Le secrétaire général de la CFDT se félicite, dans une interview au « Monde », de « l’ouverture » que constitue, selon lui, le changement de pied d’Emmanuel Macron sur la réforme des retraites.
Dans une interview au Monde, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, se félicite de « l’ouverture » que constitue, selon lui, le changement de pied d’Emmanuel Macron sur la réforme des retraites. Lundi 26 août, sur France 2, le chef de l’Etat s’est éloigné de la proposition du haut-commissaire chargé du dossier, Jean-Paul Delevoye, d’instaurer un âge pivot dans le futur système. Et indiqué qu’il préférerait qu’il y ait « un accord sur la durée de cotisation plutôt que sur l’âge » pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Vous qui souhaitiez mettre l’accent sur la durée de cotisation et non sur l’âge de départ à la retraite, estimez-vous avoir été entendu par Emmanuel Macron ?
Nous disions depuis le début que cet âge pivot était une profonde erreur et une injustice. Le président de la République explique désormais, lui aussi, que ce n’est pas la bonne solution. Tant mieux si nous sommes écoutés. L’autre élément très important annoncé par le chef de l’Etat, c’est le fait que cette réforme ne se ferait pas avant une politique de revalorisation salariale et de revalorisation des métiers de la fonction publique hospitalière et des enseignants. C’est aussi un engagement très fort que nous demandions.
Avez-vous été informé en amont ?
Non. Pas du tout.
A quoi peut ressembler « un accord sur la durée de cotisation » comme l’a indiqué M. Macron ?
Au sens légal du terme, un accord sur une réforme des retraites, ça n’existe pas. Il y a une concertation et les partenaires sociaux s’expriment après sur le texte. Un calendrier sur l’allongement de la durée de cotisation a été fixé en 2014 par la loi Touraine. Il faut s’y tenir.
En indiquant qu’il souhaitait que le système soit à l’équilibre en 2025, le chef de l’Etat a laissé entendre que des mesures paramétriques, c’est-à-dire permettant des économies à court terme, seraient prises avant pour y parvenir…
Depuis le début, nous disons que rien ne justifie d’accélérer cette trajectoire. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes opposés à une mesure paramétrique dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020. Nous ne voulons pas de mesures paramétriques. Nous voulons un système plus juste, plus solidaire, avec des droits nouveaux (pénibilité, retraite progressive, augmentation des basses pensions…).
« Je préfère qu’on trouve un accord sur la durée de cotisation plutôt que sur l’âge. » Interrogé lundi 26 août au JT de France 2 sur la réforme des retraites, Emmanuel Macron a créé la surprise sur le sujet. « Si vous avez un accord sur la durée, si vous commencez plus tard, vous finissez plus tard, et quand vous commencez plus tôt vous partez plus tôt », a-t-il développé, décrivant un fonctionnement proche de ce qui existe aujourd’hui. Avec ces quelques mots, le chef de l’Etat a semblé prendre ses distances avec l’une des principales – mais aussi l’une des plus controversées – recommandations formulées par le haut-commissaire chargé du dossier, Jean-Paul Delevoye, dans un rapport publié le 18 juillet.
Ce dernier avait en effet indiqué que, conformément à la promesse de campagne de M. Macron en 2017, l’âge légal de départ en retraite serait maintenu à 62 ans. Mais pour éviter que les assurés ne partent avec une trop faible pension et afin d’équilibrer budgétairement le système, il avait proposé qu’un âge pivot, également appelé « âge du taux plein » ou « âge d’équilibre », soit créé à 64 ans. Ceux qui décideraient de liquider leurs droits à 62 ans le pourraient toujours mais seraient pénalisés par une décote financière afin de les inciter à travailler plus longtemps. Tous les syndicats ont dit leur opposition à un tel mécanisme, y compris la CFDT, qui refuse l’idée que cet âge soit le même pour tous. « S’il reste tel quel, ce sera niet pour la CFDT », confiait encore récemment son secrétaire général, Laurent Berger, au Monde.
M. Macron a assuré lundi que « rien n’est décidé » – tout en affirmant sa volonté de voir le système à l’équilibre d’ici à 2025 lorsqu’il entrera en vigueur. « Sur [cette] réforme, je veux que l’on incarne le changement de méthode que j’ai souhaité », a-t-il précisé, reconnaissant qu’« il y a beaucoup d’inquiétudes » autour de ce projet qui vise à fusionner les 42 régimes actuels en un système universel. Et d’ajouter : « On va la construire tous ensemble cette réforme. »
Travailler à la ferme contre le gîte et le couvert : ce système de « vacances actives » est en plein essor, explique David Marie, cofondateur de l’association Wwoof France.
Propos recueillis par Eric NunèsPublié aujourd’hui à 07h00
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Des « vacances actives » à la ferme où l’on apprend à faire les foins, planter des semis ou construire des barrières d’irrigation. Le tout pendant une durée limitée, nourri et logé : le wwoofing est en plein essor en France, notamment auprès des jeunes étudiants, explique David Marie, cofondateur de l’association Wwoof France.
Mesurez-vous un attrait croissant parmi les jeunes pour le wwoofing ?
Ce type de vacances actives connaît en effet de plus en plus d’adeptes, qu’ils soient jeunes ou moins jeunes. Les citadins ont un réel besoin de se retrouver face à la nature, de toucher la terre, de s’occuper des animaux, de comprendre comment est produit ce qu’ils ont dans leur assiette. Les étrangers aiment découvrir un pays auprès des locaux, comprendre et vivre la culture et les habitudes françaises, loin des sentiers battus.
Alors oui, il y a de plus en plus de personnes qui tentent cette aventure humaine. A Wwoof France, à la création de l’association française en 2007, nous comptions 1 000 wwoofeurs ; aujourd’hui, ils sont 13 000, et les « jeunes », les 18-35 ans, représentent 60 % d’entre eux. Mais, il y a aussi des retraités, des actifs, des personnes qui se posent des questions sur leur vie professionnelle et qui se disent qu’ils vont partir faire du wwoofing pour voir si la vie dans une ferme leur conviendrait. Et, phénomène intéressant par rapport aux autres pays, en France, la majorité de nos adhérents sont des Français.
Est-ce que le wwoofing est une étape pédagogique visant à s’armer intellectuellement afin d’être en mesure d’expliquer la nécessité d’un changement de société ?
Définitivement oui ! En tout cas, c’est notre expérience de wwoofeur et de ceux que nous rencontrons : on revient en général de ces expériences avec une réelle connaissance du monde de l’agriculture biologique, des circuits courts, de l’autosuffisance (des choses simples comme faire sa propre lessive, par exemple). Souvent, les wwoofeurs découvrent un mode de vie économe en eau, en énergie, et la vraie valeur des choses : on ne jette plus de légumes quand on a sué pour les faire pousser et à les ramasser – l’éveil à la conscience écologique pour ceux qui seraient là un peu plus par hasard… A tous les coups on gagne !
Demander aux wwoofeurs d’effectuer des tâches contre un hébergement et le couvert ne s’apparente-t-il pas à du travail dissimulé ?
En effet, le travail contre logement et couvert s’apparente à du travail dissimulé. Chacun de nos adhérents signe une charte dans laquelle nous dénonçons cette pratique. Pour faire court, le wwoofing est une possibilité d’aller rendre visite à une personne pour l’aider à la ferme, il n’est pas accueilli contre un service mais de façon gracieuse, comme un ami qui vient donner un coup de main. C’est une forme de vacances solidaires, et pas de vacances pas chères, qui s’apparente à de l’entraide agricole.
Professeur émérite à l’Université Côte-d’Azur, économiste à l’Observatoire français de conjoncture économique (OFCE) et membre de l’Institut universitaire de France
Les engagements des entreprises en matière sociale et environnementale visent d’abord à éviter l’intervention de l’Etat dans leur modèle économique, observe l’économiste Jean-Luc Gaffard, dans une tribune au « Monde »
Publié aujourd’hui à 06h00Temps de Lecture 4 min.
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Tribune. Les grands patrons s’inquiètent. Ils veulent endiguer la montée de la protestation sociale. Ils craignent aussi que l’emporte un nationalisme destructeur. Ils ne renoncent pas pour autant au modèle qu’ils ont tant vanté. Ils proposent d’en corriger les effets sans s’attaquer aux causes. Il faudrait pour cela qu’ils reconnaissent de nouveau la fonction régulatrice des Etats, qu’ils abandonnent la mise en concurrence des normes fiscales et juridiques, et qu’ils révisent leur mode de gouvernance. Au lieu de cela, ils préfèrent tenir un discours sur « la responsabilité sociale des entreprises » qui viendrait se substituer à celle d’Etats devenus défaillants.
Le Business Round Table (BRT), qui réunit la plupart des grandes entreprises américaines, propose ainsi de réviser les buts que celles-ci doivent s’assigner : mieux répondre aux attentes des clients, mieux payer les travailleurs et mieux leur permettre d’acquérir de nouvelles qualifications et compétences, traiter de manière équitable et éthique leurs fournisseurs, soutenir les communautés et pays au sein desquels elles exercent leur activité, créer de la valeur à long terme pour leurs actionnaires.
Double crainte
Ce discours témoigne d’une double crainte : celle de voir se développer les guerres commerciales annonciatrices d’un recul de l’activité à l’échelle mondiale ; celle de voir se développer les mesures étatiques de régulation, que ce soit de la part de Donald Trump ou de ses éventuels concurrents démocrates, Bernie Sanders ou Elizabeth Warren.
Les questions à se poser sont de savoir si ces grands patrons sont prêts à renoncer à l’optimisation fiscale et à accepter d’être taxés dans les pays où sont leurs marchés, à renoncer aux bonus extravagants des hauts dirigeants
Dans un cas comme dans l’autre, ce qui est en jeu est d’éviter un retour du politique sur le devant de la scène, que ce soit un autoritarisme et un nationalisme destructeur d’un côté, ou un socialisme libéral de l’autre.
Le dilemme était celui déjà énoncé en 1944 par [l’économiste hongrois] Karl Polanyi (1886-1964), qui évoquait La Grande Transformation (Gallimard, 1983) survenue à la suite de la crise du libéralisme associé au laisser-faire à partir des années 1880. Les grands patrons voudraient échapper à l’un comme à l’autre, et persister dans cette chimère qu’est la neutralité de l’Etat en voulant substituer à sa responsabilité sociale celle des entreprises.
S’il salue l’action globale du gouvernement, le président de l’organisation patronale qui organise mercredi l’université d’été de son mouvement, estime que la crise sociale soulevée par les « gilets jaunes » persiste « en profondeur ».
A la tête du Medef depuis un an, Geoffroy Roux de Bézieux fait sa rentrée, mercredi 28 août, lors de l’université d’été de l’organisation patronale. Rebaptisé « La rencontre des entrepreneurs de France » (La REF), l’événement se tient cette année à l’hippodrome Paris-Longchamp sur deux jours et réunira, entre autres, la ministre du travail Muriel Pénicaud, l’ex-président de la République Nicolas Sarkozy, la fondatrice du magazine Causeur Elisabeth Lévy ou encore Jacline Mouraud, l’une des initiatrices des « gilets jaunes ».
Pourquoi un casting aussi hétéroclite ?
L’idée est de se préoccuper de sujets qui, certes, ne forment pas le quotidien de tous les patrons, mais qui un jour ou l’autre affecteront leur activité, comme la démographie, l’immigration, l’alimentation ou la pauvreté… La REF est le symbole d’un Medef plus ouvert aux débats de société et à la société elle-même. Notre volonté a été de renouer avec le débat démocratique en invitant des politiques, des artistes, des intellectuels qui ne pensent pas comme nous.
Regrettez-vous l’invitation, finalement annulée en juin, faite à Marion Maréchal ?
Non, cela s’inscrivait dans cette idée de débattre avec des gens avec lesquels nous ne sommes pas d’accord. Mais à partir du moment où elle a été vue comme une tribune offerte à Marion Maréchal, comme si c’était sa rentrée politique, ce n’était plus possible. Elle n’était qu’une invitée qui devait débattre avec d’autres du populisme.
Il est positif, même si les signaux économiques s’avèrent contradictoires, entre des indicateurs corrects en France et une inquiétude sur le plan international. Sur ce dernier point, je suis convaincu qu’une défaite de Donald Trump en 2020 ne changerait en rien la trajectoire de confrontation entre les Etats-Unis et la Chine pour le leadership mondial. Nous sommes entrés pour plusieurs années au cœur d’une guerre froide économique où le consensus pour soutenir la croissance mondiale a volé en éclats. L’Amérique pense qu’elle peut se suffire à elle-même grâce à une forte croissance domestique, tirée par des incitations fiscales. L’Europe est l’espace qui a le plus à souffrir de ce nouvel ordre mondial car elle reste la plus dépendante aux exportations, au moment où elle est déjà confrontée à la sortie du Royaume-Uni.
Pourtant la croissance française tient…
A court terme, oui. La France est moins exportatrice que l’Allemagne, par exemple, et nous bénéficions des efforts réalisés ces dernières années, entre le pacte de responsabilité de 2015 et les réformes du marché du travail en 2017. Le climat des affaires reste favorable, le gouvernement faisant globalement confiance aux chefs d’entreprise, même s’il a parfois des injonctions contradictoires. L’objectif de 7 % de taux de chômage apparaît désormais crédible. Certes, cela n’empêche pas les problèmes. Même si les inégalités réelles sont moindres en France qu’ailleurs à cause du système redistributif, le sentiment d’inégalité se révèle élevé, comme l’a prouvé le mouvement des « gilets jaunes ». La bonne nouvelle pour nous, c’est qu’il n’a pas remis en cause l’agenda de réformes du gouvernement.
Entrepreneur et militant associatif, Franck Renaudin accuse, dans une tribune au « Monde », les grandes sociétés de cacher sous le discours de la « responsabilité sociale » l’absence d’un véritable changement de modèle économique.
Publié aujourd’hui à 08h53Temps de Lecture 4 min.
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Tribune. Dans l’histoire de l’humanité, autant de responsabilités auront-elles jamais pesé sur les épaules de quelques hommes et femmes ? Ces épaules, ce sont celles des actionnaires et dirigeants de grandes entreprises : ils sont la courroie de transmission d’un système qui a atteint les limites de la biosphère terrestre. Mais ils ne donnent pas le sentiment d’avoir compris l’urgence de le réformer en profondeur.
Quand on les interroge sur leur compréhension des menaces qui pèsent sur notre planète, leurs discours sont toujours rassurants. Bien sûr, ils agissent pour un meilleur respect de l’environnement ! Bien sûr, leur entreprise est socialement responsable, et ils peuvent nous en donner maintes illustrations. Leurs pratiques sont plus transparentes, leurs fournisseurs sont passés au crible d’un cahier des charges exigeant, ils recrutent des personnes en situation de handicap ou en réinsertion, ils pratiquent la compensation carbone.
Pillage
Mais, rarement, ils remettent en cause leur cœur de métier et leur modèle économique, quand bien même ceux-ci contribuent au pillage des ressources de notre planète.
Sur la question des approvisionnements, les entreprises s’abritent derrière des certifications dites responsables, qui n’ont de responsable que le nom ! Elles donnent bonne conscience aux acteurs qui disposent des moyens d’en financer le surcoût, et ne règlent en rien le problème majeur : cette pression croissante sur des écosystèmes à bout de souffle.
L’heure n’est plus à la conquête de parts de marché
Que d’industriels ou de start-up font l’éloge d’avancées technologiques qui permettent de proposer, à moindre coût, des produits plus performants et accessibles à tous. Quitte à générer ainsi une demande exponentielle impactant négativement ces écosystèmes !
On continue à nous vendre du rêve, du superflu, de l’obsolescence programmée. Ces acteurs de l’économie ont-ils compris qu’il n’y a qu’un seul combat qui vaille : celui de la survie de l’humanité tout entière, unie contre la destruction d’une grande partie des espèces vivantes ? L’heure n’est plus à la conquête de parts de marché. Elle est à la remise en cause profonde et immédiate de notre modèle économique !
Un premier pas, trop isolé
Si ces dirigeants et actionnaires étaient conscients de l’urgence de sortir de cette boulimie prédatrice, et sincères dans cette quête d’un monde durable, ils seraient les premiers à incarner une meilleure répartition des richesses. Or en 2018, les patrons du CAC 40 ont gagné en moyenne 306 fois le smic, triste record…
L’avocat, dans une tribune au « Monde », rappelle que la maximisation de la valeur actionnariale, fruit d’une idéologie économique, n’a jamais été inscrite dans le droit des sociétés, ni aux Etats-Unis ni en France.
Publié aujourd’hui à 06h30Temps de Lecture 4 min.
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Tribune. Des dirigeants d’entreprises membres de la Business Round Table (BRT),qui réunit près de 200 sociétés dont le chiffre d’affaires combiné atteint 7 000 milliards dedollars (6 317 milliards d’euros), ont signé le 19 août une « Déclaration sur les fins de l’entreprise » dans laquelle ils s’engagent à fournir de la « valeur à leurs clients », à « investir dans leurs salariés », à « traiter éthiquement et de façon juste leurs fournisseurs », à « soutenir les communautés dans lesquelles elles travaillent » et à « protéger l’environnement et générer de la valeur à long terme pour les actionnaires ». Cela ne mange pas (trop) de pain, et on supposera généreusement qu’il fallait faire basique pour rassembler.
Cette déclaration intervient alors que les disparités de revenus n’ont jamais été aussi élevées et que le bouleversement climatique fait partie de notre réalité quotidienne. Face aux nuages qui s’accumulent, aux menaces de régulations brandies par les démocrates, et à une probable récession dans les mois à venir, le moment était probablement venu de changer de religion : le revirement est majeur pour la BRT, puisque sa « déclaration sur la gouvernance d’entreprise » de 1997 préconisait au contraire de maximiser la richesse des actionnaires.
Encore plus en loin en arrière dans le temps !
Pourtant, cette déclaration ne fait rien d’autre que nous ramener encore plus en loin en arrière dans le temps ! La BRT a procédé à de nombreuses consultations pendant près d’un an. Elle aurait mieux fait de consulter ses archives. En 1981, elle avait publié une brochure de 14 pages intitulée « Déclaration sur la responsabilité d’entreprise » dont le paragraphe conclusif affirmait que « les responsabilités d’une entreprise mettent en jeu la manière avec laquelle elle est gérée au quotidien. Il faut qu’elle se comporte en institution réfléchie qui s’élève au-dessus des considérations de rentabilité pour prendre en compte l’impact de son action sur tous, des actionnaires à la société dans son ensemble. Ses activités entrepreneuriales doivent avoir un sens social tout comme ses activités sociales doivent avoir un sens économique ».
La Cour de justice de l’Union européenne a condamné une compagnie aérienne à dédommager deux voyageurs qui avaient subi des retenues sur salaire à la suite du retard d’un avion.
Alors que les vacanciers se pressent dans les halls d’embarquement des aéroports pour reprendre le travail, voilà une nouvelle qui pourra les intéresser. Dans un arrêt récent, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a condamné une compagnie aérienne à indemniser deux de ses passagers, non seulement en raison du retard de leur vol, mais aussi pour la perte de salaire qu’ils ont subie à la suite de jours de travail manqués.
De nationalité roumaine, ces voyageurs avaient réservé deux billets d’avion en septembre 2016 auprès de la compagnie Blue Air pour rejoindre Londres, où ils travaillent. A l’aéroport, ils apprennent que leur embarquement est annulé, faute de sièges disponibles. Les deux passagers ont été réacheminés sur un autre vol assuré par Blue Air seulement quatre jours après, alors qu’ils devaient reprendre le travail bien avant.
En guise de compensation, Blue Air leur a offert une indemnité de 400 euros par personne, conformément au droit européen. En effet, le règlement n° 261/2004 prévoit que les passagers d’un vol au départ ou à destination d’un aéroport européen ont droit à une indemnisation en cas de vol annulé ou retardé allant de 250 à 600 euros selon la distance, sauf en cas de circonstance exceptionnelle (conditions météorologiques, attentat…).
Mais les requérants ont estimé que leur préjudice dépassait largement le montant de cette compensation. En effet, ils n’ont pas pu honorer leurs engagements professionnels à la suite de leur retard, ce qui leur a occasionné des retenues de salaire. Une procédure de licenciement, qui s’est finalement soldée par un blâme, a même été ouverte à l’encontre de l’un d’entre eux.
Les deux passagers ont alors saisi la justice roumaine, mais le tribunal de première instance de Bacău a rejeté leur demande d’indemnisation complémentaire au titre du préjudice professionnel. Le couple a fait appel devant le tribunal de grande instance, qui a décidé de s’en remettre à la Cour européenne de justice.
Obligation d’information
La plus haute juridiction de l’Union européenne en matière de droit a finalement donné raison aux deux passagers. « Une telle perte de salaire doit être considérée comme un préjudice pouvant faire l’objet de l’indemnisation complémentaire [elle s’ajoute à l’indemnité forfaitaire dont peuvent bénéficier tous les passagers victimes d’un retard de vol ]», a tranché la CJUE.
« Un pompier qui rentre en disant : “Aujourd’hui, je ne me suis pas fait insulter”, ça n’existe plus. » Comme la plupart de ses collègues, Sébastien Delavoux, pompier et membre de la Confédération générale du travail (CGT) des services départementaux d’incendie et de secours, en a ras le bol. En grève depuis le 26 juin (mais tenus d’assurer un service minimal), les soldats du feu veulent attirer l’attention sur le manque de moyens et la hausse des agressions à leur encontre. Entre 2008 et 2017, le taux d’agressions déclarées a en effet augmenté de 213 % d’après l’Observatoire de la délinquance et des réponses pénales ; un chiffre impressionnant qui ne différencie cependant pas les crachats des coups de couteau. « Les violences sont de plus en plus déclarées » à la police, ce qui les rend plus visibles, tempère Quentin de Veylder, pompier professionnel à Roubaix et membre de la CGT, deuxième syndicat chez les sapeurs-pompiers. Pour autant, les pompiers que nous avons interrogés sont unanimes : ces attaques sont de plus en plus fréquentes et de plus en plus violentes.
« Il y a dix ans, les violences étaient limitées aux zones urbaines sensibles, mais aujourd’hui il y en a même en Lozère ! »
« Un jour, on est intervenus sur un feu de voiture et des personnes nous ont balancé une machine à laver du 10 ou 11e étage ! », rapporte à titre d’exemple M. Veylder. L’agression n’a fait aucun blessé car les soldats du feu étaient à l’affût, habitués à des violences dans certains quartiers et dans certaines circonstances difficiles, comme lors d’émeutes urbaines. Mais ces situations se généralisent. « Il y a dix ans, les violences étaient limitées aux zones urbaines sensibles mais aujourd’hui il y en a même en Lozère ! », s’indigne à son tour André Goretti, président de la Fédération autonome des sapeurs-pompiers de France, premier syndicat de la profession.
L’adjudant-chef Jérôme Cailleau, pompier professionnel dans l’Essonne depuis 1997 confirme : « Les violences existaient mais elles prennent de l’ampleur. Récemment, je me suis surpris à remercier les gens qui agissent normalement. C’est là qu’on voit qu’il y a un vrai problème. » En novembre 2018, il part en intervention pour un feu de voiture dans un parking aérien. Alors qu’ils évacuent des personnes, un homme les insulte et leur crache au visage. « J’ai essayé de le calmer, mais ça n’a pas marché. Il s’est baissé et m’a mis un coup de boule dans la pommette, juste sous le casque », relate-t-il. Victime d’une névralgie et d’une infection, Jérôme Cailleau fait un malaise chez lui le lendemain.
Pour les pompiers interrogés, cette hausse des violences est la conséquence de plusieurs dysfonctionnements. « Le système est essoufflé parce qu’on doit assumer des missions qui ne sont pas les nôtres. Il faut trouver quelqu’un et ce quelqu’un, c’est systématiquement les pompiers », dit en soupirant Sébastien Delavoux.
Avec seulement 16 % de professionnels, les pompiers sont logiquement moins touchés par les économies gouvernementales et une large partie de leur mission de secours repose donc sur les volontaires, qui composent 80 % du corps de métier – les 4 % restant étant les 12 500 pompiers militaires de Paris et de Marseille.
Bien souvent, les soldats du feu ont donc la sensation de devoir pallier le manque d’effectifs de leurs collègues policiers… qu’ils doivent pourtant appeler en renfort quand la situation est dangereuse. « Quatre-vingt-dix pour cent du temps, les policiers arrivent après nous… Quand ils arrivent », lâche André Goretti. Un constat que partage Quentin de Veylder, qui dénonce le manque d’effectifs policiers dans sa ville de près de 100 000 habitants : « A Roubaix, la nuit, les policiers ne sont parfois que quatre, soit une patrouille seulement ! »
« Chacun son métier, je suis pompier, pas policier ou judoka. Pendant qu’on doit se battre avec des gens, on ne remplit pas notre mission principale »
A cause du manque d’effectifs policiers, les sapeurs-pompiers se retrouvent régulièrement à devoir gérer des cas d’ivresse sur la voie publique, de rixe, de patient psychologiquement instable ou encore de violences conjugales. Des situations explosives et difficiles à appréhender, surtout qu’en cas de déplacement en ambulance, leurs tenues – polo et pantalon – ne les protègent pas des violences. André Goretti se souvient d’une intervention où ils étaient venus secourir une femme battue : « Le mari n’a pas apprécié et un de mes collègues s’est pris une châtaigne. »Une situation similaire avait été médiatisée en 2017 quand quatre frères ont attaqué avec des barres en fer et des marteaux une équipe qui tentait de secourir une jeune femme, étranglée par son ex-compagnon. Les pompiers ne sont pas toujours correctement formés à ces missions, qui ne sont, originellement, pas dans leurs prérogatives.
Manque de respect quotidien
Pour tenter d’éviter des accidents dramatiques, les casernes s’organisent. Dans le Val-d’Oise, neuf d’entre elles vont doter leurs équipes de caméras piétons pour une expérimentation dès septembre et, dans d’autres départements, les soldats du feu prennent des cours de self-défense. Des mesures qui ne font pas l’unanimité. « Chacun son métier, je suis pompier, pas policier ou judoka. Pendant qu’on doit se battre avec des gens, on ne remplit pas notre mission principale », s’agace Quentin De Delveyre, qui préconise plus de moyens pour sa profession mais aussi pour le milieu médical.
« Avec la désertification médicale, quand quelqu’un appelle le 15, le SAMU ne trouve pas de médecin de nuit. Alors au bout d’une heure, une heure trente, le SAMU nous sollicite. Le temps qu’on arrive, les gens sont épuisés par le délai. Souvent, les violences verbales viennent de là », explique André Goretti. Arrivés aux urgences – autre service public en grève –, le problème continue à cause du manque de lits, éreintant des patients déjà à bout de nerfs.
Les incivilités se multiplient à leur égard alors qu’eux se voient justement comme « le dernier rempart face à la détresse »
Outre les dysfonctionnements, « les pompiers ont la sensation de ne jamais être respectés », affirme Sébastien Delavoux. Les incivilités se multiplient à leur égard alors qu’eux se voient justement comme « le dernier rempart face à la détresse ». « On ne nous laisse plus passer avec le camion quand on intervient, les gens nous font des doigts d’honneur », dit en soupirant Jérôme Cailleau, qui admet ne plus « écrire la plaque pour porter plainte », trop habitué à ces comportements.
Dans un rire jaune, il relate le dernier épisode en date : « Il y a trois jours, on est intervenus pour une crise cardiaque dans un magasin. Une dame nous a engueulés parce qu’elle voulait des citrons et qu’on était dans le passage en train de faire un massage cardiaque. » Pour l’adjudant-chef, « la violence des gens est inversement proportionnelle à leur exigence » et plus les pompiers se démènent pour être à la disposition de la population, plus la population semble croire qu’ils sont « corvéables à merci ». Un dévouement qui risque de se raréfier, car, pour la première fois en 2018, le concours de professionnalisation des pompiers proposait plus de places que de candidats.
Les pompiers en grève, une souffrance invisible
85 % des 40 500 pompiers professionnels de France étaient signataires du préavis de grève envoyé le 25 juin au ministre de l’intérieur, Christophe Castaner. Ils demandent notamment un « recrutement massif » pour combler les besoins et « une revalorisation de la prime de feu à 28 % », comme la prime de risque des gardiens de la paix. Aujourd’hui, la prime de feu, qui n’a pas été revalorisée depuis 1990, représente 19 % de leur rémunération brute, hors indemnités. Epuisés, ils voudraient aussi que leurs gardes soient de douze heures au lieu de vingt-quatre heures (payées dix-sept).
Cette grève est passée relativement inaperçue au cœur de l’été car, comme le personnel hospitalier, les pompiers sont tenus à une obligation de service minimum. Comme aux urgences, les grévistes ont dû se contenter de brassards « En grève » et d’actions surtout symboliques comme des inscriptions sur les camions et les murs des casernes.
Interrogé à ce sujet à l’occasion du G7, le ministre de l’intérieur s’est défaussé sur les collectivités locales. Ce sont les services départementaux d’incendie et de secours « qui les payent, ce sont les départements et les communes qui les payent, donc il n’est pas question pour moi de décider pour le compte d’autres qui sont parfaitement légitimes », a tranché le ministre. Les syndicats dénoncent cette rhétorique et accusent les départements et le ministère de se renvoyer la balle depuis des années.
BP2S va perdre 20 % de ses effectifs dans l’Hexagone d’ici à 2021. Le groupe empresse les transferts de postes vers des pays à moindres coûts salariaux, surtout en Portugal.
La chasse aux économies, à l’œuvre dans toutes banques européennes, ne va pas consommer les salariés de BNP Paribas. La banque avait d’ailleurs envoyé des signaux en ce sens en début d’année, à l’occasion de la présentation de ses comptes annuels. Après avoir annoncé, le 6 février, des résultats en repli et l’exigence de revoir à la baisse une partie des objectifs financiers de son plan stratégique à l’horizon 2020, BNP Paribas avait promis un programme de diminution de coûts de plusieurs centaines de millions d’euros.
C’est dans cette situation que le groupe a prévenu, au niveau interne, une importante diminution des effectifs implantés en France de sa filiale BP2S (BNP Paribas Securities Services). Cette entité joue le rôle de banque des investisseurs institutionnels – gestionnaires de fonds, assureurs, fonds souverains, fonds de pension, banques et entreprises. Le métier demeure amplement inconnu du grand public, mais il sous-tend les investissements de ces mastodontes, en assurant la gestion de leurs comptes titres, en conservant leurs actifs et en traitant leurs opérations, après la négociation de leurs transactions sur les marchés.
Questionnée, la banque relate vouloir avertir la compétitivité de BP2S, « confrontée à une pression concurrentielle mondiale accrue et à un contexte de taux bas »
Sur ce créneau, BNP Paribas prétend le rang de cinquième acteur mondial, et de « premier non américain », avec près de 13 000 milliards d’euros d’actifs en prestance et sous administration. Le groupe a pourtant décidé de remodeler cette activité dans l’Hexagone. Le programme « Diamond » (« diamant ») pressent de passer de 2 531 postes fin 2018, à une fourchette comprise entre 1 985 et 2 085 collaborateurs en 2021, soit une réduction de 446 à 546 postes en trois ans, et donc une baisse d’environ 20 % des effectifs, selon un document dont Le Monde a obtenu copie. Les salariés ont été prévenus à l’issue d’un comité d’entreprise qui s’est tenu le 5 juin.
Dans un message qui leur a été envoyé, la direction affection que « cette évolution des effectifs en France est rendue essentiel par la forte pression sur notre accordeur d’exploitation [cet indicateur mesure la part des gains réalisés par l’établissement absorbée par les coûts fixes] et le durcissement des conditions de marché ». Consultée, la banque exprime vouloir préserver la compétitivité de BP2S, « confrontée à une pression concurrentielle mondiale accrue et à un contexte de taux bas ».