Comment assurer le repos de l’employé
Avec les nouvelles technologies, il est de plus en plus compliqué de calibrer le temps réel passé au travail, déclare le professeur Jean-Emmanuel Ray dans sa chronique.
Les vacances rapprochent… mais plusieurs sont les laborieux intellectuels emportant leur portable professionnel pour s’ajuster habituellement. Acmé de la servitude volontaire ? Un siècle après la loi française du 24 avril 1919 sur la semaine de 6 × 8 = 48 heures, la Cour de justice de l’Union européenne (UE) a rendu, le 14 mai, un arrêt en forme de rappel à l’ordre : « Le droit de chaque travailleur à une borne de la durée maximale du travail et à des périodes de repos constitue une règle du droit social de l’Union revêtant une importance particulière, consacrée à l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union. »
Elle en retient le devoir de mettre en place « un système objectif, assuré et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier accompli par chaque travailleur ». Pour la rémunération des heures littéralement « supplémentaires », mais aussi pour soutenir le temps minimal de repos journalier de onze heures (donc une amplitude de travail de treize heures au maximum), et de repos hebdomadaire de trente-cinq heures.
Rien de nouveau en France : en dehors des usines ou grands magasins aux horaires collectifs, en cas de contrôle de la consultation du travail, l’entreprise doit pouvoir réhabiliter du temps de travail de chacun de ses assistants.
La mesure du temps de travail
Fécondée pour le modèle militaro-industriel et son tout-collectif (lieu, temps, action), le certificat horaire permettait de fixer la rétribution, mais aussi de mesurer la charge de travail forcément réalisé dans l’entreprise : impossible alors d’emporter six portes de 2 CV pour les terminer à la maison. Mais avec Internet, le cloud et le développement du travail à distance, elle est inadéquate à l’économie digitale où le travail a le don d’ubiquité, et rend très poreuse la frontière vie professionnelle-vie personnelle.
En ne tenant guère compte de ces nouvelles formes de distribution et des pratiques digitales des jeunes générations, le droit du travail met des employeurs de bonne foi en outrage. Ce qui les incite à avoir recours à des indépendants.
Admise par une dérogation figurant dans la directive collectif de 1993, la révolution du « forfait jour » de janvier 2000 engendrait un réaliste aveu. Pour les cadres « disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps » (commerciaux, consultants…), souvent nomades et se connectant n’importe où et n’importe quand, il est impossible de décompter à la minute près leur durée de travail ; et eux-mêmes ne détestent pas maintenir une certaine opacité sur leur « emploi du temps ». Alors, plutôt que de bâtir une belle usine à gaz, par accord collectif la naissance peut devenir la référence. Côté travail (maximum 218 jours par an), mais aussi côté diminution de ce temps.