Archive dans mai 2019

« Sorry We Missed You », Ken Loach immortel sismologue des désorganisations sociaux

Ken  Loach, le 16 mai, à Cannes.
Ken  Loach, le 16 mai, à Cannes. PAOLO VERZONE / AGENCE VU POUR « LE MONDE »

Sélection officielle – En compétition

Le cinéaste anglais arrive de nouveau à mettre en scène le conflit entre le jargon évanescent des nouvelles formes de l’économie et ses conséquences sur les corps et les esprits.

L’une des centenaires dames chez qui Abby –l’héroïne de Sorry We Missed You–, travaille, était cantinière durant la grande grève des mineurs de 1984, dont l’ouverture scella la victoire du gouvernement conservateur britannique sur les syndicats. A son aide à domicile, payée selon le système du zero hour contract (« pas de durée minimum du travail », le salarié est porté de se tenir vacant à toute heure de la journée), la retraitée isolée par les siens, expose la solidarité et la lutte comme un guerrier sioux parqué dans sa réserve aurait pu informer les migrations des bisons aux enfants incrédules de sa tribu.

Voilà des décennies que Ken Loach retenue l’onde de choc du big bang libéral. Il a chroniqué la corrosion, puis la résolution de la solidarité ouvrière, la fuite de la vie sociale, le remplacement des illusions consuméristes aux utopies collectives. Sorry We Missed You prend acte de la dernière étape du processus, le changement du salariat par la gig economy qui fait des travailleurs – ici les chauffeurs d’un centre de livraison de colis – des sous-traitants du commanditaire qui leur impose des obligations de productivité draconiennes, les laissant affichés à tous les aléas de leur métier, de le bassin à l’accident.

Si l’on a passé dans la Grande-Bretagne de Ken Loach et Paul Laverty, son scénariste patenté, on sait bien que de l’instant où Rick (Kris Hitchen) se laisse saisir au clappement de Maloney (Ross Brewster) le patron de la plate-forme de livraisons, qui lui fait croire qu’il apaise d’acheter une camionnette pour rattacher avec la prospérité, le pauvre homme et sa famille sont promis au malheur. C’était vrai de Daniel Blake, le héros solitaire du précédent film de Loach, Palme d’or en 2016, qui tentait de garder son humanité face à un Etat-providence devenu monstre orwellien.

Dévastation de la vie quotidienne

Et Sorry We Missed You commence de la même manière que son devancier, par une description minutieuse du système dans lequel le héros s’est chargé (car comme le dit en substance le terrifiant Maloney, qui a trouvé en Ross Brewster, acteur apprenti, un interprète idéal, ici on monte à bord, on n’est pas engagé). Loach sait comme personne mettre en scène la contradiction entre le langage désincarné des nouvelles formes de l’économie et ses effets sur les corps et les esprits.

Abbie, invoquée plus haut, est l’épouse de Rick. Du moment où son mari se laisse happer, dans l’espoir de pouvoir acheter un pavillon après avoir rétribué la camionnette, par une vie quotidienne où le repos n’existe pas, leur descendance (un adolescent, une petite fille) est à son tour tourmentée.

Comment s’habille-t-on pour aller travailler ?

Le semestriel s’incline, dans son numéro d’avril, sur les habits portés en fonction de la norme exigée par le milieu professionnel, mais aussi de l’image que l’on veut remettre.

La revue des revues. Dans son numéro d’avril, la revue semestrielle Travail, genre et sociétés étudie les « habits de travail », du costume-cravate du cadre à l’uniforme de policier en allant par la tenue du groom hôtelier. « Examiner les habits des travailleuses et des laborieux en activité et la façon dont ils sont portés permet d’enquêter sur les normes qui traversent les groupes professionnels », étalent dès leur introduction les chercheuses Juliette Rennes et Lise Bernard ainsi que la professeure de sociologie et directrice adjointe de la revue Clotilde Lemarchant. L’habit de travail est, à leurs yeux, le point de jonction entre ce qui remplacement du public – les normes, les règles et les valeurs d’un milieu professionnel – et ce qui relève de l’intime – l’engagement, le retrait, l’adhésion ou la résistance de ceux qui œuvrent.

Travail, genre et sociétés ne se rassure pas d’étudier la tenue en tant qu’elle est perçue, mais, et c’est peut-être ici que se loge son originalité, en tant qu’elle est portée : elle entend donner « une place centrale à l’expérience de s’habiller pour le labeur et d’être jugé sur sa tenue ». Loin de n’étudier que l’uniforme ou le bleu de travail, cette revue, née en 1999 et issue de l’association de recherche MAGE (Marché du travail et genre en Europe), créé par le CRNS, étudie la part de représentation inhérente au vêtement dans le milieu professionnel, véritable « support par lequel les organisations professionnelles transmettent une image d’elles-mêmes ».

L’uniforme des policières

La professeure d’histoire sociale contemporaine Louise Jackson retrace ainsi l’apparition des femmes policières en Grande-Bretagne, par conséquence de la première guerre mondiale. Leur uniforme, au début pratiquement identique à celui de leurs collègues masculins, s’est féminisé à mesure que leur rôle apparaissait légitime. Les policières étant graduellement perçues comme expertes pour aborder les enfants et les femmes, notamment les prostituées, leur uniforme a évolué afin qu’elles puissent être mieux identifiées. Elles sont ainsi devenues les seules femmes à être en droit de « stationner » dans la rue sans que leur bonne moralité soit mise en doute.

Dans un article consacré à l’instrumentalisation du vêtement dans le monde politique, la professeure de sciences politiques Frédérique Matonti considère quant à elle le costume et le tailleur comme les emblèmes spécifiques d’un métier qui ne s’avoue que rarement comme tel – on parle plutôt de vocation. C’est singulièrement dans cet univers qui attache de moins en moins d’importance au protocole – il suffit de penser à l’évolution des portraits officiels des présidents et à l’abandon progressif des médailles et autres décorations, jusqu’à la remise en question de la cravate à l’Assemblée – que « la pression au conformisme et la surveillance ont augmenté ». La manière des élus, hommes et femmes, doit aussitôt répondre à une double exigence : montrer et se différencier.

Dans la vie, on ne fait pas continuellement ce qu’on veut pour x raisons, il faut s’ajuster surtout aux besoins du marché du travail et saisir les bonnes circonstances

Les 22 000 « départs naturels » chez France Télécom enseignés par Didier Lombard durant l’audience

Cécile Louis-Loyant et ses assesseurs, lors du procès France Télécom.
Cécile Louis-Loyant et ses assesseurs, lors du procès France Télécom. ERWAN FAGES

Le chiffre annoncé par le PDG en 2006 était-il une simple « prévision » ou une « cible » qui a collaboré au climat nuisible qui gouvernait dans l’entreprise ?

Au début, il faut dire un mot de la présidente du tribunal, Cécile Louis-Loyant. De son obstination à concevoir et de son humilité à dire ce qu’elle ne conçoit pas. Le tout donne une conduite des débats à la fois ouverte et incommode, qui s’est encore vérifiée, jeudi 16 mai, au septième jour d’audience de France Télécom.

La question du jour approchait la clé de voûte de ce dossier : le chiffre de « 22 000 départs naturels » sur 120 000 salariés avisé par Didier Lombard à la presse et aux milieux financiers le 14 février 2006. Etait-il une simple « prévision », réalisée sur les évaluations des années précédentes comme le supportent les prévenus ? Ou constituait-il une « cible » à atteindre coûte que coûte, qui a résolu la mise en place d’une stratégie d’entreprise « visant à attaquer les salariés et agents et à créer un climat professionnel anxiogène », comme le soutiennent les juges d’instruction qui ont déterminé le renvoi de M. Lombard et de six autres ex-responsables de l’entreprise pour harcèlement moral ou connivence de ce délit devant le tribunal correctionnel ?

« D’où sort ce chiffre de 22 000 départs naturels, Monsieur Lombard ?, sollicite la présidente.

– A l’automne 2005, il fallait que j’aie un ordre de grandeur. J’ai demandé un chiffre prévisionnel à la direction financière et c’est comme ça que ce chiffre est arrivé.

– A la direction financière ?, s’étonne Cécile Louis-Loyant. Pourquoi ne l’avez-vous pas demandé à la direction des ressources humaines ?

(“Ah !”, murmure le public de parties civiles et de délégués syndicaux.)

– La direction financière faisait la synthèse… »

(“Oh !”, s’étonne le public.)

Didier Lombard retire son explication.

« Ce chiffre ne m’a pas heurté. Tout cela vient du surrecrutement qui a eu lieu dans les années 1970 et 1980. Ces personnels parvenaient à la fin de leur carrière. Il faut aider le cours de l’histoire. En 1974, il y avait six millions de lignes téléphoniques en France. Sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, il a été décidé d’en ouvrir vingt millions en deux ans. Il a donc fallu recruter en urgence de personnes additionnelles. On a créé des concours sur titre de manière dérogatoire. Puis, en 1981, il a fallu amener la fibre dans les grandes villes. Les municipalités ont créé des sociétés locales d’exploitation du câble, mais le service ne suivait pas. Du coup, tout le personnel de ces sociétés a été récupéré par France Télécom. Si vous regardiez la pyramide des âges de l’entreprise, vous voyiez qu’elle était boursouflée. J’ai donc réfléchi que cette génération était encore là.

« Handicap et Travail »

« Handicap et travail de Anne Revillard, aux éditions des presses de Sciences Po, 120 pages, 9 euros. »
« Handicap et travail de Anne Revillard, aux éditions des presses de Sciences Po, 120 pages, 9 euros. »
Dans son essai « Handicap et Travail » Anne Revillard décrit les ressorts de la désocialisation des personnes en condition de handicap sur le marché d’emploi et les perspectives pour la standardisation du handicap au travail.

Faut-il développer l’assimilation du handicap dans le monde du travail ou rendre le monde de l’entreprise abordable à tous, autrement dit inclusif ? Dans le bref essai Handicap et travail, Anne Revillard, professeure associée en sociologie à Sciences Po, décrit les dynamismes de la désocialisation des personnes en situation de handicap sur le marché du travail, expose l’expérience du handicap au travail et lamente la carence d’appréciation des politiques de l’emploi. Son propos ? Développer la normalisation du handicap au travail.

La loi du 10 juillet 1987, a établi l’obligation d’emploi de personnes en situation de handicap. Dans un premier temps, les grandes entreprises ont privilégié payer la sanction financière prévue pour ceux qui ne respectaient pas le quota de 6 % d’emploi « handicapé » dans leur effectif. « Le taux d’emploi est strictement corrélé à la taille de l’établissement », note l’auteur.

Le secteur défendu qui vend aux entreprises sa production accomplie par des personnes en situation de handicap peignait une bonne part de l’« emploi handicapé ». « 44 % des établissements avaient [en 2013] recours à l’emploi indirect », définit Anne Revillard. Puis avec la loi du 11 février 2005, les entreprises ont assimilé des initiatives « handicap » dans le cadre d’accords agréés.

Approche catégorielle impuissant voire toxique

La part de personnes en condition d’handicap assimilées à l’effectif a légèrement augmenté. Mais le bilan global reste très faible avec un taux de chômage de 19 % et un taux d’emploi à 35 %. Les politiques de l’emploi veulent aussitôt mettre l’accent sur l’inclusion en incitant les entreprises à embaucher les handicapés pour travailler en milieu ordinaire.

A travers un état des lieux des politiques d’insertion professionnelle, la sociologue décrit en quoi l’approche catégorielle peut être est inefficace voire toxique, pour l’insertion comme pour le maintien en emploi. « L’appui nécessaire à la prévention de la désinsertion professionnelle doit intervenir de façon précoce », mentionne la sociologue.

Or, le laborieux handicapé n’y a droit qu’une fois qu’il est évidemment reconnu comme tel, via la procédure de reconnaissance qui prend plusieurs mois. Envisager le handicap « comme une variation du conduite humain » ouvrerait de nouvelles pistes à l’action officielle, ajoute-t-elle, surtout sur la question de « la progression professionnelle », de temps à autre abordée pour les personnes en situation de handicap.

 

Les dirigeants doivent calibrer « le temps de travail journalier »

Les pointeuses vont-elles se multiplier dans les entreprises ? Voilà l’une des questions qui vient à l’esprit, à la lecture d’un arrêt rendu mardi 14 mai par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Cette juridiction, implantée à Luxembourg, conclut que les Etats membres sont tenus d’obliger les employeurs à instaurer un système « permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur ». La décision ne remet – a priori – pas en cause la législation existante en France, mais elle réaffirme avec plus de vigueur la nécessité de veiller au respect effectif des temps de repos auxquels ont droit les personnes en activité. Ce qui inspire un peu de perplexité chez des directeurs des ressources humaines (DRH).

L’affaire observée par la CJUE résulte d’une allure de l’Audiencia Nacional – la Cour centrale en Espagne. Celle-ci voulait obtenir une intelligence sur les règles européennes relatives à « l’agencement du temps de travail » et à « le progrès de la sécurité et de la santé des travailleurs ». Sa demande avait été exposée à la suite d’un différend entre une organisation syndicale – la Federación de servicios de comisiones obreras (CCOO) – et la Deutsche Bank : la première reprochait à la seconde de ne pas avoir établi un dispositif « d’enregistrement du temps de travail journalier » des salariés, alors même que, à ses yeux, la loi nationale tout comme les textes européens le prévoient.

Modalités définies par les Etats membres

Cette analyse juridique avait été critiquée par la Deutsche Bank, au nom de la jurisprudence du Tribunal Supremo – la Cour suprême espagnole. Pour en avoir le cœur net, la Cour centrale de Madrid avait donc demandé son avis à la CJUE.

L’arrêt rendu mardi est on ne peut plus affirmatif : « Lues à la lumière » de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, les directives européennes « s’opposent » aux réglementations nationales qui n’imposent pas aux employeurs « un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier ». De telles procédures sont essentielles, souligne la Cour de Luxembourg, en particulier du point de vue de la « santé » et du « repos » du travailleur. L’instance estime que :

« Le laborieux doit être considéré comme la partie faible dans la relation de travail, de telle sorte qu’il est nécessaire d’empêcher que l’employeur n’arrange de la faculté de lui imposer une restriction de ses droits. »

La CJUE ne donne pas de solutions toutes prêtes, de nature à garantir le respect de ces principes : il appartient aux Etats membres de définir « les modalités concrètes de mise en œuvre d’un tel système, en particulier la forme que celui-ci doit revêtir », sachant que « des particularités propres » à chaque secteur ou à « certaines entreprises » peuvent, « le cas échéant », être prises en considération.

« C’est le retour de la pointeuse »

Evaluer l’impact de ce jugement pour la France n’a rien d’évident, compte tenu de la diversité des situations et des normes en vigueur. Dans le secteur privé, les salariés ont être soumis à des régimes très différents : par exemple à celui des horaires collectifs, s’appliquant régulièrement à l’ensemble du personnel, ou individualisés.

Autre choix, très fréquente chez les cadres : le temps de travail peut être résolu en journées sur l’année – et non pas en heures ; dans cette hypothèse, un contrat dite de « forfait-jours » est mise en place, grâce à un accord communautaire qui pose un certain nombre de conditions (catégories de salariés concernés, nombre de jours travaillés, etc.). Quel que soit le schéma tenu, des limites sont fixées, en particulier pour que la personne bénéficie de moments de repos (au moins 11 heures entre deux jours de travail et 35 heures consécutives par semaine).

Dès lors, comment s’accorder à la conclusion formulée mardi à Luxembourg ? « C’est le retour de la pointeuse », soupire Jean-Paul Charlez, président de l’Association nationale des DRH, en commentant l’arrêt de la CJUE, qui renvoie, selon lui, « à une autre époque ». Le diagnostic de M. Charlez est toutefois loin de faire l’unanimité. « Notre code du travail prévoit déjà de décompter la durée du travail de chaque salarié, ajoute Antoine Lyon-Caen, professeur émérite de droit du travail à l’université de Nanterre. Par exemple, pour ceux qui, dans un atelier ou dans un service, sont soumis à des horaires collectifs différents, l’employeur doit enregistrer les heures de début et de fin de chaque période travaillée. » Différemment dit, les patrons, en phase avec la loi, n’auront pas à bouleverser leurs pratiques, puisqu’ils doivent avoir une idée précise du temps que leurs salariés dédient à leur activité.

« Des armes supplémentaires aux salariés »

Quant à la législation, elle n’aura pas à être ajustée, assure-t-on au ministère du travail, y compris pour les employés au forfait-jours, puisqu’elle oblige l’employeur à « s’assure[r] régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et admet une bonne répartition, dans le temps, de son travail ». « Cette décision de la CJUE ne devrait pas avoir d’incidence sur les textes applicables en France, particulièrement pour tout ce qui a trait au forfait-jours, confie M. Lyon-Caen, mais il provienne à un rappel à l’ordre très ferme sur les règles à respecter en matière de temps de travail et de santé des travailleurs. »

« Cette décision donne des armes additionnels aux salariés, qui désirent saisir le juge à la suite d’un conflit avec leur employeur », déclare Me Béatrice Bursztein.

Doyen honoraire de la chambre sociale de la Cour de cassation, Pierre Bailly juge d’ailleurs que « le plus captivant dans cet arrêt » demeure dans « le rappel à plusieurs reprises de l’existence d’un droit fondamental, garantissant la santé et la sécurité au travail et l’obligation pour le juge du travail d’interpréter sa loi nationale en ce sens ».

Il est, donc, très possible que la conclusion de mardi alimente des contentieux. « Elle donne des armes supplémentaires aux salariés, qui veulent saisir le juge à la suite d’un conflit avec leur employeur sur des heures additionnels non payées ou sur une charge de travail si volumineuse qu’elle empêche le respect des temps de repos », ajoute Me Béatrice Bursztein, avocate spécialisée en droit du travail. Dans ces actions en justice, les forfaits-jours sont susceptibles d’être une cible de choix : des conventions qui les avaient mis en place dans plusieurs zones ont déjà été résiliées par la Cour de cassation, au motif qu’elles n’affirmaient pas assez que « l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables ».

Le taux d’inactivité en France est à son plus bas niveau depuis dix ans

Ces chiffres modérés selon les normes du Bureau international du travail réaffirment la lente baisse du chômage en France.

Le progrès sur le marché du travail se poursuit, mais à une cadence très lente. Au premier trimestre, le taux de chômage s’est amoindri de 0,1 point sur l’ensemble du territoire (outre-mer compris, sauf Mayotte), d’après les données provisoires distribuées, jeudi 16 mai, par l’Insee. Ce ratio, qui se situe désormais à 8,7 % – soit son plus bas niveau depuis début 2009 –, avait déjà abandonné de 0,3 point lors des trois derniers mois de 2018.

Pour la période convenant de début janvier à fin mars, il y avait, en métropole, 2,4 millions de personnes au chômage (soit 19 000 de moins en trois mois). Une réduction effectuée en vertu de la définition du Bureau international du travail (BIT). Ces conséquences semblent en ligne avec les dernières données relatives à la création d’emplois : publiées le 10 mai par l’Insee, elles présentaient une progression des effectifs dans le secteur privé de 0,3 %, au premier trimestre.

Taux de chômage de longue durée à 3,3 %

Entre les chômeurs, 963 000 affirment rechercher un poste depuis au moins un an. Le taux de chômage de longue durée s’élève, ainsi, à 3,3 % de la population active, en diminution de 0,3 point en un an.

Si l’on considère les statistiques par tranche d’âge, les résultats sont tranchés : le taux de chômage baisse pour les personnes de 25 à 49 ans (− 0,2 point entre janvier et mars ; − 0,7 point sur un an) mais il s’accroît chez les jeunes, au premier trimestre (tout en refluant clairement, si l’on raisonne sur les douze mois écoulés, à − 1,7 point). Quant aux seniors, la tendance est à l’augmentation (+ 0,2 point en un an).

La part des personnes de 15 à 64 ans qui ont un emploi reste stable, s’établissant à 66,1 %, ce qui aménage « son plus haut niveau depuis 1980 », déclare l’Insee. En un an, cet indicateur a progressé pour toutes les tranches d’âge, en particulier pour les jeunes (+ 0,8 point, malgré une baisse début 2019) et les 55-64 ans (+ 0,5 point). Quant à la qualité de l’emploi, elle poursuit de s’améliorer, modestement, avec une amélioration très légère (+ 0,1 point) de la part des personnes titulaires d’un contrat de travail à temps plein (à 54,5 %).

Emploi : Jaris défait les fonctions de l’audiovisuel aux personnes en condition de handicap

Jaris, promo 2017, atelier de prise de vue au Plessis-Trévise.
Jaris, promo 2017, atelier de prise de vue au Plessis-Trévise. DR

Le fait Duoday appel le 16 mai les sociétés à assister l’accès du handicap à l’emploi en milieu ordinaire. C’est le credo du centre de formation aux professions de l’audiovisuel Jaris depuis plus de quinze ans avec un vrai succès.

Le 16 mai se tient le Duoday 2019, une journée nationale usitée à la réunion du handicap et de l’entreprise. Pour les stagiaires de Jaris, le Duoday c’est tous les jours. Ce mécanisme d’insertion créé en 2003 forme avec un véridique succès les personnes en condition de handicap aux métiers de l’audiovisuel, en s’appuyant sur le réseau professionnel et sur la mise en situation des stagiaires. « On n’est pas une boîte à rêves, on est sur des emplois plus techniques que créatifs, on forme des manipulateurs de prises de vue, des preneurs de sons et des monteurs, mais ni des scénaristes ni des réalisateurs », déclare Eric Canda, fondateur et directeur de Jaris Productions.

Le plan de formation s’adresse aux personnes espacées de l’emploi par un handicap ou par l’instabilité sociale. Ce sont des personnes avouées en situation de handicap physique ou psychique (autistes, dépressifs, schizophrènes, bipolaires) et des jeunes de moins de 25 ans mandatés par le service public de l’emploi. Les stagiaires ont entre 18 à 45 ans.

Depuis 15 ans, tous les ans, Jaris perçoit en entretien une cinquantaine de candidats destinés par Cap emploi (le Pôle emploi « handicap ») ou par une mission locale (le Pôle emploi des 16-25 ans). Douze d’entre eux entreront en formation théorique et pratique. Des professionnels viennent leur expliquer les ficelles du métier et les stagiaires convoient des ateliers en conditions réelles de travail. « Pendant trois mois, ils s’exercent en binôme sur toute la chaîne de conception d’un film : écriture, prise de vue, réalisation, etc. », retrace Téva Bourdin, opérateur indépendant et formateur Jaris, qui a déjà une centaine d’élèves à son actif.

Quelques séances sont employées au développement personnel et à la gestion du stress. « Les contenus ne sont pas très alambiqués, mais derrière il y a pour chacun une lutte personnelle. Pour moi, c’était la fatigue, car c’est difficile d’analyser ce qui tient de la fatigue ou de la maladie », témoigne Caroline Roatta, 37 ans, stagiaire de la promo 2017, faite depuis 2013 par la maladie de Wilson.

Confiance recouvrée

« Certains stagiaires faisaient déjà dans l’audiovisuel avant de dépendre à la suite d’un accident de vie ou d’un burn-out. Ils achètent très vite les compétences métiers. Ils ont perdu la confiance, mais ce sont des personnes qui moulinent très vite », définit Téva Bourdin.

Auchan : les élus de la chambre centrale d’entreprise lancent un droit de fringante économique

En pénurie économique, Auchan entre dans une zone de confusion. Suite à l’annonce du groupe de quitter l’Italie et le Vietnam et plusieurs jours après avoir avisé la vente de 21 sites en France, les élus du comité central d’entreprise (CCE) ont voté, mercredi 15 mai, un droit d’alerte économique sur la condition d’Auchan et demandé une expertise.

Assemblés en meeting extraordinaire mercredi à Marcq-en-Barœul (Nord), « les membres du CCE Auchan ont déterminé à l’unanimité » de mettre en œuvre, simultanément aux négociations du possible futur plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), « la procédure du droit d’alerte économique », ont indiqué, à l’AFP, FO, la CFDT, la CGT et la CFTC. Par ce dispositif, le comité d’entreprise « peut demander à l’employeur de lui fournir des explications », lorsqu’il a « connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise », déclare le code du travail.

« C’est récent chez Auchan, ça veut certainement dire que ça ne va pas bien… L’idée, c’est de réaliser une expertise au niveau du groupe, pour voir plus loin que ce que la direction peut nous montrer dans le cadre du PSE » et obtenir plus d’informations « sur les comptes, les grandes orientations stratégiques, la situation du groupe au niveau international », a déclaré à l’AFP Guy Laplatine, délégué syndical central CFDT.

Une situation économique « très difficile »

Comparé de son propre confession à une situation économique « très difficile », Auchan France avait avisé, le 30 avril, la prochaine mise en vente de 21 sites tranchés rarement rentables, concernant éventuellement 700 à 800 salariés. Et mardi, l’entreprise a avisé la cession de la quasi-totalité de sa filiale Auchan Retail Italia au groupe transalpin coopératif de distribution Conad, pour un montant non publié. Auchan Retail va pareillement abandonner avant l’été le Vietnam, un pays où il était le dernier répartiteur occidental depuis le départ de Casino en 2016.

Or, selon FO, « entre 2013 et 2018, le groupe Auchan a accompli un cumul de 2 706 millions d’euros de conquête net » et « obtenu un cumul de 522 millions d’euros au titre du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) ». Donc, « l’expertise économique prend tout son sens ». D’autre part, Guy Laplatine (CFDT) a sollicité que « le PSE et les reclassements soient organisés à l’échelle du groupe Mulliez [détenteur d’Auchan], qu’ils puissent se faire sur d’autres enseignes du groupe comme Jules, Kiabi, Kiloutou (…) et pas uniquement sur le Auchan du coin ou celui situé à 200 km ». « La galaxie Mulliez peut assurer des passerelles professionnelles pour reclasser le personnel ! Il faut qu’on arrête de raisonner “Auchan” et qu’on raisonne “galaxie Mulliez” », a ajouté Gérald Villeroy (CGT).

L’acheteur d’Ascoval en pénurie

L’usine d’Ascoval de Saint-Saulve (Nord), le 8 novembre 2018.
L’usine d’Ascoval de Saint-Saulve (Nord), le 8 novembre 2018. Pascal Rossignol / REUTERS
Cela concorde à un très mauvais remake de Groundhog Day (Un jour sans fin). Soit un perpétuel retour. A peine recouvrés, le 2 mai, les 270 salariés d’Ascoval pourraient se retrouver à nouveau à la case faillite après la vraie fausse reprise, début 2019, par Altifort. Les anxiétés attachées au Brexit sont très largement responsables du problème.

British Steel, le dernier acheteur désigné de l’aciérie de Saint-Saulve, a annoncé mardi 14 mai effectuer des discussions avec ses créditeurs et le gouvernement britannique afin de réussir un soutien financier d’urgence. Sinon, le sidérurgiste, qui emploie 5 000 salariés, dont 4 200 au Royaume-Uni, risque tout simplement de se mettre en faillite, convaincant peut-être sa toute nouvelle filiale.

« Le problème ne se situe pas au niveau de British Steel, qui gagne de l’argent, mais au niveau de la holding, explique Paul McBean, président des syndicalistes de British Steel. Il y a besoin de 75 à 100 millions de livres (86 à 115 millions d’euros) pour poursuivre les activités. »

La « holding » indique l’actionnaire principal, Greybull Capital, un fonds qui dépend aux frères Marc et Nathaniel Meyohas, qui ont acquis British Steel en 2016. « La situation est très sérieuse », ajoute M. McBean. Les négociations entre les créditeurs, les actionnaires, le gouvernement britannique et les syndicats poursuivaient mardi soir.

« L’incertitude du Brexit »

L’entreprise garantit malgré cela que ces problèmes sont sans impact sur la reprise d’Ascoval. « Les discussions n’ont pas d’impact sur la volonté du groupe de se porter repreneur de l’aciérie Ascoval de Saint-Saulve », déclare-t-elle dans un communiqué. En France, Bercy précise que « l’Etat, en accord avec la région Hauts-de-France et la métropole de Valenciennes, (…) portera sa part du financement dans les conditions négociées, afin de admettre l’effectivité de cette reprise dès (…) mercredi 15 mai ».

Les raisons des difficultés des rétributions actuelles de Greybull Capital ne sont pas connues. « Mais ça vient de l’incertitude du Brexit, explique M. McBean, installé à Scunthorpe, dans le nord de l’Angleterre, où se trouve la principale aciérie du groupe. On peut administrer la sortie de l’Union européenne, ou le fait de rester dans l’UE. Mais on est entre les deux, dans les limbes, et plus personne ne veut prendre la moindre décision d’investissement ou de financement. »

Suivant un proche du dossier côté français, l’affaire illustre la réalité du Brexit. L’aciériste nécessite avoir des sites en Europe pour échapper de payer les droits de douane en cas de Brexit. « La vérité, c’est que British Steel est confronté à une baisse de son carnet de commandes au Royaume-Uni du fait des incertitudes, et qu’il cherche à créer sur le continent, où ce serait moins cher », pense une autre source proche du dossier. « Jusqu’à présent, personne ne savait évaluer les conséquences du Brexit en matière économique et industrielle », déclare un observateur. Avec Ascoval, voilà la Grande-Bretagne face à un cas concret.

Un premier prêt d’urgence

Jusqu’où ira le britannique dans cette affaire ? « Ils ne peuvent pas s’admettre de perdre la maison mère et 5 000 emplois, estime un proche du dossier. Mais entre Nigel Farage [leader du parti du Brexit] et un gouvernement conservateur aux abois, c’est tendu. »

British Steel avait déjà vécu de sérieux problèmes le 1er mai. La société devait acquitter en urgence 120 millions de livres (138 millions d’euros) de permis d’émission de CO2 de l’UE, qu’elle aurait généralement obtenus gracieusement si le Brexit n’avait pas lieu. Le gouvernement britannique avait accepté de lui verser un prêt d’urgence pour payer cette somme.

British Steel s’était en effet retrouvé enfermé du système des droits d’émission de CO2, organisé par l’UE. Chaque année, le sidérurgiste reçoit un certain nombre de « droits à polluer », à titre gratuit, comme ses concurrents continentaux. Mais, depuis le 1er janvier, Bruxelles a décidé de ne plus permettre de nouveaux permis d’émission aux entreprises britanniques.

« En cas de “no deal”, l’UE craignait que les entreprises britanniques se recouvrent avec des permis dont elles ne connaîtraient plus besoin et dont elles inonderaient le marché », déclare Richard Warren, de UK Steel, l’organisation représentant la sidérurgie britannique. Pour British Steel, cette décision de Bruxelles a été une catastrophe. Il devait rembourser un déficit de 120 millions de livres de permis pour l’année 2018, et estimait utiliser son allocation de 2019 pour cela.

« Des milliers d’emplois britanniques sont en jeu »

La date butoir pour verser cette somme à l’UE était le 1er mai. Faute d’y arriver, il risquait une infraction de 500 millions de livres. Impossible pour une société fragile, qui ne réalise que 20 millions d’euros de résultat net pour un chiffre d’affaires de 1,6 milliard.

Dans l’urgence, le gouvernement britannique lui a octroyé le 1er mai un prêt temporaire, assujetti à un taux d’intérêt d’environ 8 %. Une fois que la question du Brexit sera résolue, et que British Steel aura touché de l’Union européenne ses crédits carbones, il les débitera et pourra alors rembourser le gouvernement.

« On connaissait ce problème des permis d’émission de CO2 et ce n’était pas une surprise, déclare M. McBean. En revanche, les nécessités de la holding étaient complètement inattendues. » Le syndicat GMB a appelé pour sa part le gouvernement à accorder au plus vite le prêt réclamé par British Steel. « Des milliers d’emplois britanniques sont en jeu, sans parler de l’avenir de notre industrie sidérurgique », a affirmé Ross Murdoch, responsable national du syndicat.

 

L’embauche par simulation : une solution aux jobs en tension ?

« Pôle emploi dispose de 110 équipes spécialisées et de 500 conseillers MRS sur l’ensemble du territoire » (Agence Pôle emploi de Montpellier, le 3 janvier)..
« Pôle emploi dispose de 110 équipes spécialisées et de 500 conseillers MRS sur l’ensemble du territoire » (Agence Pôle emploi de Montpellier, le 3 janvier).. PASCAL GUYOT / AFP

Le procédé de mise en condition des candidats, séparément de leur CV, assiste le travail des responsables des RH, continuellement en recherche de la perle rare.

Ils étaient paysagiste, préparateur en pharmacie, gestionnaire des achats, spécialiste du marketing ou du tourisme… Ils sont actuellement codeurs-développeurs. Florian Carmelet, 27 ans, est diplômé de l’Ecole nationale supérieure d’ingénieurs de Poitiers (Ensip). Après une expérience d’ingénieur thermique dans le bâtiment, il est, depuis le mois d’avril, salarié à Nantes chez Wiztivi, une société qui développe surtout des arranges télé pour des opérateurs téléphoniques et pour des opérateurs de contenus.

Une réorientation vers une profession en très forte tension rendue possible par le l’embauche par simulation (MRS). Ce procédé développée par Pôle emploi fait fi du traditionnel CV et met les candidats en disposition afin de déceler leurs capacités ou leur « habileté » à dresser leur nouveau métier.

Cette manière met tout le monde sur un pied de concordance. « Il s’agit de casser les représentations, déclare Adeline Guiter, chef de projet MRS numérique à Pôle emploi. Non, les codeurs-développeurs ne sont pas que des hommes. Non, il n’est pas nécessaire d’avoir un bac + 4 ou +5. Oui, les seniors peuvent exercer ce métier. »

« Découvrir des talents cachés »

« Le processus de recrutement est très inhabituel, ajoute Johan Sanchez, codeur-développeur depuis mars à La Bécanerie, entreprise de vente à distance de pièces détachées pour deux-roues basée à Avignon. Ici, personne ne m’a sollicité quoique ce soit sur mon diplôme ou sur mes antérieures expériences professionnelles. » A 40 ans, il appréhendait que son âge puisse être un frein. Après une formation en management et en gestion, il a fait plusieurs fonctions (achats, logistique, supply chain…), dans de grands groupes et de petites structures. Laurent Henni, le directeur de La Bécanerie, estime quant à lui une démarche qui « casse les habitudes et qui permet de découvrir des talents cachés venant d’horizons professionnels différents ».

Le procédé n’est pas nouveau. Loin de là : elle existe depuis 1995. « Au départ, elle a été créée pour les métiers de l’industrie, surtout pour pourvoir des postes de soudeurs, dont les entreprises avaient besoin en grand nombre, déclare Christian Hiron, coordinateur équipe MRS à Pôle emploi. Après, elle s’est très vite étendue à la restauration rapide, à la grande distribution, notamment dans le cadre de nouvelles implantations, aux centres d’appels… » Actuellement, elle concerne tous les secteurs : aéronautique, logistique, téléphonie, agroalimentaire… Pôle emploi dispose de 110 équipes spécialisées et de 500 inspirateurs MRS sur l’ensemble du territoire.