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Morts au travail : à l’usine Renault de Cléon, « on attend l’accident »

Chaque semaine, environ deux personnes ont un accident du travail nécessitant un arrêt, dans l’usine Renault de Cléon, en Seine-Maritime.
Chaque semaine, environ deux personnes ont un accident du travail nécessitant un arrêt, dans l’usine Renault de Cléon, en Seine-Maritime. CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Il n’a jamais rejoint ses collègues qui l’attendaient pour dîner. Le 10 mars 2016 à 19 h 05, Jérôme Deschamps, technicien de maintenance à l’usine Renault de Cléon (Seine-Maritime), a été retrouvé le torse coincé sous un caisson de séchage par l’un de ses camarades, un électricien inquiet de ne pas le voir venir au réfectoire.

Ce jour-là, ce père de 33 ans, employé chez Renault depuis ses 18 ans, a été désigné pour poser un tendeur sur les chaînes trop lâches d’une machine à laver industrielle. Il installe le tendeur sur la machine à l’arrêt, puis effectue des essais en mode manuel. Vers 18 h 40, il décide avec ses collègues de passer la machine en mode automatique, afin de la voir fonctionner en conditions réelles. Les portes de la machine sont grandes ouvertes, bloquées par des « sucettes », de petits morceaux de métal laissant croire au système de sécurité qu’elles sont fermées. Impossible, sinon, de vérifier la qualité de son travail.

La machine redémarre, mais il faut une dizaine de minutes pour qu’elle tourne à plein régime. Ses collègues partent dîner. Jérôme ne tardera pas, pensent-ils. Qu’a-t-il vu dans la machine qui ait nécessité qu’il s’y penche ? En l’absence de témoin, les circonstances de l’accident restent indéterminées. Mais son geste enclenche un mécanisme fatal dont il ignorait l’existence : en mode automatique, la machine abaisse un lourd caisson dès qu’elle capte une présence sur le convoyeur. Après l’avoir veillé une semaine à l’hôpital, sa famille décidera de mettre fin à son assistance respiratoire.

Accidents courants

Depuis, Renault est poursuivi pour « homicide involontaire ». Le 3 avril, le parquet du tribunal de Rouen a requis une amende de 200 000 euros à son encontre. La direction, contactée, n’a pas souhaité commenter l’enquête en cours. « Les événements qui ont amené à la mort de M. Deschamps sont loin d’être rares dans cette usine, estime William Audoux, secrétaire de la CGT de Cléon. Le manque de sécurité et de formation, l’intensification du travail et le manque d’effectifs ont pu donner lieu à d’autres accidents graves ces dernières années. »

« Il y a 8 000 machines, s’exclame un proche de la direction. Il est impossible de former qui que ce soit sur chacune d’elles »

Son syndicat s’est porté partie civile aux côtés de la famille, représentée par Me Karim Berbra. Quatre-vingt-douze salariés ont signé une lettre faisant état du caractère courant de la procédure suivie par M. Deschamps : usage des « sucettes », travail isolé, absence de formation à chaque machine… « Il y a 8 000 machines, s’exclame un proche de la direction. Il est impossible de former qui que ce soit sur chacune d’elles. » Les équipes de maintenance, toutes affectées à des secteurs particuliers, n’interviennent cependant pas sur la totalité de l’immense usine, qui s’étend sur le quart de Cléon.

Dans cette petite ville normande lovée dans une boucle de la Seine, les accidents sont courants. Chaque semaine, environ deux personnes ont un accident du travail nécessitant un arrêt, selon le bilan social 2018 de l’usine. Chutes de charges lourdes, éclaboussures d’aluminium brûlant, brouillards chimiques irritants jalonnent la vie des 4 000 salariés et intérimaires qui s’affairent pour produire boîtes de vitesses et moteurs. Jusqu’à parfois y mettre brutalement fin, comme ce fut le cas pour M. Deschamps en 2016. Cette année-là, sept salariés de l’industrie automobile française sont morts au travail et plus de 3 400 accidents suivis d’un arrêt ont eu lieu, selon l’Assurance-maladie.

L’impératif de productivité l’emporte

La mort de Jérôme Deschamps dans le ventre d’une machine – un événement rare à l’usine – a obligé la direction à repenser les procédures de sécurité. Mais pour la trentaine de salariés interrogés par Le Monde, managers, soignants, syndicalistes, techniciens ou ouvriers, l’impératif de productivité l’emporte encore trop souvent sur la prévention des accidents.

Depuis 2016, un hublot a bien été ajouté à la machine à laver, pour permettre à la maintenance de la voir fonctionner portes fermées, et l’usage des « sucettes » a été drastiquement limité. Une formation générale est dispensée à chacun dès son embauche. Un carnet rappelant les dix fondamentaux de la sécurité, déclinés en 74 « exigences-clés », a été distribué. Des fiches rappelant les risques ont été collées sur les machines.

« Plusieurs éléments tendent à décrire une culture de sécurité plus réactive que proactive sur le site de Renault Cléon », note le cabinet Aptéis

Certains managers, un badge « réflexe sécurité, ma priorité » à la boutonnière, rappellent à l’ordre les opérateurs s’ils ne portent pas leurs équipements de protection. « On nous emmerde sur le port du casque, des bouchons d’oreilles, des lunettes… Mais dès qu’il faut arrêter une machine dangereuse pour la réparer, c’est silence radio, s’agace Corentin (tous les prénoms des témoins ont été modifiés), ouvrier à la fonderie. Parce que ça impacte la production, qui est toujours en flux tendu. En gros, on attend l’accident. » Un avis partagé par le cabinet Aptéis, mandaté pour expertiser les « risques graves » dans l’usine après la mort de M. Deschamps : « Plusieurs éléments tendent à décrire une culture de sécurité plus réactive que proactive sur le site de Renault Cléon », écrit-il en 2018.

En mars, un ouvrier a été brûlé au troisième degré au cou par une projection d’aluminium. « Cet accident aurait pu être évité, tonne Willliam Audoux, de la CGT. Les équipes avaient signalé ce problème depuis des semaines. » Consulté par Le Monde, le tableau des dysfonctionnements, où les ouvriers indiquent les risques sur leurs machines, fait bien état d’un « danger car trop d’éclaboussures ». « La veille, il avait encore prévenu son chef : “Si on ne fait rien, un accident va se produire” », poursuit M. Audoux.

Réparer les machines « en une heure »

D’autres pratiques dangereuses, comme les interventions sur les machines en marche, continuent à avoir lieu. Et ce sans être toujours déclarées, contrairement aux procédures. « C’est l’hypocrisie la plus totale. On ne peut pas faire le diagnostic de la panne rapidement, ni vérifier que la machine a été réparée si elle est à l’arrêt, explique Damien, technicien en maintenance. Les machines prioritaires, il faut qu’elles crachent des pièces non-stop. En une heure, elles doivent être réparées. Sinon, les chefs se mettent derrière toi pour te demander pourquoi ça prend autant de temps. »

Selon Annabelle Chassagnieux, une experte d’Aptéis, la multiplication des règles de sécurité permet à Renault « de ne pas interroger son mode d’organisation ». « Lorsqu’un accident se produit, ils peuvent dire “Untel n’a pas respecté la procédure” sans se poser la question de la possibilité même de l’appliquer, analyse-t-elle. Trop souvent, les salariés ont à arbitrer entre suivre la procédure et travailler au plus vite pour respecter les contraintes de production. »

En novembre 2017, Renault s’était opposé devant le tribunal de Rouen à la venue des experts d’Aptéis dans son usine

Une expertise indépendante dont la marque au losange se serait bien passée. En novembre 2017, Renault s’est opposé devant le tribunal de Rouen à la venue d’Aptéis. Celle-ci avait été demandée par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) après la mort de M. Deschamps, afin d’étudier les « risques graves » à Cléon. Pour justifier cette opposition, un proche de la direction estime que « rien ne permet d’affirmer qu’il y a, à Cléon plus qu’ailleurs, une exposition des opérateurs à un risque grave ». L’argument n’a pas convaincu le tribunal, qui a permis à Aptéis de se rendre dans l’usine début 2018.

Encouragés à « revenir vite » au travail

Par le passé, la venue d’observateurs extérieurs à Cléon s’était déjà soldée par une dénonciation des pratiques de la direction. En 2007, l’inspection du travail avait décrit un « système organisé de pressions visant à ce que les salariés victimes d’accident du travail (…) renoncent à prendre tout ou une partie de [leur] arrêt ». Douze ans plus tard, la dizaine d’accidentés du travail interrogés par Le Monde racontent la même histoire. Hugo, arrêté après avoir été blessé à la main, a reçu un appel de son chef le lendemain lui suggérant de « revenir vite ». Deux jours plus tard, le voilà de retour sur un poste aménagé, à remplir des tableurs et effectuer des photocopies. « Le reste du temps, je restais assis sur une chaise à attendre », raconte-t-il. La direction lui envoie un taxi puisqu’il ne peut pas conduire. « Ils ont dû dépenser 80 balles par jour… »

La somme, qui paraît importante aux salariés, reste inférieure à ce que devrait verser Renault si les blessés étaient restés longtemps en arrêt. Les cotisations à la branche « accidents du travail-maladies professionnelles » (AT-MP) de la Sécurité sociale dépendent en effet de la fréquence et de la gravité des accidents du travail, afin de faire payer aux entreprises les plus accidentogènes le coût de leurs pratiques dangereuses. Louis, un manager, justifie ce procédé par la dure concurrence que subit Renault : « Aujourd’hui, on est dans un système de production très contraint. Les cotisations à la Sécu pèsent sur le coût du travail. »

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Morts au travail : un flou statistique qui révèle un « non-problème » de santé publique

De son côté, la direction de Renault affirme qu’« il n’existe pas de système organisé de pression sur les salariés » et ajoute que ce qu’elle leur propose, « c’est de garder le lien avec l’entreprise en leur donnant la possibilité de revenir (…) sur des postes aménagés ». L’expertise d’Aptéis a été versée au dossier par les parties civiles. Le tribunal devrait se prononcer sur la responsabilité de Renault lors d’une nouvelle audience, le 21 janvier 2020.

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Entre opacité des chiffres et indifférence des autorités, les morts au travail encore largement ignorés

Il n’existe aucune donnée précise pour rendre compte du nombre global d’accidents mortels du travail en France. Selon l’Assurance-maladie, au moins 530 salariés du secteur privé sont décédés sur leur lieu de travail en 2017.

Par et Publié le 15 juillet 2019 à 05h19 – Mis à jour le 18 juillet 2019 à 15h34

Temps de Lecture 5 min.

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C’est en cherchant dans la presse quotidienne régionale qu’on les trouve. Un court article souvent, relatant l’accident mortel. Sous la mention « faits divers », Le Populaire du Centre faisait ainsi part, mardi 9 juillet, de la mort d’un ouvrier agricole de 18 ans, écrasé sous son tracteur à Saint-Jean-Ligoure (Haute-Vienne). Le même jour, L’Ardennais relatait celle, sur un chantier, d’un ouvrier de 45 ans percuté par la chute du contrepoids d’une grue, à Herpy-l’Arlésienne (Ardennes). La veille, Le Parisien informait du décès d’un mécanicien de 43 ans mort à Beautheil-Saints (Seine-et-Marne), coincé dans une arracheuse de lin.

On pourrait encore évoquer, depuis début juillet, ce manutentionnaire tombé d’un engin de levage en Seine-Maritime, cet ouvrier écrasé par une machine alors qu’il refaisait la chaussée de l’A7, dans les Bouches-du-Rhône, ou cet ascensoriste tué en Haute-Savoie.

Un « drame » ici, une « terrible tragédie » là. Une somme d’histoires individuelles. Mais que diraient ces accidents mortels de la réalité du monde du travail en France en 2019 si l’on les examinait dans leur ensemble ?

Un chiffre existe : celui des accidents du travail des salariés du secteur privé, recensés par l’Assurance-maladie. Il nous apprend qu’au moins 530 personnes sont mortes sur leur lieu de travail en 2017. Et cela sans compter les 264 qui se sont tuées sur leur trajet, ou les cas de suicide, qui nécessitent souvent un passage par le tribunal pour être reconnus comme des accidents du travail. Plus de dix personnes meurent donc au travail chaque semaine en France. A bas bruit.

« Une logique comptable et financière »

« L’accident du travail est un non sujet de santé publique, confirme Véronique Daubas-Letourneux, sociologue, enseignante-chercheuse à l’Ecole des hautes études en santé publique. On l’envisage sous l’angle de la fatalité, des risques du métier. Cela contribue à une naturalisation du risque professionnel, qui n’est pas interrogé en soi. On ne questionne ni le facteur organisationnel ni la précarité au travail. Si chaque histoire est un drame au plan individuel, elle pourrait aussi être un facteur d’alerte au plan collectif sur les conditions de travail. »

Morts au travail : un flou statistique qui révèle un « non-problème » de santé publique

Il n’existe aucune donnée chiffrée précise pour rendre compte du nombre global d’accidents mortels du travail en France. Selon l’Assurance-maladie, au moins 530 salariés du secteur privé sont décédés sur leur lieu de travail en 2017.

Par et Publié aujourd’hui à 05h19

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La « branche » des intérimaires est la plus à risque, avec 80 décès en 2017, suivie par les transports routiers et les travaux publics.
La « branche » des intérimaires est la plus à risque, avec 80 décès en 2017, suivie par les transports routiers et les travaux publics. ROMAIN LAFABREGUE / AFP

C’est en cherchant dans la presse quotidienne régionale qu’on les trouve. Un court article souvent, relatant l’accident mortel. Sous la mention « faits divers », Le Populaire du Centre faisait ainsi part, mardi 9 juillet, de la mort d’un ouvrier agricole de 18 ans, écrasé sous son tracteur à Saint-Jean-Ligoure (Haute-Vienne). Le même jour, L’Ardennais relatait celle, sur un chantier, d’un ouvrier de 45 ans percuté par la chute du contrepoids d’une grue, à Herpy-l’Arlésienne (Ardennes). La veille, Le Parisien informait du décès d’un mécanicien de 43 ans mort à Beautheil-Saints (Seine-et-Marne), coincé dans une arracheuse de lin.

On pourrait encore évoquer, depuis début juillet, ce manutentionnaire tombé d’un engin de levage en Seine-Maritime, cet ouvrier écrasé par une machine alors qu’il refaisait la chaussée de l’A7, dans les Bouches-du-Rhône, ou cet ascensoriste tué en Haute-Savoie.

Un « drame » ici, une « terrible tragédie » là. Une somme d’histoires individuelles. Mais que diraient ces accidents mortels de la réalité du monde du travail en France en 2019 si l’on les examinait dans leur ensemble ?

Un chiffre existe : celui des accidents du travail des salariés du secteur privé, recensés par l’Assurance-maladie. Il nous apprend qu’au moins 530 personnes sont mortes sur leur lieu de travail en 2017. Et cela sans compter les 264 qui se sont tuées sur leur trajet, ou les cas de suicide, qui nécessitent souvent un passage par le tribunal pour être reconnus comme des accidents du travail. Plus de dix personnes meurent donc au travail chaque semaine en France. A bas bruit.

« Une logique comptable et financière »

« L’accident du travail est un non-sujet de santé publique, confirme Véronique Daubas-Letourneux, sociologue, enseignante-chercheuse à l’Ecole des hautes études en santé publique. On l’envisage sous l’angle de la fatalité, des risques du métier. Cela contribue à une naturalisation du risque professionnel, qui n’est pas interrogé en soi. On ne questionne ni le facteur organisationnel ni la précarité au travail. Si chaque histoire est un drame au plan individuel, elle pourrait aussi être un facteur d’alerte au plan collectif sur les conditions de travail. »

Emploi, chômage : « Nous vivons un effondrement de notre manière de formuler le social »

François-Xavier Petit, responsable du programme d’innovation et d’entrepreneuriat Matrice, questionne dans une tribune au « Monde » la validité de politiques basées sur les concepts d’emploi et de chômage quand la réalité du travail s’échelonne sur un mix emploi/non-emploi

Publié le 14 juillet 2019 à 09h00 Temps de Lecture 6 min.

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« Nous quittons la société industrielle, ses statuts, ses conditions, ses silos, pour la société numérique, celle où l’universalité s’impose, où le passage d’un état à l’autre se fait sans rupture. »
« Nous quittons la société industrielle, ses statuts, ses conditions, ses silos, pour la société numérique, celle où l’universalité s’impose, où le passage d’un état à l’autre se fait sans rupture. » Philippe Turpin / Photononstop

Tribune. La réforme de l’assurance-chômage laisse une impression tragique : celle d’être prisonnier du passé. De manière sidérante, nos dirigeants regardent le monde social avec les lunettes des années 1960 ou 1980. La « bataille pour l’emploi » les dépeint en don Quichotte contre leurs moulins. Les voilà systématiquement à côté de la réalité de l’activité en France et des situations de travail vécues.

La vérité est que nous pensons avec des concepts périmés. Et le premier d’entre eux est celui de chômage. Dire cela fait immédiatement surgir l’indignation : « Comment peut-on dire cela alors qu’il y a 5 millions de chômeurs ! » Et voilà le débat terminé… Il va pourtant falloir l’avoir. Car le chômage en tant que concept (pas les chômeurs comme individus !) est aujourd’hui hors de la réalité, sans correspondance avec le monde social. La crise des « gilets jaunes » n’a pas dit seulement le problème du pouvoir d’achat, elle a dit l’incapacité de formuler le social et la vie des gens.

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Pour bien comprendre, regardons les chiffres. Nous comptons 3,4 millions de chômeurs en catégorie A ( personne sans emploi et tenue d’en chercher), dont 1,5 million demandeurs d’emploi de longue durée (plus d’un an). Tous les autres – presque 2 millions, donc – sont dans des situations mal connues (transition entre deux emplois, réorientation professionnelle, étudiants s’étant ouvert des droits, intérimaires…).

Ne pas confondre toutes les catégories de chômage

On trouve, ainsi, dans la catégorie centrale du chômage beaucoup de gens qui ne sont pas en situation de non-emploi. Et si on regarde la catégorie B, on y trouve les chômeurs qui travaillent (sic) jusqu’à 78 heures par mois (en contrats précaires). Emploi et non-emploi se mêlent encore davantage dans la catégorie C qui regroupe ceux qui travaillent plus de 78 heures par mois.

Une semaine faisant 35 heures, ils sont au-delà de ce qui serait considéré comme un mi-temps, tout en étant statistiquement des chômeurs ! Ajoutons la catégorie D pour les chômeurs en formation, arrêt maladie, convention de reclassement… Au total, B + C + D = 2,2 millions de personnes en situation de sous-emploi, considérées comme des chômeurs, mais exerçant plus ou moins une activité. Il reste la catégorie E qui cible des contrats aidés, mais aussi les créateurs d’entreprise…, qui sont des chômeurs travaillant plutôt à plein temps.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Chiffres du chômage : pourquoi tant d’écart entre l’Insee et Pôle emploi ?

A part les chômeurs de longue durée, emploi et chômage forment un mix aux multiples nuances. Rassembler tout ce monde dans la catégorie chômage est indéfendable, car cette catégorie manque la réalité des situations de travail ; indéfendable, car en grossissant l’impression de non-emploi, elle mine le moral du pays ; indéfendable, car elle fait planer sur tous les actifs une menace diffuse.

La conformité de politiques basées sur les concepts d’emploi et de chômage

« Nous quittons la société industrielle, ses statuts, ses conditions, ses silos, pour la société numérique, celle où l’universalité s’impose, où le passage d’un état à l’autre se fait sans rupture. »
« Nous quittons la société industrielle, ses statuts, ses conditions, ses silos, pour la société numérique, celle où l’universalité s’impose, où le passage d’un état à l’autre se fait sans rupture. » Philippe Turpin / Photononstop

François-Xavier Petit, Directeur général du programme d’innovation et d’entrepreneuriat Matrice, se pose la question sur la conformité de politiques basées sur les concepts d’emploi et de chômage quand l’authenticité du travail s’élève sur un mix emploi/non-emploi

La modification de l’assurance-chômage entrave un sentiment tragique : celle d’être prisonnier du passé. De manière étonnante, nos dirigeants examinent le monde social avec les lunettes des années 1960 ou 1980. La « bataille pour l’emploi » les dépeint en don Quichotte contre leurs moulins. Les voilà méthodiquement à côté de la réalité de l’activité en France et des situations de travail existées.

La vérité est que nous pensons avec des concepts invalidés. Et le premier d’entre eux est celui d’inactivité. Dire cela fait instantanément surgir l’indignation : « Comment peut-on dire cela alors qu’il y a 5 millions de chômeurs ! » Et voilà la contestation terminée… Il va toutefois falloir l’avoir. Car le chômage en tant que concept (pas les chômeurs comme individus !) est actuellement hors de la réalité, sans adresse avec le monde social. La crise des « gilets jaunes » n’a pas dit uniquement le problème du pouvoir d’achat, elle a dit l’incapacité de préciser le social et la vie des gens.

Pour bien concevoir, regardons les chiffres. Nous comptons 3,4 millions de chômeurs en catégorie A (personne sans emploi et tenue d’en chercher), dont 1,5 million chercheurs d’emploi de longue durée (plus d’un an). Tous les autres – presque 2 millions, donc – sont dans des situations mal connues (transition entre deux emplois, réorientation professionnelle, étudiants s’étant ouvert des droits, intérimaires…).

Ne pas confondre toutes les catégories de chômage

On trouve, donc, dans la catégorie centrale du chômage abondamment de gens qui ne sont pas en situation de non-emploi. Et si on regarde la catégorie B, on y trouve les chômeurs qui œuvrent (sic) jusqu’à 78 heures par mois (en contrats précaires). Emploi et non-emploi se mêlent encore plus dans la catégorie C qui rassemble ceux qui besognent plus de 78 heures par mois.

Une semaine réalisant 35 heures, ils sont au-delà de ce qui serait examiné comme une mi-temps, tout en étant statistiquement des sans-emploi ! Additionnons la catégorie D pour les chômeurs en formation, arrêt maladie, convention de classification… Au total, B + C + D = 2,2 millions de personnes en situation de sous-emploi, examinées comme des chômeurs, mais exerçant plus ou moins une activité. Il reste la catégorie E qui cible des contrats aidés, mais aussi les créateurs d’entreprise…, qui sont des chômeurs œuvrant plutôt à plein temps.

A part les sans-emploi de longue durée, emploi et chômage constituent un mix aux multiples nuances. Conglomérer tout ce monde dans la catégorie chômage est indéfendable, car cette catégorie manque l’authenticité des situations de travail ; inadmissible, car en grossissant l’impression de non-emploi, elle mine le moral du pays ; inadmissible, car elle fait planer sur tous les actifs une intimidation diffuse.

Les parachutes dorés des dirigeants de Deutsche Bank passent mal

Alors que la banque licencie 18 000 salariés, son ancien patron et six autres cadres supérieurs se partagent 52 millions d’euros d’indemnités de départ.

Par Publié aujourd’hui à 10h35, mis à jour à 11h02

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Garth Ritchie, chef de la banque d’investissement, s’en va avec un parachute doré de 11 millions d’euros. Ici, le 24 mai 2018 à Francfort.
Garth Ritchie, chef de la banque d’investissement, s’en va avec un parachute doré de 11 millions d’euros. Ici, le 24 mai 2018 à Francfort. ARNE DEDERT / AFP

La douloureuse restructuration de Deutsche Bank, annoncée dimanche 7 juillet par
Christian Sewing, son patron, pouvait difficilement partir sur de plus mauvaises bases. La première banque allemande, en difficulté depuis une décennie et empêtrée dans divers scandales financiers, se séparera de 18 000 salariés d’ici 2022, soit un cinquième des ses effectifs.

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Les salariés ordinaires ne seront pas les seuls à faire les frais de cette réorganisation historique : Deutsche Bank congédie aussi trois membres de son directoire. Mais les conditions du départ de ces derniers, qui quitteront la banque dès la fin du mois, font grincer des dents. Garth Ritchie, chef de la banque d’investissement, Frank Strauss, patron de la clientèle privée, et Sylvie Mathérat, responsable de la conformité et du contrôle interne, se partageront à eux trois 26 millions d’euros d’indemnités de licenciement.

Garth Ritchie, ancien adjoint de Christian Sewing, se taille la part du lion : le Sud-Africain, arrivé à la tête de l’ancienne division vedette de Deutsche Bank en 2016, s’en va avec un parachute doré de 11 millions d’euros, bien qu’il n’ait pas atteint ses objectifs. La dirigeante française recevra pour sa part un pactole de 9 millions d’euros.

« Pillage »

Et ce n’est pas tout. Le quotidien britannique Financial Times a révélé mercredi 10 juillet que Deutsche Bank a déboursé le double de cette somme pour licencier sept dirigeants depuis le printemps 2018. Ces 52 millions incluent les indemnités à payer aux trois directeurs dont l’éviction vient d’être annoncée, mais aussi les 10,9 millions perçus par John Cryan, le prédécesseur de Christian Sewing, limogé en 2019 après trois années tumultueuses aux commandes de l’ancien fleuron bancaire allemand.

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En payant ces sommes astronomiques à des cadres supérieurs évincés après une performance médiocre, Deutsche Bank ne fait qu’appliquer les clauses prévues par leurs contrats de travail respectifs. Mais ces révélations passent mal. « Ces contrats, c’est du gagnant-gagnant pour les cadres », s’émeut Gerhard Schick, directeur de l’ONG Bürgerbewegung Finanzwende.

« Lorsque tout va bien, ils gagnent des millions, et quand ça va mal, c’est pareil. Et des milliers de salariés vont perdre leur emploi ».

Des élus se sont joints au concert de critiques. Lothar Binding, député social-démocrate au Bundestag, dénonce un « pillage ».

Outre-Rhin, l’affaire a de quoi relancer le débat sur les rémunérations des patrons. En février 2017, c’était Volkswagen qui se retrouvait sur la sellette après avoir accordé un parachute doré de 13 millions d’euros à Christine Hohmann-Dennhardt, son ancienne directrice juridique, qui quittait le navire après seulement un an au directoire. En raison de la polémique, le constructeur, qui se serrait la ceinture pour surmonter le scandale des moteurs diesel, a décidé de limiter le salaire de ses dirigeants à 10 millions d’euros par an.

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Santé au travail : les partenaires sociaux échouent à s’entendre

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Voilà un épisode qui va faire ricaner les nombreux contempteurs du paritarisme. Vendredi 12 juillet, le patronat et les syndicats ont constaté qu’ils étaient incapables de s’entendre sur des propositions communes pour transformer le système de santé au travail. Toute la question, maintenant, est de savoir comment le processus va se poursuivre. Le gouvernement était, en effet, censé s’inspirer de leurs échanges pour élaborer une réforme : va-t-il reprendre en main le dossier tout seul ou maintenir le dialogue avec les organisations d’employeurs et de salariés ? Impossible de répondre, à ce stade, le ministère du travail ne voulant « pas faire de commentaire ».

Fin août 2018, l’exécutif avait annoncé sa volonté de remettre à plat le dispositif de prévention des risques professionnels et de la santé au travail, à la suite d’un rapport réalisé par Charlotte Lecocq, députée La République en marche du Nord. Ce document recommandait des changements de grande ampleur afin de rendre le système plus lisible et plus efficace. A la mi-février, le gouvernement avait proposé aux partenaires sociaux d’ouvrir une « réflexion partagée ».

Front commun début juin

Cet exercice s’est donc révélé infructueux. On aurait pourtant pu penser qu’il en aille autrement, puisque syndicats et patronat avaient fait front commun, début juin, pour critiquer les méthodes du gouvernement qui avait choisi de missionner parallèlement plusieurs experts sur le sujet.

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L’objet de la réunion de vendredi était de parvenir à un compromis. Mais « dès le préambule », les désaccords sont apparus trop grands, selon Catherine Pinchaut (CFDT) : « Le patronat refusait de lâcher sur le financement des services de santé au travail interentreprises. » Il voulait que ces entités demeurent « leur pré carré », renchérit Jérôme Vivenza (CGT).

Le rapport Lecocq préconise une « cotisation unique » pour les employeurs, directement recouvrée par l’Urssaf. Un modèle que les organisations d’employeurs rejettent. « Nous sommes favorables à l’idée d’une agence nationale qui tracerait de grandes orientations, mais aux échelons inférieurs, il n’est pas question de mettre en place des structures uniques », confie Eric Chevée (CPME).

« J’espérais que le patronat soit assez mature pour avancer sur le sujet mais ce n’est pas le cas, se désole Mme Pinchaut. Pour un problème de tuyauterie, on va passer à côté de la réforme. » Au Medef, on relativise l’échec : « Il ne s’agissait pas d’une négociation, ni même d’une pré-négociation, mais de dresser un état des lieux des positions en présence. Le fait qu’il n’y ait pas d’accord ne préjuge en rien de la suite. » Possible, mais l’image des partenaires sociaux, elle, risque de s’en trouver un peu plus écornée.

Fonctionnaires d’Etat : Bercy renonce à l’objectif de 50 000 suppressions de postes

Le nombre de postes d’agents de l’Etat ne devrait finalement baisser que de 15 000 sur la durée du quinquennat.

Par Publié aujourd’hui à 15h23, mis à jour à 15h26

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Emmanuel Macron l’avait remis en cause, mais à Bercy, on continuait d’y croire. Alors que se dessinent les arbitrages pour le budget 2020, l’objectif de 50 000 suppressions de postes de fonctionnaires d’Etat sur le quinquennat n’est plus d’actualité : de sources concordantes, l’exécutif table désormais sur 15 000 suppressions d’ici 2022 – confirmant une information des Echos du vendredi 12 juillet.

« Nous fixerons les quantum précis plus tard. Ce n’est rien de plus que l’application des engagements du président de la République du 25 avril sur les écoles et les hôpitaux [l’annonce d’un moratoire sur les fermetures d’écoles et d’hôpitaux jusqu’en 2022]. Ils nous amènent à réviser nos objectifs de réduction des effectifs », explique au Monde Olivier Dussopt, le secrétaire d’Etat chargé de la fonction publique.

« Nous avons toujours dit que nous ne sommes pas dans une logique de rabot. L’idée n’est pas de faire de la compatibilité de suppression de postes, mais de transformer le pays. Nous avons entendu aussi les demandes des Français. Pour le chiffre et la trajectoire précises, ce sera dans le projet de loi de finances [pour 2020] », minimise-t-on dans l’entourage du ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin.

Jeudi matin déjà, dans son discours à l’Assemblée nationale dans le cadre du débat d’orientation des finances publiques, ce dernier avait laissé entendre que les lignes avaient bougé. « Les choix que nous faisons dans ce budget – baisser massivement les impôts, répondre à l’urgence économique et sociale, financer nos priorités – ont un coût, et nous l’assumons pleinement. Cela nous conduit à réviser le calendrier de certains objectifs d’équilibre des comptes, de diminution de l’endettement, ou encore de réduction du nombre d’agents publics », avait indiqué M. Darmanin.

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Revendications des « gilets jaunes »

C’est le chef de l’Etat qui, le 25 avril, lors de sa conférence de presse post-grand débat, avait commencé à lâcher du lest sur l’un de ses objectifs de campagne : supprimer 120 000 postes de fonctionnaires en cinq ans, soit 70 000 dans les collectivités territoriales et 50 000 dans la fonction publique d’Etat. « Au vu de cette sortie du grand débat, il faut qu’on soit réalistes, avait-il justifié. Et donc je demanderai d’ici à l’été au gouvernement de me donner son analyse et de voir si c’est tenable. J’assume totalement, si ce n’est pas tenable, d’abandonner cet objectif. (…) Quand on doit réinvestir dans la sécurité, l’éducation, la justice, je ne vais pas donner des injonctions contradictoires au gouvernement », avait déclaré Emmanuel Macron. Manière de montrer qu’il avait écouté les revendications des Français et de la majorité des « gilets jaunes », qui demandaient plus de services publics.

Hélène Langinier : « Au Luxembourg, des femmes issues des “minorités visibles” sont membres de comités exécutifs »

Dans des pays multiculturels comme le Luxembourg, les femmes d’origine africaine, arabe ou asiatique accèdent à des postes à responsabilité sans commune mesure avec ce que l’on observe en France.

Publié aujourd’hui à 13h23 Temps de Lecture 3 min.

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Tribune. La trop faible diversité des élites françaises est un sujet de préoccupation récurrent. Dans une période où le marché des cadres se tend (moins de 4 % de chômage actuellement), les entreprises françaises vont devoir, elles aussi, modifier leurs pratiques de recrutement et de promotion si elles veulent éviter de se priver de nombreux talents.

Notre recherche menée au Luxembourg montre que les diplômées de l’enseignement supérieur issues de minorités visibles accèdent à des responsabilités sans commune mesure avec ce que l’on peut observer en France (« Understanding shapers of success of female self-initiated expatriates from emerging countries », Hélène Langinier, Aline Pereira Pündrich et Akram Al-Ariss, communication à la conférence annuelle de l’European Academy of Management, 26-28 juin 2019). Dans les cabinets d’audit, par exemple, les postes d’associés ou de directeurs sont, en France, quasi monopolisés par des anciens élèves de quelques grandes écoles, hommes pour la plupart et Blancs pour l’immense majorité. Alors que l’on compte, par exemple, 27 % de femmes parmi les associés des filiales luxembourgeoises des Big 4 (les quatre plus grands cabinets d’audit mondiaux, tous américains) pour une moyenne mondiale de 19 %.

Au Luxembourg, le vivier local est insuffisant pour répondre aux besoins du secteur. Et il n’est pas rare que des femmes « de couleur », d’origine mauricienne ou philippine, par exemple, soient membres de comités exécutifs. Ce qui est impensable dans l’Hexagone.

La France pourrait s’inspirer de ce modèle

Dans des contextes multiculturels de ce type, nos recherches mettent en évidence que le genre, les caractéristiques ethniques et la nationalité comptent beaucoup moins dans le potentiel de réussite professionnelle que la maîtrise de plusieurs langues étrangères, l’aisance à se mouvoir hors de son milieu d’origine grâce au développement de compétences interculturelles et, bien sûr, le niveau d’expertise.

Dans de tels univers professionnels, de haut niveau et très internationalisés, les réseaux, si utiles aux carrières, apparaissent comme particulièrement diversifiés. Les femmes originaires de pays en développement, venues volontairement faire carrière au Luxembourg et ayant accédé à des postes de premier plan, ont une conscience claire qu’elles ont bénéficié de cette ouverture. Elles ont le sentiment de jouer à armes égales avec leurs homologues occidentaux et masculins.

Les freins traditionnels aux carrières féminines, le stéréotype de la mère de famille non investie à fond dans sa carrière, ont certes la vie dure, mais ces femmes « de couleur », issues de pays souvent assez machistes, montrent que ces obstacles peuvent être surmontés.

Retraites : le gouvernement repousse les économies de court terme

Reculer pour mieux sauter ? Un temps envisagée, l’idée de réaliser dès 2020 des économies sur le système de retraites, avant la mise en place du régime universel promis par Emmanuel Macron, semble aujourd’hui écartée. Cette hypothèse avait été explorée durant plusieurs semaines, afin de reconstituer des marges de manœuvre budgétaires, qui s’étaient dégradées sous l’effet des mesures prises en réponse au mouvement des « gilets jaunes ». Finalement, l’exécutif ne devrait pas donner de tour de vis dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour l’an prochain. L’information, révélée par Les Echos, a été confirmée au Monde par plusieurs sources concordantes.

Pour autant, il ne faut surtout pas voir dans cet arbitrage un renoncement. Le gouvernement maintient son intention de réclamer des efforts, mais ceux-ci seront légèrement décalés dans le temps et étalés sur plusieurs années. « La question essentielle à résoudre est de savoir comment on s’organise pour que le futur régime universel de retraites soit fondé en 2025 sur des bases saines », explique un des artisans de la réforme en cours d’élaboration. « L’objectif est de remettre le système actuel à l’équilibre d’ici [six ans], au moment de la bascule [vers le nouveau dispositif] », ajoute un autre fin connaisseur du dossier.

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Publiées en juin, les dernières prévisions du Conseil d’orientation des retraites (COR) ont montré que les comptes de nos régimes de pension, pris dans leur globalité, resteraient dans le rouge à hauteur de 0,4 % du PIB en 2022, ce qui équivaut à un déficit d’environ 10 milliards d’euros. L’enjeu est donc d’atteindre la ligne de flottaison en 2025. « Tout le monde s’accorde sur cette cible, qui est, pour le président de la République et le premier ministre, une condition sine qua non à la mise en œuvre de la réforme », complète cette même source, en précisant qu’une nouvelle concertation sera lancée « sur les modalités pour y arriver » : « Le tout figurera dans le projet de loi retraites en 2020. »

Ne pas « polluer » les municipales

Ce texte est censé s’inspirer des recommandations que Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, doit remettre le 18 juillet. Il les dévoilera aux partenaires sociaux puis au premier ministre, Edouard Philippe. Le projet de loi, lui, pourrait être présenté en conseil des ministres cet automne avant d’être débattu au Parlement en 2020 – peut-être après les municipales prévues en mars, afin de ne pas « polluer » la campagne avec un sujet hautement inflammable.

Pour M. Delevoye, l’absence de mesures dans le PLFSS 2020 peut, à première vue, être analysée comme une victoire. Le haut-commissaire était, en effet, très réticent à l’idée que les paramètres du système actuel puissent être changés à très court terme, dans une optique purement budgétaire : une telle démarche aurait été contraire aux engagements de M. Macron et à ceux que le haut-commissaire a pris vis-à-vis des partenaires sociaux, dans le cadre des consultations menées pendant plus d’un an.

Parmi les pistes d’économies qui ont récemment circulé, il y a notamment l’accélération du calendrier de la loi Touraine de 2014 : ce texte prévoit d’augmenter graduellement la durée de cotisation requise pour obtenir une pension à taux plein en la portant à 172 trimestres en 2035 ; l’un des schémas sur la table aurait consisté à avancer cette échéance de dix ans, en 2025, donc.

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Mises en garde

Autres scénarios à l’étude, auxquels M. Delevoye était hostile : une minoration accrue de la pension de base des salariés du privé qui réclament leur pension avant d’avoir acquis tous leurs trimestres pour le taux plein. Ou encore l’instauration, dès 2020, d’un âge pivot autour de 64 ans (une décote étant appliquée à ceux qui partent avant cet âge). Le haut-commissaire estimait que de tels dispositifs pouvaient provoquer une levée de boucliers et mettre en péril le vaste chantier qu’il pilote depuis l’automne 2017.

Crainte non dénuée de fondement. Ces derniers jours, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, a multiplié les mises en garde : si l’annonce du 18 juillet comporte « une mesure applicable dès 2020, par exemple l’augmentation de la durée de cotisation, la discussion sera terminée », a-t-il déclaré dans Ouest-France, le 7 juillet. Un avertissement qui a sans doute pesé dans la décision de l’exécutif de renoncer à des dispositions paramétriques dans le PLFSS 2020. Un parlementaire macroniste de premier plan observe :

« Si ce choix était confirmé, il serait pour partie la conséquence de la mobilisation des députés de la majorité et des syndicats, très attachés à faire aboutir la réforme systémique promise aux Français. »

Reste maintenant à voir comment les préconisations de M. Delevoye s’inscriront dans cette volonté d’assainir les comptes de nos régimes de pension. « Le haut-commissaire a toujours dit qu’il voulait mettre le système à l’équilibre en 2025, rappelle une source proche du dossier. Cela n’impliquerait pas forcément des mesures d’économies, le choix des mesures n’est d’ailleurs pas du tout acté. » On y verra, peut-être, plus clair le 18 juillet.

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