Archive dans juin 2020

« Tous les testings concluent à une discrimination à l’embauche très nette »

De l’école à l’entrée sur le marché du travail, les jeunes descendants d’immigrés ou originaires des départements d’outre-mer subissent les effets d’un « racisme systémique », estime Jean-Luc Primon, sociologue à l’université Côte d’Azur et chercheur associé à l’Institut national d’études démographiques. Ce rôle discriminant de l’origine pourrait peser encore davantage en cette période de crise économique.

Ces derniers temps, une partie de la jeunesse exprime sa colère dans la rue contre les discriminations raciales. Que lisez-vous dans ce mouvement ?

Parti d’un élément déclencheur, l’affaire George Floyd aux Etats-Unis, ce mouvement est le reflet d’un ressentiment qui vient de loin chez une population minoritaire, notamment descendante d’immigrés. Il se cristallise autour des contrôles policiers répétitifs, auxquels les jeunes racisés sont surexposés, et qui se sont renforcés avec le régime d’état d’urgence, puis avec le confinement.

Au-delà de la question du contrôle d’identité et des violences policières, on y entend la dénonciation d’un racisme latent, le rejet de discriminations auxquelles ces jeunes sont confrontés dans toutes les sphères : à l’école, sur le marché du travail, dans la rue… Ces manifestations expriment un malaise ancré chez cette jeunesse qu’il est urgent d’entendre. Il ne faut, cette fois, pas rater le coche : il s’agit de mettre en place une politique d’égalité coordonnée et volontariste. Cesser le déni et prendre en compte l’aspect systémique du racisme qui impacte le parcours de ces jeunes.

Vous parlez d’un racisme systémique : dans quelle mesure entrave-t-il les débuts professionnels des jeunes ?

Tous les testings concluent à une discrimination à l’embauche très nette des jeunes d’origine nord-africaine ou subsaharienne. Et ce quel que soit le secteur d’activité ou le niveau de qualification. Cela n’a pas bougé en vingt ans. En termes statistiques, on note des écarts, lors de l’entrée dans la vie active, qui ne sont pas imputables au niveau de formation, ni même au niveau social ou au capital culturel des parents. Ils révèlent un racisme insidieux dans les processus de recrutement, et le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme le confirme.

A bien des égards, les jeunes descendants d’immigrés font fonction de variable d’ajustement sur le marché du travail, davantage encore que les autres jeunes. D’autant qu’ils sont surreprésentés parmi ceux qui sortent du système scolaire sans ou avec peu de qualifications. Ce sont les plus vulnérables, notamment en cette période de crise économique.

Il vous reste 35.31% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Devenez professeurs » : ce que les campagnes de communication pour recruter disent de la profession

Cet article est paru dans « Le Monde de l’éducation ». Si vous êtes abonné au Monde, vous pouvez vous inscrire à cette lettre hebdomadaire en suivant ce lien.

Erreur « 404 ». La page Web de l’éphémère campagne de communication lancée début juin par le ministère de l’éducation nationale sur le site Konbini ne répond plus. Quelques heures après la diffusion de ce visuel vantant auprès des étudiants de licence le parcours de préprofessionnalisation pour devenir enseignant, la Rue de Grenelle avait décidé de le retirer face aux critiques.

Le visuel au langage se voulant « jeune » interrogeait : « Avez-vous déjà réfléchi à un emploi étudiant ? », « Oui », « Aimeriez-vous faire quelque chose qui vous soit utile ? », « Et qui paye mieux qu’un job dans un fast-food ? », « On a ce qu’il faut pour vous ». L’affiche est encore visible sur les réseaux sociaux, tout comme les crispations qu’elle a suscité parmi la communauté enseignante.

Qu’importe si cette campagne jugée maladroite avait le mérite de cibler les quelque 50 % d’étudiants devant travailler en parallèle de leurs études ; en plein épisode de « prof bashing », selon l’expression du ministre de l’éducation nationale lui-même, certains y ont vu une comparaison entre le métier d’enseignant et celui de serveur dans un fast-food…

Le « plaisir » d’enseigner

« Ambition enseigner », « Devenez professeurs », « L’éducation nationale recrute », etc. ; le ministère de l’éducation lance régulièrement depuis les années 2000 des campagnes de communication pour trouver de futurs enseignants.

Si elles « sont la plupart du temps digitales et visent à créer du trafic sur le site Devenirenseignant.gouv.fr qui rassemble toute l’information sur le métier de professeur », selon le ministère, elles prennent aussi parfois la forme de dispositifs plus importants destinés à un plus large public. Des affiches ou vidéos qui en disent long sur le métier, ses besoins de recrutements et son manque d’attractivité, mais aussi dans lesquelles transparaissent la politique éducative du moment et une certaine image des enseignants.

C’est en 2001 que Jack Lang, alors ministre de l’éducation nationale, lance le mouvement avec une vaste campagne de communication intitulée « Professeur, et si l’avenir c’était vous ? » Choix est fait de mettre en avant dans des spots TV de jeunes enseignants hors de l’école se remémorant avec bonheur leur journée en classe. La démarche est alors inédite au point de s’inviter au journal télévisé.

Il vous reste 75.4% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Donald Trump gèle les cartes vertes et de nombreux visas de travail pour les Etats-Unis jusqu’en 2021

Donald Trump, ici lors d’une table ronde à Phoenix le 5 mai, a signé un décret gelant plusieurs types de visas de travail, le 22 juin.

Donald Trump vient de prendre une énième décision au nom de la lutte contre le chômage. En campagne pour sa réélection le 3 novembre, le président américain a décidé, lundi 22 juin, de donner un nouveau tour de vis migratoire avec le gel des cartes vertes et de certains visas de travail jusqu’en 2021.

Confronté à la destruction brutale de millions d’emplois en raison des mesures de confinement, le président républicain avait décidé il y a deux mois de suspendre pour soixante jours la délivrance des Green Cards, qui offrent un statut de résident permanent aux Etats-Unis, sans toucher aux visas de travail temporaires.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Coronavirus : Donald Trump annonce qu’il va « suspendre » toute immigration vers les Etats-Unis

Un nouveau décret, qu’il a signé lundi 22 juin après-midi, prolonge cette « pause » jusqu’au 31 décembre et inclura cette fois plusieurs types de visas de travail, dont les H1B, très utilisés dans le secteur des hautes technologies, les visas H2B, réservés aux travailleurs peu qualifiés (avec une exception pour les employés de l’industrie alimentaire), les visas J, utilisés pour les étudiants-chercheurs, ou les visas de transfert inter-compagnies, qui servent pour certains contrats expatriés.

Selon un haut responsable, cette « pause » devrait empêcher au moins 525 000 étrangers d’entrer aux Etats-Unis et réserver leurs emplois à des Américains. « La priorité du président, c’est de remettre les Américains au travail », a-t-il justifié. Aux Etats-Unis, le taux de chômage a bondi en mai et concerne 13,3 % de la population active, alors qu’il n’en concernait que 3,5 % en février, en raison des mesures de confinement prises pour lutter contre la pandémie due au nouveau coronavirus.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi En graphiques : le marché du travail américain à l’épreuve du Covid-19

Une décision fustigée par l’ACLU

Cette dégradation du marché de l’emploi, la crise sanitaire, ainsi que des manifestations monstres contre les violences policières compliquent la campagne de Donald Trump, à la peine dans les sondages face à son rival démocrate, Joe Biden.

Après un meeting décevant dans l’Oklahoma ce week-end, il espère rebondir en utilisant les ressorts de sa campagne victorieuse de 2016 : la lutte contre l’immigration illégale. Il se rendra mardi à Yuma, dans l’Arizona, pour marquer l’achèvement de « 200 miles » (320 kilomètres) du mur qu’il avait promis d’ériger à la frontière avec le Mexique.

Lire aussi La Cour suprême inflige un camouflet à Donald Trump sur l’immigration

En parallèle, il entend réformer le système d’immigration légale, pour attirer les étrangers les plus qualifiés. Au-delà du gel des visas annoncés ce lundi, il a ordonné à son administration de réfléchir à une réforme des visas H1B pour qu’en 2021 ils soient attribués aux étrangers à qui les plus hauts salaires ont été promis, et non plus par loterie.

Ces annonces ont immédiatement suscité des réactions aux antipodes. Le sénateur républicain Ted Cruz, un proche du président, a salué un « acte important ». « Alors que nous travaillons pour vaincre le coronavirus et remettre notre économie sur pied, nous devons nous concentrer sur les vies et les emplois des Américains », a-t-il tweeté.

« Ce n’est ni une réponse à la pandémie, ni une réponse économique », a au contraire jugé Andrea Flores, de la puissante association de défense des droits civiques ACLU, pour qui « il s’agit d’une instrumentalisation de la pandémie (…) pour remodeler nos lois migratoires sans passer par le Congrès ».

Fait inhabituel, le sénateur républicain de Caroline du Sud, Lindsay Graham, d’ordinaire un fervent soutien de Donald Trump, a lui aussi critiqué cette décision en estimant qu’elle constituera « un frein pour notre reprise économique ». « Ceux qui pensent que l’immigration légale, et particulièrement les visas de travail, nuit au travailleur américain ne comprennent pas l’économie américaine. »

Le Monde avec AFP

« J’ai l’impression qu’on ne me laisse jamais ma chance » : en temps de crise, les difficultés accrues des jeunes diplômés issus de l’immigration

Anissa, 22 ans, diplômée de l’ISCPA, une école privée spécialisée dans les métiers de la communication, est dépitée. Sa recherche d’emploi, elle la décrit en un mot : « catastrophique ». « J’envoie cinq à six candidatures par jour depuis presque un an. Quand on me répond, c’est un mail standard pour me dire que je ne suis pas retenue. » Et le contexte actuel risque de ne pas arranger les choses.

Anissa est française, porte un nom maghrébin, vit en Seine-Saint-Denis. Après un bac littéraire, elle s’est lancée dans des études de communication. « Ma formation est peut-être trop généraliste, je ne sais pas… Personne ne me dit jamais ce qui ne va pas. » Volontaire et motivée, la jeune femme aimerait comprendre pourquoi son CV « n’accroche pas », alors même qu’elle assurait des missions en free-lance pendant ses études. « C’est très frustrant. J’ai l’impression qu’on ne me laisse jamais ma chance. »

Elle s’est tournée vers NQT, une association qui accompagne des jeunes diplômés (bac + 3 et plus) des quartiers sensibles ou de milieu modeste dans leur recherche d’emploi. Un système de parrainage par un cadre en poste permet aux jeunes de mieux comprendre les codes du monde du travail. Avec sa marraine, Anissa a profité du confinement pour refaire son CV, travailler ses lettres de motivation et simuler de futurs entretiens. Mais elle n’a toujours pas d’emploi.

« Moins de propositions de postes »

En temps normal, l’accès à un premier travail est déjà semé d’embûches pour les jeunes diplômés issus de l’immigration ou des territoires d’outre-mer, dans un contexte de concurrence accrue – ces vingt dernières années, le nombre de diplômés bac + 5 a augmenté plus vite que celui des emplois qualifiés, selon le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq).

Pour ces jeunes, le plus difficile, bien souvent, est d’accéder à un entretien d’embauche. En 2016, une vaste étude du ministère du travail a montré que, pour un même CV, les entreprises donnaient plus de réponses positives à des candidats aux noms « hexagonaux » qu’à ceux qui portaient un nom maghrébin. En moyenne, l’écart entre les deux types de candidats était de 11 points.

Lire aussi Testings de CV et formation d’agents immobiliers pour éviter les discriminations au quotidien

Alors que, dans un contexte de crise entre janvier et avril 2020, le volume d’offres d’emploi destinées aux jeunes diplômés a baissé de 65 % selon l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), les difficultés risquent de se renforcer. « Ce sont les jeunes racisés, ceux qui ont déjà habituellement le plus de mal à trouver un emploi, qui seront les premiers touchés par le chômage », estime Mélanie Luce, présidente du syndicat étudiant UNEF, qui vient de sortir une enquête sur les discriminations dans l’enseignement supérieur.

Il vous reste 63.7% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Nokia France veut supprimer 1 233 postes, soit un tiers des effectifs d’Alcatel-Lucent

Nokia France emploie 5 138 personnes, dont 3 640 dans sa filiale Alcatel-Lucent International.

Nokia prévoit de supprimer 1 233 postes au sein de sa filiale Alcatel-Lucent International en France, soit environ un tiers des effectifs de cette entité, a annoncé le groupe lundi 22 juin, confirmant des informations de Reuters.

L’équipementier télécoms finlandais, qui a pour concurrents Ericsson et Huawei, affirme être désormais totalement libéré des engagements pris, notamment en termes d’emplois, lors du rachat d’Alcatel-Lucent.

Ces suppressions de postes concernent la recherche et développement (R&D) et les fonctions centrales sur les sites de Paris-Saclay et de Lannion (Côtes d’Armor), mais pas les trois filiales françaises Radio Frequency Systems (RFS), Nokia Bell Labs France (NBLF) et Alcatel Submarine Networks (ASN), a précisé le groupe dans un communiqué.

Nokia souligne que ces réductions d’effectifs s’inscrivent dans le cadre d’un programme mondial d’économies lancé en octobre 2018 et déjà mis en oeuvre dans plusieurs pays, destiné à « atteindre un niveau de rentabilité durable et améliorer la productivité sur un marché de plus en plus compétitif, avec une très forte pression sur les coûts ».

Lire aussi Sous pression, Nokia réitère ses engagements pour l’emploi

Fin de l’engagement de préservation des emplois

Nokia France emploie 5 138 personnes, dont 3 640 dans sa filiale Alcatel-Lucent International. Cette entité faisait partie d’Alcatel-Lucent, que Nokia a racheté en 2015 dans le cadre d’une opération intégralement en actions valorisant le groupe français 15,6 milliards d’euros. Ce rachat a été scruté de près par le gouvernement de l’époque et notamment son ministre de l’économie, le futur président Emmanuel Macron.

Nokia s’était alors notamment engagé à préserver les emplois en France pendant deux ans et à y développer les équipes de recherche et développement afin de faire du pays une référence au sein du groupe pour la nouvelle génération de télécommunication mobile, la 5G. Le groupe est depuis ce mois-ci totalement libéré de ces engagements, a fait savoir une porte-parole.

Le président de Nokia en France, Thierry Boisnon, cité dans le communiqué, explique :

« La France restera un pôle de R&D déterminant au sein de Nokia, principalement autour du développement des technologies 5G et de la transmission par faisceaux hertziens, ainsi que dans la recherche avancée avec Bell Labs, dont l’Internet des Objets et la nouvelle génération de solutions de transport. […] Nous comptons également continuer à jouer un rôle actif dans l’écosystème numérique français. »

Le Monde avec Reuters

Celio demande à être placé sous procédure de sauvegarde

Fondée en 1978, l’enseigne Celio se présente comme leader de son secteur depuis trente ans, avec environ 6 % de parts de marché en France.

La liste des enseignes de mode fragilisées par la crise liée au coronavirus s’allonge. Lundi 22 juin, Celio, leader du marché masculin en France, a demandé au tribunal de commerce de Bobigny à être placé sous procédure de sauvegarde. La chaîne, qui emploie plus de 4 000 personnes dans le monde, explique que « la fermeture brutale pendant deux mois de ses 1 585 magasins (…) a entraîné une perte de chiffre d’affaires pour le groupe de près de 100 millions d’euros entre mars et mai 2020 ».

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Avec les « gilets jaunes », les grèves et la crise sanitaire, le secteur de l’habillement exsangue

Comme d’autres de ses concurrents, Celio est confronté à une sévère crise de trésorerie. Et manifestement il n’a pas pu accéder au crédit. « N’ayant pu trouver un accord avec ses partenaires bancaires, Celio a décidé de placer la société Celio France ainsi que sa maison mère Celio International sous la protection du tribunal de commerce avec l’ouverture de procédures de sauvegarde », souligne l’enseigne détenue par ses fondateurs, les frères Laurent et Marc Grosman, depuis sa création en 1978.

« Se donner du temps »

Grâce à cette procédure qui suspend le paiement de ses dettes et maintient les emplois, l’entreprise dit espérer « préserver sa trésorerie pendant les prochains mois afin de se donner du temps dans la reprise de l’activité commerciale et d’adapter la transformation déjà engagée » en 2019.

Les difficultés du groupe en France ne sont pas nouvelles. Sous la houlette d’une nouvelle présidente, Gaëlle de la Fosse, nommée en février 2019, l’enseigne avait entrepris de se réformer pour mieux séduire ceux qui préfèrent désormais s’habiller chez Zara, Monoprix ou en ligne chez Asos. Grâce à une nouvelle image publicitaire et des collections revues, elle espérait enrayer son déclin. L’enseigne a essuyé une chute de ses ventes de l’ordre de 8 % l’an dernier, avec un chiffre d’affaires annuel (exercice clos à fin janvier 2020) de 560 millions d’euros.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi A la peine en France, Celio veut changer d’image pour se relancer

La France, où elle exploite 488 magasins, dont 345 succursales, représente plus de 80 % de son activité. Malgré le toilettage de son réseau, avec la fermeture d’une vingtaine de points de vente en 2018 et en 2019 et un plan social en 2015, portant sur quinze postes au sein de son siège situé à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), l’entreprise est déficitaire, selon une porte-parole.

Les temps sont durs pour toutes les enseignes d’habillement déjà laminées par la baisse de la consommation constatée depuis une douzaine d’années. La pandémie de Covid-19 a accéléré la chute de plusieurs grands noms de la mode d’entrée de gamme, comme Naf Naf, La Halle ou Camaïeu. L’emploi dans le secteur s’apprête à payer un lourd tribut. Placé en redressement judiciaire, Naf Naf vient d’être repris par son fournisseur, Sy, vendredi 19 juin, qui garde 75 % des salariés.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi A la barre du tribunal, Sy décroche Naf Naf

Près de 300 magasins toujours fermés

Camaïeu a été placé en redressement judiciaire le 26 mai et ses 3 900 employés seront fixés sur leur sort début juillet. Vivarte a requis le placement de son enseigne La Halle en procédure de sauvegarde, mi-avril, avant de demander l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire. Ces deux dossiers sont désormais aux mains de la justice.

Les potentiels repreneurs de Camaïeu doivent se faire connaître d’ici au 29 juin. Et, après un premier round bouclé sur 25 offres de reprise des magasins La Halle, fin mai, le tribunal de commerce de Paris se réunit en audience le 29 juin pour étudier ces propositions. Les 5 809 salariés de l’entreprise attendent avec fébrilité la décision du tribunal de commerce de Paris prévue pour la première semaine de juillet.

Celio échappera-t-il à la cessation de paiement et à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ? Près de 300 de ses magasins sont toujours fermés dans les pays où des mesures de confinement demeurent et l’enseigne n’a pas obtenu de prêt garanti par l’Etat pour combler le manque à gagner. « Les négociations sont toujours en cours », affirme une porte-parole. Par communiqué, Mme de la Fosse assure que l’entreprise présente dans 46 pays est en capacité de « surmonter cette crise ».

Article réservé à nos abonnés Lire aussi La Halle, Camaïeu, Naf Naf, André… Plus de 14 000 emplois menacés dans l’habillement

Un repreneur surprise pour André

François Feijoo, ancien patron d’André, a émis une offre de reprise de l’enseigne placée en redressement judiciaire à la demande de sa maison mère, Spartoo, mi-mars. Au dernier jour du dépôt des propositions de rachat de la chaîne de chaussures, lundi 22 juin, alors que Spartoo a renoncé à présenter un plan et qu’aucun autre candidat n’a émergé, M. Feijoo s’est déclaré prêt à relancer l’enseigne fondée en 1896, en reprenant 50 de ses 106 succursales. M. Feijoo a dirigé André entre 2005 et 2013, avant de prendre la présidence d’Eram, qu’il a quitté fin 2019.  « Je ne pouvais pas ne pas reprendre cette marque mythique », explique-t-il au Monde, alors que son tour de table n’est pas encore bouclé. Chez André, il a laissé « un très bon souvenir », rappelle Eric Martinez, élu syndical en évoquant la façon dont ce spécialiste de la distribution « avait redressé l’entreprise ». L’enseigne compte 412 salariés. Le nombre d’employés repris au siège et en magasins par M. Feijoo n’a pas été précisé. Le tribunal doit se prononcer le 1er juillet.

Automobile : menace sur le site de Getrag Ford

L’usine Ford Aquitaine Industries (FAI), à Blanquefort, a fermé le 30 septembre 2019, mettant en difficulté le sous-traitant et voisin Getrag Ford Transmissions.

Après la fermeture définitive de l’usine Ford Aquitaine Industries (FAI), à Blanquefort, dans la métropole bordelaise, le 30 septembre dernier, les élus CGT du site voisin Getrag Ford Transmissions (GFT) tirent la sonnette d’alarme. Un comité social et économique (CSE) extraordinaire a voté, le 19 juin, la phase 1 du droit d’alerte, signé par l’ensemble des organisations syndicales CFTC, FO, CFDT, CFE-CGC et CGT.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi A Romorantin, les PME de l’usinage au bord du précipice

« On a rédigé quarante-neuf questions, qu’on a déposées au DRH ce vendredi pour avoir des réponses. Il y aura un CSE extraordinaire la semaine prochaine pour lire le texte et les questions, et l’on devrait avoir les réponses normalement avant les vacances d’été. Si elles nous conviennent après étude par nos organisations syndicales, ça s’arrête là. Sinon on mettra à l’ordre du jour d’une prochaine réunion le vote de la phase 2 du droit d’alerte », explique Vincent Teyssonneau, élu CGT au CSE de Getrag Ford Transmissions.

Etroite collaboration

Celle-ci signifie de mandater un expert qui analysera la situation financière de l’entreprise, et l’obligation pour la direction de fournir chiffres et documents. « S’ils veulent fermer, ça ne les en empêchera pas, mais ça permet de sensibiliser, d’alerter et de montrer qu’il y a un vrai danger », développe Philippe Poutou, ancien ouvrier de FAI, et candidat à la mairie de Bordeaux, liste Bordeaux en luttes.

Car les deux usines, installées sur le même site, travaillaient en étroite collaboration. FAI construisait des boîtes automatiques pour le marché américain et australien, pendant que GFT réalise encore des boîtes de vitesses manuelles MX65, à destination du marché européen, où elles équipent les Ford Fiesta. En 2001, un joint-venture est créé entre l’allemand Getrag et Ford, puis, en 2008, l’équipementier automobile canadien Magna International rachète Getrag. Ford possède désormais 50 % de GFT, tandis que Magna possède les 50 % restants.

« C’est Ford notre seul client, actionnaire à 50 %, donc c’est Ford qui commande » Vincent Teyssonneau, élu CGT

Mais la situation économique difficile de l’usine s’est accentuée avec la crise sanitaire. « On chute en production, le Covid a accéléré les choses, car on savait, depuis 2018, que, s’il n’y avait pas de repreneur, de nouveaux clients et de nouveaux produits, on fermerait fin 2024. Aujourd’hui, ça s’accélère pour fin 2023 », ajoute M. Teyssonneau.

« Il n’y a pas si longtemps, on était 1 000 salariés, là on est 800 en CDI. Les volumes sont en chute ; habituellement, avant le confinement, on avait peut-être 2 000 à 3 000 transmissions d’avance pour nos usines clients ; aujourd’hui, on en a 30 000, donc on sait que ça va mal », déplore le représentant CGT.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Jean-Dominique Senard : « Il s’agit de la survie de Renault »

Pire, depuis 2017, l’usine bordelaise aurait perdu près de 100 millions d’euros. De surcroît, le joint-venture qui lie Magna à Ford prend fin en avril 2021, ce qui achèvera d’accélérer cette fermeture tant redoutée par les ouvriers. Aujourd’hui, les syndicats, qui alertent depuis décembre 2008 sur ce risque, demandent des réponses qui, pour l’heure, restent sans réponse.

« Il n’y a plus aucune communication avec la direction. Ça va finir comme Ford Aquitaine Industries, on le sait très bien. C’est Ford notre seul client, actionnaire à 50 %, donc c’est Ford qui commande », se désole M. Teyssonneau, qui est entré chez FAI en 1999, puis, en 2006, chez GFT. Contactée, la direction de l’usine Getrag Ford Transmissions n’a pas souhaité donner suite à nos sollicitations.

La Défense profite du déconfinement pour repenser la présence de ses salariés

Esplanade de La Défense le 11 mai, premier jour du déconfinement. Depuis, le retour des salariés dans les tours est très progressif.

La Défense, lundi 15 juin 2020, fin de journée. En ce début de sixième semaine de déconfinement, le plus grand quartier d’affaires d’Europe se réanime. Doucement. En temps normal, 180 000 salariés se rendent quotidiennement dans les différentes tours. La fréquentation actuelle ne dépasse pas 20 à 25 % de ce volume, selon une estimation de Paris La Défense, l’établissement en charge de l’aménagement et de la gestion du quartier.

En effet, nombreuses sont les entreprises à avoir décidé de poursuivre massivement le recours au télétravail. Déjà pour une question d’ordre physique. A raison de quatre ou six personnes par ascenseur, il faudrait une demi-journée aux salariés d’une tour comme celle d’Enedis pour accéder à leur bureau.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les entrailles de la Défense, le dernier chantier lancé par Patrick Devedjian

Chez Total, un parcours balisé depuis l’extérieur de la tour par des marquages au sol conduit aux ascenseurs qui ont été limités à quatre personnes au lieu de seize habituellement. A l’intérieur des cabines, la position des usagers est signalée par des ronds et des pieds au sol. Et des procédures strictes ont été mises en place dès l’entrée du gratte-ciel : distributeur de gel, masque et prise de température par caméra thermique.

Rotation de la présence au bureau

« Pour réguler la présence dans les locaux et éviter les files d’attente à l’entrée et devant les ascenseurs, nous avons organisé l’arrivée des collaborateurs par créneaux horaires d’une demi-heure, de 8 heures à 10 heures. Et nous demandons aux manageurs d’organiser la venue de leurs collaborateurs par rotation », explique Laurent Tricot, directeur des services et des moyens généraux. Malgré tout, la moitié des 3 700 collaborateurs de la tour Coupole du géant de l’énergie ont pu revenir au bureau.

Au sein de la tour CB21 de Suez, un dispositif similaire a été instauré. Avec même une hôtesse au pied de chaque ascenseur pour appuyer sur les boutons et un guide, disponible depuis son smartphone via un code QR qui explique les mesures applicables dans chaque lieu de la tour. Mais le numéro deux mondial du traitement des eaux et déchets a opté pour une reprise beaucoup plus progressive. « On s’est fixé une limite de 20 % de l’effectif pendant le premier mois de déconfinement, puis de 30 % jusqu’à fin août », précise Laure Girodet, directrice santé et sécurité du groupe, qui compte en son siège de La Défense 2 300 collaborateurs.

Pour éviter que tout le monde vienne en même temps, l’entreprise a institué des horaires beaucoup plus flexibles, avec une arrivée au choix entre 7 et 11 heures, ainsi que la possibilité de ne pas rester toute la journée. « L’idée, souligne Laure Girodet, est de permettre de se reconnecter à la vie de bureau, et aux manageurs de revoir chacun de ses collaborateurs en tête à tête et même d’organiser quelques réunions collectives. »

Il vous reste 65.87% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Les « slasheurs », par défaut ou par choix, cherchent leur voie dans un contexte de crise

Slasheur.se : personne qui cumule plusieurs emplois en même temps, par choix ou par obligation. L’anglicisme, qui vient de la barre oblique de ponctuation « /», a fait son entrée dans l’édition 2020 du petit Larousse illustré. Certains lui préfèrent les termes de « pluriactifs » ou « multipotentiels ». Quoi qu’il en soit, le mot dénote d’un nouveau rapport au travail, qui s’est fortement développé au cours des dernières années, sur fond de quête de sens et d’aspiration à une forme d’autonomie.

Mais ces « pluriactifs » ne se retrouvent-ils pas particulièrement vulnérables en cette période de récession, où ils peuvent facilement jouer le rôle de variable d’ajustement pour leurs différents employeurs ? « La crise va toucher tous les types d’emplois. De plus, beaucoup de ces pluriactifs travaillent dans des domaines particulièrement touchés par la baisse d’activité, comme la culture ou le tourisme », estime Christine Fournier, chargée d’études au Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq). Mais avoir plusieurs activités dans différents secteurs peut aussi « permettre de davantage rebondir », estime Marielle Barbe, autrice de « Profession Slasheurs » (Marabout, 2017).

L’art de cumuler aussi les statuts

Le salon SME, dédié aux microentrepreneurs, évaluait à 4 millions le nombre de pluriactifs en France, selon un sondage de 2016. D’après cette enquête, 77 % des personnes interrogées exercent un second métier dans un secteur différent de leur activité principale. Cumuler les activités est un choix pour plus des deux tiers d’entre eux. Les motivations sont variées : 73 % « cumulent » pour augmenter leurs revenus, et 27 % pour alimenter leur passion. Si certains sont microentrepreneurs (l’autoentrepreneuriat, créé en 2009, a favorisé l’émergence des « slasheurs »), d’autres sont passés maîtres dans l’art de cumuler aussi les statuts (salarié, auteur, entrepreneur, intermittent…)

Situation subie ou choisie, parfois un peu des deux, ces diplômés pluriactifs tentent de trouver leur voie dans cette période mouvementée. « Les slasheurs qui vivent bien leur situation sont la partie émergée de l’iceberg des pluriactifs, note Christine Fournier, qui est en train de réaliser une étude sur « l’emploi éclaté ». La plupart accusent le coup, d’autant plus qu’ils disposent souvent d’une faible protection sociale.

« Mes différents emplois sont comme un jeu de cartes. Je peux les jouer différemment selon les contextes », explique Stéphanie Schoene, tatoueuse, graphiste, consultante…

Il vous reste 68.17% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.