Archive dans 2019

Sous pression, Vivarte annonce qu’il passera aux mains de ses créanciers

Le groupe d’habillement, endetté à hauteur de 300 millions d’euros, n’est pas parvenu à honorer ses échéances de remboursement, fin mai.

Par Publié aujourd’hui à 11h17, mis à jour à 12h09

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Devant un magasin La Halle, à Paris, en septembre 2017.
Devant un magasin La Halle, à Paris, en septembre 2017. ERIC PIERMONT / AFP

A la veille du départ en vacances d’été, c’est un nouveau coup dur pour les 10 000 salariés de Vivarte. « Fin septembre, le groupe ne sera pas en mesure de rembourser ses échéances de dette », a prévenu Patrick Puy, vendredi 12 juillet, au lendemain d’une réunion à Londres avec ses actionnaires et créanciers, et peu avant une conférence téléphonique prévue avec les représentants du personnel du conglomérat d’enseignes et d’habillement.

Le groupe au 1,4 milliard d’euros de chiffre d’affaires n’est pas parvenu à honorer ses engagements envers ses créanciers, fin mai. Faute d’atteindre « le ratio d’endettement sur Ebitda défini lors de la renégociation de sa dette en juin 2017 », à hauteur de 572 millions d’euros, Vivarte a alors brisé ses covenants (clauses de sauvegarde). La cession d’enseignes pour un montant de l’ordre de 200 millions d’euros (dont André, Chevignon, Kookaï, Pataugas et Naf-Naf) n’a pas suffi au groupe pour rembourser sa dette par anticipation. Elle s’élevait à 302 millions d’euros en septembre 2018.

Dès lors, les créanciers de Vivarte devraient faire valoir la fiducie, une procédure dont ils bénéficient compte tenu de l’inexécution des engagements du groupe détenu par leverage buy-out (opération de rachat par endettement) depuis 2004. Ce transfert de propriété au profit de fonds de dette devrait être enclenché fin août. Dans la foulée, une nouvelle gouvernance devrait être mise en place. Patrick Puy qui, en mars, a recruté Stéphane Roche, un ancien de chez Decathlon, au poste de directeur général pour le seconder, assure qu’il pourrait toutefois conserver son poste de PDG, fonction qu’il occupe depuis fin 2016.

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Pénalisé par le mouvement des « gilets jaunes »

Le spécialiste des restructurations d’entreprise assure en substance que cette probable fiducie n’aura pas d’incidence sociale et serait une bonne chose pour l’équilibre financier de l’entreprise dont le résultat brut d’exploitation a atteint 50 millions d’euros sur le dernier exercice. La procédure permettrait au groupe de « réduire sa dette à zéro » et de pouvoir allouer ses résultats, comme il l’entend, pour « investir dans la logistique et l’informatique », notamment au profit de La Halle, sa principale enseigne, estime M. Puy. « Le groupe serait alors à la tête de 150 millions d’euros de cash disponible », précise-t-il.

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Le transfert de propriété de Vivarte à ses créanciers demeure cependant le résultat d’un enchaînement de mauvaises nouvelles. A en croire M. Puy, le groupe qui détient les chaînes La Halle, Carol, Cosmo Paris, Minelli et San Marina est « sur la corde raide » depuis fin 2018, à la suite des manifestations des « gilets jaunes ». Le blocage de l’accès aux grandes zones commerciales où les magasins La Halle sont installés aurait affecté leur fréquentation en fin d’année et aurait coûté au groupe « 30 millions d’euros de chiffre d’affaires et 15 millions de résultat d’exploitation », estime M. Puy. De plus, pour réduire le fardeau de sa dette, le groupe n’est pas parvenu à céder Minelli. Cinq mois après avoir entamé le processus de vente de l’enseigne de chaussures exploitée en centre-ville et en centres commerciaux, qui génère 125 millions d’euros de chiffre d’affaires et 8 millions d’euros de résultat d’exploitation, Vivarte dit y renoncer. La cession de San Marina et Cosmo Paris serait, elle, maintenue.

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La justice suspend la vente des magazines de Mondadori France à Reworld Media

Les organisations syndicales de la filiale française de Mondadori auraient dû être informées de ses intentions de vente, selon le tribunal de grande instance de Nanterre.

Par Publié aujourd’hui à 11h02, mis à jour à 11h15

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Des employés de Mondadori France manifestent contre la reprise des journaux du groupe par Reworld Media, à Paris, le 28 octobre 2018.
Des employés de Mondadori France manifestent contre la reprise des journaux du groupe par Reworld Media, à Paris, le 28 octobre 2018. BERTRAND GUAY / AFP

Mondadori devra patienter avant de pouvoir se séparer de ses magazines français (Science et Vie, Grazia, Closer, Télé Star, Auto Plus, etc.). Dans un jugement assez inattendu rendu mercredi 10 juillet, le tribunal de grande instance de Nanterre a donné raison aux organisations syndicales. Celles-ci estimaient ne pas avoir été informées suffisamment tôt par la direction de son projet de vente au groupe Reworld Media, propriétaire de Marie France, Auto Moto, Be ou encore du Journal de la maison.

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Après être entrés en négociation exclusive le 27 septembre 2018, Mondadori et Reworld avaient annoncé avoir trouvé un accord le 18 février, ce dernier rachetant la filiale française du groupe italien pour 70 millions d’euros. Un laps de temps court, « preuve, selon le tribunal, que le changement significatif de stratégie était nécessairement connu » de la direction de Mondadori de longue date. Compte tenu « de l’ampleur du projet de cession », elle aurait dû ouvrir une procédure d’information-consultation des instances représentatives du personnel sur la stratégie pour 2019, avant de le faire une fois l’accord avec Reworld conclu. Sollicitées, les directions de Reworld et Mondadori n’ont pas souhaité réagir.

« On a été mis devant le fait accompli »

« En s’abstenant délibérément de le faire, [l’entreprise a commis] un détournement de pouvoir, empêchant le Comité social et économique [CSE] d’exercer ses droits à recueillir des explications utiles et à faire des propositions alternatives », estime le tribunal dans son jugement.

La justice a donc enjoint Mondadori à ouvrir cette procédure dans les huit prochains jours, sous peine d’astreinte de 50 000 euros par jour de retard, et à verser 10 000 euros de dommages et intérêts au CSE. La vente est donc suspendue pendant plusieurs mois et devra, de nouveau, être soumise à l’avis de l’Autorité de la concurrence.

« Avant l’entrée en négociation exclusive, la direction a toujours démenti les rumeurs d’un rachat par Reworld. On a été mis devant le fait accompli », regrette un délégué de l’intersyndicale. Ce dernier reconnaît que le CSE n’aurait pas pu empêcher le principe d’une vente, mais s’il avait été informé de cette volonté, « ça se saurait su dans la presse et d’autres repreneurs se seraient peut-être manifestés ».

Une stratégie éditoriale qui inquiète

La décision du tribunal de Nanterre reste symbolique, un accord ayant déjà été conclu entre Reworld et Mondadori. Mais elle « rappelle que les entreprises ont un devoir de loyauté vis-à-vis des instances représentatives du personnel, note Yves Corteville, délégué syndical SNJ-CGT. Il nous faut maintenant des réponses claires de Mondadori sur la stratégie de Reworld et ses répercussions sur l’emploi et sur l’avenir des magazines. »

Depuis le début des négociations exclusives entre les deux groupes, les manifestations des salariés de Mondadori se sont multipliées pour s’opposer à leur rachat par Reworld Media. Nombre d’entre eux craignent que les titres les moins rentables cessent de paraître et que l’entreprise externalise la rédaction d’articles pour les magazines restants.

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Leurs inquiétudes portent aussi sur la stratégie éditoriale, alors que Reworld Media recourt pour ses titres au brand content, ces publicités prenant l’apparence d’articles. Ce dernier mise sur la forte audience des contenus en ligne pour générer des revenus publicitaires, au détriment parfois de la qualité, selon les rédacteurs de Reworld. En mettant la main sur Mondadori, Reworld deviendrait le premier groupe de presse magazine en France.

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Les PME ont mieux résisté que prévu à la crise des « gilets jaunes »

Au deuxième trimestre, le nombre de défaillances d’entreprises en France a baissé de 3,1 % par rapport à la même période l’an dernier.

Par Publié aujourd’hui à 12h04, mis à jour à 12h12

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Le pire a-t-il été évité ? Malgré des chocs à répétition sur le chiffre d’affaires de nombreux commerçants et artisans au plus fort de la crise des « gilets jaunes », on n’a pas observé, ces derniers mois, de hausse massive des défaillances d’entreprises. D’après une étude du cabinet Altares publiée jeudi 11 juillet, 12 347 procédures ont été ouvertes au deuxième trimestre, soit 3,1 % de moins que sur la même période en 2018. Le niveau de sinistralité le plus bas depuis dix ans

« Certes, les défaillances augmentent encore fortement localement, notamment à Marseille, Rouen ou Chambéry, mais sur l’ensemble du territoire les audiences n’ont pas connu les affluences redoutées quelques mois plus tôt. (…) Mieux, plusieurs [tribunaux de commerce] constatent un recul des contentieux, voire des injonctions de paiement », souligne Thierry Millon, directeur des études chez Altares.

Microplan d’aide

Ce n’était pas gagné… Décembre 2018 a été « le mois de clôture annuel le plus sinistré depuis 2015 », rappelle M. Millon. En janvier, les défaillances affichaient une hausse de 11 %. Si les entreprises ont finalement tenu, c’est, semble-t-il, grâce au dispositif mis en place par les pouvoirs publics.

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Supervisé par la cellule de continuité économique, ce microplan d’aide avait été déployé à partir de la fin novembre 2018. Il prévoyait notamment des facilités en cas de dépassements de découvert, un étalement des échéances sociales et fiscales ainsi qu’un recours simplifié au temps partiel. Des mesures censées courir jusqu’à la fin mars, mais qui avaient été prolongées jusqu’en avril puis finalement jusqu’à fin juin.

D’après les décomptes de la Direction générale des entreprises (DGE) arrêtés au 31 mai, « 2 488 entreprises ont bénéficié de mesures de soutien mises en œuvre par le réseau de la Direction générale des finances publiques ». A la même date, les délais de paiement accordés représentaient un montant de cotisations de plus de 112 millions d’euros.

Le nombre d’emplois menacés en augmentation

Quelles sont les sociétés qui ont, malgré tout, été placées en procédure de sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation au deuxième trimestre ? Des très petites entreprises (TPE) à 94 %, mais également des structures plus grosses, d’au moins 100 salariés, selon Altares. Résultat : le nombre d’emplois directement menacés augmente, s’établissant pour le trimestre à 41 000, soit 1 200 de plus que sur la même période en 2018.

Les secteurs les plus touchés sont le transport et la logistique, de même que les services aux entreprises. Les défaillances grimpent dans le conseil en communication et gestion (+ 10,3 %), le nettoyage de bâtiments (+ 11,5 %), la sécurité (+ 9,1 %), ainsi que dans l’imprimerie (+ 58,3 %) et le fret interurbain (+ 20,5 %).

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Plusieurs sous-traitants automobiles pour les moteurs diesel inquiètent également. « A ce jour, nous avons identifié 54 sites en situation fragile ou en difficulté avérée qui emploient un peu plus de 13 400 salariés. Cela représente un quart des effectifs identifiés dans le secteur », a fait savoir, mercredi 10 juillet, la DGE.

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Pour l’ensemble de l’année, l’assureur-crédit Euler-Hermes s’attend tout de même à une hausse des défaillances de 2 %, faible consommation et ralentissement de la croissance obligent. « Néanmoins, les conditions de business s’améliorent lentement, remarque Thierry Millon. Le regain de pouvoir d’achat obtenu “grâce” au mouvement des “gilets jaunes” pourrait bien permettre de tirer la consommation du second semestre et la croissance. »

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Les nouvelles règles de l’assurance-chômage dévoilées

Patronat et syndicats doivent être consultés sur les trois projets de décrets lors d’une réunion prévue le 16 juillet.

Par Publié aujourd’hui à 11h29, mis à jour à 11h32

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Une étape supplémentaire vient d’être franchie dans la reprise en main par l’Etat de l’assurance-chômage. Mercredi 10 juillet, les services du ministère du travail ont adressé aux partenaires sociaux les trois projets de décrets qui transforment en profondeur le système d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Lors d’une réunion programmée le 16 juillet, le patronat et les syndicats seront invités à émettre un avis, purement consultatif, sur ces textes qui, mis bout à bout avec leurs annexes, forment une liasse de quelque 250 pages.

De nouvelles règles vont s’appliquer, conformément aux orientations esquissées le 18 juin à Matignon par le chef du gouvernement, Edouard Philippe, et par la ministre du travail, Muriel Pénicaud : durcissement des conditions d’entrée dans le régime, mise en place de la dégressivité des allocations pour les salariés les mieux payés, changement des modalités de calcul de la prestation de manière à éviter que la somme versée au demandeur d’emploi soit supérieure à la rémunération qu’il percevait quand il était en activité, etc.

Les documents transmis mercredi aux organisations d’employeurs et de salariés recèlent quelques modifications qui n’avaient pas été évoquées, lors des annonces du 18 juin. La plus notable concerne la dotation apportée à Pôle emploi par l’Unédic, l’association pilotée par les partenaires sociaux qui gère l’assurance-chômage. Jusqu’à présent, cette contribution correspondait à 10 % des ressources de l’Unédic, soit un peu plus de 3,5 milliards d’euros en 2019 ; elle va être augmentée d’un point pour passer à 11 %, ce qui représente environ 370 millions d’euros – « au titre du renforcement de l’accompagnement » des personnes privées d’activité.

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« Il peut y avoir des surprises »

Une ponction que les syndicats vivent très mal car, avec le patronat, ils réclamaient exactement l’inverse. A l’heure actuelle, le budget de Pôle emploi est plus alimenté par l’Unédic que par l’Etat. Les partenaires sociaux avaient demandé un rééquilibrage afin que l’effort soit, à l’avenir, le même des deux côtés. Ils viennent donc d’essuyer un camouflet.

Michel Beaugas (Force ouvrière) dénonce une décision « unilatérale » qui exprime, une fois de plus, du « mépris à l’égard du paritarisme ». Elle revient à « faire payer par les chômeurs leur accompagnement », ajoute-t-il. Sous-entendu : l’Etat pioche dans le portefeuille de l’Unédic des euros qui devraient d’abord servir à indemniser les demandeurs d’emploi – au lieu de financer des missions incombant à l’Etat.

Au Conforama de Vitry, dans le Val-de-Marne, les salariés « en deuil »

Les employés du magasin accusent le coup, après l’annonce, lundi, d’un plan social visant 1 900 postes dans le groupe en France. Le comité central d’entreprise doit détailler jeudi le plan de restructuration

Par Publié aujourd’hui à 10h04

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Le magasin Conforama de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), le 6 mars.
Le magasin Conforama de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), le 6 mars. DENIS CHARLET / AFP

« Dix-neuf ans passés au Conforama de Vitry-sur-Seine [Val-de-Marne] et on apprend par la télévision que le magasin va fermer, c’est dur. J’ai 46 ans, que vais-je faire ? », déclare, amer, Zenagui – toutes les personnes citées dont le nom n’apparaît pas ont souhaité garder l’anonymat. Le 1er juillet, ce vendeur a « pris une claque » en découvrant l’ampleur de la restructuration du groupe d’ameublement. Certes, les difficultés financières de l’entreprise étaient connues – en six ans, elle a cumulé 480 millions d’euros de pertes –, tout comme le scandale financier dans lequel est empêtré son principal actionnaire, le groupe sud-africain Steinhoff.

« Il n’empêche, on ne s’attendait pas à autant de licenciements », explique Nadia Nattiez, déléguée CGT du Conforama de Vitry, qui a noué à son bras un foulard noir, « en signe de deuil ». Pas moins de trente-deux magasins vont fermer leurs portes, auxquels s’ajoutent dix boutiques du réseau Maison Dépôt, qui disparaîtra. Le siège social et d’autres services sont aussi touchés. Au total, 1 900 postes sont supprimés, sur les 9 000 employés dans l’Hexagone.

Rencontrés à quelques jours du comité central d’entreprise, qui doit se tenir jeudi 11 juillet, durant lequel la direction va détailler son plan de réorganisation, les salariés sont encore sous le choc. « Je ne dors plus depuis une semaine. Comment vais-je faire avec mes trois enfants à charge ? », raconte Aliya (le prénom a été modifié), mère célibataire de 36 ans, en CDI à Vitry depuis dix ans. L’éviction surprise du directeur général du groupe, mardi 9 juillet, a renforcé les inquiétudes des salariés, qui, à l’image de Nadia, ne se font guère d’illusion sur d’éventuels reclassements. Contactée, la direction du magasin n’a pas souhaité faire de commentaires.

« J’ai donné mon dos à Conforama »

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Devant le magasin, qui emploie 87 personnes, le sujet est évidemment au cœur de toutes les discussions. Un à un, les employés livrent leur histoire. Tous ont l’impression d’appartenir à la « famille Conforama ». A 36 ans, Samir y travaille depuis treize ans. Enfant de Vitry, il n’a jamais voulu quitter sa ville natale. Ni Conforama. « J’y ai même rencontré ma femme. Elle est à Conforama depuis dix ans, et nous attendons un enfant pour janvier ». Au moment où les premières lettres de licenciement sont censées arriver.

La revanche des stagiaires

Des difficultés de recrutement dans certains secteurs d’activité, comme l’informatique ou le conseil, renversent le rapport de forces en faveur des stagiaires pour accéder au monde du travail.

Par Publié aujourd’hui à 07h30

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« Le stage s’intègre ainsi totalement à la stratégie de « marque employeur ». C’est l’occasion de faire connaître les métiers de l’entreprise, de travailler l’image de la société. »
« Le stage s’intègre ainsi totalement à la stratégie de « marque employeur ». C’est l’occasion de faire connaître les métiers de l’entreprise, de travailler l’image de la société. » Neil Webb/Ikon Images / Photononstop

Axel est un stagiaire heureux. Etudiant à l’Edhec et actuellement en année de césure, il s’apprête à quitter l’entreprise Red Bull, où il a passé plusieurs mois. Des responsabilités, beaucoup de connaissances acquises : il est ravi. « Mon manageur a vraiment pris du temps pour moi, nous avons eu de nombreux échanges ! » Dans l’unité chargée des partenariats où il a travaillé, il a eu, au fond, le sentiment de « ne jamais avoir été considéré comme un stagiaire ». Youssef, lui, est serein. Etudiant en mastère spécialisé cybersécurité à Télécom Paris, il a pu choisir son entreprise parmi plusieurs propositions pour son stage de fin d’études. « Et la plupart des sociétés qui prennent des stagiaires proposent un CDI dans la foulée », dit-il.

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Satisfaits de leur situation, ces stagiaires précisent toutefois que l’ère du « stage photocopie » n’est pas révolue pour tout le monde. « Il y a encore des entreprises où les stagiaires travaillent énormément sans apprendre grand-chose », témoigne un étudiant en management. Pour autant, dans des secteurs comme ceux où évoluent Axel et Youssef, une nouvelle musique se fait entendre, un air de revanche pour la communauté des stagiaires.

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Un nouveau rapport de forces leur est aujourd’hui favorable. Certains domaines d’activité (informatique, conseil…) connaissent d’importantes difficultés de recrutement. Les stagiaires y deviennent un vivier stratégique. « Tout l’enjeu pour les entreprises est de les retenir à l’issue du stage, confirme Jérôme Chemin, secrétaire général adjoint de la CFDT Cadres. Dans le secteur du conseil, un stage devient désormais une véritable pré-embauche. »

Manuelle Malot, directrice de l’Edhec NewGen Talent Centre, parle de « relation de mariage à l’essai, où la séduction a toute sa place. Les entreprises ont besoin que les stages se passent bien pour faire ensuite une offre ferme d’embauche ». Financièrement, « les rémunérations mensuelles proposées pour certains stages peuvent atteindre les 2 000 euros net », indique Mme Malot.

La nouvelle donne

La nouvelle donne n’a pas échappé aux étudiants, qui se montrent parfois plus exigeants. Ils peuvent y être encouragés par les organismes de formation : « Nous leur expliquons qu’un entretien pour un stage ne doit pas être à sens unique, poursuit Mme Malot. Ils doivent poser les bonnes questions pour mesurer s’ils ont envie de travailler dans l’entreprise : quel est le contenu de la mission, la façon dont ils seront managés…, des éléments qui étaient auparavant davantage évoqués lors d’un entretien d’embauche. »

Du Chèque-Vacances au redressement

Avis d’expert. Les Chèques-Vacances, qui concernent près de dix millions de personnes, obéissent à des dispositifs très stricts, aussi bien pour celui qui en bénéficie que pour les organismes qui les attribuent, comme le démontre Francis Kessler

Publié aujourd’hui à 07h00 Temps de Lecture 2 min.

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« Dix millions de personnes bénéficient des Chèques-Vacances, pour 1,6 milliard d’euros directement remis par chaque bénéficiaire aux collectivités publiques et aux prestataires agréés, soit à 202 000 professionnels du tourisme et du loisir. »
« Dix millions de personnes bénéficient des Chèques-Vacances, pour 1,6 milliard d’euros directement remis par chaque bénéficiaire aux collectivités publiques et aux prestataires agréés, soit à 202 000 professionnels du tourisme et du loisir. » Alain Le Bot / Photononstop

Droit social Les départs en congé auront été ou seront payés, partiellement, par des Chèques-Vacances. Ces titres nominatifs spéciaux de paiement sont utilisables dans l’Union européenne et destinés à régler des dépenses, à savoir des transports en commun, des frais d’hébergement, des frais de repas, ainsi que des « frais de culture » et « de loisirs » de vacances.

Selon le dernier bilan annuel disponible de l’Agence nationale pour les Chèques-Vacances (ANCV), l’établissement public chargé de la politique en la matière, 10 millions de personnes en ont bénéficié, pour 1,6 milliard d’euros directement remis par chaque bénéficiaire aux collectivités publiques et aux prestataires agréés, soit à 202 000 professionnels du tourisme et du loisir.

Les mécanismes juridiques de cette « solvabilisation » de touristes, principale réalisation, en 1982, de l’éphémère ministère du temps libre, sur le modèle des chèques Reka émis depuis 1939 par la Caisse suisse de voyage, sont peu connus et peuvent se révéler parfois délicats à manier.

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Il existe deux grands types de diffuseurs de Chèques-Vacances. D’une part, des organismes sociaux, notamment les caisses d’allocations familiales, celles de la MSA (Mutualité sociale agricole), les centres communaux d’action sociale, les caisses de retraite, les établissements et services d’aide par le travail, les mutuelles, les services sociaux de l’Etat, des collectivités publiques ainsi que les organismes paritaires de gestion d’activités sociales créés par accord collectif de branche ou territorial.

Lutter contre la « fracture touristique »

D’autre part, le Comité social et économique (CSE), qui peut également les attribuer à des salariés au titre des activités sociales et culturelles. Il s’agit de permettre aux personnes les plus défavorisées de pouvoir partir en vacances, autrement dit de lutter contre la « fracture touristique », selon la terminologie de la convention d’objectifs et de performance 2017-2021 Etat-ANCV.

Les carnets de chèques en coupures de 10, 20, 25 et 50 euros, ou les tout récents e-Chèques-Vacances de 60 euros utilisables exclusivement sur Internet, émis par l’ANCV, peuvent être cofinancés par les employeurs et les salariés et, le cas échéant, le CSE.

En l’absence de règle légale impérative, certaines conventions collectives de branche ou d’entreprise imposent cette forme de rémunération non salariale. Mais le plus souvent, l’entreprise décide seule de ce dispositif. C’est là que les choses se compliquent, car l’Etat subventionne ces chèques à la fois dans le cadre de son budget et au moyen d’exonérations partielles de cotisations sociales, donc avec les finances du régime général de la Sécurité sociale et la non-prise en compte partielle de la contribution patronale dans le calcul de l’impôt sur le revenu du salarié.

Création d’emplois : la force du territoire

Dans cette étude sur le chômage les auteurs expliquent la manière de lutter contre en montrant à travers de nombreux exemples comment les territoires peuvent intervenir et redonner espoir et dignité à ceux et celles écarter de l’emploi.

Par Publié aujourd’hui à 06h30

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Zéro chômeur, dix territoires relèvent le défi, Les éditions de l’Atelier, 320 pages, 16 euros
Zéro chômeur, dix territoires relèvent le défi, Les éditions de l’Atelier, 320 pages, 16 euros

Le livre. Eradiquer le chômage, c’est le défi que raconte Zéro chômeur, le livre de Claire Hédon, Didier Goubert et Daniel Le Guillou. Respectivement présidente du mouvement ATD Quart-Monde France, dirigeant de Travailler et apprendre ensemble et vice-président de l’entreprise à but d’emploi Actypoles-Thiers, ils sont les trois acteurs de premier rang de l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » lancée en 2016 à l’initiative de ATD Quart-Monde, est menée depuis janvier 2017 dans dix communes de France.

Leur base de travail est que personne n’est inemployable, que le travail ne manque pas et l’argent non plus, si l’on considère les 45 milliards d’euros d’indemnisation chômage. Les auteurs rejettent la notion de « chômage », trop exclusive, pour adopter celle de « privation d’emploi ».

Evaluation du marché du travail

L’enjeu est de taille, « au niveau de la société, la privation durable d’emploi est tout simplement une aberration économique », rappellent les auteurs. Le coût en 2017 pour les seuls deniers publics de chaque personne privée durablement d’emploi était « au minimum de 16 000 euros par an ». Après deux ans d’expérimentation, ils évaluent à 18 000 euros par an et par emploi à plein temps le gain de l’opération « Territoires zéro chômeur » pour les finances publiques.

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L’ouvrage revient aux sources du projet « Territoires zéro chômeur », à savoir l’analyse de l’évolution du marché du travail et du poids de la précarité. « Près de 50 % des personnes privées d’emploi le sont depuis plus d’un an. » Alors que le taux de chômage est à la baisse, la part des chômeurs de longue durée poursuit sa hausse : 2,6 millions de chômeurs de longue durée fin 2018, contre 1 million en 2008. Même chez les cadres, quasiment au plein-emploi (3,8 %), on compte 100 000 chômeurs de longue durée. Mais le chômage ne se résume pas à un équilibre entre l’offre et la demande, il touche les personnes « en fonction de leur niveau de qualification et de leur localisation ».

D’où l’idée de concevoir une approche qualitative appliquée à un territoire pour répondre aux besoins. Après deux ans d’expérimentation, 800 emplois ont ainsi été créés. L’efficacité passe par une construction entre acteurs qui « se connaissent » et qui partagent un présent et un avenir commun. « A l’échelle du territoire est proposé à toutes les personnes privées durablement d’emploi et qui le souhaitent un emploi en CDI au smic, à temps choisi et adapté à leurs compétences », expliquent les auteurs. Deux conditions sont posées : la domiciliation sur la commune depuis au moins six mois et la recherche active d’emploi.

Pot de départ : tout est bien qui finit bien !

Pour sa dernière chronique au « Monde » à l’heure de son départ à la retraite, qui sera active, la journaliste Annie Kahn rappelle l’importance de ce moment pour le salarié, mais aussi pour ceux qui restent et pour l’entreprise.

Publié aujourd’hui à 06h00 Temps de Lecture 2 min.

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« L’orateur fait son deuil de cette tranche de sa vie, tout en transmettant son expérience aux plus jeunes. Les plus anciens évoquent leurs souvenirs. Ce qui ne fait que renforcer leur sentiment d’appartenance à cette communauté professionnelle »
« L’orateur fait son deuil de cette tranche de sa vie, tout en transmettant son expérience aux plus jeunes. Les plus anciens évoquent leurs souvenirs. Ce qui ne fait que renforcer leur sentiment d’appartenance à cette communauté professionnelle » Philippe Turpin / Photononstop

Ma vie en boîte. L’entreprise a ses rituels. Le pot de départ d’un collaborateur en est un, et non des moindres. Surtout lorsqu’il célèbre la fin d’une vie professionnelle, le mal nommé « départ à la retraite ». Des pans entiers de l’histoire de l’entreprise y sont évoqués, des anecdotes donnent un aperçu impressionniste de la culture maison et de son évolution, complétant les présentations officielles désincarnées.

L’orateur fait son deuil de cette tranche de sa vie, tout en transmettant son expérience aux plus jeunes. Les plus anciens évoquent leurs souvenirs. Ce qui ne fait que renforcer leur sentiment d’appartenance à cette communauté professionnelle. On pourrait ironiser en disant que cela n’est que de la mascarade, durant laquelle chacun avance encore plus masqué que d’habitude. Seuls les bons souvenirs s’échangent.

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On passe un voile pudique sur les peaux de banane que les uns ou les autres ont pu déposer sous les pieds de la personne fêtée. Certes. Mais le moment est aussi propice à des échanges profonds et sincères, qui n’avaient pu être exprimés, par pudeur, timidité, ou respect des convenances. Pour le plus grand bien du partant, mais aussi pour celui ou celle qui les profère. L’authentique côtoie donc le fallacieux. Peu importe le mélange des genres. Il réconforte celui qui part, et ceux qui restent.

Un événement essentiel

La numérisation, le télétravail et, surtout, le recours accru à des travailleurs indépendants vont-ils sonner le glas de ces événements essentiels ? La multiplication des espaces de cotravail prouverait plutôt le contraire : des salariés fréquentent ces tiers lieux et y « font société » avec des personnes aux parcours divers dont ils partagent les locaux. Tout est alors affaire de dosage. Une périodicité optimale leur permet de s’ouvrir à d’autres, sans couper les liens qui les unissent à leurs collègues historiques. Quand ils partiront, ils diront au revoir à tous.

Quant aux autoentrepreneurs, ils pratiquent le coworking par désir de ne pas travailler seul. On y discute autour de la machine à café, comme ailleurs. Une communauté de travail s’y recrée avec ses propres rituels. Il n’est d’ailleurs pas rare d’y croiser les mal nommés « retraités » d’hier, qui s’y refont une jeunesse. Loin d’être « des personnes retirées des affaires, éloignées du monde, vivant à la campagne », ou « se livrant à des exercices de piété », comme les qualifie le Littré, ils sont de plus en plus nombreux pour qui le pot de départ est celui d’un rebond vers de nouvelles aventures.