Archive dans janvier 2020

Cinq ans après son introduction, un bilan mitigé pour le smic en Allemagne

Des employés épandent de l’asphalte, près de Stuttgart, en avril 2019.
Des employés épandent de l’asphalte, près de Stuttgart, en avril 2019. Ralph Orlowski / REUTERS

Destruction de près d’un million d’emplois, faillite de nombreuses entreprises familiales, ruine de l’agriculture, érosion de la compétitivité de l’économie nationale, bureaucratie excessive… Il y a six ans, le débat sur l’introduction d’un salaire minimum faisait rage en Allemagne. Les détracteurs du smic ne manquaient pas d’arguments contre cette réforme portée par le Parti social-démocrate (SPD) et qui, selon le gouvernement, devait concerner 3,7 millions de salariés.

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La loi, finalement adoptée par le Bundestag (Chambre basse du Parlement) en juillet 2014 après de longs atermoiements, prévoyait l’entrée en vigueur, au 1er janvier 2015, d’un smic de 8,50 euros brut de l’heure pour tout salarié âgé de plus de 18 ans. De nombreuses dérogations prévues par le texte – dans l’agriculture, le textile, la restauration ou encore l’intérim – étaient appelées à disparaître au plus tard en 2018. Mais si, selon plusieurs sondages réalisés à l’époque, près de 90 % des Allemands se disaient en faveur de cette réforme, les économistes étaient bien plus circonspects.

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« Mini-jobs »

La plupart des experts redoutaient que cela ne provoque des centaines de milliers de licenciements. « Le salaire minimum met en danger jusqu’à 900 000 emplois », avait ainsi prédit l’économiste vedette Hans-Werner Sinn, ancien président de l’institut de conjoncture munichois, Ifo. Pour sa part, Axel Börsch-Supan, expert à l’institut Max-Planck à Munich, craignait que la nouvelle loi ne « fasse exploser le chômage des jeunes » de moins de 25 ans.

Cinq ans après la mise en place du smic, le chômage a poursuivi sa longue décrue, pour tomber de 6,7 % en 2014 à 5 % en 2019

Cinq ans après la mise en place du smic, ces craintes se sont révélées infondées. Le chômage a poursuivi sa longue décrue, pour tomber de 6,7 % en 2014 à 5 % en 2019, tandis que le nombre d’actifs a continué de battre record sur record. Ainsi, en novembre 2019, l’office fédéral de la statistique Destatis recensait 45,5 millions d’actifs occupés outre-Rhin : cela correspond à plus de 2,8 millions d’emplois créés depuis fin 2014. Et l’économie allemande, très tournée vers l’exportation, a continué à dégager de confortables excédents commerciaux. En effet, le salaire plancher n’a pas eu d’impact sur la compétitivité de l’industrie allemande, les salaires étant généralement très élevés dans ce secteur.

Malgré ce bilan rassurant, plusieurs études ont établi que l’introduction du salaire minimum a probablement eu un effet légèrement négatif sur le marché du travail : entre 50 000 et 140 000 emplois auraient été perdus à cause de la réforme. Et il s’agit avant tout de « mini-jobs », ces emplois à temps partiel créés par les réformes de l’ancien chancelier Gerhard Schröder (1998-2005), sans protection sociale et rémunérés 450 euros par mois. Les chercheurs jugent donc très limité l’impact de la réforme. « En termes d’échelle, cela se situe dans la fourchette de la dispersion statistique », résume Bernd Fitzenberger, économiste à l’université Humboldt de Berlin.

Toyota va fabriquer un nouveau véhicule en France, dans son usine nordiste d’Onnaing

Esquisse du véhicule SUV de Toyota qui doit être fabriqué dans l'usine d’Onnaing (Nord), dans la banlieue de Valenciennes, cette année.
Esquisse du véhicule SUV de Toyota qui doit être fabriqué dans l’usine d’Onnaing (Nord), dans la banlieue de Valenciennes, cette année. TOYOTA

Le géant japonais de l’automobile Toyota se plaît en France. Mardi 14 janvier, le deuxième constructeur mondial a annoncé la production d’un second véhicule dans son usine d’Onnaing (Nord), dans la banlieue de Valenciennes, où la Yaris est déjà fabriquée. La voiture sera un petit SUV (« sport utility vehicle », aux allures de 4 × 4 urbain), concurrent de la Peugeot 2008 ou du Renault Captur. Ni le nom du modèle ni le calendrier de production ne sont, pour l’instant, connus, même si, dans le Nord, un démarrage est espéré dès cette année.

Ce qui est sûr, en revanche, c’est que la décision s’accompagne d’un investissement de 100 millions d’euros, qui viennent s’ajouter aux 300 millions déjà consacrés à la production de la Yaris de quatrième génération, lancée en mai 2019. L’usine emploiera 400 personnes supplémentaires en CDI, faisant passer le nombre de CDI à 3 600, qui seront recrutés essentiellement parmi les quelque 1 000 CDD de l’entreprise. L’effectif global du site atteindra, en tout, 4 500 personnes.

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Ce qui est aussi acquis, c’est que ce futur SUV Toyota sera doté d’une motorisation hybride, spécialité du constructeur japonais. « Cette technologie est notre atout numéro un, rappelle Eric Moyere, directeur de la communication du site d’Onnaing. Pour la Yaris 4, nous prévoyons que 80 % de la production sera en version hybride. Nul doute que, pour le futur SUV, ce ratio sera aussi important. »

Une ambition de produire 300 000 véhicules par an

La nouvelle était fortement espérée dans le Valenciennois, car elle pérennise l’usine. « Notre ambition de produire 300 000 véhicules par an peut ainsi devenir réalité, assure Luciano Biondo, le directeur de Toyota Motor Manufacturing France, qui gère le site. La production de ce nouveau modèle permettra au site de ne pas être tributaire du cycle de vie commercial d’un seul modèle, renforçant ainsi la stabilité des effectifs dans le temps. »

« Deux véhicules, c’est une vraie sécurité et, pour certains anciens, un aboutissement »

Ce choix est aussi la suite logique de la décision, annoncée début 2018, de fabriquer dans les Hauts-de-France la dernière génération de la Yaris sur une nouvelle plate-forme industrielle dite « TNGA » (Toyota New Global Architecture), qui a nécessité une refonte de l’usine. C’est aussi sur cette base que sera produit le futur SUV. Il faut dire que plusieurs bonnes fées s’étaient alors penchées sur l’avenir de l’usine. Emmanuel Macron en personne s’était rendu à Onnaing pour en faire l’annonce. Il était accompagné de Didier Leroy, vice-président de Toyota, chargé de la compétitivité, du planning et des opérations industrielles, numéro deux officieux du groupe.

En coopérative, la qualité de vie compense une moindre rémunération

Dans un de ces anciens passages couverts du cœur de Paris, entre boutiques et petits restaurants, du passage des Panoramas, derrière une grande baie vitrée, se détachent une grande table en bois, des fauteuils vintage et un plafond aux allures d’œuvre d’art fait d’un enchevêtrement de lattes de bois qui descendent sur les murs de Bearstech. Un énorme ours en peluche accueille le visiteur. A priori rien ne distingue cette entreprise d’une des nombreuses start-up installées dans ce quartier de la capitale. Rien, si ce n’est son statut puisqu’il s’agit d’une société coopérative (SCOP).

Spécialisée dans l’entreprise de services du numérique (ESN) logiciel libre (Cloud et DevOps), la SCOP de quatorze salariés réalise un chiffre d’affaires de 1,2 million d’euros. Ses clients sont aussi bien des grands groupes tels que BNP Paribas que des entreprises de taille plus modeste comme Armor-Lux ou Lagardère Plus.

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Tous les salariés sont associés et possèdent ensemble l’intégralité du capital. « Notre volonté a été de brider les pouvoirs de la gérance, explique Pierre Arlais, le directeur. Pour ce faire, nous avons trois cogérants ainsi qu’un comité de direction le « board », où tous les mois, l’ensemble des associés salariés aborde les sujets importants », tels que la définition des salaires (les augmentations sont exclusivement collectives, mais en montant fixe et non en pourcentage), les embauches, les orientations stratégiques, les investissements, etc. Les décisions s’y prennent à la majorité.

« Plus heureux »

Comme toute entreprise, « nous nous battons pour être rentable et dégager du profit », explique le directeur, mais tous les bénéfices sont redistribués aux salariés et investis dans l’entreprise. L’échelle des salaires varie de 1 à 1,8. Une mutuelle famille est prise en charge à 100 %, les chèques cadeaux et déjeuners sont au maximum légal. Dix salariés sur quatorze sont à 100 % en télétravail. Maurice Audin, administrateur système, a sauté le pas fin octobre 2019 et quitté Paris pour la Haute-Vienne.

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Les organisations participatives ont le vent en poupe. « Les gens sont plus heureux car leur travail a du sens. Ils ont rejoint un projet qui vise à la pérennité de l’activité et non au profit rapide », affirme Pierre Arlais. Les directions voient dans ces modèles un moyen d’accroître la réactivité de leur entreprise, tout en améliorant l’engagement des collaborateurs. Clément Ruffier, chargé de mission à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), confirme : « De nombreuses études ont démontré que faire participer les salariés avait un effet globalement positif sur la qualité de vie au travail, mais sous conditions, avertit-il. Ainsi les espaces participatifs peuvent être très déceptifs s’ils restent à la main de la hiérarchie. Gare à l’instrumentalisation ! »

Négociations salariales : accordons-nous sur nos désaccords

Chronique « Carnet de bureau ». 81 % des entreprises considèrent qu’elles payent bien leurs salariés, pourtant seuls 31 % des salariés s’estiment bien rémunérés. Ce paradoxe est confirmé par l’enquête annuelle du cabinet de recrutement Hays, qui devait paraître mercredi 15 janvier. Son étude sur les rémunérations de 2020 a identifié les malentendus entre salariés et employeurs sur les raisons d’accorder une augmentation.

La première justification pour un salarié comme pour l’employeur est la qualité du travail (71 % pour les salariés, 64 % pour les employeurs), suivie, à la marge, de la bonne santé financière de l’entreprise (26 % pour les salariés, 21 % pour les employeurs), indique l’étude Hays. Mais au-delà commence le règne du désaccord : si, pour l’employeur, le deuxième critère qui motive une hausse de salaire est une promotion (58 %) ou un changement de périmètre du poste (42 %), pour le salarié, c’est l’augmentation du coût de la vie (46 %) ou de la charge de travail (42 %).

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L’inflation ne rentre en ligne de compte que pour 27 % des employeurs interrogés par Hays. Dans la première phase des négociations salariales, qui consiste à fixer l’évolution du budget consacré aux augmentations, l’inflation est bien en discussion. « L’objectif des syndicats étant le net restant aux collaborateurs une fois l’inflation déduite de la hausse de salaire, explique Guillemette Gaullier, responsable du département rémunération du cabinet de conseils Korn Ferry. Ainsi, avec une augmentation de 1,9 % de l’enveloppe budgétaire prévue par nos clients pour 2020, le gain du pouvoir d’achat sera de 0,5 % pour les salariés. Mais, dans la deuxième phase où se décide qui est augmenté et à quel titre, le coût de la vie n’est plus du tout pris en compte par les RH. »

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L’augmentation de la charge de travail ne semble pas non plus vraiment prise en compte, selon Hays. A ce niveau, les employeurs regardent la performance du collaborateur, « ils comparent aussi le salaire à la médiane interne et à la médiane externe. Les évolutions du marché sur le salaire d’embauche par métier peuvent tirer la médiane des rémunérations vers le haut ou vers le bas », précise Guillaumette Gaullier. L’augmentation souhaitée par le salarié peut alors rester lettre morte, quelle que soit sa performance, si son niveau de salaire est devenu surévalué par rapport au marché.

« L’employeur raisonne sur un montant global et fait des choix pour garder des compétences, tandis que le salarié analyse sa situation particulière, parfois sans connaître ni le salaire ni les performances de ses collègues », rappelle Marlène Ribeiro, directrice exécutive du cabinet de recrutement Michael Page. Le manque de communication est source de malentendus. « Dans un système opaque, le salarié ne peut qu’imaginer les critères d’augmentation et, côté salarié, une hausse de charge de travail non exprimée peut ne pas être pas prise en compte. Par ailleurs, si cette charge est liée aux difficultés de l’entreprise et que les résultats du groupe ne sont pas à la hauteur de l’investissement du collaborateur, la hausse de salaire ne suivra pas », explique Mme Ribeiro.

Armand Hatchuel : « Carlos Ghosn incarne le césarisme d’entreprise »

Chronique«  Entreprise ». L’affaire Carlos Ghosn ne relève pas de la saga des grands manageurs. L’héroïsation du dirigeant, la personnalisation du pouvoir, la chute aussi vertigineuse qu’inattendue, tout y évoque un césarisme d’entreprise. L’ex-PDG le reconnaît lui-même, en affirmant qu’un complot juridico-industriel a été nécessaire à son éviction, alors qu’un limogeage suffit pour un patron « normal ».

Mais le groupe Renault-Nissan n’est pas le seul à avoir connu une telle dérive césariste, celle-ci est en cause dans plusieurs drames d’entreprises, qui étaient tout aussi impensables : le « dieselgate » chez Volkswagen, le harcèlement moral chez France Télécom, et la catastrophe du 737 MAX de Boeing.

Dans chaque cas, les enquêtes retrouvent le même scénario. Il débute par l’accès au sommet de responsables à qui l’on prête des succès hors norme. Ceux-ci s’empressent alors d’annoncer que la situation d’entreprise qu’ils ont trouvée exige un redressement fort et rapide. Suivent alors une gouvernance pyramidale et des objectifs démesurés, justifiés par l’urgence et par la stature du héros. La pression est mise sur les résultats à court terme et sur l’embellissement des bilans financiers.

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Toute opposition, toute critique interne sont progressivement muselées. Les conseils d’administration restent passifs, accréditant un dirigeant que les assemblées générales peuvent applaudir.

Cependant, en coulisses, des mécanismes vitaux de l’entreprise se détériorent (dialogue social, compétences techniques, contrôles de la qualité, coordination interne, etc.). Les indicateurs du succès deviennent pervers, car ils masquent cette perte d’efficacité et de cohésion.

L’entreprise devient incapable de réagir aux alertes internes, aux erreurs, aux dangers qui s’accumulent. In fine, la réalité ne fait retour que par une catastrophe ou un scandale, qui entraîne la chute du dirigeant et fait plonger l’entreprise. Ce fut la révélation sidérante d’un logiciel tricheur chez Volkswagen ; une terrible vague de suicides au travail chez France Télécom ; et enfin, chez Boeing, un avion dont la conception a privilégié les coûts au détriment de la sécurité !

De nombreux dirigeants ne cèdent pas à la dérive césariste mais, depuis l’affaire Enron en 2001, les règles du capitalisme actionnarial semblent avoir favorisé son expansion. L’héroïsation du dirigeant convient aux marchés financiers. Même pour une entreprise complexe, aux métiers exigeants, la vulgate financière veut croire aux patrons miraculeux, capables de « redresser » très vite une rentabilité insatisfaisante.

La réforme des retraites au défi de l’emploi des seniors

C’est un sujet central pour la réforme des retraites sur lequel l’exécutif se penche tardivement. Dix jours avant la présentation en conseil des ministres du projet de loi instituant un système universel de pensions, la ministre du travail, Muriel Pénicaud, devait recevoir, mardi 14 janvier, un rapport visant à « favoriser » l’activité professionnelle des personnes en fin de carrière. Le chef du gouvernement, Edouard Philippe, avait annoncé, le 12 septembre 2019, qu’il confiait cette mission de réflexion à Sophie Bellon, présidente du conseil d’administration de Sodexo, Olivier Mériaux, ancien directeur général adjoint de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), et Jean-Manuel Soussan, directeur des ressources humaines de Bouygues Construction. Dans un document d’une centaine de pages très denses, ces trois personnalités formulent une quarantaine de propositions destinées à développer le « maintien en emploi des seniors ».

La problématique étudiée est cruciale, au moment où l’exécutif veut encourager les hommes et les femmes à travailler « un peu plus longtemps » : il s’agit de tout faire pour que les assurés soient encore en poste, lorsqu’ils réclament le versement de leurs pensions. « Résoudre ce problème de société est urgent, mais cela ne pourra se faire sur le temps court », préviennent d’emblée les auteurs du rapport. A leurs yeux, la mise en œuvre de solutions ne peut pas intervenir uniquement à l’occasion du débat sur le futur régime universel : il faudra agir de « manière plus structurelle », pour que « l’ensemble de notre société » s’engage, sur la durée, à modifier ses « pratiques » et ses « représentations » à l’égard des « travailleurs expérimentés ».

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Le constat est connu de longue date. La proportion de seniors en emploi s’est nettement relevée ces vingt dernières années. Un phénomène imputable, notamment, aux réformes prises pour retarder l’âge de départ en retraite et aux mesures restreignant les dispositifs de cessation anticipée d’activité (les préretraites, en particulier). Mais la situation demeure disparate, selon les tranches d’âge : alors que le taux d’emploi des personnes ayant de 50 à 54 ans s’établit, en 2018, à 80,5 % (soit presque au même niveau que pour les 25-49 ans), celui des 55-59 ans se limite à 72,1 %. Le résultat est encore plus faible pour les 60-64 ans (31 %), ce qui place la France en queue de peloton des pays de l’Union européenne (44,4 % pour cette même catégorie d’âge) et à l’échelon de l’Organisation de coopération et de développement économiques (51,4 %).

D’anciens cadres réclament à Méridien le paiement de leur retraite

Un hôtel du groupe Méridien à Londres.
Un hôtel du groupe Méridien à Londres. Toby Melville / REUTERS

L’âge pivot, la réforme des retraites, ils sont « loin de tout ça… », comme le dit Gérard, 65 ans, qui, de 1987 à 2002, a été directeur d’hôtels Méridien en Asie, aux Etats-Unis et au Moyen-Orient. Son problème, et celui de quarante-sept de ses anciens collègues expatriés, c’est qu’ils ne pourront jamais profiter d’une pension pour ces périodes de travail chez Méridien, qui vont de six à plusieurs dizaines d’années.

L’ancienne filiale d’Air France n’a en effet pas assez, voire pas du tout, versé de cotisations aux caisses de retraite en France. Agés de 64 à 83 ans, ces cadres réclament donc le paiement des pensions qu’ils auraient dû ou devraient percevoir ainsi que la reconnaissance d’un préjudice moral. L’affaire est pendante devant la cour d’appel de Paris. Ils ont médiatisé leurs dossiers en créant la pétition « Pour que Marriott paye leur retraite à ses salariés », diffusée sur le site change.org/marriottgate.

C’est la seconde vague de dossiers de ce type. Dans la première, quarante-neuf autres expatriés de Méridien ont obtenu gain de cause, ce qui représente un total de 15,8 millions d’euros payés par la chaîne. Une décision confirmée par la Cour de cassation le 14 avril 2010. Pour autant, Méridien, propriété de l’américain Marriott depuis 2016, continue de prétendre que ces personnels n’étaient pas ses propres salariés mais ceux des compagnies propriétaires des hôtels à l’étranger.

« Attendre 2022 pour avoir une décision définitive »

Méridien avait, selon les intéressés, recruté ces personnels hautement qualifiés pour les mettre à la disposition d’hôtels partout dans le monde par le biais d’un contrat de gestion et de conseil (en management, en restauration, etc.). Ces entités pouvaient alors porter l’enseigne Méridien. Une activité qui relève de la convention collective Syntec (bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils), laquelle prévoit notamment le versement de cotisations aux régimes de retraite général et complémentaires français.

En première instance, la plupart des cadres de la seconde vague ont été déboutés par le conseil des prud’hommes de Paris, le 5 avril 2018. Ils ont interjeté appel. Tout comme l’a fait Méridien-Marriott dans le cas inverse. « Il faudra encore attendre 2022 pour avoir une décision définitive », déplore Marc, 64 ans, qui a dirigé la restauration d’hôtels de 1989 à 1995. « D’ici là, combien seront décédés parmi nous ? » Cinq le sont déjà.

Suppression nette de 517 emplois chez Auchan, malmené par la crise de l’hypermarché

C’est la fin du suspense : le groupe de distribution Auchan a annoncé, mardi 14 janvier, un plan de départs volontaires qui doit aboutir à la suppression nette de 517 emplois en France, à la fois au siège d’Auchan Retail et dans les services d’appui de l’organisation commerciale dans le Nord de la France.

Quelque 677 postes seront, dans les faits, supprimés, dont 652 actuellement occupés. En parallèle, 135 postes doivent être créés, notamment dans les fonctions numériques, la conception et le développement de produits exclusifs. « Ce n’est pas les 1 000 postes qu’on avait attendus, donc c’est moins pire » que prévu, a réagi auprès de l’AFP Guy Laplatine, délégué CFDT, mais « on est inquiet ».

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« De fait, on est environ à 20 % d’emplois qui disparaissent par rapport au nombre de postes occupés sur le périmètre global, et notamment sur la partie française », a-t-il précisé. Pour atténuer les effets de ce plan, son syndicat a réclamé, pour l’instant en vain, des passerelles entre les enseignes de la famille Mulliez, afin de préserver un maximum d’emplois. Son collègue Bruno Delaye, délégué syndical Retail d’Auchan France (CFTC), a, lui, qualifié le projet de « brutal », qui nécessite des « éclaircissements », lors d’un comité social et économique (CSE) extraordinaire, le 28 janvier.

Evolutions radicales de la consommation

Pour Auchan, il s’agit de répondre à l’urgence. Cette réorganisation interne vise « à transformer le fonctionnement de l’entreprise pour la rendre plus en phase avec les exigences de réactivité et de souplesse du marché actuel ». Depuis 2017, il s’agit du troisième plan de réduction de postes, qui ont déjà entraîné la suppression de près d’un millier d’emplois, dont 400 dans les magasins et 400 dans la centrale d’achat et les fonctions administratives. Désormais, Auchan Retail France emploie quelque 3 000 personnes au siège et 72 500 en magasin.

Auchan est confronté aux évolutions radicales de la consommation, entre la demande de produits bio et sains et l’essor du numérique

Arrivé en octobre 2018, après avoir redressé Kiabi, une autre enseigne de la famille Mulliez, le nouveau président d’Auchan Retail, Edgard Bonte, s’attelle à restructurer radicalement l’entreprise. Il a nommé un nouvel état-major : après avoir promu, mi-2019, Jean-Denis Deweine à la direction des activités françaises, il a recruté Cyril Olivier, au sein de Kiabi, afin de prendre la direction de l’e-commerce en France, selon le magazine LSA.

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Car, comme tous ses concurrents, Auchan est confronté aux évolutions radicales de la consommation, entre la demande de produits bio et sains et l’essor du numérique. Or, jusqu’à présent, l’enseigne a mis du temps à s’adapter à cette nouvelle donne, ce qui met à mal son modèle historique.

1 milliard d’euros de pertes en 2018

Après des pertes de près de 1 milliard d’euros en 2018, le distributeur a annoncé, en mars 2019, mettre l’accent sur son retour à l’équilibre, avec « un cadre financier strict » et « une priorité donnée au redressement d’Auchan Retail ». D’ores et déjà, la vente de ses filiales au Vietnam et en Italie et la cession de vingt et un points de vente (supermarchés, hypermarchés, drives…), « sans perspective réaliste de retour à la rentabilité et ce, malgré les investissements réalisés », ont été décidés.

L’entreprise a, par ailleurs, mis en place son plan de relance, afin d’améliorer un taux de marge dans les standards du marché, en adaptant son modèle, son offre et son organisation aux nouvelles attentes des consommateurs. Depuis fin 2018, l’enseigne a lancé une réorganisation de son circuit de magasins par « zones de vie ».

Dans ce schéma, les hypermarchés jouent un rôle de plate-forme de fourniture de produits et de services pour les autres formats de magasins du même périmètre (traiteur, plats préparés, boulangerie…). Les premiers tests seront menés cette année à Lille, où les hypermarchés de l’agglomération alimenteront des drives piétons, des casiers de livraison et des Auchan Minute – son magasin sans personnels, actuellement testé au siège par ses employés – que le groupe souhaite installer.

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Un secteur qui perd des emplois

Carrefour

Un plan de départs volontaires au siège du groupe, signé en avril 2018, a conduit 2 400 personnes à quitter l’entreprise. En parallèle, le groupe s’est séparé de quelque 1 700 employés de son ancien réseau Dia.

Castorama

En 2018, Kingfisher a annoncé la suppression de 409 postes en France. En mars 2019, 826 salariés de quinze magasins de son enseigne Castorama en Europe sont également menacés.

Conforama

Le 1er juillet 2019, le groupe annoncé la suppression de 1 900 postes en France en 2020, sur les 9 000 employés dans l’Hexagone, avec la fermeture de 42 établissements en France.