiser pour la retraite sans que ces cotisations n’augmentent vos pensions.

Guerre commerciale : l’Europe s’arme enfin

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à Bruxelles, le 10 décembre.

« Le jour d’après ne ressemblera pas au jour d’avant », promet-il, la main sur le cœur. Ce jour-là, le 31 mars, Emmanuel Macron rend visite aux salariés de l’usine Kolmi-Hopen, produisant des masques à Saint-Barthélemy-d’Anjou (Maine-et-Loire), près d’Angers. Alors que la première vague de la pandémie de Covid-19 frappe l’Europe, certains pays membres se découvrent, avec stupeur, à court de masques, de médicaments et de matériel médical, en grande partie fabriqués en Asie. Pour répondre à l’inquiétude des Français, le chef de l’Etat s’engage alors : le combat contre le virus sera aussi celui des relocalisations. « Notre priorité est de produire plus sur le sol national pour réduire notre dépendance, martèle-t-il. Nous devons rebâtir notre souveraineté nationale et européenne. »

Dans l’industrie automobile, l’informatique ou la fabrication de vélos, les usines tricolores ou allemandes se heurtent rapidement au même problème : parce que les frontières se ferment pour endiguer la propagation du coronavirus, certaines pièces indispensables à la production sont bloquées dans l’empire du Milieu. « La pandémie a accéléré une prise de conscience à l’œuvre depuis quelques années : celle de notre trop grande dépendance à la Chine », résume Chloé Ridel, directrice adjointe de l’Institut Rousseau, un think tank de gauche. Les chaînes d’approvisionnement, mondialisées à l’extrême ces dernières décennies pour des raisons de coût, apparaissent soudain comme le maillon faible de l’Europe.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Avec le Covid-19, l’Allemagne a compris l’urgence de renforcer la « souveraineté » technologique européenne

Il n’en fallait guère plus pour relancer le débat sur les délocalisations, récurrent en France, et la nécessité d’une « Europe qui protège ». Celle-ci en fait-elle assez contre la concurrence des pays à bas coût ? Se défend-elle suffisamment face au géant chinois ? Est-elle allée trop loin dans l’ouverture ? Peut-être. Il faut dire que l’Union européenne (UE) est, depuis son origine, l’un des grands promoteurs du libre-échange. « C’est même dans son ADN », rappelle Sébastien Jean, spécialiste du commerce et directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii). A l’après-guerre, c’est pour rendre « matériellement impossible » les conflits entre eux que les pays fondateurs ont bâti un marché commun sans droits de douane, d’abord pour le charbon et l’acier, avant de l’élargir. Puis de défendre les mêmes valeurs à l’extérieur.

« L’UE affiche un surplus commercial important »

Il vous reste 78.06% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Covid-19 : « Il est probable que lors des deux vagues, les trajets domicile-travail ont largement contribué à la propagation du virus »

Tribune De quoi les Français ont-ils le plus de mal à se priver pendant cette période de restrictions ? De se rendre sur leur lieu de travail… Tous les chiffres le confirment. Le 29 octobre, avant l’instauration du couvre-feu, la fréquentation des musées, magasins et restaurants était en baisse de 34 % en Ile-de-France par rapport au niveau pré-crise, alors que la fréquentation des bureaux ne reculait que de 17 %.

Une fois le deuxième confinement engagé en novembre, cette fréquentation des lieux de travail baissait de seulement 31 %, alors qu’elle avait chuté de 56 % lors du premier confinement. Déjà, avant la crise, seuls 7 % des salariés français pratiquaient régulièrement le télétravail… alors même que l’amélioration de la productivité et de la satisfaction des employés a été maintes fois démontrée.

Lire aussi En ville, le Covid-19 rebat les cartes des grandes surfaces

Cet apparent besoin de se retrouver sur le lieu de travail aggrave-t-il la propagation du virus ? Très probablement. D’abord, tout le monde le reconnaît, à cause des contaminations entre collègues qui représentent plus d’un quart des clusters identifiés. Ensuite, et c’est moins largement admis, à cause des trajets domicile-travail.

L’heure de pointe expose à un risque de contamination

Si les images de quais et rames de métro bondés enflamment régulièrement les réseaux sociaux, certains, s’appuyant sur les rapports de Santé publique France, ont cru pouvoir annoncer que les transports n’avaient que peu d’impact : « Moins de 1 % des clusters sont détectés dans les transports en commun. » C’était sans compter que les clusters identifiés ne représentent que 10 % des cas de contamination.

Les entreprises et les rassemblements familiaux ne sont pas les principaux lieux de transmission : ils sont les seuls que nous savons retracer. Si rien ne peut être prouvé, tous les indices convergent cependant. En Ile-de-France, 65 % des trajets domicile-travail se font en transports en commun, durent en moyenne 1 heure 24 et continuent à s’effectuer à 71 % en heure de pointe malgré les risques afférents.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Sonia Lavadinho : « Pour que le vélo soit une pratique démocratique, il faut développer une autre philosophie du partage de l’espace »

Malgré une fréquentation moyenne en baisse de 30 % en octobre, la promiscuité de l’heure de pointe expose à un risque important de contamination, comme l’indique le professeur Yves Buisson, membre de l’Académie de médecine et responsable de la cellule de veille sur le Covid-19 : « Si vous restez plus de dix minutes entassés les uns sur les autres dans les transports en commun et qu’un porteur du virus se trouve au milieu, la contamination peut arriver. »

Il vous reste 39.66% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Les « logiciels espions » s’invitent chez les salariés

Accusé d’aider les employeurs à « fliquer » leurs salariés, Microsoft revoit la copie de son « score de productivité ». Fin octobre, la firme américaine avait dévoilé cette nouvelle fonctionnalité incluse dans sa suite bureautique, qui mesure le temps passé par chaque collaborateur sur ses outils en ligne pour en tirer un score visant à refléter son « niveau d’engagement et de productivité ».

La fonctionnalité Workplace Analytics promettait déjà d’« harmoniser productivité et bien-être » en dressant un panorama assez complet de l’utilisation de la plate-forme au sein d’un groupe de travail. La mise en place du « score de productivité » de chaque salarié a été le pas de trop. Confronté à une polémique croissante, Microsoft a finalement annoncé le 1er décembre que les données recueilles au niveau de chaque salarié seraient anonymisées et disponibles seulement à l’échelle de l’entreprise ou d’un groupe de travail.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Tracking: la santé des salariés sous très haute surveillance

Cette levée de boucliers illustre les crispations grandissantes autour des tentatives de surveillance des salariés en télétravail. Depuis plusieurs années, un certain nombre d’outils plus ou moins légaux, accessibles en quelques clics sur le Net, permettent de garder un œil sur les faits et gestes de chaque télétravailleur : des « keyloggers », qui enregistrent tout ce qu’un utilisateur tape sur le clavier, jusqu’aux logiciels de capture d’écran pour vérifier que le salarié est bien en train de travailler devant son ordinateur, en passant par les outils de communication en ligne qui contrôlent la connexion. Des solutions communément utilisées, comme Microsoft Teams ou Google Drive, ont déjà cette option.

La crise sanitaire favorise son utilisation

L’avènement du télétravail promet un bel avenir à ces outils. Alors que des milliers de salariés travaillent à domicile, nombreux sont les employeurs qui contrôlent qu’ils ne se traînent pas devant Netflix au lieu de plancher sur leurs dossiers. Près de la moitié (45 %) des 1 309 salariés interrogés par GetApp, dans un sondage mené en France au cours du mois de novembre, travaillent dans une entreprise qui utilise des outils de surveillance. 20 % déclarent que cette surveillance a débuté à l’occasion de la crise sanitaire.

Pourtant, certaines de ces solutions sont à la limite de la légalité. En 2019, la surveillance des employés au travail générait 10,7 % des plaintes reçues par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Sollicitée sur ces sujets, l’autorité administrative indépendante a rappelé à plusieurs reprises dans quelles conditions l’employeur a le droit de surveiller les horaires de travail et de connexion du salarié.

Il vous reste 46.09% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Après un recul de 9,5 % en 2020, l’économie française rebondirait de 7,1 % en 2021, selon l’OFCE

Dans un hypermarché, à Illiers-Combray (Eure-et-Loir), le 16 mars.

Selon les estimations de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), publiées vendredi 11 décembre, la crise liée au Covid-19 aura entraîné, sur l’année 2020, une « perte, jamais observée depuis la fin de la seconde guerre mondiale », de 191 milliards d’euros pour l’économie française. Elle se traduira par un recul du PIB de 9,5 % sur l’ensemble de l’année, un chiffre légèrement plus pessimiste que l’hypothèse établie par l’Insee. Les statisticiens nationaux estimaient, en effet, dans une note publiée le 2 décembre le recul du produit intérieur brut (PIB) à 9 % sur l’ensemble de l’année.

Cette perte d’activité historique pèse de manière très inégale sur les agents économiques. L’Etat et les administrations publiques absorbent environ les deux tiers de cette baisse d’activité. Arrivent ensuite les entreprises, qui subissent un peu moins d’un tiers du choc. Les ménages et les entrepreneurs individuels sont plus préservés (4 % du choc).

Perte de plus de 790 000 emplois salariés fin 2021

L’OFCE table sur l’hypothèse – fragile compte tenu de la situation très évolutive – qu’il n’y aura pas de nouveau confinement, et que la vaccination permettra de revenir à une situation quasi normale à compter du second semestre 2021. Dans ce scénario « idéal » et compte tenu de l’impact attendu du plan de relance, le rebond de l’activité atteindrait 7,1 %. Un chiffre qui ne permettra pas toutefois de revenir au niveau d’avant-crise. « Le PIB, au quatrième trimestre 2021, serait encore inférieur de 1,4 % à celui de fin 2019, et ce, malgré le plan de relance qui contribue à améliorer le PIB de 1,1 % en moyenne en 2021 », soulignent les économistes de l’OFCE. Si l’on compare le niveau du PIB à la fin 2021 à celui issu de la trajectoire potentielle tracée avant la crise, l’écart de production négatif approche les 5 % au quatrième trimestre 2021.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi La France frappée par la vague des licenciements

Ce « retard de production » se traduira par la perte de plus de 790 000 emplois salariés fin 2021, dont 180 000 seraient associés à l’accroissement des faillites d’entreprises. Le taux de chômage atteindra 10,6 % de la population active fin 2021, soit une hausse de 1,1 point sur un an, et de 2,5 points par rapport au dernier trimestre de 2019.

Les ménages continuent à épargner

L’année 2020, elle, devrait se solder sur une hausse du taux de chômage de 0,5 point au quatrième trimestre, pour atteindre 9,5 % de la population active. Mais cette hausse contenue du chômage cache des phénomènes inédits : le chômage partiel limite les inscriptions au chômage, tandis que de très nombreuses personnes renoncent à chercher du travail, soit en raison d’une forte vulnérabilité à la maladie, soit en raison des fermetures administratives des entreprises susceptibles de les embaucher et qui les incitent à se retirer temporairement du marché du travail. L’OFCE estime que ces phénomènes améliorent artificiellement le taux de chômage de 0,6 point.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’emploi rebondit au 3e trimestre, mais l’année s’annonce sombre

Du côté des finances publiques, avec une perte de PIB de 9,5 % et des mesures d’urgence représentant 3,3 points de PIB, le déficit public s’établirait à 9,8 % du PIB en 2020 et la dette publique atteindrait 117 % du PIB. En 2021, sous l’effet d’un rebond de l’activité et de mesures budgétaires moins coûteuses qu’en 2020, le déficit public se redresserait à 6,5 % du PIB, et la dette publique serait quasiment stable, pour s’établir à 116 % du PIB.

Par ailleurs, les ménages continuent à épargner. Après avoir accumulé 62 milliards d’euros supplémentaires au premier semestre, ils devraient mettre de côté 27 milliards de plus au second, pour atteindre 89 milliards sur l’ensemble de l’année.

« Eloge de la grève », ce formidable levier capable de soulever le monde

Livre. Il est bien des façons de glorifier la grève. Retour historique, essai sociologique, biographies express de héros minuscules de cette mise en pause qui déjoue les pouvoirs en place et laisse entrevoir un autre monde. Utopie fugitive dont la trace s’efface sitôt repris le cours ordinaire du quotidien, elle se lit comme une saynète prolétarienne récurrente, une émotion populaire souvent printanière dont ne subsiste au mieux qu’une poésie éphémère, de tracts en affiches, de slogans en graffitis. Comme l’indice d’une conjuration impuissante de l’ordre du monde.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le dilemme des précaires qui veulent faire grève

Pour le journaliste Léonard Vincent, aucune de ces options ne peut seule rendre compte de ce formidable levier capable de « soulever le monde », pour reprendre le projet d’Archimède. Aussi multiplie-t-il les approches et conjugue-t-il les registres, toujours sensibles, pour célébrer ce « geste de haute civilisation » réduit aujourd’hui souvent à la perception d’« une procédure réglementée, une péripétie mesurable de l’actualité ».

Le ton est donné et le projet clairement établi : voici « un livre Molotov à l’usage des timides, des affligés et des gueulards ». A l’origine, une commande traitée en une variation poétique que Léonard Vincent publia en mai 2018 et dont la lecture filmée de Jean-Pierre Darroussin assura la large diffusion dès l’hiver suivant, quand le pays s’enflamma autour du projet de réforme des retraites.

D’Achille à Gandhi

Aujourd’hui, voici sa reprise en volume qui donne une nouvelle vigueur à cette défense et illustration du retrait civique dont le but avoué, dans le blog de l’auteur, n’est rien moins que de « mettre le feu au sein des foules sentimentales, allumer la mèche d’une guirlande de pétards dans les jambes des flics et des ministres ». L’épisode du Covid-19 est passé par là et avec lui, après l’acceptation des restrictions drastiques des libertés individuelles pour urgence sanitaire, la tentation de la grève du consentement. Celle dont Gandhi fit naguère le ciment d’une masse invisible et sans voix jusqu’à ébranler les inoxydables certitudes des aspirants à l’Olympe.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi La mobilisation sociale anesthésiée par la violence de la crise

Ouvrant sa célébration de la grève par la voix de Rabelais et l’épisode des paroles gelées du Quart Livre paru en 1552 (paroles vives de l’expérience vécue face à celles gelées du livre où les couleurs fascinent mais peinent à se faire comprendre), Léonard Vincent se fait l’aède d’une épopée millénaire. L’évocation commence sagement par une quête des origines. Attestées ou mythiques. Eloge des anonymes, ces cent-vingt ouvriers attachés à monter la tombe royale de Ramsès II qui cessèrent le travail parce qu’on ne les avait pas payés depuis près de vingt jours – ils obtinrent gain de cause et même l’éphémère recul de la corruption, sans pour autant mériter de figurer dans l’histoire au côté des princes qui les exploitaient (« il aurait fallu que les maçons se fassent assassins, créatures sacrificielles, traîtres à la patrie » pour avoir ce douteux privilège).

Il vous reste 43.66% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.