« Tous les testings concluent à une discrimination à l’embauche très nette »
De l’école à l’entrée sur le marché du travail, les jeunes descendants d’immigrés ou originaires des départements d’outre-mer subissent les effets d’un « racisme systémique », estime Jean-Luc Primon, sociologue à l’université Côte d’Azur et chercheur associé à l’Institut national d’études démographiques. Ce rôle discriminant de l’origine pourrait peser encore davantage en cette période de crise économique.
Ces derniers temps, une partie de la jeunesse exprime sa colère dans la rue contre les discriminations raciales. Que lisez-vous dans ce mouvement ?
Parti d’un élément déclencheur, l’affaire George Floyd aux Etats-Unis, ce mouvement est le reflet d’un ressentiment qui vient de loin chez une population minoritaire, notamment descendante d’immigrés. Il se cristallise autour des contrôles policiers répétitifs, auxquels les jeunes racisés sont surexposés, et qui se sont renforcés avec le régime d’état d’urgence, puis avec le confinement.
Au-delà de la question du contrôle d’identité et des violences policières, on y entend la dénonciation d’un racisme latent, le rejet de discriminations auxquelles ces jeunes sont confrontés dans toutes les sphères : à l’école, sur le marché du travail, dans la rue… Ces manifestations expriment un malaise ancré chez cette jeunesse qu’il est urgent d’entendre. Il ne faut, cette fois, pas rater le coche : il s’agit de mettre en place une politique d’égalité coordonnée et volontariste. Cesser le déni et prendre en compte l’aspect systémique du racisme qui impacte le parcours de ces jeunes.
Vous parlez d’un racisme systémique : dans quelle mesure entrave-t-il les débuts professionnels des jeunes ?
Tous les testings concluent à une discrimination à l’embauche très nette des jeunes d’origine nord-africaine ou subsaharienne. Et ce quel que soit le secteur d’activité ou le niveau de qualification. Cela n’a pas bougé en vingt ans. En termes statistiques, on note des écarts, lors de l’entrée dans la vie active, qui ne sont pas imputables au niveau de formation, ni même au niveau social ou au capital culturel des parents. Ils révèlent un racisme insidieux dans les processus de recrutement, et le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme le confirme.
A bien des égards, les jeunes descendants d’immigrés font fonction de variable d’ajustement sur le marché du travail, davantage encore que les autres jeunes. D’autant qu’ils sont surreprésentés parmi ceux qui sortent du système scolaire sans ou avec peu de qualifications. Ce sont les plus vulnérables, notamment en cette période de crise économique.
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