Archive dans avril 2020

Coronavirus : la justice ordonne à Amazon de limiter son activité aux biens essentiels

Le tribunal judiciaire de Nanterre a ordonné, mardi 14 avril, à Amazon France d’établir une évaluation des risques inhérents à l’épidémie de Covid-19 pour tous ses entrepôts et de restreindre en attendant son activité aux seuls produits essentiels, selon le jugement obtenu. La juridiction estime que la société a « de façon évidente méconnu son obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés ».

Elle lui enjoint de restreindre son activité « aux seules activités de réception des marchandises, de préparation et d’expédition des commandes de produits alimentaires, d’hygiène et médicaux, sous astreinte d’un million d’euros par jour de retard et par infraction constatée ».

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Une restriction d’un mois

Cette restriction s’applique « dans les vingt-quatre heures » et pour un mois. Amazon devra obligatoirement associer les représentants du personnel à l’évaluation des risques.

Amazon, « en désaccord avec la décision », a annoncé faire appel. « Nous évaluons actuellement ses implications pour nos sites logistiques français », ajoute le groupe dans un communiqué. L’entreprise, qui employait en février près de 6 500 salariés en contrat à durée indéterminée (CDI) et 3 600 intérimaires dans ses six entrepôts français, assure avoir distribué sur ses sites « plus de 127 000 paquets de lingettes désinfectantes, plus de 27 000 litres de gel hydroalcoolique, ainsi que plus de 1,5 million de masques » et avoir « mis en place des contrôles de température et des mesures de distanciation sociale ».

Amazon « n’est pas resté les bras croisés » depuis le début de l’épidémie, reconnaît Laurent Degousée, codélégué du syndicat SUD-Commerce à l’origine de la plainte (portée par l’Union syndicale Solidaires) lors d’une conférence de presse téléphonique. Mais l’entreprise a procédé à « un empilage de mesures sans aucune évaluation ». Ainsi, les prises de température de salariés à l’entrée des sites occasionnent des queues, et donc des contacts favorisant une éventuelle contamination, rappelle-t-il. Le tribunal reproche également à Amazon de n’avoir produit « aucun procès-verbal de réunions des CSE [comité social et économique] ni du CSE central depuis le début de l’épidémie ».

Le tribunal était saisi par SUD (Union syndicale Solidaires), premier syndicat dans l’entreprise, soutenu par Les Amis de la Terre. L’intervention des Amis de la Terre a été déclarée irrecevable. Le tribunal a écarté la demande « à titre principal » déposée par le syndicat d’arrêter totalement l’activité des entrepôts au motif qu’ils rassemblent plus de 100 salariés en un lieu clos.

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En revanche, il fait droit à la demande « à titre subsidiaire » d’arrêter la livraison de produits non essentiels tant que n’aura pas été mise en œuvre une évaluation des risques et les mesures nécessaires pour protéger la santé des salariés. Le tribunal condamne, en outre, Amazon à verser des dommages à SUD à hauteur de 4 800 euros.

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Le Monde avec AFP

Coronavirus : le FMI prédit une récession mondiale historique, avec un recul de la croissance estimé à 3% en 2020

A Qingdao (Shandong), en Chine, en novembre 2019.
A Qingdao (Shandong), en Chine, en novembre 2019. STR / AFP

Le monde doit s’attendre à une récession comme il n’en a pas connu, en temps de paix, depuis près d’un siècle. Dans ses perspectives sur l’économie mondiale publiées mardi 14 avril, le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une contraction de 3 % de la croissance planétaire en 2020, en prenant l’hypothèse d’une diminution de la pandémie de Covid-19 au second semestre de cette année. L’éventualité d’une chute encore plus brutale en 2021 n’est pas exclue. Les conséquences économiques du « Grand Confinement », comme l’appelle désormais le FMI, en référence à la Grande Dépression de 1929, ne vont épargner aucun continent.

Cette année, les pays les plus touchés seront ceux de la zone euro, avec une contraction de l’activité de 7,5 % (7,2 % pour la France), suivis du Royaume-Uni et des Etats-Unis, avec des replis respectifs de 6,5 % et 5,9 %. Seuls les pays émergents d’Asie enregistreront une croissance positive, à 1 %, dont la Chine, qui peut espérer une hausse de 1,2 % de son produit intérieur brut (PIB), marquant cependant un très net coup de frein, après 6,1 % en 2019.

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Une situation qui contraste avec celle d’autres pays émergents en Amérique latine, à l’instar du Brésil et du Mexique, qui devraient voir leur croissance chuter de respectivement 5,3 % et 6,6 %. L’Afrique subsaharienne pourrait enregistrer sa première récession depuis un quart de siècle avec une croissance négative de – 1,6 % en 2020. La Banque mondiale met en garde contre le risque d’une crise alimentaire sur ce continent qu’entraîneraient une baisse de la production agricole et la fermeture des frontières.

Une crise sociale

La crise sera aussi sociale. Le chômage pourrait augmenter de 40 % cette année dans la zone euro, passant de 6,6 % de la population active, en 2019, à 9,2 % en 2020, et même tripler aux Etats-Unis pour atteindre, selon le FMI, 10,4 % en 2020. Selon les prévisions de chercheurs du King’s College de Londres et de l’Australian National University, rendues publiques le 8 avril, la pandémie pourrait faire basculer un demi-milliard d’habitants de la planète dans la pauvreté, effaçant les progrès enregistrés ces dix à trente dernières années.

Le choc économique mondial sera brutal, même si les prévisions sont encore fragiles. Les incertitudes sont en effet nombreuses, parmi lesquelles la trajectoire de la pandémie, l’efficacité des mesures de confinement, l’ampleur des ruptures dans les chaînes d’approvisionnement, le changement des habitudes de consommation ou la volatilité du prix des matières premières.

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Coronavirus : le gouvernement promet des aides et une prolongation du chômage partiel pour faire face à la crise

Rassurer tout en donnant un horizon. Alors que la récession économique s’ajoute à la crise sanitaire, Emmanuel Macron a tenté, lundi 13 avril, d’esquisser un « chemin » pour la reprise de l’activité, après avoir annoncé la prolongation du confinement jusqu’au 11 mai. A l’issue d’un week-end pascal marqué par la controverse sur les « efforts » qui pourraient être demandés aux Français une fois la pandémie endiguée, il s’est, toutefois, montré vague sur « l’après », se concentrant sur la situation actuelle et les mesures d’accompagnement social nécessaires, selon lui, pour y faire face.

« Une aide exceptionnelle » sera versée « sans délai » aux familles « les plus modestes avec des enfants » et « les étudiants les plus précaires » ne seront pas oubliés, a déclaré le chef de l’Etat mais sans donner de précisions. Plusieurs réunions devaient avoir lieu mardi sur le sujet, en prévision d’une présentation lors du conseil des ministres, mercredi 15 avril.

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Par ailleurs, « les mesures de chômage partiel pour les salariés et de financement pour les entreprises, seront prolongées et renforcées », a-t-il indiqué, soulignant que ces dispositions sont « inédites » et « protègent d’ores et déjà plus de 8 millions de nos salariés » (soit plus d’un sur trois). Il s’agira aussi de demander aux banques de « décaler toutes les échéances beaucoup plus massivement qu’elles ne l’ont fait », a demandé le président de la République. Depuis un mois, ces établissements se sont engagés à reporter jusqu’à six mois les remboursements de prêts, sans pénalités. « Les assureurs doivent être au rendez-vous », a-t-il aussi réclamé. Ces derniers ne couvrent pas le risque de catastrophe sanitaire et ont tardé à abonder le fonds de solidarité pour les petites entreprises. Ils y injecteront finalement 400 millions d’euros au lieu de 200.

110 milliards d’euros

Alors que l’hypothèse de la fermeture des écoles jusqu’en septembre circulait depuis quelques jours, M. Macron a annoncé qu’elles devaient « progressivement » rouvrir à partir du 11 mai car, selon lui, « la situation actuelle creuse des inégalités ». De quoi permettre aussi à cette date « au plus grand nombre de retourner travailler, redémarrer notre industrie, nos commerces et nos services ».

Un « plan spécifique » pour les secteurs « durablement affectés » sera « rapidement » mis en place et comprendra des « annulations de charges », a promis le président.

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« 25 % des restaurants sont menacés de fermeture définitive » : les restaurateurs inquiets après la prolongation du confinement

Un restaurant fermé à Nice, le 14 avril.
Un restaurant fermé à Nice, le 14 avril. ERIC GAILLARD / REUTERS

Cela faisait sept ans qu’ils économisaient pour que leur restaurant voie le jour. Le 18 janvier, Vanessa et Elis Bond ouvraient près du quartier Pigalle, à Paris, Mi Kwabo, un établissement exigu, tout juste assez grand pour poser quatorze couverts et se régaler d’une cuisine africaine très inspirée. Tout a d’abord souri au jeune couple : la presse, dithyrambique, a salué le « jeune talent » Elis, déjà distingué par le Gault & Millau, et la clientèle a commencé à affluer pour savourer un manioc en trois façons ou une banane plantain rôtie au poivre sauvage de Madagascar. « On avait des réservations jusqu’en mai », se souvient Vanessa Bond. Le confinement a fauché les restaurateurs dans leur élan.

« Nous n’avions pas commencé à faire des plats à emporter, et c’est devenu trop compliqué à lancer lorsque la crise est arrivée, regrette Elis Bond. Sans véhicule, sans masque, il était de toute façon impossible de travailler dans de bonnes conditions. Donc nous avons tout arrêté. » Reste pour les entrepreneurs à négocier avec des fournisseurs – eux-mêmes en difficulté – ce qu’il reste à régler, et avec le propriétaire de leur local, pour s’acquitter d’un loyer de 2 400 euros par mois.

Pris à la gorge, le couple s’octroie tout juste 100 euros par semaine pour faire les courses. « Si on peut reprendre l’activité en juin, on pourra tenir… mais sinon, il faudra lâcher », assume le chef. Fort de ses deux mois d’expérience, ce battant ne désespère pas cependant d’ouvrir un autre lieu « plus beau et plus grand ». Mais ce sera beaucoup plus tard.

« En 2008, les banques, mais aussi le secteur de l’assurance qui possède des banques, ont bénéficié de la solidarité des Français. J’en suis fier. Mais je serais fier aussi qu’aujourd’hui les assurances fassent preuve de solidarité », Stéphane Manigold restaurateur à Paris.

La tornade qui secoue Mi Kwabo est violente. Mais derrière ce cas particulier, c’est toute une profession qui serre les dents en attendant le déconfinement. Tout début mars, un restaurateur parisien nous confiait déjà : « On a eu les “gilets jaunes”, les manifs contre la réforme des retraites, maintenant les touristes chinois disparaissent… Ça va être dur de sortir la tête de l’eau. » Certains, déjà fragilisés avant la crise, comme la chaîne de restauration allemande Vapiano, qui sert des spécialités italiennes, ont déposé le bilan.

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« Pour moi, 25 % des restaurants sont menacés de fermeture définitive, estime Jacques Bally, le président du guide Gault & Millau. Les quelque 180 000 établissements qui servent des prestations alimentaires en France ont des profils très divers. La restauration collective, par exemple, va vivre des moments difficiles, mais résister, car elle est adossée à de grands groupes. En revanche, le petit resto “à la française”, du gastro à la bistronomie, tous les chefs installés sans associés financiers ont un risque de mettre la clé sous la porte. Je pense aussi aux affaires familiales des petites communes, parfois enclavées, qui sont mises en très grande difficulté. Quand un couple vit sur le même établissement et que son activité est suspendue pendant plus d’un mois, c’est un désastre. »

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Contre le Covid-19, des protections parfois insuffisantes pour les « salariés mobilisés »

Une caissière porte un masque et des gants de protection contre le nouveau coronavirus, dans un magasin Franprix, à Paris, le 8 avril, au 23e jour du confinement décrété par les autorités.
Une caissière porte un masque et des gants de protection contre le nouveau coronavirus, dans un magasin Franprix, à Paris, le 8 avril, au 23e jour du confinement décrété par les autorités. THOMAS SAMSON / AFP

Depuis le début de la crise liée à la pandémie de Covid-19, une formule a vu le jour pour désigner ces femmes et ces hommes fidèles au poste : les « travailleurs mobilisés ». Personnels soignants, chauffeurs routiers, employés de magasins alimentaires, conducteurs de bus… Ils sont plusieurs millions à sortir tous les jours de chez eux afin d’exercer leur activité, s’exposant au risque d’être infectés par le SARS-CoV-2.

En principe, les entreprises qui les emploient doivent garantir leur « sécurité », comme l’a redit, lundi 13 avril, Emmanuel Macron, lors de son allocution télévisée : écart d’au moins un mètre entre deux personnes, mise à disposition d’équipements, etc. La réalité montre que ces instructions ont parfois eu du mal à être suivies.

D’après la direction générale du travail (DGT), les services déconcentrés de l’Etat ont adressé, à la date du vendredi 10 avril, vingt-deux mises en demeure à des employeurs, qui n’avaient pas pris les dispositions requises.

L’un d’entre eux a été particulièrement montré du doigt : Amazon France. Cinq sites du géant de l’e-commerce ont été rappelés à l’ordre, au tout début du mois d’avril, par des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte). Que leur était-il reproché ? Non-respect des mesures de « distanciation sociale » à certains endroits, absence de gel hydroalcoolique dans d’autres… Des constats injustifiés, aux dires du patron de l’enseigne.

Depuis, l’administration a effectué de nouveaux contrôles, montrant que trois centres de distribution sur cinq étaient désormais dans les clous – les deux autres devant encore faire l’objet de vérifications, selon l’entourage de la ministre du travail, Muriel Pénicaud. « Il faudra rester vigilant, confie une source proche du dossier. Le risque est que l’organisation mise en place se relâche, avec le retour d’un plus grand nombre de salariés, en mission d’intérim notamment. »

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La filiale française d’une autre grande firme américaine a, elle aussi, subi les foudres de la Direccte : FedEx et son vaste centre de tri à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, dont un des salariés, employé en intérim, est décédé, semble-t-il, à cause du Covid-19. Le 3 avril, le groupe de messagerie a été sommé de renforcer la protection de ses équipes en leur fournissant plus de gants, de masques et de combinaisons. Un coup de semonce dont elle a contesté la pertinence, en engageant un recours.

Quasiment stoppé par la crise, le secteur du recrutement retient son souffle

De l’agroalimentaire très sollicité à l’industrie manufacturière ralentie, les différences de besoin sont importantes.
De l’agroalimentaire très sollicité à l’industrie manufacturière ralentie, les différences de besoin sont importantes. Sébastien Rabany / Photononstop

Les opérateurs traditionnels du recrutement n’avaient perdu que 30 % de leur chiffre d’affaires en 2009, au creux de la vague numérique qui a déferlé sur les années 2000. Confrontés au coronavirus, les pertes attendues en avril-mai par l’ensemble des entreprises du secteur sont bien plus élevées : de 50 % à 75 %. Le baromètre hebdomadaire de Syntec Conseil finalisé mardi 7 avril indique une chute de 70 % pour une quarantaine d’entreprises. 87% d’entre elles ont fait une demande de chômage partiel.

« Une crise aussi violente dans la réaction des entreprises, c’est une première. L’impact immédiat a été très soudain, avec un arrêt de 50 % des missions pour les non-cadres et les cadres de premier niveau », explique Isabelle Bastide, présidente de Pagegroup France, une major du secteur. Ses 700 consultants salariés recrutent, du technicien au cadre dirigeant. Toutes les semaines ne se ressemblent pas, mais, « en avril-mai, le temps ne sera pas au recrutement. La majorité des sociétés risquent de reporter jusqu’en juin. L’impact devrait être supérieur à 50 % pour tout le secteur ». Certains cabinets, comme Hays ou Korn Ferry, ont d’ailleurs refusé de s’exprimer sur le sujet, estimant qu’ils n’avaient pas assez de recul sur la situation.

Nouvelles missions

Pour les postes de cadres supérieurs, les conséquences du confinement sont moins radicales. L’attentisme prévaut. « Même dans l’agroalimentaire, la logistique et la santé, il y a un petit ralentissement sur les postes de cadres les moins urgents à pourvoir et dans le high-tech, l’interruption du travail en mode projet a réduit le nombre de missions. Seuls les cadres dirigeants ont été épargnés par le coup d’arrêt. Certains de nos clients préparent déjà le coup d’après », précise Mme Bastide.

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L’indicateur de santé économique, c’est l’entrée de nouvelles missions. Au Groupe Fed, dont les 380 salariés recrutent quelque 7 000 cadres par an, le président et cofondateur Alexandre Tamagnaud se veut résolument optimiste. « J’aborde cette crise comme une occasion pour l’entreprise d’être un peu plus présente que nos concurrents. Depuis le 16 mars, les placements évoluent. Nos entreprises clientes sont à l’aise avec la visioconférence. Même si certains candidats sont réticents à valider leur embauche sans connaître leur futur environnement de travail, seule l’intégration [des nouvelles recrues] dans l’entreprise est réellement décalée. » Mais les chiffres sont têtus : « La dernière semaine de mars, on a eu 130 nouvelles missions, soit 35 % de ce que nous faisons d’habitude », reconnaît-il.

DRH et coronavirus : un premier bilan

« Tous ou presque (95 %) ont eu recours au télétravail. La présence des jeunes enfants à la maison a nécessité de nombreux arrêts de travail pour garde d’enfants (72 % des entreprises concernées). »
« Tous ou presque (95 %) ont eu recours au télétravail. La présence des jeunes enfants à la maison a nécessité de nombreux arrêts de travail pour garde d’enfants (72 % des entreprises concernées). » Skopein/Ikon Images / Photononstop

L’Association nationale des DRH (Andrh) a mené une enquête flash auprès de ses adhérents pour donner un premier aperçu de la gestion de crise par les entreprises sur quelques questions clés. Quelles ont été les priorités des DRH ? Qu’ont-ils mis en place ? Comment les directions des ressources humaines envisagent-elles l’après-confinement ? Cinq cent cinquante organisations ont répondu à l’enquête menée du 26 mars au 6 avril, dont les résultats ont été publiés le 9 avril.

Mesures immédiates

Dans un premier temps, pour parer à l’urgence et organiser la continuité de l’activité, 89 % des entreprises ont mis en place une cellule de crise et redistribué les responsabilités. C’est un duo direction générale-RH qui a pris les choses en main pour 97 % des entreprises interrogées.

Tous ou presque (95 %) ont eu recours au télétravail, mais plus de la moitié (59 %) ont toujours des salariés en poste sur site. La présence des jeunes enfants à la maison a nécessité de nombreux arrêts de travail « pour garde d’enfants » (72 % des entreprises concernées). Pour les parents qui télétravaillent, les RH ont recommandé aux managers d’adapter les horaires de travail et les objectifs.

Le télétravail a été un chantier important, notamment à cause du manque de préparation. « 46 % ont eu à faire face à un manque de matériel ou à du matériel non adapté », précise l’Andrh. Les premiers jours, toutes les équipes n’avaient pas leur matériel et les réseaux étaient saturés. 58 % des entreprises ont dû adapter les outils (visioconférence, conférence téléphonique, outil collaboratif, partage de documents, VPN, etc.). Et il a fallu renforcer la communication, notamment pour les managers de proximité.

Protection des salariés

Pour les travailleurs sur site, les entreprises ont dû revoir leur document unique d’évaluation des risques. Obligatoire depuis 2001, ce document énumère et hiérarchise tous les risques auxquels peut être confronté le salarié et indique les mesures de protection qui l’en préservent. 66 % des entreprises interrogées ont ainsi intégré au document unique les contrôles de distanciation sociale et la mise à disposition de matériel de protection.

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Depuis la mise en place du confinement, 91 % des entreprises ont procédé à des contrôles de la distanciation sociale et du respect des gestes barrières. 82 % ont pu fournir du matériel d’hygiène et de protection (masques, gels hydroalcooliques, vitres de protection, etc.) mais 30 % déclarent en avoir manqué pour maintenir l’activité tout en respectant les règles sanitaires et de distanciation sociale.

Coronavirus : « Qui aurait cru que les discussions autour de la machine à café manqueraient tant ? »

« Ce sont ces conversations, aussi anodines qu’elles soient, qu’elles portent sur la météo, le sport ou notre vie personnelle, qui permettent au manager de prendre le pouls de ses employés. »
« Ce sont ces conversations, aussi anodines qu’elles soient, qu’elles portent sur la météo, le sport ou notre vie personnelle, qui permettent au manager de prendre le pouls de ses employés. » Massimo Rossi / Photononstop / Massimo Rossi / Photononstop

Tribune. Pour survivre à l’épidémie due au coronavirus, et en seulement quelques jours, la majorité des employés des entreprises qui en avaient la capacité ont dû adopter le télétravail en catastrophe. Malgré l’existence d’outils adaptés depuis une décennie, la croissance du télétravail en France est très récente, et pour cause : gérer les travailleurs, les équipes et une organisation à distance érode la cohésion sociale et la culture organisationnelle qui servent de fondation à notre motivation collective.

Manager à l’heure du télétravail généralisé, et dans une situation d’incertitude telle que celle que nous connaissons aujourd’hui, présente des défis inédits pour nos entreprises et pour leurs dirigeants. L’isolation sociale, l’inquiétude pour ses proches, et la situation générale ont un coût psychologique. Les employés ne peuvent plus compter sur les liens et le soutien interpersonnel traditionnellement offert par leur lieu de travail, à cause des limites inhérentes aux technologies qui permettent le télétravail.

Manager se fait alors sur la base de signaux faibles – il faut désormais compter sur les courriels ou sur une réunion par vidéoconférence, qui fournissent peu d’indications sur l’état psychosocial des collaborateurs. Qui aurait cru que les discussions autour de la machine à café manqueraient tant ? Ce sont ces conversations, aussi anodines qu’elles soient, qu’elles portent sur la météo, le sport ou notre vie personnelle, qui permettent au manageur de prendre le pouls de ses employés. Désormais il faudra faire sans.

Frontière floue

Pour le manageur, l’effort de prise de perspective pour se mettre dans la peau de ses salariés devient crucial – comprendre les particularités de leur situation, et adapter ses attentes. Ces employés et collaborateurs ont-ils des enfants en bas âge ? Des personnes dépendantes ? Des proches éloignés pour lesquels la situation ne peut être qu’inquiétante ?

Sans une capacité d’écoute, il sera impossible pour les manageurs de capter ces « signaux faibles » concernant l’état émotionnel des salariés, par écrans interposés

Il faut reconnaître que le télétravail va regrouper de nombreuses réalités différentes dans le contexte actuel – qu’on soit seul chez soi ou confiné en famille – et qu’il ne sera pas possible ou souhaitable de demander les mêmes investissement et réactivité à tout le monde.

Dans le contexte actuel, la frontière entre travail et vie personnelle est encore plus floue : en travaillant de chez soi, notre vie personnelle nous accompagne au travail, et le stress d’une crise inédite fait peser des doutes sur le futur de nos emplois. Il faut alors flexibiliser les attentes que nous avons les uns envers les autres, sans quoi les risques psychosociaux ne feront qu’enfler.