Archive dans septembre 2020

Bridgestone : décision « révoltante », « coup de massue »… les réactions à la fermeture de l’usine de Béthune se multiplient

Au lendemain de la décision du groupe japonais de pneumatiques Bridgestone de fermer son usine de Béthune (Pas-de-Calais), le ministre de l’économie français, Bruno Le Maire, a assuré jeudi 17 septembre que le gouvernement allait se « battre » pour trouver une solution. La décision de Bridgestone « est une décision révoltante, avec une méthode révoltante et des conséquences révoltantes », a fustigé le ministre sur Cnews.

Le groupe japonais a annoncé mercredi la fermeture à l’horizon 2021 de son usine de Béthune employant 863 personnes dans la fabrication de pneumatiques pour voitures. Il a justifié sa décision par « des problèmes de marché structurels », une surcapacité de production en Europe et la concurrence des marques asiatiques à bas coûts.

« Nous allons nous battre » a assuré Bruno Le Maire, dans un premier temps pour tenter de « développer une autre activité avec des pneus plus larges que ceux qui sont produits actuellement sur le site de Béthune ». « Et si jamais nous n’arrivons pas à cette solution là, (pour) trouver des solutions de réindustrialisation du site pour qu’il y ait, pour chaque ouvrier de Bridgestone, une solution qui soit une solution cohérente et acceptable pour eux », a-t-il ajouté.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Avec la fermeture de l’usine Bridgestone, l’avenir de 863 familles s’est brutalement assombri

« Un assassinat prémédité »

Dès mercredi, les réactions à la décision du groupe japonais se sont multipliées. Le gouvernement et Xavier Bertrand ont dénoncé de concert « la brutalité » de l’annonce. Dans un communiqué commun, ils en avait contesté « la pertinence et les fondements ». Le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a dénoncé « une trahison de la confiance » placée dans Bridgestone, qui doit « assumer ses responsabilités plutôt que de chercher des prétextes ».

A l’issue d’une réunion sur le site avec les représentants du personnel et d’autres élus locaux, Xavier Bertrand a, lui, fustigé un « assassinat prémédité » mais également souligné une « possibilité de changer la donne » : « on doit tout faire pour forcer, je dis bien forcer, Bridgestone, à envisager un autre plan industriel », a-t-il insisté. Si le groupe est prêt à « discuter d’un projet d’investissement sur ce site », l’Etat et les collectivités mettront alors de l’argent sur la table, a-t-il assuré. Une réunion devrait, « dans les jours qui viennent », confronter gouvernement, direction de Bridgestone, représentants du personnel et élus.

« Chaque jour, des annonces sociales terribles, dans une quasi-indifférence. Le Covid-19 ne doit être ni un paravent, ni un prétexte à la crise économique », a dénoncé la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, députée du Pas-de-Calais. « L’Etat doit prendre la main et entrer au capital », a réclamé le numéro un du Parti communiste français Fabien Roussel, natif de Béthune, attendu jeudi sur place.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le gouvernement Castex affronte sa première mobilisation sociale

« Coup de massue »

Force ouvrière (FO )a dénoncé le « coup de massue pour les 863 salariés, ainsi que pour les centaines d’emplois indirects » de l’usine de pneumatiques à Béthune. La fermeture de cette usine, « dans un bassin d’emploi déjà fortement impacté par de nombreuses fermetures d’entreprises », est « le résultat du manque d’investissement » du groupe japonais « depuis quelques années », estime dans un communiqué mercredi la fédération FO de la chimie.

Indiquant que Bridgestone prévoit « l’ouverture dans les années à venir de deux nouveaux sites, un en Estonie en 2024 et un en Biélorussie en 2026 », le syndicat proteste contre des implantations « dans des pays où la main d’œuvre est bien moins chère qu’en France » afin d’« accroître les dividendes reversés aux actionnaires ». La direction de Bridgestone « dément l’ouverture prochaine de deux sites en Estonie et Biélorussie », a déclaré un porte-parole du groupe.

L’annonce du groupe japonais intervient un an après la décision du concurrent français Michelin de fermer son usine de La Roche-sur-Yon (619 emplois).

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le gouvernement prévoit une récession de 10 % en France pour 2020

Le Monde avec AFP

Le gouvernement Castex affronte sa première mobilisation sociale

Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, écoute le premier ministre lors de sa visite dans une usine Bic, à Montévrain (Île-de-France), le 14 septembre.

C’est un drôle de cadeau de bienvenue que Philippe Martinez a offert, le 11 juillet, à Jean Castex. A peine le secrétaire général de la CGT avait-il quitté Matignon et le nouveau premier ministre, qu’un communiqué de la confédération de Montreuil (Seine-Saint-Denis) appelait à une « puissante journée nationale d’actions », le jeudi 17 septembre.

Annoncée il y a un peu plus de deux mois, cette offrande devient aujourd’hui réalité, avec des grèves, des rassemblements et des manifestations dans plusieurs dizaines de villes. A Paris, le cortège doit partir, jeudi en début d’après-midi, de la place de la République pour se diriger vers celle de la Nation.

Lire aussi Sept organisations syndicales appellent à une journée de grève le 17 septembre

Les mots d’ordre brassent large : emploi, salaire, retraites, services publics… Si Solidaires, la FSU et des organisations de jeunesse ont rejoint le mouvement, ce n’est pas le cas de Force ouvrière (FO), pourtant membre de l’intersyndicale formée au moment de la bataille contre la réforme des retraites. « On pensait que les conditions n’étaient pas réunies pour que ça débouche sur un résultat efficace », explique-t-on à la confédération de l’avenue du Maine, à Paris, où l’on considère que « les périodes de crise sociale ne sont pas les plus favorables aux grandes mobilisations ».

Ce premier rendez-vous social de la rentrée intervient dans un contexte qui peut, à la fois, desservir la CGT mais aussi lui apporter des munitions. Côté pile : la reprise de l’épidémie est de nature à saper l’envie de battre le pavé. Côté face : la déconfiture de nombreuses entreprises engendre des troubles sur lesquels la CGT espère capitaliser.

« Sur les lieux de travail, il y a un fort mécontentement »

Un peu partout en France, plus ou moins à bas bruit, les plans de licenciements succèdent aux suppressions de postes, dans des PME ou de grandes entreprises comme Auchan, Airbus, Renault. Dernier exemple en date : l’annonce, mercredi, de la fermeture de l’usine Bridgestone, à Béthune (Pas-de-Calais), qui emploie 863 personnes dans la fabrication de pneumatiques pour voitures.

« Sur les lieux de travail, il y a un fort mécontentement, assure Céline Verzeletti, membre du bureau confédéral de la CGT. Il ne faut pas que chacun se retrouve à essayer de faire face dans son coin, il faut se mobiliser ensemble. » Il y a « une colère sociale », assure Eric Beynel, porte-parole de Solidaires. « La manière dont le Ségur a été conclu est loin d’avoir répondu aux enjeux sur la santé. Les premiers de corvée, eux, n’ont toujours rien vu venir sur leur bulletin de salaire et dans l’éducation nationale, la situation va rapidement devenir ingérable », juge-t-il.

Il vous reste 65.76% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Comment prouver la discrimination salariale ?

« Depuis la mise en place de l’index pour l’égalité salariale, les entreprises ayant obtenu un score de moins de 75/100 sont tenues de mettre en place des mesures correctives dans un délai de trois ans. »

Si les discriminations au travail sont au cœur des débats publics depuis quelque temps, les condamnations restent rares. La difficulté à rassembler des preuves ne joue pas en faveur des victimes. Toutefois, une récente décision du conseil des prud’hommes de Paris vient faire bouger les lignes.

Cette juridiction s’est prononcée, le 7 septembre, dans le cadre d’un conflit opposant une ex-salariée de La Banque postale Asset Management (LBPAM) à son ancien employeur, sur fond de potentielle discrimination salariale. Salariée au sein du groupe depuis dix-neuf ans, Elodie (dont le nom a été changé à sa demande) exerçait les fonctions de négociatrice. Elle était la seule femme au sein d’une équipe d’hommes. Suite à un conflit portant sur ses horaires de travail, Elodie est licenciée en 2019 pour insuffisance professionnelle.

L’ex-salariée sollicite alors l’un de ses anciens collègues pour qu’il atteste de ses compétences professionnelles. Elle profite de l’occasion pour l’interroger sur sa rémunération. Un chasseur de têtes lui a en effet laissé entendre qu’elle était nettement moins payée que ses homologues masculins : « Il lui a dit qu’il avait déjà reçu d’autres personnes de son équipe et qu’elle était très en dessous de ses collègues en termes de rémunération », affirme son avocate, Me Karima Saïd.

Sa démarche porte ses fruits. Son ancien collègue finit par lui révéler qu’il était beaucoup mieux payé qu’elle : il déclare avoir perçu 85 000 euros brut en 2010, soit près de 15 000 euros de plus que la salariée pour un même niveau de poste et les mêmes fonctions. Alors qu’elle justifiait de l’ancienneté la plus importante.

Une chance pour Elodie : son collègue accepte d’attester ses affirmations par écrit. Forte de ce début de preuve, son avocate demande au bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes de Paris d’ordonner à LBPAM de communiquer tous les bulletins de paie des anciens collègues masculins, afin d’établir des comparaisons à mêmes niveaux de poste et d’ancienneté. L’avocate fait cette démarche « sans trop y croire », de son aveu même : « Les mesures d’instruction devant le bureau de conciliation sont très difficiles à obtenir. »

Ancienneté biffée

Pourtant, elle obtient satisfaction : le conseil des prud’hommes ordonne à LBPAM de communiquer les bulletins de paie en question. Mais l’identité et surtout l’ancienneté des salariés sont barrées sur ces bulletins, « afin de rendre l’exercice de comparaison beaucoup plus difficile », de l’avis de l’avocate. De son côté, LBPAM aurait invoqué des raisons de respect de la vie privée.

Il vous reste 62.64% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Rendre les entreprises compatibles avec la préservation de la biodiversité et du climat »

Tribune. La crise systémique que nous vivons – et que le Covid-19 a révélée plus fortement – nous oblige tous à nous réinventer et à rendre possible ce qui ne l’était prétendument pas. En particulier, la transition écologique de nos modèles de production, de consommation et de nos sociétés apparaît plus que jamais comme une urgence de premier ordre, exigée par une grande majorité de Français ainsi que par la convention citoyenne pour le climat.

Pour être effective, une telle transition écologique doit porter sur l’évolution des modèles d’affaires des entreprises, de manière à les rendre compatibles avec la préservation de la biodiversité, du climat, des ressources naturelles et de la résilience des écosystèmes. Significativement, les dirigeants de trois grandes entreprises – Danone, MAIF, Pfizer France – viennent de lancer une « consultation citoyenne européenne pour repenser le rôle de l’entreprise dans la société ».

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Urgence climatique : « Soumettre le budget de l’Etat à une évaluation environnementale constitue potentiellement une avancée significative »

Mais poursuivre un tel objectif implique nécessairement une transformation forte et rapide des systèmes d’information utilisés par les entreprises. Les règles qui encadrent le reporting extra-financier des entreprises, la déclaration de performance extra-financière (DPEF) où sont consignées les informations concernant les dimensions sociales et environnementales de leurs activités, souffrent en particulier d’importantes lacunes, dans la mesure où elles ne permettent pas de rattacher véritablement les modèles d’affaires – reposant sur des bases financières – à des données extra-financières.

La déclaration de performance intégrée, un puissant outil

Dans le prolongement des recommandations de 2003 du Conseil national de la comptabilité (CNC), devenu Autorité des normes comptables (ANC) et de l’Autorité des marchés financiers (AMF), ainsi que du rapport Notat-Senard de mars 2018, l’enjeu déterminant consiste aujourd’hui à faire évoluer la DPEF en connectant données financières et données extra-financières dans une recherche de performance globale, avec ce que les professionnels appellent une déclaration de performance intégrée (DPI).

La DPI permettrait d’accompagner au plus près l’indispensable transition écologique en utilisant le nouveau concept comptable de coût à caractère environnemental, qui regroupe les dépenses environnementales (qui visent à prévenir, réduire ou réparer les dommages environnementaux) et les dépenses pour la transition écologique (qui visent à faire évoluer les modèles d’affaires).

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « La relance doit être verte »

Dans le contexte actuel des plans d’urgence et de relance, cette DPI serait un outil puissant de suivi de la réalité des fonds alloués par les entreprises à la transition écologique, en particulier pour celles qui bénéficient d’aides publiques.

Il vous reste 53.74% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Territoires zéro chômeur de longue durée » : adoption par l’Assemblée de 50 nouvelles expérimentations

Des bénéficiaires de l’expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée » travaillent dans un jardin potager à Loos, près de Lille, en septembre 2018.

L’Assemblée a adopté mercredi 16 septembre à l’unanimité une proposition de loi de la majorité visant à étendre à 50 nouveaux territoires l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », même si de nombreux élus d’opposition auraient souhaité aller au-delà de ce « numerus clausus ».

Voté en première lecture, le texte est attendu au Sénat a priori début octobre. Il veut étendre pour cinq ans une expérimentation lancée début 2017 et menée aujourd’hui dans dix « territoires » de 5 000 à 10 000 habitants, entre communes rurales et quartiers de la politique de la ville, de Colombelles (Calvados) à Villeurbanne (Rhône).

La ministre du travail, Elisabeth Borne, a estimé que l’élargissement à 50 nouveaux territoires était « un nombre adapté » pour un « laboratoire » et que « le temps est aujourd’hui à l’évaluation et l’optimisation » du dispositif. Elle a aussi laissé entendre qu’il serait possible de rediscuter de ce seuil dans « deux ou trois ans », en assurant que le « guichet ne se fermera pas un beau matin ».

Lire aussi (2019) : Chômage : querelle autour du dispositif « Territoires zéro chômeur de longue durée »

Boris Vallaud (PS) et Pierre Cordier (LR) ont réclamé « une clause de revoyure », pour lever ce « numerus clausus » et ne pas « frustrer » des territoires motivés. Le sujet devrait à nouveau animer les débats au Sénat. Les députés, dont la rapporteuse LRM Marie-Christine Verdier-Jouclas, avaient déjà pesé pour aller au-delà du seuil de 30 territoires supplémentaires proposé au départ.

D’autres dispositions incluses dans la proposition de loi

Inspirée par ATD Quart Monde en 2015, puis défendue par l’ex-député PS Laurent Grandguillaume, la philosophie générale des « Territoires zéro chômeur longue durée » est d’affirmer que personne n’est inemployable et qu’en subventionnant la reprise d’emploi, l’Etat économisera autant en prestations sociales et coûts indirects du chômage.

Ont ainsi été créées 13 entreprises à but d’emploi (EBE), qui embauchent sur la base d’un smic, en CDI et sans sélection, des personnes privées d’emploi depuis plus d’un an pour des activités utiles à la société mais censées ne pas concurrencer le secteur privé. Depuis 2017, 1 112 personnes « sont sorties de la privation d’emploi », directement (770) ou indirectement, selon la proposition de loi.

Pour comprendre : Les entreprises à but d’emploi : une alternative pour ceux qui n’en ont pas

L’Etat contribue à hauteur de 18 000 euros par an, par emploi, ce qui correspond aux économies attendues pour les finances publiques : arrêt du versement du RSA ou des indemnités chômage… Le reste du budget doit venir de la croissance du chiffre d’affaires des EBE, de subventions ou de concours bancaires. Mais le coût et le ciblage du dispositif font débat, la plupart des entreprises à but d’emploi restant déficitaires. Fin 2019, deux rapports ont questionné le « modèle économique » des EBE.

La proposition de loi votée mercredi comprend par ailleurs d’autres mesures pour simplifier l’insertion par l’activité économique, comme la suppression d’un agrément obligatoire auprès de Pôle Emploi. Elle crée un « CDI inclusion » pour des personnes de plus de 57 ans en difficulté, ou prolonge des expérimentations comme le « CDI à temps partagé ». Le gouvernement souhaite enfin tester un « contrat passerelle », afin de faciliter le recrutement en entreprises classiques de personnes en fin de parcours d’insertion.

Lire aussi la critique : Un documentaire de Marie-Monique Robin raconte l’une de ces expérimentations

Le Monde avec AFP

Fauché par la crise, Fauchon ferme deux de ses trois magasins place de la Madeleine, à Paris

Célèbre pour son épicerie fine mais laminé par les mouvements sociaux puis la crise sanitaire, le traiteur Fauchon va fermer deux de ses trois magasins place de la Madeleine à Paris, ce qui entraîne 77 licenciements, a-t-il annoncé mercredi 16 septembre.

Le tribunal de commerce de Bobigny « a approuvé le plan de continuation » présenté par l’entreprise, qui sort ainsi de son redressement judiciaire et conserve dans la capitale son hôtel, le Grand Café Fauchon et une boutique consacrée au thé, précise la société dans un communiqué.

Le groupe s’est diversifié récemment dans l’hôtellerie de luxe avec l’ouverture, en 2018, d’une première adresse à la Madeleine en partenariat avec Esprit de France. Il avait été placé en redressement judiciaire en juin. « C’est la conséquence de tout ce que l’on a subi », expliquait alors Samy Vischel, le PDG du groupe, énumérant les attentats de 2015, puis les mouvements des « gilets jaunes » en 2018, les manifestations contre la réforme des retraites fin 2019 et début 2020, et enfin la crise due au Covid-19, qui a entraîné la fermeture complète des établissements mi-mars.

Cette procédure concernait ses activités en propre, c’est-à-dire le siège social et les trois magasins parisiens situés place de la Madeleine, adresse parisienne emblématique de la marque depuis plus de cent trente ans, regroupés au sein de la filiale Fauchon SAS. Celle-ci n’emploiera donc plus que 30 salariés, contre 107 jusqu’ici.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Fauchon, l’emblème de l’épicerie fine, fauché par la crise

« Il faut aller de l’avant »

« Ce n’est pas un moment facile, mais il faut aller de l’avant, c’est le monde qui bouge, à nous de revoir notre copie », a déclaré Samy Vischel, précisant que l’avenir est aux boutiques de plus petite taille, « 100 à 200 m2, plus proches des clients », alors que la clientèle étrangère chassée par la pandémie de Covid-19 n’est pas revenue dans la capitale.

Les activités parisiennes du traiteur avaient vu leur chiffre d’affaires baisser depuis quatre ou cinq ans, avec les attentats de 2015, les mouvements sociaux et les grèves de Noël 2019, une période où Fauchon réalise 30 % de son chiffre d’affaires annuel, avant que la fermeture administrative imposée par le Covid ne leur donne le coup de grâce.

Le traiteur, qui compte cinq autres filiales employant quelque 1 500 salariés, gère actuellement 73 boutiques, points de vente et restaurants dans le monde, dont 30 au Japon, trois en Corée, six en Europe, deux au Chili, 15 au Moyen-Orient et, en France, 17 exploités en franchise. Son actionnaire principal est l’entrepreneur Michel Ducros, entré au capital en 1998. Fauchon va désormais « recentrer son activité sur des modes de vente plus en phase avec les nouvelles attentes des consommateurs, à Paris, en France et dans le monde », déclare-t-il. Le groupe veut rester un « porte-étendard de l’art de vivre à la française », dans le cadre d’une « stratégie de déploiement globale incluant des hôtels, des écoles et d’autres projets », dit-il.

Le Monde avec AFP

Pour les salariés en chômage partiel, « le plus dur à supporter est l’incertitude »

A Bordeaux, le 5 septembre 2020.

Elle court. Elle pédale aussi, beaucoup. Pendant des heures, tous les jours ou presque, Alice Pinet sillonne la région parisienne à vélo. « Je me suis réfugiée dans le sport, c’est le meilleur remède contre l’anxiété », confie la jeune femme de 33 ans. Réceptionniste au Signature Saint-Germain-des-Prés, un petit hôtel indépendant du 7e arrondissement parisien, elle est au chômage partiel depuis le confinement.

Après trois mois de fermeture, l’établissement a rouvert. Mais, en raison de la désertion des touristes, une partie des salariés est restée à la maison, comme Alice. « Ce sont les montagnes russes. Je suis la seule de mon groupe d’amis à ne pas avoir repris le travail », ajoute-t-elle. Le contact avec les clients, les échanges avec l’équipe de l’hôtel à l’ambiance familiale lui manquent. « Le plus dur à supporter est l’incertitude : quand pourrai-je retrouver une vie normale ? »

L’incertitude. Ne pas savoir quand elle pourra reprendre le chemin du bureau, ni ce à quoi ressemblera son métier à l’avenir : Sylvie Bougard en souffre elle aussi. Animatrice culturelle au CSE de la direction générale industrielle d’Air France, à Orly, elle est au chômage partiel depuis six mois. Distanciation physique oblige, les expositions et activités diverses qu’elle organisait pour les salariés du groupe ont presque toutes été suspendues. « Si l’on ajoute à cela les difficultés du secteur aérien, je ne sais absolument pas quand je pourrai retravailler, explique-t-elle. Je m’accroche à l’espoir que les vols et les voyages reprennent un jour. »

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les TPE se sont ruées sur le chômage partiel pour conserver leurs salariés

Des situations pas toujours comparables

Comme elle, 2,4 millions de salariés étaient encore en activité partielle en juillet, selon les derniers chiffres du ministère du travail. En avril, pendant le confinement, ils étaient 8,8 millions. Fin juillet, le gouvernement a également instauré l’activité partielle de longue durée (APLD) pour les entreprises confrontées à une réduction durable d’activité. Jusqu’à 2021, voire 2022, des centaines de milliers de Français seront encore sous ce dispositif.

Certains salariés sont rassurés par ces aides à l’activité partielle qui, dans bien des cas, évitent des licenciements

Selon le secteur, la région, le métier, la taille de l’entreprise ou encore l’âge, les situations ne sont guère comparables et sont vécues de façons très contrastées. Certains salariés sont rassurés par ces aides qui, dans bien des cas, évitent des licenciements. D’autres ne se font guère d’illusion, et redoutent de se trouver sans emploi à la sortie. D’autres, encore, parce qu’ils ont un profil demandé, ou parce que leur secteur a rebondi depuis le confinement, ont surtout profité du temps dégagé pour souffler.

Il vous reste 56.8% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Chômage partiel : deux dispositifs pour aider les salariés et éviter les licenciements

Le premier ministre Jean Castex lors de la visite de l’usine Pavatex à Golbey (Vosges), le 3 septembre 2020.

Un peu moins de 15 % des salariés du privé (2,4 millions) ont été en activité partielle en juillet, selon le ministère du travail. Il existe aujourd’hui deux types de chômage partiel.

Un premier dispositif, dit d’« activité partielle » depuis la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurité de l’emploi, a été créé pour permettre aux entreprises de surmonter les baisses d’activité exceptionnelles, liées notamment à la conjoncture économique. Il a été adapté au contexte du Covid-19 par le décret du 25 mars 2020 pour aider les entreprises à passer le cap de la crise sanitaire sans licencier.

Ce dispositif, limité à six mois, peut concerner tous les salariés, quelle que soit leur ancienneté ou leur contrat (CDI, CDD, temps partiel, forfait jour), lorsque leur entreprise est fermée ou en baisse d’activité, ou lorsqu’elle ne peut pas assurer leur sécurité sanitaire sur site, et qu’ils ne peuvent pas télétravailler. Les salariés vulnérables y sont également éligibles, mais pas ceux qui vivent à leurs côtés. Ils en ont été exclus à partir du 1er septembre. En revanche, depuis le 9 septembre, ce même dispositif a été élargi aux parents contraints de garder les enfants que l’école n’accueille plus (à raison d’un parent par foyer).

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Plan de relance : « Un plan de sauvegarde d’emplois et un patchwork de promesses présidentielles »

70 % de la rémunération brute, 8,03 euros minimum de l’heure

Les salariés sont indemnisés à hauteur de 70 % de leur rémunération horaire brute (près de 84 % du net), avec un minimum de 8,03 euros de l’heure. L’employeur peut majorer cette indemnisation. L’entreprise est remboursée par l’Etat et l’Unédic à hauteur de 85 % en général, et 100 % dans certains secteurs dont la liste est évolutive (hôtellerie-restauration, tourisme, événementiel, sports et culture), dans la limite de 4,5 fois le smic. C’est l’employeur qui fait la demande d’activité partielle, sur le site du ministère du travail.

Depuis le 6 août, les entreprises peuvent également déposer une demande d’« activité partielle de longue durée » (APLD), limitée à vingt-quatre mois, consécutifs ou non, sur une période de référence de trente-six mois consécutifs. La persistance du Covid-19 a, en effet, amené le gouvernement à mettre en place un nouveau dispositif, toujours pour préserver l’emploi : l’APLD.

Le premier ministre a appelé les entreprises à s’en saisir « massivement ». Créée par la loi du 17 juin 2020, l’APLD s’adresse aux entreprises qui savent être engagées dans une baisse d’activité pour longtemps. Pour éviter que le dispositif ne serve à accompagner les faillites, il est soumis à des conditions : la réduction d’activité est plafonnée à 40 % de la durée légale, et un accord doit être signé avec les partenaires sociaux d’ici à juin 2022 pour en définir les modalités (diagnostic sur la situation économique, activité et salariés concernés, effort proportionné des dirigeants salariés, durée de l’accord, engagements en matière d’emplois et de formation). L’indemnisation des salariés est identique à celle du dispositif de droit commun, avec un reste à charge limité à 15 % pour l’employeur. Les deux dispositifs ne sont pas cumulables.

L’OCDE prévient que la reprise de l’économie mondiale sera lente

Au port de Yokohama, au sud de Tokyo, le 17 juin.

Les incertitudes liées à la propagation de la pandémie de Covid-19 vont peser durablement sur la croissance mondiale et compliquer la reprise. Dans ses prévisions publiées mercredi 16 septembre, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) revoit certes légèrement à la hausse ses prévisions pour 2020, mais s’inquiète des « coûts à long terme de la pandémie » et ne prévoit pas de retour à la normale au moins avant la fin 2021. Le produit intérieur brut (PIB) mondial devrait se contracter de 4,5 % en 2020, avant de rebondir de 5 % en 2021.

Après un redémarrage rapide suivant les périodes de confinement du début de l’année, « le rythme de la reprise mondiale a perdu de son élan pendant l’été », constate l’institution située à Paris, qui fonde son analyse sur plusieurs indicateurs, dont la production industrielle, les commandes passées aux entreprises ou le nombre d’heures travaillées. Les achats de services reprennent plus lentement en raison des mesures de restriction à la mobilité, à l’instar du tourisme ou du transport aérien, que ceux des biens. Aux Etats-Unis et au Japon, les dépenses de consommation sont encore inférieures d’environ 4 % à 5 % par rapport à leur niveau d’avant la pandémie. Les incertitudes autour du SARS-CoV-2 entament la confiance des ménages et incitent les entreprises à différer leurs investissements.

Lire aussi La pandémie de Covid-19 plonge l’économie mondiale dans une récession record

La reprise prend des trajectoires différentes, selon les pays. Par rapport aux prévisions de juin, l’activité a été revue à la hausse en Chine, aux Etats-Unis et, dans une moindre mesure, en Europe. La Chine devrait être le seul pays de l’OCDE à enregistrer une croissance positive (1,8 %) en 2020, grâce au dynamisme de ses exportations et aux investissements publics. La pandémie s’y est aussi déclarée plus tôt, les mesures de restriction et de confinement ont été prises rapidement, et les plans de relance du gouvernement ont été massifs. La chute du PIB devrait être en revanche plus brutale qu’anticipée en Inde, en Afrique du Sud ou au Mexique, dépassant les 10 % en 2020.

« Les politiques de soutien des Etats doivent se poursuivre »

Les économies dépendantes du tourisme ou des services, à l’arrêt à cause des règles de distanciation physique, ou qui ont connu des confinements très stricts sont parmi les plus durement touchées. Sans les plans d’aide des gouvernements d’une ampleur sans précédent, l’OCDE affirme que la chute du PIB aurait été bien pire. Dans les pays développés, la dette publique pourrait bondir de 15 points de pourcentage.

Il vous reste 37.57% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Covid-19 : quand Washington se montre généreux avec les Américains

A l’usine Ford d’Ypsilanti (Michigan), le 13 mai 2020.

On se rappelle le Tweet de l’ex-ministre française du travail Muriel Pénicaud, qui vantait, le 3 avril, la prétendue supériorité du modèle hexagonal sur celui des Etats-Unis : « Grâce au chômage partiel, 5 millions de salariés conservent leur emploi, soit 1/4 du secteur privé ; 473 000 entreprises gardent leurs compétences pour rebondir. Aux USA, en deux semaines : 10 millions de salariés licenciés. Fiers de notre modèle qui protège salariés et entreprises. »

Pourtant, l’Etat fédéral américain aura dépensé deux fois plus que ses recettes pour l’exercice clos le 30 septembre. Le plan de relance, voté au printemps par les démocrates et les républicains du Congrès, a pris à sa charge les salaires des entreprises (670 milliards de dollars, soit 565 milliards d’euros, de coût budgétaire), instauré une assurance chômage provisoire sans précédent (267 milliards de dollars), et envoyé un chèque de 1 200 dollars à chaque contribuable (292 milliards de dollars). « Le choc infligé à l’économie par le Covid-19 a été beaucoup plus fort que ceux ayant précipité les récessions précédentes [au début des années 1980 et lors de la crise financière de 2008], mais, dans le même temps, la réponse politique a été beaucoup plus forte que les fois précédentes, avec un stimulus fiscal cinq fois supérieur à l’ancien record », écrit Jason Furman, professeur à l’université Harvard et ancien conseiller économique du président Barack Obama.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Avant l’épidémie de Covid-19, le taux de pauvreté aux Etats-Unis était au plus bas depuis soixante ans

Dans le détail, le Congrès a adopté, au début de la crise, une assurance fédérale de 600 dollars par semaine, en complément des assurances versées par les Etats (qui vont de 101 dollars dans l’Oklahoma à 531 dollars dans le Massachusetts, pour une moyenne de 330 dollars). Les 600 dollars équivalaient à une semaine de quarante heures payée 15 dollars, soit deux fois le salaire minimal fédéral. Ils étaient très généreux, avec une indemnité moyenne mensuelle par chômeur supérieure à 3 700 dollars.

Un revenu disponible qui a bondi en avril

Ce montant devait durer jusqu’en juillet – le Congrès pensait à l’époque que l’épidémie serait maîtrisée d’ici là. Il n’a pas été prolongé, les républicains estimant qu’il n’incitait pas à travailler. Selon l’université de Chicago, 68 % des chômeurs touchaient plus en restant chez eux qu’en travaillant, mais les chercheurs n’ont pas trouvé d’exemple significatif de personnes restant volontairement au chômage.

Il vous reste 47.78% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.