Archive dans août 2020

L’Allemagne discute d’une réduction du temps de travail dans l’industrie

Jörg Hofmann, président du syndicat IG Metall, en 2015.

Pour sauver les emplois, faut-il réduire durablement le temps de travail ? C’est ce que défend Jörg Hofmann, le président du syndicat IG Metall (2,3 millions de membres), qui redoute un automne dramatique pour les emplois dans l’industrie. La semaine de quatre jours pour tous pourrait permettre de « conserver les emplois dans l’industrie au lieu de les détruire, » défend-il. Le sujet pourrait être au cœur des prochaines négociations salariales de la branche.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Dans l’automobile allemande, les petits équipementiers redoutent les faillites

La semaine de quatre jours revient régulièrement dans le débat allemand. En 2018, un « droit à la semaine de 28 heures » pendant deux ans avait été négocié par IG Metall pour offrir plus de flexibilité aux salariés de l’industrie, notamment aux femmes. La semaine de quatre jours avait surtout été adoptée en 1994 chez Volkswagen, lui permettant de sortir de l’ornière. Pour IG Metall, la mesure pourrait être utilisée dans la crise actuelle, dont les effets sur l’emploi pourraient être bien plus destructeurs que celle de 2009. Elle survient en effet au moment où l’industrie allemande est en pleine transition technologique vers le numérique et le moteur électrique. « La semaine de quatre jours serait la réponse à la transition actuellement en cours dans certaines branches comme l’automobile », soutient M. Hofmann.

A court de liquidités

IG Metall est convaincu que maintenir les employés en poste en réduisant leur temps de travail est une méthode qui a fait ses preuves et qui est avantageuse pour les entreprises. En 2010, les mesures de chômage partiel avaient permis aux entreprises allemandes de se relever très rapidement, sans grosse destruction d’emplois, en profitant au bon moment de la forte demande asiatique de véhicules et biens d’équipement.

Mais cette fois-ci, la crise pourrait durer nettement plus longtemps et les entreprises se retrouver à court de liquidités. Daimler, ZF et Bosch négocient donc actuellement des réductions du temps de travail avec leurs salariés. Jörg Hofmann suggère que toutes les entreprises adoptent les mêmes mesures, mais avec une compensation salariale. « Il faut que les salariés puissent se le permettre », insiste-t-il.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’économie allemande plonge au deuxième trimestre

La proposition est loin de faire l’unanimité au sein du patronat. Les entreprises de taille moyenne ne survivront pas, redoutent certains experts. « L’économie allemande subit actuellement un gigantesque choc de productivité », a déclaré le président de la fédération patronale BDA, Steffen Kampeter. « Une semaine de quatre jours ne ferait que renforcer ce choc », redoute-t-il, assurant que « la crise ne peut être surmontée qu’avec davantage de travail et de sécurité pour les salariés ». Pour Michael Hüther, directeur de l’institut économique de Cologne, proche du patronat, la semaine de quatre jours avec compensation salariale « ne serait rien d’autre que la prolongation de la crise, et donc une capitulation devant elle ».

Il vous reste 23.4% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le refus du port du masque pourrait constituer une « faute » professionnelle

Le ministre délégué aux PME, Alain Griset, a affirmé, mercredi 19 août, sur BFM-TV que le refus du port du masque en entreprise pourrait constituer une « faute » professionnelle, au lendemain des annonces du gouvernement visant à renforcer le port du masque sur les lieux de travail.

« Si jamais le salarié refuse de mettre le masque, d’abord, l’employeur lui fera les remarques, il pourra lui donner un avertissement et ça pourra être considéré comme une faute », a fait savoir le ministre délégué, en déplacement à Mandelieu-la-Napoule (Alpes-Maritimes). Il a, cependant, assuré que, globalement, il « préfère faire confiance à la responsabilité de chacun ».

Le Monde

Une « handimarche » pour garder son emploi

« Nous, on est des smicards, on transpire tous les mois pour 1 200 balles, on demande juste qu’on nous laisse travailler. » Tous les jours depuis lundi 17 août, Emile Prono plaide sa cause et celle de ses collègues du groupe Earta là où ses pas le portent. Lundi à Nantes, mardi à Ancenis (Loire-Atlantique), mercredi à Angers, puis ce sera Le Mans, La Ferté-Bernard (Sarthe), Chartres, et s’il n’a pas été entendu d’ici là, le délégué syndical CFDT Santé-sociaux et trésorier du CSE de la société sarthoise sera à Paris, le 31 août, devant le palais de l’Elysée ou l’Hôtel Matignon – voire les deux.

Avec lui, une vingtaine de collègues participe à cette « handimarche » de combat un brin désarmante : au 1er septembre, une partie des 230 salariés atteints de handicap (sur les 250 que compte l’entreprise dans la Sarthe et en Loire-Atlantique) risque de se retrouver sans activité. Tant que Presstalis existait, en effet, Earta sous-traitait les invendus de la presse récupérés par la SAD (Société Agence diffusion) sur une partie de l’Ouest de la France : d’un côté, des publications partaient au pilon (les quotidiens, les hebdomadaires), de l’autre, des titres (mensuels, trimestriels, hors-séries, etc.) étaient reconditionnés, en route pour une nouvelle vie en kiosque.

Une « situation inextricable »

Depuis que Presstalis, reprise par les quotidiens début juillet, est devenue France Messagerie (au prix d’une restructuration drastique), la SAD, l’une de ses filiales, a été liquidée, faisant passer sa collaboration avec Earta de vie à trépas. « On a investi 800 000 euros ces dernières années pour industrialiser la gestion des invendus, on a embauché 50 personnes, etc., se désole Didier Rio, le patron d’Earta. Presstalis apportait 2 des 7 millions d’euros de notre chiffre d’affaires. Si cela s’arrête, on va perdre 30 % à 35 % de notre activité, et je n’aurai d’autre choix que de licencier une soixantaine de salariés. » Dans l’espoir de retourner la situation, Didier Rio marche, lui aussi.

Lire aussi Repris par les quotidiens, Presstalis devient France Messagerie et se restructure

« En coordination entre France Messagerie et les MLP [l’autre distributeur de la presse en France], ces mandats ont été réattribués à des opérateurs qualifiés, indépendants, qui ont leurs propres salariés à faire travailler », justifie Cédric Dugardin, le directeur général de France Messagerie, qui parle de « situation inextricable ». Un seul des dépositaires qui récupèrent cette activité de retour des invendus, celui du Mans, a accepté de continuer de travailler avec Earta ; celui de Nantes, lui, n’y tient pas.

Il vous reste 20.5% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

L’usine Cargill, à Haubourdin, s’apprête à licencier une centaine de personnes

Des employés de l’usine Cargill, à Haubourdin (Nord), manifestent pour soutenir les anciens employés de Goodyear d’Amiens, le 28 janvier 2020.

Le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) présenté par la direction de Cargill est « susceptible de conduire au licenciement de 186 salariés », selon une décision consultée par l’Agence France-Presse (AFP) mardi. L’usine d’Haubourdin (Nord) emploie environ 300 personnes et transforme du maïs, en provenance essentiellement du sud de la France et du sud de l’Europe.

La direction veut y abandonner l’activité d’extraction d’amidon, qu’elle dit être déficitaire, et se « repositionner » sur la deuxième activité du site, la transformation de l’amidon en ingrédient industriel de spécialité pour la pharmacie et l’alimentation infantile.

Dans sa décision datée du lundi 17 août, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) estime « suffisantes » les mesures d’aide au reclassement interne et externe et que les « mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés consécutivement au plan de réorganisation » sont prévues.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi A Roubaix, l’industrie textile fait preuve de résilience

« 129 personnes licenciées au maximum », d’après la direction

Selon la Direccte, le projet de licenciement collectif porte sur 170 suppressions de poste et 16 modifications de contrat de travail « susceptibles de conduire au licenciement pour motif économique de 186 salariés ». D’après les chiffres de la direction, il y aura « 129 personnes licenciées au maximum », grâce à la « création de 30 postes et un investissement de 30 millions d’euros dans les deux ans ».

Les chiffres qui apparaissent dans la décision officielle de la Direccte sont dus à « un problème technique, informatique, côté Direccte, des champs » dans un logiciel que la direction de Cargill « n’a pas pu modifier », affirme-t-on à l’AFP du côté de la direction.

Une « imprécision vertigineuse et des lacunes » que l’avocat des salariés, Fiodor Rilov, compte utiliser pour faire annuler l’homologation et suspendre le PSE, en saisissant le tribunal administratif et le tribunal judiciaire de Lille.

« L’objectif, c’est de stopper cette restructuration, de faire barrage à ce projet qui n’a pas de justification valable. C’est un démantèlement d’usine pour accroître la profitabilité d’un groupe déjà extrêmement prospère », a réagi auprès de l’AFP M. Rilov.

Cargill fait partie des quatre géants mondiaux de l’agrobusiness et du commerce des matières premières agricoles.

L’usine d’Haubourdin, qui fournit notamment des produits de dialyse, a continué à tourner pendant le confinement, mais ni la demande des clients ni la production n’ont augmenté, selon la direction.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le nouveau coronavirus, une aubaine pour les sociétés qui veulent licencier

Le Monde avec AFP

De nouvelles règles sanitaires en entreprise proposées « d’ici fin août » par le gouvernement

Elisabeth Borne quitte l’Elysee à Paris, le 21 octobre 2019.

Le gouvernement veut modifier « d’ici à la fin août » les règles sanitaires pour endiguer le coronavirus en entreprise, notamment via le « port obligatoire du masque » dans certaines situations, affirme la ministre du travail, Elisabeth Borne, dans un entretien au Journal du Dimanche du 16 août.

Lire aussi La progression du coronavirus en France est au plus haut depuis la fin du confinement

A deux semaines de la rentrée et en pleine reprise épidémique, « nous présenterons mardi aux partenaires sociaux les premières évolutions que nous proposons d’introduire », annonce Mme Borne, ajoutant que ces décisions devront être prises « dans les jours qui viennent, pour que les nouvelles règles puissent s’appliquer d’ici à la fin août ».

Parmi ces mesures, « le port obligatoire du masque » sera préconisé « dans les salles de réunion où il n’y a pas d’aération naturelle [et] les espaces de circulation », mais pas forcément dans les bureaux individuels où « il n’est sans doute pas nécessaire », précise-t-elle.

Elisabeth Borne explique que le télétravail devra être mis en place chaque fois qu’il est possible dans les zones de circulation active du nouveau coronavirus.

Appel à la vigilance des employeurs

La ministre entend saisir le Haut conseil de santé publique sur le cas des « open spaces » et l’efficacité des vitres de plexiglas pour protéger les salariés. Elle ne voit, en revanche, « pas de raison pour remettre en cause la règle actuelle de distanciation » imposant un mètre carré par poste de travail.

Pour leur part, les employeurs doivent se montrer « plus vigilants » quand « des travailleurs sont accueillis dans un hébergement collectif, comme c’est le cas pour les saisonniers », mais aussi « dans les milieux froids et humides » comme les abattoirs, estime Mme Borne.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi En France, une baisse du chômage en trompe-l’œil au deuxième trimestre

Par ailleurs, la ministre du travail reconnaît que la crise économique provoquée par le coronavirus « se traduit par plus de plans sociaux », avec « 275 plans de sauvegarde de l’emploi enclenchés depuis début mars ».

L’agence Santé Publique France a rapporté, samedi, que la France avait enregistré 3 310 nouvelles contaminations au nouveau coronavirus en vingt-quatre heures.

Le Monde avec AFP et Reuters

Le Covid-19, une aubaine pour les sociétés qui veulent licencier

Des bus du groupe Keolis Meyer, au dépôt d’Avrainville (Essonne), le 3 mars 2020.

C’est une « avalanche de PSE » (plans de sauvegarde de l’emploi) qui déferle actuellement, observe l’avocat Fiodor Rilov. « En vingt ans de carrière, je n’ai jamais vu ça. » Entre le 1er mars et le 19 juillet, 275 PSE ont été enregistrés, selon les données de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), soit 43 343 suppressions de postes envisagées, auxquelles s’ajoutent 2 023 « petits licenciements collectifs » (de 2 à 9 salariés licenciés). Un an plus tôt, 214 PSE avaient été enregistrés sur la même période, représentants 16 514 postes.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi La seconde vague, celle des plans sociaux, touche la France

La faute au Covid-19 ? Pas toujours. Chez Cargill Haubourdin (Nord), filiale du géant américain du négoce et de la transformation de produits agricoles, la procédure d’information-consultation lancée fin 2019 et suspendue durant le confinement a été relancée le 26 juin. « On avait pensé y échapper, indique Dorian Vallois, délégué syndical CGT, car, durant le confinement, on a tourné à plein régime. En fait, la direction dit que l’usine est structurellement en déficit. Mais alors pourquoi avons-nous eu 250 euros de participation en janvier 2020 ? Notre avocat va demander les comptes consolidés de l’usine auprès du siège américain de Cargill. » Sollicitée, la direction de Cargill ne nous a pas répondu.

« Les PSE alibis : ils ne sont pas du tout concernés par le Covid mais sont lancés en espérant être noyés dans la vague » Olivier Laviolette, membre du comité de direction de Syndex

Olivier Laviolette, membre du comité de direction de Syndex, cabinet d’expertise auprès des comités économiques et sociaux (CSE), distingue trois types de PSE. « Ceux directement liés au Covid-19, comme dans le tourisme, le commerce, avec Camaïeu, ou encore dans l’aéronautique ; les PSE d’opportunité : ils sont “habillés” Covid mais étaient déjà envisagés avant ; les PSE alibis : ils ne sont pas du tout concernés par le Covid mais sont lancés actuellement, en espérant être noyés dans la vague, comme l’emblématique PSE de Nokia. »

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les ingénieurs, victimes collatérales de l’aéronautique en crise

Dans l’aéronautique, au-delà des PSE d’Airbus ou d’Air France, il y a ceux des sous-traitants, moins connus, comme chez Sogeclair à Toulouse (245 suppressions envisagées). Dans certains cas, les 2 premières catégories de PSE peuvent se superposer. « Certes, des donneurs d’ordre réduisent leurs commandes, analyse M. Laviolette, mais aussi ils réinternalisent des activités pour atténuer la baisse de leur propre activité. Et ce mouvement était engagé avant le Covid. »

Il vous reste 47.09% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« L’université risque un réveil brutal, comme celui que l’hôpital vient de vivre »

Etablissant un parallèle entre le système hospitalier et le système universitaire et de recherche, touchés tous deux par la même logique de transformation et de rentabilité, Pierre Gilliot, directeur de recherche et Stéphane Viville, praticien hospitalier, rappellent dans une tribune au « Monde » qu’au même titre que la santé, la connaissance est un bien commun.