Archive dans juin 2020

Reprise : « Un nouveau paradoxe français est train d’émerger »

Sur un chanter à Montevrain (Seine-et-Marne), le 12 mai.

Pertes & profits. Jean-Michel Aulas a finalement perdu le match. Le bouillant président de l’Olympique lyonnais n’est pas parvenu à empêcher, en Conseil d’Etat, la Ligue de football professionnel d’arrêter définitivement le championnat 2019-2020. Paris, Marseille et Rennes participeront à la Ligue des champions, pas Lyon. Beaucoup ont raillé l’activisme débridé de l’industriel lyonnais pour éviter le déclassement de son club. Lui en faisait une affaire économique. Pourquoi l’Allemagne a-t-elle remis ses joueurs sur la pelouse et pas la France ? La question dépasse largement le cadre footballistique et remet en cause le redressement économique du pays.

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Un nouveau paradoxe français est train d’émerger. La France a adopté le système de protection le plus avantageux et coûteux d’Europe, avec un recours massif au chômage partiel, au motif non seulement de protéger la population des dégâts du chômage de masse, mais aussi pour accélérer la reprise. Les entreprises ayant gardé leurs employés, elles devaient pouvoir redémarrer bien plus rapidement et éviter ainsi une crise prolongée comme celle que nous avons vécue au sortir de la catastrophe financière de 2008. C’est un peu le contraire qui semble se produire. Avec une prévision de baisse de sa richesse, le produit intérieur brut (PIB), de plus de 10 % pour l’année 2020, l’Hexagone se place en queue du peloton européen, loin derrière l’Allemagne, qui table sur une chute d’un peu plus de 6 %. La France protège, avec raison, ses emplois, mais n’en profite pas.

Une société en veilleuse

Cette mauvaise performance annoncée s’explique d’abord par le confinement. Les travaux de l’Insee et d’une étude en cours du Conseil d’analyse économique montrent une corrélation très forte, et logique, entre la sévérité des mesures de confinement et la baisse de PIB enregistrée au premier trimestre de cette année. Aux deux extrêmes, d’un côté, la Suède, zéro confinement et un PIB très légèrement positif, et, à l’autre bout, l’Italie, son confinement total et un PIB en chute de plus de 5 %. Mais cela n’explique pas tout. Au milieu de ce graphique, une exception française, et aussi espagnole, avec des mesures officiellement moins sévères qu’en Italie, mais une contraction de l’économie encore plus prononcée. C’est ce surplus qui affecte le redémarrage.

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Au delà de la spécialisation française dans les services et le tourisme qui la pénalise plus fortement, il semblerait que la société française se soit mise spontanément en veilleuse. De nombreux secteurs qui n’étaient pas interdits se sont arrêtés d’eux-mêmes. Comme le BTP, stoppé à 85 %. Début mai, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, s’était inquiété de cette situation, en remarquant que, dans les pays voisins, cette activité avait repris bien plus fortement. En Allemagne ou aux Pays-Bas, très peu de chantiers se sont arrêtés. Parmi les causes connues, comme le souligne l’économiste Jean Pisani-Ferry, la défiance et les mauvaises relations sociales en France. Témoins, les arrêts à La Poste ou chez Amazon.

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Habillement : l’angoisse de 15 000 salariés

Un magasin de l’enseigne La Halle (groupe Vivarte), à Paris, le 27 mai.

Naf Naf a ouvert le bal funeste des enseignes d’habillement en quête de repreneurs, mardi 9 juin. Réunis en audience, les juges du tribunal de commerce de Bobigny ont examiné les offres de reprise de la chaîne de mode féminine placée en redressement judiciaire mi-mai. Seules deux entreprises sont candidates à une reprise partielle. La chaîne fondée à Paris en 1973 exploite 146 magasins.

Sy, fournisseur de Naf Naf, espère mettre la main sur son réseau de points de vente pour écouler sa production issue de ses usines tunisiennes. « Sy a déjà un pied dans la distribution en France depuis la reprise de Sinequanone en novembre 2019 », fait valoir Luc Mory, PDG de Naf Naf, qui soutient l’offre portée par Selçuk Yilmaz, fondateur de Sy. Ses détracteurs y voient une manœuvre pour garantir ses factures impayées ; Naf Naf lui devrait près de 4 millions d’euros. M. Mory, qui sera associé au capital de l’entreprise, le cas échéant, y voit, lui, une association salutaire entre un fabricant et un distributeur. Sy s’engage à reprendre 125 magasins du réseau et 944 de ses 1 219 employés. Son rival, le groupe Beaumanoir, propose, lui, de sauver 195 magasins et 604 salariés, ainsi que la filiale espagnole et ses 100 salariés.

« Peu d’espoir »

Qui décrochera l’enseigne qui habillait les jeunes femmes des années 1980 ? Les salariés se sont prononcés en faveur de l’offre du groupe Sy. Les juges, eux, devraient trancher d’ici au 16 juin.

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Les 5 391 employés La Halle se rongent aussi les sangs. Jeudi 11 juin, ils découvriront les offres de reprise de l’enseigne aux 830 magasins placée en redressement judiciaire, mi-avril, à la demande de sa maison mère, Vivarte. Pour l’heure, une demi-douzaine de candidats sont connus. Parmi eux figurent Lidl, Gémo, Chaussea et… à nouveau Beaumanoir. Le groupe breton est prêt à reprendre plus de 360 magasins et 2 300 salariés. « Plus de 2 200 salariés de La Halle pourraient être licenciés dans les prochaines semaines », calcule Loïc Riffaud, secrétaire du comité social et économique (CSE), élu CFTC.

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Les 3 400 salariés de Camaïeu sont aussi dans l’expectative. Au siège de Roubaix, la CGT croit encore en ce « leader du marché féminin » créé en 1984, à Lens, par quatre hommes, dont Jean-Pierre Torck, un ancien proche de Gérard Mulliez, fondateur d’Auchan. Sa chute pourrait mettre en péril « au total 5 000 emplois » dans la région, s’alarme Thierry Siwik, délégué syndical. Les candidats à la reprise doivent déposer leur dossier d’ici au 29 juin.

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Laurence Boone : « La crise touche surtout les moins qualifiés et les jeunes qui arrivent sur le marché du travail »

Laurence Boone lors de la conference « D’ou viendra la prochaine crise ? » animée par Marie Charrel dans le cadre du Le Monde Festival à l'Opéra Bastille à Paris, en octobre 2019.

Entretien

Dans ses prévisions publiées mercredi 10 juin, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime que la récession mondiale en 2020 sera comprise entre − 6 % et − 7,6 %. Son économiste en chef, Laurence Boone, s’inquiète des conséquences pour les personnes les plus vulnérables.

Pourquoi la zone euro va-t-elle connaître la pire récession du monde en 2020 ?

Tout d’abord, la récession affecte tous les pays de l’OCDE. En 2020, aucun ne va enregistrer de croissance positive. Plusieurs facteurs contribuent à l’ampleur plus ou moins importante de la récession. Il y a d’abord la durée et l’ampleur du confinement, le moment où il a eu lieu, la densité de population dans les lieux où se concentre l’activité économique et les leçons tirées par certains pays des précédentes épidémies.

Ensuite, la spécialisation de l’économie joue un rôle. Certains secteurs sont plus affectés que d’autres par la distanciation physique, comme le tourisme. La Grèce a enregistré peu de cas de Covid-19, mais son économie est très touchée car très dépendante de cette activité.

Les pays les plus touchés font pourtant partie de ceux qui ont lancé les plans de sauvetage les plus ambitieux…

En choisissant de fermer une partie de leur économie pour mieux lutter contre la pandémie, les pays ont interrompu l’activité des entreprises, des salariés, des travailleurs indépendants. Les gouvernements et les banques centrales ont agi très rapidement et massivement. Des mesures comme le chômage partiel ou les lignes de crédit aux entreprises ont permis de protéger les salaires et les appareils de production, mais elles n’ont pas pu compenser la forte diminution de la production et de la consommation pendant le confinement. Les États ont dépensé beaucoup pour maintenir l’activité durant cette période, et ils vont devoir continuer pour accompagner les personnes et les entreprises vers la reprise.

Quel sera le rythme de la reprise ?

La période est extraordinairement incertaine. Il y a encore beaucoup d’inconnues autour de ce virus. Nous n’avons pas encore ni vaccin ni traitement, on peut seulement viser à limiter sa propagation le plus possible, en testant, traçant et isolant, et se protégeant. Il va donc falloir vivre avec cette pandémie.

La fin progressive du confinement dans un pays ne coïncide pas avec la reprise de l’activité pleine, ni l’ouverture de toutes les frontières. Prenez la Nouvelle-Zélande, le pays n’enregistre plus aucun nouveau cas mais il a annoncé que ses frontières resteraient fermées jusqu’en 2021, pour se protéger contre une importation du virus. La reprise est lente car de nombreux secteurs ne peuvent plus fonctionner comme avant.

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« La crise sanitaire et le confinement ont permis de se rendre compte que la France a continué de tourner grâce à ses services publics »

Tribune. Qu’entend-on exactement par « dignité des métiers » et « valorisation de l’utilité sociale » ? Ne s’agit-il pas tout simplement de reconnaître (à ?) l’homme par son libre arbitre et son professionnalisme, par sa contribution au collectif de travail au sein duquel il gagne ses lettres de noblesse, de respectabilité, et par conséquent sa dignité ?

Il convient, pour être concret, de se concentrer sur deux éléments de réponse qu’il faut considérer comme centraux et donc prioritaires.

Le premier est économique. Car ce qui vient à l’esprit lorsqu’il est question de la valeur de l’utilité sociale, et que tout le monde a en tête aujourd’hui, c’est évidemment le sujet du salaire. Ce salaire qui occupe une place centrale dans notre dialogue social national, qui, par ailleurs, dépasse le contexte que nous traversons. Ce sujet du « salaire juste » renvoie à un débat plus large, à la fois politique, philosophique et éthique. Un débat dont l’énoncé pourrait être le suivant : « combien vaut l’utilité sociale ? »

Croire que le sentiment de dévalorisation pourrait se résoudre, en cette période de crise, par l’unique revalorisation des salaires de telles et telles professions, à commencer par les professionnels de santé parce qu’ils cristallisent l’attention médiatique, serait une erreur.

Fierté

Le second élément est social. Infirmiers, aides-soignants, hôtes de caisse, chauffeurs livreurs, agents de propreté… La liste est longue de ceux que nous avons remerciés et applaudis pendant des semaines et dont les emplois subissent une dégradation durable, antérieure à la crise et exacerbée par cette dernière. Quid, alors, de cette dégradation des conditions de travail, parent pauvre du débat actuel ?

Il est essentiel d’évoquer ce point car c’est de la valeur intrinsèque du travail dont il s’agit, de ce que l’on en obtient indépendamment de son salaire. Et cette dimension couvre des réalités aussi diverses que les moyens mis à disposition des personnes pour réaliser leurs missions, la reconnaissance de leurs compétences, la fierté d’appartenance à un corps de métiers, le sentiment de leur utilité sociale, la valorisation publique des biens accomplis, la qualité des liens unissant un corps social donné, les conditions d’exercice de leur métier, l’autonomie dont elles disposent, etc. Toutes ces notions relèvent d’un projet social.

Prenons l’exemple des professionnels de santé. Le sentiment d’indignité provient des deux facteurs précités.

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« Créons un réseau de sociétés coopératives d’intérêt collectif pour produire les médicaments »

Tribune. Avec ses briques typiques de l’architecture ouvrière des années 1920, le laboratoire Roussel-Uclaf-Sanofi de Romainville était l’un des fleurons de l’industrie pharmaceutique en France. Des générations d’ouvriers, de techniciens de laboratoire, de chercheurs s’y sont rendues chaque jour avec le sentiment d’être utiles. Pourtant, alors qu’il était toujours rentable, le site a définitivement fermé ses portes en 2013. Et trois mille familles ont subi la violence du choc.

Cet exemple, parmi tant d’autres, est révélateur des errements de notre politique industrielle et des conséquences désastreuses de la financiarisation de notre économie. A l’heure de la globalisation à flux tendu et de la finance reine, le médicament a été considéré comme un produit ordinaire, engendrant des choix stratégiques court-termistes, fondés sur la seule maximisation du profit.

Abandon de souveraineté

Pour quels résultats ?

Ce sont d’abord dix mille emplois directs dans le secteur qui ont été détruits au cours des dix dernières années, alors même que ces activités étaient parfaitement viables et rentables comme à Romainville.

Plus grave encore, cette stratégie nous a fait abandonner un large pan de notre souveraineté : 80 % des principes actifs nécessaires à la fabrication des médicaments sont désormais produits en Chine et en Inde. Une situation qui entraîne des ruptures fréquentes d’approvisionnement, déplorées par les soignants depuis des années.

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Et c’est seulement aujourd’hui, alors que nous traversons la plus grande crise sanitaire que nous ayons connue ces cent dernières années, que la réalité reprend le dessus sur les fantasmes néolibéraux : le médicament n’est pas un produit comme un autre. Il est stratégique. C’est un produit relevant du bien commun et de l’indépendance nationale.

En délocalisant, ce n’est pas seulement les emplois et les savoirs faire qui ont été détruits, c’est notre sécurité sanitaire que nous avons fragilisée.

Echec de la technocratie française

Cette histoire n’est pas seulement celle de la faillite de la mondialisation des échanges et de la financiarisation de l’économie. C’est l’échec de la technocratie française façonnée à l’idée que la verticalité colbertiste et le marché libre font bon ménage. C’est surtout l’échec de notre politique industrielle qui méconnaît les besoins et les dynamiques des territoires.

Il est temps de remettre les choses à leur place.

Le sort du médicament en France doit désormais impliquer toutes les parties prenantes, dans une logique démocratique de l’exercice de notre souveraineté. Place au dialogue et à la coopération entre l’Etat, les personnels de santé, les mutuelles, les territoires, les citoyens….

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La tentation des accords de performance

« Les accords de maintien dans l’emploi de Continental (2010), Bosch (2013), Smart (2015) ont finalement abouti à des suppressions d’emplois » (Manifestation le 3 mai 2011 à Compiègne).

Carnet de bureau. Reprise ou pas, les entreprises préparent « l’après-Covid » en ouvrant les négociations sur les conditions de travail: la durée et l’organisation du temps de travail, la rémunération et la mobilité des salariés. La perspective première des employeurs est évidemment de relancer l’activité, mais elle s’accompagne de mesures d’économies pour anticiper le recul de 11,4 % du produit intérieur brut annoncé pour 2020.

Avant d’être sûr de pouvoir produire davantage… l’idée est de produire à moindre coût pour éviter les licenciements. « Je pense qu’il faut se serrer les coudes dans cette période. Pour se serrer les coudes, on peut aussi négocier des accords de performance collective », a déclaré la ministre du travail, Muriel Pénicaud, le 31 mai sur LCI. « Il peut y avoir quelques cas où il faut un gel provisoire des salaires, pendant une période à déterminer, mais ça ne peut être fait qu’avec un accord », soulignait Geoffroy Roux de Bézieux, le 4 juin sur Europe 1.

Le président du Medef faisait aussi référence aux accords de performance collective (APC), créés en 2017 par les ordonnances Macron. Fusion des anciens « accords de maintien dans l’emploi », « accords de préservation ou de développement de l’emploi » et « accords de mobilité interne », ces accords d’entreprise permettent de modifier le salaire, le temps de travail et la mobilité au nom de la préservation de l’emploi.

Plus de 300 APC ont ainsi été signés en deux ans, indique le ministère du travail. « Actuellement, ce sont les secteurs les plus touchés par la crise qui s’y intéressent : tourisme, transports, aéronautique, BTP », affirme Laurent Termignon, directeur Talents du cabinet de conseil Willis Towers Watson.

Souvent perdants

Depuis la crise due au Covid-19, Derichebourg Aeronautics Services et L’Equipe ont ainsi ouvert les négociations pour supprimer le treizième mois et une part de la rémunération en échange d’une réduction du plan social pour l’un et du maintien de l’emploi pendant quatre à cinq ans pour l’autre. Ryanair, sans négociations, a donné cinq jours aux syndicats pour se prononcer sur cinq ans de baisse de salaires de 10 % pour les hôtesses et jusqu’à 20 % pour les pilotes, s’ils voulaient éviter des licenciements.

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Les APC le permettent sur une durée fixée par la négociation qui peut même être indéterminée. Faute de précisions, les changements seront valables cinq ans. « L’APC peut être efficace pour conserver l’emploi dans la mesure où il donne le temps à l’entreprise de retrouver de l’oxygène pour développer son activité », explique M. Termignon. « La contrepartie, c’est que, quand l’entreprise ira mieux, on gagnera plus », a assuré Muriel Pénicaud sur LCI. A condition que l’accord ait prévu une clause de retour à meilleure fortune.

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Psychologues, coachs, formateurs, consultants : ruée sur la prévention des risques psychosociaux

Les baromètres de santé, habituellement réalisés de façon annuelle, bénéficieront d’un suivi plus rapproché durant les mois à venir.

Le marché est là. La crise sanitaire a engendré son lot d’angoisse chez les salariés : crainte d’être contaminé, risque de tensions avec les clients, peur de perdre son emploi ou d’exercer son métier dans des conditions dégradées.

Dans ce contexte particulièrement anxiogène, les prestataires – coachs, psychologues, consultants et formateurs –, dont certains n’ont pas été épargnés par la crise, sont nombreux à proposer leurs services aux entreprises pour aider leurs salariés à reprendre le chemin du travail plus sereinement. « Tous les jours, je suis assailli de nouvelles propositions ! », témoigne Jean-François Ode, directeur des ressources humaines d’Aviva France, qui se dit sceptique face à cette inflation.

Pour accompagner le redémarrage des entreprises, « les coachs sont particulièrement bien placés puisque leur spécialité est la mise en mouvement, estime Véronique Hénaff, fondatrice et dirigeante d’Avantilt et, par ailleurs, responsable pédagogique au sein de l’école de coaching HEC Paris. Du coaching d’équipe est notamment nécessaire pour recréer des collectifs solides. »

Les 780 psychologues de l’Institut d’accompagnement psychologique et de ressources (IAPR), spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux (RPS), filiale du groupe de conseils Oasys, ne chôment pas. « Un soutien psychologique est nécessaire dans cette situation inédite où tout le monde vit une situation post-traumatique », explique Aude d’Argenlieu, directrice générale d’IAPR.

« Démarche d’anticipation »

L’Institut s’adapte à la nouvelle donne. Les baromètres de santé, habituellement réalisés de façon annuelle, bénéficieront d’un suivi plus rapproché durant les mois à venir. D’autre part, la plate-forme numérique avec ses programmes de soutien (gestion du stress, relaxation…) mise en place durant le confinement va se poursuivre. « Ces programmes restent pertinents dans le temps, mais avec une évolution des sujets traités », précise Aude d’Argenlieu.

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« Aujourd’hui, il est important de ne plus être dans une simple logique d’assistance aux personnes en détresse, mais dans une démarche d’anticipation », avance pour sa part Célia Badet, chargée du développement de HuCare, tout nouveau programme de prévention en matière de santé psychologique au travail mis en place par le cabinet Empreinte humaine. Le but : instaurer une culture de la sécurité psychologique dans l’entreprise.

Les formateurs ne sont pas en reste. Ainsi, Equipage Formation propose une session baptisée « Reprendre le travail en toute sérénité ». « La reprise de l’activité est l’occasion de former salariés et managers aux techniques d’écoute, de partage et de dialogue », justifie Edouard Baudry, gérant et consultant-formateur. La demande est là : « Les stages prévus avant le confinement sur les techniques de vente sont pour la plupart transformés en formations de développement personnel : gestion du stress, confiance en soi… », illustre-t-il.

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Chute d’activité : les entreprises face au choix de la flexibilité interne ou externe

« Signé “en vue de préserver ou de développer l’emploi”, l’accord de performance collective permet de revoir durée du travail et salaires en échange du maintien de l’emploi pendant la durée fixée par l’accord. »

Droit social. Nombre d’entreprises font aujourd’hui face à des graves difficultés économiques. Alors que leur activité est loin d’avoir repris, comment payer leurs salariés ? Le droit du travail leur offre deux possibilités : la flexibilité externe (avec des ruptures de contrat) ou interne voulant maintenir la collectivité du personnel.

La flexibilité externe – et ses licenciements économiques – est la plus classique. Avec obligation, si plus de dix départs sont prévus, de monter un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) soumis à l’avis du comité social et économique (CSE), puis à une validation administrative. Le PSE ne mérite son nom que si sa première partie (« mesures destinées à éviter les licenciements ») aboutit à ce que le nombre de licenciements soit finalement inférieur à celui des postes supprimés, en particulier grâce à l’obligation de reclassement au sein de l’entreprise.

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La flexibilité interne veut maintenir la collectivité du personnel, autant pour des raisons d’intérêt général (exclusions et finances de l’Unédic), que ceux de la société en cause voulant laisser passer l’orage en gardant ses compétences.

Signé « en vue de préserver ou de développer l’emploi », l’accord de performance collective né en mars 2018 par la loi de ratification des ordonnances de 2017 en est l’exemple emblématique. Cet accord d’entreprise majoritaire permet de revoir durée du travail et salaires (ex : augmentation de 35 heures à 39 heures avec maintien du salaire mensuel), en échange du maintien de l’emploi pendant la durée fixée par l’accord.

Consensus, transparence et loyauté

Mais il n’est pas certain que, fin 2020, ce dispositif ait le succès attendu, pour plusieurs raisons.

Outre qu’il peut inciter les meilleurs collaborateurs à partir, il nécessite un accord d’entreprise. Or, nombre de syndicats sont réticents à signer : par principe parfois, par réalisme souvent, car des salariés endettés risquent de leur faire payer cette baisse de rémunération aux prochaines élections professionnelles. Plus généralement, enfin, la flexibilité interne repose sur un triptyque qui se construit sur le long terme, mais peut disparaître en un jour : consensus, transparence et loyauté.

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Consensus. Il est de fait dans nombre de PME. Mais là où des syndicats sont présents, le droit exige un accord majoritaire : sur un sujet aussi sensible, la barre reste très haute.

Transparence. Ce fort engagement de toutes les parties pour traverser une période difficile exige que tous les comptes soient sur la table, afin qu’un diagnostic partagé puisse être posé. Le CSE peut donc désigner un expert-comptable « afin d’apporter toute analyse utile aux organisations syndicales pour préparer la négociation relative à l’accord de performance collective ».

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Emploi : à chacun son modèle

« Les Politiques de l’emploi », de Christine Erhel. PUF, « Que sais-je », 128 pages, 9 euros.

Le livre. Les politiques de l’emploi font face à un double défi, à la fois conjoncturel et structurel. D’un côté, la crise de 2008 a entraîné de nouvelles hausses du chômage et creusé les inégalités entre groupes sociaux. De l’autre, la « quatrième révolution industrielle » voit s’amplifier la diffusion du numérique et de formes d’automatisation avancées, et engendre des transformations majeures de l’emploi et du travail.

Depuis la fin des années 1990, les politiques de l’emploi connaissent une histoire mouvementée, rappelle Christine Erhel. La coordination européenne s’affirme, sous la forme d’échanges d’informations et de fixation d’objectifs communs. Quelle est l’efficacité des innovations politiques et institutionnelles ? Comment articuler le maintien de spécificités héritées du passé et l’adhésion à des tendances communes, largement partagées et diffusées notamment par l’Union européenne ou l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ?, s’interroge la professeure au Conservatoire national des arts et métiers dans Les Politiques de l’emploi (PUF).

L’ouvrage se concentre sur les pays occidentaux et croise plusieurs types d’approches : historique, pour clarifier les fondements des dispositifs existants ; économique, afin de mettre en évidence les effets potentiels des mesures ; et une perspective de science politique qui relève les sources de changement des politiques.

Après avoir précisé les contours des politiques de l’emploi dans un premier chapitre, la titulaire de la chaire Economie du travail et de l’emploi se penche sur l’hétérogénéité des modèles nationaux, qui s’articulent avec une histoire différenciée selon les pays.

Efficacité des réformes

Si le modèle nordique conserve des dispositifs relativement généreux et orientés vers une amélioration à moyen terme des trajectoires individuelles, les pays anglo-saxons développent des mesures centrées sur le retour rapide à l’emploi et des formations d’adaptation au poste de travail. Le troisième chapitre se concentre sur les réformes récentes et les facteurs les favorisant. L’efficacité des dispositifs est enfin discutée dans un dernier chapitre.

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Malgré une baisse du chômage depuis 2013 en Europe, les politiques de l’emploi restent aux prises avec des niveaux de chômage élevés dans certains pays, avec des inégalités selon les groupes sociaux et un accroissement du chômage de longue durée. Elles doivent également prendre en compte des tendances défavorables, amorcées dans les années 2000, et qu’elles ont « sinon générées du moins accentuées ».

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Les aéroports, grands oubliés des plans de soutien

Habituellement très fréquenté, l’aéroport de Toulouse-Blagnac est complètement vide, tandis que la France est confinée, le 17 mars.

Les aéroports sont les grands oubliés des mesures de soutien aux principaux secteurs de l’économie. Ils ne figurent même pas dans le plan de 15 milliards d’euros pour l’aéronautique, annoncé, mardi 9 juin, par le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire. « Nous sommes dans l’angle mort », s’inquiète Thomas Juin, le président de l’Union des aéroports français (UAF).

Pourtant, sur les tarmacs, c’est l’état d’urgence. « Les aéroports sont pour la plupart à l’arrêt depuis deux à trois mois. C’est sans précédent », se lamente Thomas Juin. Un paysage sinistré. L’activité des plates-formes aéroportuaires s’est effondrée. Un repli de 60 %, en moyenne, avec, parfois, des baisses de 70 % pour certaines, précise le patron de l’UAF. Alors qu’ils ont vu transiter 206 millions de passagers en 2019, les aéroports prévoient une baisse du trafic de 42 % en 2020.

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A Toulouse-Blagnac, qui frôlait les 10 millions de passagers ces deux dernières années, l’aéroport d’Airbus, la sixième plate-forme de France, vit ses jours les plus sombres. Le trafic a chuté à moins de 1 % en avril et mai. A Nice, la situation était aussi catastrophique, avec une activité tombée à 2 % par rapport à la normale.

Maintenant que la pandémie recule, les plates-formes craignent le pire, car les caisses sont vides. Thomas Juin évalue « le manque à gagner à environ 5 milliards d’euros », dont 2,5 milliards pour Groupe ADP (ex-Aéroports de Paris), qui représente à lui seul 50 % du trafic. Le groupe, dont le PDG est Augustin de Romanet, a annoncé avoir perdu 98 % de son chiffre d’affaires pendant les deux mois de fermeture. Un véritable drame pour un secteur « aux coûts fixes très importants, dont le modèle économique repose sur des charges fixes [80 %] et des investissements lourds financés par l’activité. Quand l’activité s’arrête, les coûts continuent de courir », déclare M. Juin.

Des licenciements se profilent

Déjà tenus à l’écart des grands plans de relance, les aéroports n’ont même pas eu droit « à la prolongation de l’activité partielle » au-delà du 1er juin. C’était pourtant l’une de leurs principales revendications. Ils voulaient bénéficier « de ce dispositif au même titre que la filière touristique », s’étonne le président de l’UAF.

Déjà, des licenciements se profilent. A Nice, les syndicats s’inquiètent pour les milliers d’emplois secondaires qui découlent de l’activité aéroportuaire. « Cela représente entre 6 000 et 8 000 personnes », précise Laury Bouhachi, l’un des responsables de la CGT du commerce de l’aéroport Nice-Côte d’Azur. A Toulouse, la zone aéroportuaire, qui entoure l’aéroport, enregistre 9 000 emplois indirects.

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