Archive dans juin 2020

« Si l’action publique a besoin d’un encadrement, elle doit aussi libérer l’initiative des acteurs de terrain »

Tribune. La bureaucratie a été mise en cause dans la gestion de la lutte contre l’épidémie en France. D’abord, dans l’approvisionnement en masques : l’Etat en a commandé d’énormes quantités qui ont tardé à arriver. L’explication est liée à nos règles de marchés publics qui prévoient une avance de 5 % du prix à la commande et le solde à la réception, là où les fournisseurs chinois exigent 75 % d’avance et 100 % avant expédition.

Ces exigences ont sans doute fini par être acceptées, mais trop tard pour ne pas s’être fait doubler par d’autres acheteurs. Ensuite, en ce qui concerne le manque de tests, les laboratoires vétérinaires départementaux et ceux des établissements de recherche possèdent des capacités d’analyse précieuses pour renforcer celles des hôpitaux et des laboratoires médicaux, mais lever les obstacles à leur participation à la lutte contre l’épidémie a été un combat.

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Il a fallu attendre un décret, puis une réquisition par le préfet, assortie d’une supervision par un hôpital ou un laboratoire médical. Seuls certains y sont arrivés. Il a fallu franchir les barrières qui enferment le droit dans chaque domaine (santé humaine, santé animale, recherche…).

Une dérive bureaucratique

Enfin, dans la définition des « normes de déconfinement » à l’usage des écoles et des transports publics, celles-ci ont suscité la bronca d’une partie des maires et des entreprises de transport. Certes, le protocole de réouverture des écoles, par exemple, se présente comme un simple guide et non comme un règlement, mais son degré de détail (54 pages), et l’usage du présent à valeur impérative, ont fait craindre aux maires que chacune des mesures prescrites soit considérée comme une obligation, dont le non-respect engagerait leur responsabilité pénale.

A-t-on affaire à une dérive bureaucratique, qu’il suffirait de corriger ? Il est à craindre que non, tant les difficultés rencontrées tiennent aux caractéristiques de l’Etat, fondé sur la réglementation et la hiérarchie, dont le sociologue Max Weber a décrit la logique. Les activités sont réparties, conformément à des règles écrites, entre des acteurs dont les compétences sont soumises à des limitations bien définies. L’organisation de ces acteurs obéit au principe de hiérarchie.

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Toute la gestion s’effectue conformément à des règles générales, sans considération de la personne. Son succès a été indéniable : les privilèges et l’arbitraire ont été sinon abolis du moins réduits. En plongeant plus loin dans le passé, c’est la bureaucratie qui a permis, depuis l’Antiquité, d’organiser la coopération de milliers de personnes autour d’une action commune.

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Coronavirus : le monde de la nuit crie au secours

Les discothèques – ici le O’Club, à Toulouse (Haute-Garonne), le 7 juin – seront les derniers établissements recevant du public à pouvoir rouvrir.

Dans les loges du Moulin-Rouge, les effets personnels éparpillés des danseuses témoignent d’un départ précipité. Sur les coiffeuses en bois, le gel hydroalcoolique côtoie depuis longtemps les trousses de maquillage. Romane, dont le costume orné de milliers de strass et de plumes repose dans le casier, a « tout laissé en plan ». « Je pensais vite revenir. »

Depuis le 13 mars, le mythique cabaret et ses 800 places sont plongés dans le silence et l’obscurité. « Nos portes n’ont jamais été closes aussi longtemps, rappelle Jean-Victor Clerico, son directeur général. Même pendant la seconde guerre mondiale, l’établissement continuait d’accueillir du public. » La moquette rouge n’est foulée que par le personnel de maintenance et de sécurité, qui œuvre à la réouverture du lieu.

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Quand ? La nuit se lamente de ne pas entendre un bruit. Ou alors des rires : ceux des députés lorsque l’un des leurs, Christophe Blanchet (LRM, Calvados), alerta pour la première fois à l’Assemblée sur le statut des discothèques, grandes absentes du processus de déconfinement. C’était le 19 mai. Neuf jours plus tard, le premier ministre, Edouard Philippe, les évoquait, pour dire qu’elles resteraient fermées au moins jusqu’au 21 juin. « Si on est capable de donner une date aux professionnels, cela leur donnera un espoir, insiste M. Blanchet. Il leur faut une réponse. Même si ça doit être septembre. »

Les loyers parfois à cinq chiffres, la difficulté de négocier avec les banques car le métier a mauvaise presse, il connaît : avant d’être député, il fut patron de boîte de nuit pendant vingt-quatre ans. Avec 38 collègues, il a écrit, mardi 16 juin, au chef du gouvernement pour alerter sur la nécessité « d’envisager une réouverture très rapide de ces établissements », avant l’été.

Vendredi 19 juin, le ministre de la culture, Franck Riester, a annoncé qu’il recevrait « très prochainement » des représentants du secteur des discothèques pour « trouver des solutions avec eux ». « Les conséquences sont dramatiques, c’est tout un secteur de l’économie qui est sinistré, avec une dimension culturelle puisqu’il y a toute la musique électronique qui est pénalisée par ce virus », s’est inquiété Franck Riester sur RTL.

Interdiction de fumer et contrôle d’alcoolémie

Le monde de la nuit revendique 42 000 emplois directs, souvent des jeunes dont le pécule accumulé l’été paiera le loyer et les études. Il craint une hémorragie, qui accélérerait l’érosion du secteur. Il reste 1 600 discothèques en France, moitié moins qu’il y a trente ans et 400 de moins que lors de la dernière étude de la Sacem, en 2013.

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Plan de départs en vue chez Webedia

Marc Ladreit de Lacharrière, président du groupe Fimalacn dont Webedia est une filiale, et François Hollande, alors président de la République, le 10 mars 2015, dans les locaux du média en ligne à Paris.

« La vérité, il faut savoir la dire de manière assez brute… » C’est la mine grave et le costume sombre que Cédric Siré a annoncé la mise en place, jeudi 18 juin après-midi, lors d’une visioconférence, d’« un plan d’économies et [d’un] plan de départs » chez Webedia.

Graphique à l’appui, le fondateur et PDG du puissant groupe de médias numériques a tenté de démontrer que la baisse du chiffre d’affaires au cours de ces derniers mois (− 28 % en avril, − 39 % en mai) l’acculait à ces mesures drastiques. « Et les perspectives ne sont pas bonnes », a-t-il ajouté, estimant qu’il faudrait sans doute attendre 2023 pour que la société, qui chapeaute notamment PureMédias ou Allociné, retrouve la forme qu’elle affichait en 2019.

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Conséquence directe : « jusqu’à 80-90 personnes » devront quitter l’unité économique et sociale Webedia au plus vite (soit entre 10 % et 15 % des effectifs), et sur la base d’une rupture conventionnelle collective. Celle-ci doit toutefois d’abord être négociée avec les représentants des salariés, acceptée par le syndicat majoritaire dans l’entreprise, la CFDT, puis validée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi. Les discussions se sont ouvertes lundi. « Il s’agit d’un PSE [plan de sauvegarde de l’emploi] déguisé », dénonce une source syndicale SNJ-CGT, qui n’envisage pas d’apposer sa signature sur cet accord.

50 millions d’euros d’économies à réaliser

« Je m’attendais à ce qu’on nous annonce des réductions de coûts, des non-remplacements de CDD, mais pas un plan de départs », a admis un salarié, sonné. La crise sanitaire a porté des coups particulièrement durs aux sites Allociné (privé de films à promouvoir), Easyvoyage (privé de voyages et de vols à comparer), ou encore eSports Academy, la plate-forme consacrée à l’e-sport, quand Jeuxvideo.com ou la VOD sur abonnement ont bien marché. « Nos sites ont connu de très belles audiences, mais alors que la publicité est notre seule ressource, elle a disparu », justifie-t-on à la direction. Devant les salariés, Cédric Siré a déclaré : « Nous sommes impactés de manière structurelle. » Une réflexion est en cours pour cesser l’activité de jeux sur mobile, particulièrement fragilisée.

Au-delà de la rupture conventionnelle collective, le dirigeant lance un « plan recover » à base d’austérité : 50 millions d’euros d’économies devront être réalisées, grâce à des réductions de charges locatives, des diminutions de notes de frais, des renégociations de contrats fournisseurs, un gel des embauches et des augmentations, etc. Quant aux activités de services et de contenus du groupe, elles vont changer de modèle, a-t-il annoncé sans s’avancer sur les détails. Filiale du groupe Fimalac de Marc Ladreit de Lacharrière, Webedia a d’ores et déjà enregistré le départ de quelque 150 personnes au Brésil, en Espagne, en Allemagne ou encore aux Etats-Unis.

L’Unédic anticipe la destruction de 900 000 emplois salariés fin 2020 par rapport à fin 2019

L’Unédic, qui gère le régime d’assurance-chômage, anticipe la destruction de 900 000 emplois fin 2020 par rapport au quatrième trimestre 2019. Cela entraînerait l’indemnisation de 630 000 demandeurs d’emplois supplémentaires, a fait savoir, jeudi 18 juin, l’association paritaire dans un communiqué.

Selon ses prévisions, l’Unédic enregistrera un déficit de 25,7 milliards d’euros à la fin 2020, d’une « ampleur inédite ». Avant la crise du Covid-19, en février, l’Unédic tablait sur un déficit de 0,9 milliard et un retour à l’excédent à partir de 2021.

Pour la fin de l’année, l’Unédic anticipe également une dette de 63,1 milliards d’euros, liée pour moitié au financement du dispositif de chômage partiel, pour 29 % à l’augmentation des dépenses d’allocations-chômage et pour 19 % aux reports de cotisations.

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L’Unédic finance le tiers du dispositif d’activité partielle, le reste étant assumé par l’Etat. La dette avait déjà grimpé de 36,8 milliards fin décembre 2019 à 42,6 milliards au 23 avril, en raison du recours massif au chômage partiel depuis le confinement à la mi-mars. Depuis cette date, le solde de l’assurance-chômage s’est dégradé de 11,5 milliards d’euros. Pour se financer, l’Unédic a dû procéder à deux émissions d’obligations sociales à moyen terme, qui lui ont permis de lever « 8 milliards d’euros ».

Une hausse de 43 % des dépenses d’assurance-chômage

En 2020, les dépenses d’assurance-chômage progresseraient de 17,7 milliards d’euros, et « avoisineraient 59 milliards », une hausse de 43 % par rapport à 2019. Les recettes, issues des cotisations sociales, seraient, elles, en baisse de 16 % par rapport à 2019, à 33 milliards d’euros.

« L’assurance-chômage est traditionnellement quatre fois plus impactée dans ses finances par une crise que d’autres régimes de protection sociale, qui ne sont affectés que sur le volet recettes », rappelle l’organisme. « La question de la soutenabilité de la dette à moyen et long terme et de sa structure doit se poser, tout comme la pérennité et le fonctionnement de ce dispositif [de chômage partiel] qui ne dispose pas de recettes. Il appartient aux partenaires sociaux et au gouvernement de se prononcer », a estimé Eric Le Jaouen, président de l’Unédic.

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Le Monde avec AFP

Le gouvernement amorce une politique de relocalisation des médicaments

Emmanuel Macron visite le site de recherche et de production de vaccins de Sanofi, l’un des plus importants au monde, à Marcy-l’Etoile, le 16 juin.

Emmanuel Macron l’avait annoncé sans plus de détails, mardi 16 juin, lors de sa visite du site de production de vaccin de Sanofi Pasteur, à Marcy-l’Etoile, dans la banlieue de Lyon : la France doit relocaliser « certaines productions critiques », comme des principes actifs, mais aussi la recherche et la fabrication de médicaments et de vaccins, à plus haute valeur ajoutée. Il y va, selon le président de la République, de la sécurité sanitaire et de la souveraineté industrielle du pays.

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Le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, et la secrétaire d’Etat chargée des dossiers industriels au ministère de l’économie, Agnès Pannier-Runacher, ont annoncé de premières mesures, jeudi 18 juin, à l’issue d’une réunion du Comité stratégique de filière (CSF) des industries de santé. Il prévoit notamment de « renforcer les capacités de recherche de solutions thérapeutiques » contre le coronavirus, en France et dans le cadre d’une coopération européenne.

Les projets des laboratoires Abivax, Innate Pharma, Inotrem, Osivax, Xenothera et Genoscience ont été retenus, qu’il s’agisse de stratégies thérapeutiques ou d’approches technologiques, pour 78 millions d’euros en 2020. Et 120 millions aideront par ailleurs au déploiement de nouvelles lignes de production dans l’Hexagone. Un « appel à manifestation d’intérêt » a été lancé jeudi. Cette enveloppe de près de 200 millions en 2020 sera « amplifiée en 2021 pour financer de nouveaux projets ».

Près de 80 % des médicaments vendus en Europe contiennent des principes actifs importés d’Inde ou de Chine

Par ailleurs, de vives inquiétudes sont apparues, au début de la pandémie de Covid-19, sur une possible pénurie de paracétamol, la molécule prescrite contre la fièvre et les douleurs. « Des travaux sont engagés avec Seqens, Upsa et Sanofi pour que, d’ici à trois ans, la France soit en mesure de reproduire, conditionner et distribuer du paracétamol », annoncent les deux ministres. Le paracétamol n’est qu’un « premier exemple » de cette démarche de relocalisation. Si la France exporte déjà des médicaments à haute valeur ajoutée, la production du paracétamol répond à un enjeu de sécurité sanitaire.

Près de 80 % des médicaments vendus en Europe contiennent des principes actifs importés d’Inde ou de Chine. Ce qui pose la question de la sécurité d’approvisionnement. Et les tensions, voire les ruptures dans ce domaine, vont bien au-delà des principes actifs. « Nul ne peut concevoir, dit M. Véran, que la France soit un jour dans l’incapacité de permettre à chacun d’accéder à des soins, à des traitements et à des médicaments. »

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Tourisme : « L’heure est aux comptes, et pour TUI, ils sont sanglants »

Des passagers attendent, au guichet de la compagnie TUI, d’embarquer dans leur avion pour Palma de Majorque, à l’aéroport de Düsseldorf, le 15 juin.

Ils étaient nombreux, ce lundi 15 juin, à faire la queue au petit matin dans l’aéroport de Düsseldorf. Des cobayes masqués et impatients venus renouer avec une vieille tradition perdue depuis le confinement : le tourisme. TUI avait bien fait les choses, comme elle sait le faire. Accueil à l’aéroport, embarquement dans l’avion TUI, arrivée à Palma de Majorque deux heures plus tard, embarquement dans le bus TUI à destination de l’hôtel TUI. Une organisation huilée comme sait le faire le numéro un européen du tourisme. Et une urgence, aussi : 4,5 millions d’Allemands partent chaque année aux Baléares.

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Pris à la gorge par l’épidémie de Covid-19, les professionnels du tourisme ont vu s’effondrer leur activité du jour au lendemain. L’heure est aujourd’hui à la reprise, timide, des vols, mais aussi à celle des comptes. Et pour TUI, ils sont sanglants : 8 000 emplois supprimés dans le monde, dont plus de 500 en France, soit les deux tiers de son effectif avec ses agences intégrées. Comme à son habitude, TUI ne fait pas dans la nuance. Cela lui vient peut-être de ses origines, quand elle s’appelait encore Preussag. Elle est née en 1923 de la nationalisation des mines royales de charbon de Prusse et est devenue, au cours du XXe siècle, l’un des géants de la métallurgie allemande et de l’électricité. En 1997, elle tourne le dos à ce passé glorieux mais à l’avenir incertain pour embrasser les services, la marine et le tourisme, avec l’achat du groupe Hapag-Lloyd.

Emplettes dans toute l’Europe

Avec une idée maîtresse, le tourisme est une industrie. On y cherche la quantité, le « process » et l’on jongle avec les actifs. Elle a acheté Thomas Cook, le leader britannique, puis l’a revendu et fait ses emplettes dans toute l’Europe. En 2002, elle s’installe en France en acquérant le leader déclinant du marché, Nouvelles Frontières. L’entreprise mythique, fondée par le soixante-huitard Jacques Maillot, a démocratisé le voyage lointain et culturel. Une approche qui ne parviendra jamais à se fondre totalement dans le moule prussien. En dépit du rachat successif des clubs Marmara et Lookéa pour élargir l’offre, TUI ne parviendra jamais à gagner de l’argent en France et y enchaîne avec régularité les plans sociaux.

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De l’avis des professionnels, le modèle industriel des spécialistes de l’Europe du Nord – celui de TUI ou de Thomas Cook, où l’on accumule les hôtels, les compagnies aériennes et les clubs, que l’on rentabilise par la masse des voyageurs – peine à se transposer en France, où les vacances sont plus souvent locales et sur-mesure. Un monde qui revendique une forme d’artisanat, loin des houillères de Hanovre qui ont vu naître TUI.

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Les intérimaires, premières victimes de la crise due au coronavirus

Des techniciens fabriquent des pièces destinées à l’aéronautique, à Nantes, dans l’usine Daher, un sous-traitant d’Airbus.

Les éternels invisibles du marché du travail que sont les intérimaires payent au prix fort les conséquences économiques de la crise due au Covid-19.

Chute de l’activité intérimaire de 70 % du 15 au 20 mars, puis de 61 % en avril et de 50 % en mai : « La baisse s’atténue lentement et la dégradation reste totalement inédite », commente Prism’emploi. La fédération des professionnels de l’intérim parle d’« un choc quatre à cinq fois supérieur à celui de 2009 ».

Le frémissement de la reprise enregistré en mai grâce au redémarrage du BTP laisse encore de nombreuses personnes sur le carreau : les heures de missions perdues représentent 557 500 équivalents temps pleins en mars, puis 475 000 en avril, sur un total de 780 000. « Nos volumes se reconstituent. En avril-mai, le retrait de notre chiffre d’affaires n’est que de 30 %, confirme Jérôme Rieux, directeur général d’Adéquat, un réseau de 250 agences d’intérim, mais les incertitudes sont nombreuses. »

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En avril, le BTP a perdu 80 % de son activité intérimaire, l’industrie, le commerce et les services 50 %, 30 % pour le transport-logistique. Dans l’aéronautique ou l’automobile, les conséquences ont été immédiates et brutales pour l’emploi, surtout pour les ouvriers.

« Dès le début de la crise, on leur a dit “c’est fini”. Sur nos sites en Loire-Atlantique, par exemple, on comptait 630 intérimaires en février. Ils n’étaient plus que 250 en avril et maintenant, mi-juin, ils doivent être 150. Il y a tous les profils, des jeunes comme des quinquagénaires. Nous, on a perdu nos intérimaires, mais c’est pareil chez Airbus et dans toutes les boîtes de l’aéronautique », témoigne Bertrand Bauny, délégué syndical FO chez Daher, un sous-traitant d’Airbus, qui envisageait, dès avril, 3 000 suppressions d’emplois, dont 1 300 CDI.

Chez Safran, « ils arrêtent tous les intérimaires, les CDD et les prestataires », renchérit Daniel Barberot, coordinateur FO pour le groupe.

« On n’a pas trop le choix »

Les plans de soutien de 15 milliards d’euros pour la filière aéronautique et de 8 milliards pour l’automobile ne tombent pas directement dans la poche des intérimaires.

Vanessa (qui a demandé à garder l’anonymat), 34 ans, intérimaire depuis deux ans chez PSA Hordain, gagnait 1 500 euros, plus des primes de fin de contrat, en travaillant 35 heures, et un samedi matin sur deux, de 5 h 20 à 12 h 40. Elle est actuellement au chômage et a hâte de retrouver ses collègues de la chaîne de montage : « Je suis dans l’attente, mais le moral est bon. De toute façon, en tant qu’intérimaire, on subit, on n’a pas trop le choix. » La jeune femme se donne jusqu’à septembre avant de postuler ailleurs, même si elle sait que le marché de l’automobile reste incertain.

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L’individu et les nouveaux collectifs

« Le Monde des collectifs. Enquête sur les recompositions du travail », coordonné par Frédéric Rey et Claire Vivès. Editions Teseo, 390 pages, 26,38 euros

Le livre. Politiques de recrutement et de formation qui visent la « promotion des talents », dispositifs d’évaluation du travailleur par ses compétences individuelles, démocratisation des termes « trajectoire », « parcours » et « carrière » pour décrire la vie au travail… L’autonomie, la responsabilité et même l’épanouissement personnel sont au cœur des pratiques managériales en vogue dans les entreprises. Le travail serait-il en passe de devenir une affaire uniquement individuelle ?, s’interrogent Frédéric Rey et Claire Vivès dans Le Monde des collectifs.

Coordonné par le sociologue du travail et des relations professionnelles et la sociologue et chercheure au laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (LISE), l’ouvrage réunit vingt-cinq auteurs. Sociologues, juristes, ergonomes, économistes ou politistes interrogent les transformations, variétés et redéfinitions des collectifs de travail « dans un contexte où l’individualisation croissante des carrières et des trajectoires professionnelles est particulièrement valorisée, voire encouragée, mais souvent au détriment des régulations collectives pour une large partie des travailleurs ».

Leur travail s’appuie sur des enquêtes de terrain dans des secteurs aussi variés que la production cinématographique, l’aviation et l’aéronautique, les tiers lieux, les fab lab, l’hôpital, les services informatiques aux entreprises, et auprès de travailleurs et de travailleuses d’un service social en entreprise, de pilotes d’hélicoptères, de travailleurs sociaux en mission locale, de manageurs, de secrétaires et assistantes de direction dans les entreprises, de salariés privés d’emploi et en transition professionnelle…

« Mouvement paradoxal »

Que ce soit dans les entreprises privées, dans les organisations à but non lucratif ou dans la fonction publique, l’ouvrage montre bien que « le collectif, comme principe et comme valeur, et les collectifs, comme réalités et comme expériences vécues, n’ont pas disparu des mondes du travail. Leur persistance va plutôt de pair avec l’accroissement constaté de l’individualisation ».

Avec les « gilets jaunes », l’année 2018 s’est achevée avec l’une des mobilisations populaires les plus originales de ces dernières décennies. Les secteurs émergents des plates-formes, souvent présentés comme les symboles les plus visibles d’une nouvelle économie, ont connu à leur tour des mobilisations et des revendications collectives de travailleurs qui produisent les biens et services qui y sont vendus.

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Les entreprises se penchent sur la parentalité pour faciliter la reprise

« L’attention de l’entreprise à la vie de famille peut renforcer l’engagement du salarié. En période de crise, le volontarisme des équipes est précieux. »

Le 20 mars, le sang de Ronel N’Gangbet ne fait qu’un tour lorsqu’elle apprend que le père de ses deux enfants de 4 et 6 ans est hospitalisé, contaminé par le Covid-19. Le confinement a été décrété quelques jours plus tôt et elle sait que la situation est grave. Heureusement, après dix-neuf jours de coma, une intubation et un passage en réanimation, son ancien compagnon s’en est sorti. Elle a dû arrêter totalement de travailler pendant près d’un mois, puis a été placée en chômage partiel à 50 %, l’autre moitié de son agenda étant dédié à ses filles.

Mais les horaires de mère et ceux dévolus à son entreprise ne sont pas imperméables. « Maman ! J’ai fait pipi dans ma culotte », s’écrie la plus jeune alors que Ronel est en téléréunion avec un client. Compréhensif et amusé, l’interlocuteur l’excuse. Mais cette situation inconfortable risque de se reproduire. Les dirigeants s’attendent à ce que les écoles ne rouvrent pas normalement avant septembre. Alors, pour éviter que la parentalité ne remette en cause la reprise de l’activité, les entreprises multiplient les gestes à l’endroit de leurs salariés.

Le patron de Yoopies, une plate-forme de services à domicile, se frotte les mains : « Alors que d’ordinaire, une entreprise supplémentaire fait appel à nos services pour les salariés tous les mois, pendant le confinement, c’était une tous les deux à trois jours », témoigne Benjamin Suchar. En raison de l’explosion du marché, le dirigeant a avancé le déploiement de sa plate-forme Worklife, qui regroupe tous les avantages pour les salariés.

Des professeurs particuliers

Le confinement a fait tomber les frontières au point que l’entreprise doit désormais prendre en compte la famille dans son organisation. « Il y a cinq ans, il fallait prendre son bâton de pèlerin pour aborder les questions d’équilibre professionnel et personnel, les dirigeants savent aujourd’hui que c’est un levier de croissance et un investissement », abonde Jérôme Ballarin, président de l’Observatoire de la qualité de vie au travail (QVT).

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Les entreprises d’importance vitale ont pu continuer à recevoir du public pendant le confinement, à condition que leurs employés puissent venir travailler. En Ile-de-France, sur 5 000 employés, la Caisse d’Epargne compte quelque 2 500 parents de jeunes enfants. Pour la poursuite de l’activité, les agences ont dû restreindre leurs horaires et fermer les samedis après-midi. L’entreprise a même payé des professeurs particuliers, et 2 000 enfants ont bénéficié d’aide aux devoirs. « C’est un dispositif qui ne peut pas être pérenne, en raison de son coût, même si le plus onéreux, ce sont surtout les mesures sanitaires », pointe François de Laportalière, chargé des ressources humaines.

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Deux axes prioritaires pour la reprise des TPE-PME

« Le 19 mai, le ministère du travail a lancé le dispositif “Objectif reprise” » (La ministre du travail, Muriel Pénicaud, le 4 juinà l’Elysée).

Carnet de bureau. Comment adapter son organisation à la reprise progressive ? Isabelle Dupuy, directrice de Périgord Ressources, emploie 65 salariés dont les deux tiers en situation de handicap. Son entreprise tournait sur quatre activités : la blanchisserie industrielle, la sous-traitance automobile, l’entretien des jardins et la fabrication de palettes. Un tiers de son équipe a été mis à l’arrêt par la crise du secteur automobile et de l’hôtellerie. Depuis le déconfinement, la moitié a repris, mais certaines activités sont toujours au point mort, et il faut repenser l’entreprise. « Or, quand on est la tête dans le guidon, c’est difficile d’y voir clair pour bien repartir », explique-t-elle.

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Le 19 mai, le ministère du travail a lancé le dispositif « Objectif reprise », qu’il a confié aux agences nationales et régionales pour l’amélioration des conditions de travail. Le réseau Anact-Aract a ainsi été désigné pour venir en appui des entreprises de moins de 250 salariés, confrontées tout à la fois à la réduction d’activité, aux gestes barrières et à l’anxiété de leurs collaborateurs, sans avoir d’équipe de ressources humaines. Un mois après, plus de 6 000 entreprises (2 200 PME et 4 630 TPE) l’ont utilisé et identifié deux axes prioritaires pour la reprise : le dialogue social et le management qui sont parfois sortis de leur radar.

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« Les attentes sont significatives dans les entreprises du commerce pour les PME et de l’hôtellerie-restauration pour les TPE. En revanche, on a moins de demandes dans la construction », indique le directeur général de l’Anact, Richard Abadie. Tout commence par un questionnaire ou plutôt deux, selon l’effectif inférieur ou supérieur à 11 salariés, sur la réorganisation du travail, l’implication des représentants du personnel et des salariés, la mise en place des mesures de sécurité sanitaire, etc. Puis l’Anact envoie un expert durant un ou plusieurs jours pour travailler sur le fond, sur la méthodologie et organiser des échanges de pratiques interentreprises.

« Ça rassure »

Dès la semaine de lancement du dispositif, Isabelle Dupuy l’a testé pour Périgord Ressources. « On avait déjà travaillé avec l’Anact. Leur diagnostic a révélé deux axes prioritaires : le rôle du CSE et la préparation de l’après-crise qu’on n’avait pas suffisamment analysés », dit-elle.

Si, dans beaucoup de TPE, la difficulté est d’orchestrer le respect des règles de distanciation au-delà de la consigne, à savoir réattribuer les tâches et faire évoluer le geste professionnel, chez Périgord Ressources, l’urgence était de préparer l’après-crise. « Il s’agit de trouver de nouvelles activités compatibles à la fois avec le tissu industriel local et les contraintes du handicap des salariés : poste assis et sans port de charge », explique Mme Dupuy.

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