Archive dans avril 2019

La « radioscopie » des DRH bouleversés par les changements

« 61 %  des responsables des ressources humaines ont choisi ce métier, car ils voulaient participer au développement des compétences des salariés ; mais au jour le jour, ils font d’abord de l’accompagnement au changement (41 %) »
« 61 %  des responsables des ressources humaines ont choisi ce métier, car ils voulaient participer au développement des compétences des salariés ; mais au jour le jour, ils font d’abord de l’accompagnement au changement (41 %) » Ingram / Photononstop

Après 2012 et 2016, 2019 voit la déclaration de la troisième édition de l’enquête de l’organisme de formation Cegos qui expose l’évolution de la fonction de responsable des ressources humaines vue par eux-mêmes et par les salariés.

Rempli de la conduite, le responsable des ressources humaines (RRH) voit son rôle troublé au fil des changements des entreprises et de l’écosystème économique. Ainsi, 88 % d’entre eux assurent que leur rôle s’est enrichi. La troisième édition du baromètre « Radioscopie des DRH », publié le 2 avril par le groupe de formation Cegos, confirme qu’il s’est complexifié, et révèle comment l’écart se creuse entre les ambitions des directeurs des ressources humaines (DRH), la commode de leur métier et ce qu’en espèrent les travailleurs.

Quelque 1 065 salariés et 201 responsables des RH (parmi lesquels deux tiers de DRH et un tiers de RRH) en poste dans des sociétés d’au moins 100 personnes ont été consultés en février pour cette enquête, qui montre aussi des DRH rapprochés à l’impossible déconnexion et à l’augmentation du rythme de travail.

Dans la grande majorité (61 %), les responsables des RH ont préféré ce métier, car ils voulaient participer au développement des capacités des salariés ; mais au jour le jour, ils font d’abord du complément à la transmutation (41 %). Leur enjeu prioritaire au quotidien est une réorganisation ou un réaménagement, pour un DRH sur deux.

Cet espacement entre leur vocation et leurs pratiques professionnelles ne s’est diminué ni avec le changement digital des entreprises, ni avec la réforme de la formation professionnelle, qui auraient pu toutes deux donner la priorité au développement des compétences. L’accompagnement au changement est étrangement devenu leur premier motif de satisfaction, même s’ils passent un quart de leur temps à faire de l’administratif. C’est devenu leur première charge de travail, alourdie par les changements législatifs : 76 % d’entre eux désignent comme première pénurie de leur fonction « passer beaucoup de temps à renforcer des accords qui font suite aux évolutions conformes ».

Deux causes de risques psychosociaux

Depuis l’antérieure radioscopie (2016) du métier RH, « l’impact des sujets d’actualité – similitude femmes-hommes, formation professionnelle, représentation des salariés – sur la charge de travail a été considérable », développe Isabelle Drouet de la Thibauderie, experte ressources humaines du groupe Cegos. La loi El Khomri de 2016 sur la modernisation du dialogue social a consolidé le rôle des accords d’entreprise et introduit le droit à la déconnexion. En 2017, les ordonnances Macron du 22 septembre ont, entre autres, établi la fusion des instances représentatives du personnel, changé les règles de tractation collective et instauré la rupture convenue collective.

Les « référents » sont-ils les derniers délégués des travailleurs ?

«  Depuis début 2018, toute entreprise de plus de cinquante salariés doit avoir désigné un référent d’alerte professionnelle susceptible de recevoir la dénonciation par un salarié d’un crime ou un délit, d’une violation du droit ou d’une menace ou d’un préjudice grave pour l’intérêt général. »
«  Depuis début 2018, toute entreprise de plus de cinquante salariés doit avoir désigné un référent d’alerte professionnelle susceptible de recevoir la dénonciation par un salarié d’un crime ou un délit, d’une violation du droit ou d’une menace ou d’un préjudice grave pour l’intérêt général. » Spot / Photononstop

Le travailleur voit se propager des partenaires choisis au deuxième degré ou désignés par l’employeur, aux compétences concurrentes de ses représentants traditionnels, développe le juriste Francis Kessler.

La section syndicale, le représentant ou le délégué syndical, ont pour mission « la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels » des salariés, indique le code du travail. Les outils juridiques pour ce faire sont la convention collective, l’action en justice et un ensemble de droits de réunion et de déplacement dans et hors du lieu de travail.

Le comité social et économique (CSE), composé de délégués et d’envoyés syndicaux, a quant à lui pour mission « d’exposer à l’employeur les protestations individuelles ou communautaires proportionnelles aux salaires, à l’application du code du travail et des autres dispositions légales concernant surtout la protection sociale, ainsi que des conventions et accords applicables dans l’entreprise ».

S’y ajoute, à partir d’un ensemble de cinquante salariés, la mission « d’assurer une expression collective des salariés admettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production ». Pour cela, le code du travail sollicite à l’employeur des meetings mensuels et des obligations d’information et de consultation, avant bon nombre de décisions managériales.

A ces représentants des travailleurs s’additionnent des « référents ». Le concept, connu depuis 2012 dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail, s’est étendu à de nombreux autres champs : l’alerte professionnelle, la protection des données, l’intégration des personnes en situation de handicap et enfin la lutte contre le sexisme.

Donc, depuis début 2018, toute société de plus de cinquante salariés doit avoir désigné un référent d’alerte professionnelle susceptible de recevoir l’annulation par un salarié (le « lanceur d’alerte », ou whisteblower en anglais) d’un crime ou un faute, d’une violation du droit ou d’une intimidation ou d’un préjudice grave pour l’intérêt général.

Complot sexistes

Depuis le 25 mai 2018, même une très petite société a, dans certains cas, l’engagement de désigner un délégué à la protection des données (le DPD ou DPO, Data Protection Officer), chargé notamment de prévenir et de conseiller les salariés (et leur employeur) sur leurs droits et engagements en matière de protection des données personnelles dans l’entreprise.

Les périls de la société libérée

De nos jours, les travailleurs désirent bien vivre dans le travail, la question de la répartition semblant éloignée par la question de la reconnaissance, explique « L’Entreprise délibérée », livre combiné par le professeur de management Mathieu Detchessahar.

« L’entreprise délibérée. Refonder le management par le dialogue », coordonné par Mathieu Detchessahar. Editions Nouvelle Cité, 290 pages, 19 euros.
« L’entreprise délibérée. Refonder le management par le dialogue », coordonné par Mathieu Detchessahar. Editions Nouvelle Cité, 290 pages, 19 euros.

Contrôle bureaucratique, force des évolutions informatisés et des structures financières ont immergé bon nombre de travailleurs dans les tourments de la perte de sens. Seuls 6 % des salariés questionnés en février-mars 2018 par l’institut de sondage Gallup s’assurent engagés au travail. L’aspiration au changement du mode de travail est largement partagée, par les cadres et les dirigeants eux-mêmes. Certains proposent de « libérer l’entreprise » et promeuvent l’autonomie, la liberté, la suppression des hiérarchies. D’autres rénovateurs rêvent d’« agilité organisationnelle » ou d’holacratie.

Le succès de cette détermination de changement du management signale une excursion du débat autour du travail et des organisations : « Les tentatives de changement actuelle des organisations étendent à prioriser l’enjeu de la exploration sur celui de la redistribution », déclare Mathieu Detchessahar dans L’Entreprise délibérée (Nouvelle Cité).

L’ouvrage collectif, accordé par ce professeur de management à l’université de Nantes, retrace un réel changement : l’essentiel du siècle dernier a été imposé par l’enjeu de la répartition. Tout s’est passé comme si « les travailleurs étaient prêts à passer sous les fourches Caudines des méthodes modernes d’organisation du travail pour peu qu’elles leur assurent un niveau de vie, une stabilité et une certaine sécurité, un accès à la consommation… Bref, qu’elles admettent de vivre correctement, de vivre bien en dehors du travail ».

« Dépendances assumées »

Actuellement, les salariés demandent aussi bien vivre dans le travail, et la question de la répartition semble supplantée par la question de la reconnaissance. De façon symétrique, les employeurs se retrouvent dans un discours valorisant « non plus l’exécution docile des prescriptions organisationnelles, mais la promesse, l’initiative, l’innovation ».

Mais aussi attirantes soient-elles, ces approches souffrent d’un défaut originel, souhaite Mathieu Detchessahar : « Les organisations ne peuvent pas être le monde de l’autonomie et de la liberté ! Elles sont au contraire le monde des dépendances garanties dans lequel chaque participant renonce à déterminer seul son action pour la définir de façon coopérative avec les autres… et faire mieux ensemble. »

Pour embaucher, les grands groupes jouent sur les algorithmes

 Pour concilier les candidats à le recrute, les sociétés utilisent de plus en plus souvent l’IA. Nonobstant les questions éthiques que cette pratique soulève…

Pour appartenir un premier entretien dans un groupe du CAC 40, la convenance du CV ne suffit plus. Tout juste diplômé en économie, Nathan (son prénom a été changé) a aussi dû se replier, non sans peur, à l’entretien vidéo avant d’être perçu par un recruteur. Pour d’autres, il a passé divers tests de personnalité et de ses capacités.

Ces épreuves n’ont rien de nouveau, mais, aussitôt, leurs résultats sont de plus en plus assimilés dans des systèmes informatiques qui inspirent des décisions aux recruteurs. Au point que certains éditeurs de tests, tels qu’AssessFirst, sortent de leur chapeau des pronostics chiffrés en croisant cinquante variables relevant de la ­personnalité et des aptitudes : ouverture, inventivité, adaptation à la mutation, travail en équipe…

De son côté, Easyrecrue extrait des données des entretiens vidéo pour mesurer la diversité du vocabulaire du candidat ou encore le nombre de mots utilisés par minute. Dans les deux cas, la légitimité des résultats se veut fonder sur des corrélations : plus les énumérations d’un postulant sont semblables à la performance de candidats déjà soutenus, plus il sera inspiré par l’algorithme.

Evaluation industrielle des compétences

La formule suborne les grands groupes. Au Crédit agricole Normandie, les demandes d’alternance sont choisies en fonction des meilleurs apports en entretien vidéo. « Nous gagnons du temps en étant plus réactifs concernant les profils et les talents qui peuvent nous intéresser », déclare Pascale Ropert, responsable des ressources humaines de la banque.

Si, pour l’heure, les applications de ce type sont rares, elles sauraient se développer, en singulier pour enrôler des jeunes diplômés. La course est actuellement à l’évaluation industrielle de leurs capacités humaines (soft skills). « On veut les principaux jeunes talents, ceux qui aideront à transformer l’entreprise », développe Jérémy Lamri, directeur du pôle innovation, étude et prévisionnelle chez JobTeaser, plate-forme spécialisée dans l’insertion des étudiants.

Ce changement pourrait diminuer la longueur d’avance des diplômés issus des établissements les plus cotés. « Nous avons des relations privilégiées avec certaines écoles, mais nous devons aussi pouvoir enrôler ailleurs. D’autant que les diplômes, de moins en moins lisibles, ne savent plus être la seule porte d’entrée », déclare Eva Azoulay, directrice de l’acquisition des talents chez L’Oréal. Pour se garantir de la qualité des candidatures, le groupe adresse dans certains cas un formulaire pour estimer le fit culturel (« la culture commune ») entre le candidat et l’entreprise.

 

Brexit : « Des coalitions sauraient étonnamment voir le jour dans l’enseignement universitaire entre la Grande-Bretagne et l’UE »

Quel paradoxe si, définitivement, le Brexit repoussait les grandes institutions britanniques à se tourner davantage vers l’Europe, s’exclame Delphine Manceau, spécialiste en management.

On nous interroge souvent pour savoir si le Brexit constitue une opportunité pour les institutions d’enseignement supérieur françaises. D’abord, nous ne saurions nous réjouir d’un événement qui ferme les frontières alors que nous préparons les jeunes à un entourage généralisé. Mais plus encore, nous pensons qu’il aura un effet paradoxal d’ouverture européenne consolidée des institutions britanniques.

Les cent cinquante établissements d’enseignement supérieur britanniques, signataires d’une lettre ouverte destinée en janvier aux membres du Parlement européen pour avertir sur les suites académiques, culturelles et scientifiques du Brexit, sont anxieux. En effet, il semble actuellement clair que le Brexit saurait avoir des suites majeures sur l’attractivité du système éducatif britannique.

Les suites se font déjà percevoir, comme en témoigne un nouvel article du mensuel Times Higher Education accentuant le déclin de réputation des grandes institutions britanniques. Si 450 000 étudiants internationaux regagnent chaque année le Royaume-Uni, avec à la clé plus de 14 millions de livres sterling qui participent au produit intérieur brut (PIB) national, ce chiffre pourrait fermement amoindrir.

D’abord, à cause d’une potentielle promesse pour les ressortissants étrangers d’avoir un visa de travail aux termes de leurs études au Royaume-Uni.

Programmes de recherche arrangement

Mais aussi à cause d’un accroissement plaisante des frais de scolarité compensant une attractivité en déclin à l’international. Toutefois, ces transformations ne sont pas nouvelles. Les conditions d’accès aux visas étudiants se sont durcies depuis quelques années déjà, sous l’élan d’ailleurs de Teresa May quand elle était secrétaire d’Etat à l’intérieur.

Autre crainte : l’attractivité auprès des enseignants-chercheurs. La sortie de l’Union européenne dominerait restituer en cause les programmes de recherche financés par des fonds européens au sein des universités britanniques, et obscurcir l’obtention de visas pour les professeurs étrangers. Deux effets collatéraux qui inquiètent les meilleures institutions, comme la London Business School et l’University of Exeter Business School.

Le journal britannique The Independent montre d’ailleurs qu’en 2017, plus de 2 300 universitaires européens ont abandonné des universités britanniques (+19 % par rapport). Avec 230 départs (contre 171 en 2014-2015), l’université d’Oxford correspond la plus grosse perte.

L’inévitable « serment » des sociétés

De gauche à droite le ministre de l’economie francaise Bruno Le Maire, la présidente de Vigeo-Eiris Nicole Notat, et le président de Michelin Jean-Dominique Senard à la présentation (L-R) French Economy Minister Bruno Le Maire, Vigeo-Eiris President Nicole Notat, Michelin Chairman Jean-Dominique Senard lors de la présentation de leur rapport suite à leur mission « entreprise et intérêt général » au ministère de l’économie à Paris le 9 mars 2018.
De gauche à droite le ministre de l’economie francaise Bruno Le Maire, la présidente de Vigeo-Eiris Nicole Notat, et le président de Michelin Jean-Dominique Senard à la présentation (L-R) French Economy Minister Bruno Le Maire, Vigeo-Eiris President Nicole Notat, Michelin Chairman Jean-Dominique Senard lors de la présentation de leur rapport suite à leur mission « entreprise et intérêt général » au ministère de l’économie à Paris le 9 mars 2018. ERIC PIERMONT / AFP

La volonté de voir les entreprises s’engager davantage en faveur du climat, de l’emploi, de la réduction des inégalités, n’est pas seulement une préoccupation de jeunes. Elle concerne la population tout entière.

Députés et sénateurs ont discuté des heures pour savoir si la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) devait imposer ou seulement suggérer aux entreprises de définir leur « raison d’être » et « prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux ». Frileux à l’idée de prescrire de nouvelles règles aux dirigeants, ils ont édulcoré ces principes préconisés par Nicole Notat, présidente de Vigeo Eiris, et Jean-Dominique Senard, alors président de Michelin, dans leur rapport « L’entreprise, objet d’intérêt collectif » (voir le lien PDF) réalisé à la demande du gouvernement.

Mais, dans la population, les renvois ne sont guère de mise : 98 % des Français âgés de 18 ans et plus apprécient que « les entreprises doivent se promettre en faveur des enjeux de société », déclare un sondage IFOP effectué pour l’Observatoire de la matérialité, centre de recherche de l’Institut du capitalisme responsable, et édité le 9 avril. Un plébiscite.

« Si les fins de mois s’exposent comme la première inquiétude des Français dans l’actualité, c’est la fin du monde, différemment dit les enjeux de société, et notamment la transition écologique, qui les inquiètent en premier lieu pour les dix prochaines années », récapitule Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’IFOP. Cette volonté de voir les entreprises s’engager davantage en faveur du climat, de l’emploi, de la réduction des différences, n’est pas uniquement une préoccupation de jeunes. Elle concerne la population tout entière.

« Des résultats concrets et vérifiables »

La nouvelle proclamation de performance extrafinancière, qui exige des entreprises de prouver leur accusation et leurs performances sur les questions sociales, sociétales et environnementales, pourrait les encourager à agir. A condition qu’« elles ne restent pas dans une logique de conformité, mais entrent dans un processus de transformation », déclare Hélène Valade, directrice du développement durable du groupe Suez, partenaire de l’Observatoire de la matérialité.

En effet, les proclamations de bonnes intentions ont fait leur temps. Près des trois quarts (71 %) des Français questionnés veulent « des résultats concrets et vérifiables » d’engagement. « Parce que les entreprises seront forcément impactées par ces enjeux et doivent y faire face », expliquent-ils. « Parce que cette promesse leur permet d’augmenter leurs profits », évaluent de leur côté les Allemands, également consultés par l’IFOP.

Action de grève à la rédaction digitale d’Europe 1

Dans les locaux d’Euope 1, le 20 décembre 2018. La radio est déficitaire et soumise à un plan d’économies.
Dans les locaux d’Euope 1, le 20 décembre 2018. La radio est déficitaire et soumise à un plan d’économies. THOMAS SAMSON / AFP
Les travailleurs du site de la radio du groupe Lagardère révoquent la fragilité et le flou de la direction sur les projets digitaux.

A 5 heures, mardi 9 avril, une partie des travailleurs de la rédaction digitale d’Europe 1 n’a pas éclairci ses ordinateurs, mais a restauré sur ses écrans sept feuilles blanches pour écrire « En grève ». L’issue de cesser le travail pendant 24 heures, mûrie durant le week-end, est appuyée par l’intersyndicale SNJ-CGT-CFTC.

#GreveE1fr : la rédaction numérique combat contre la #précarité à @Europe1 https://t.co/Y4l7YJevpy

— MartheRonteix (@Marthe Ronteix)

A l’origine de ce déplacement, le statut aléatoire d’une large partie de la narration numérique, un état de fait annulé de longue date par les équipes, qui sollicitent une acceptation des pigistes. Sur 30 journalistes, 14 sont utilisés sous ces contrats journaliers, ces journalistes travaillant « pour la grande majorité à temps plein depuis trois ans », regrette une gréviste, elle-même dans ce cas. Dans un sentiment, l’intersyndicale souligne qu’« ils remplissent les tableaux de service du 1er janvier au 31 décembre, sont à leur poste chaque jour de 5 heures à 23 heures, assurent une veille constante de l’actualité, enrichissent le traitement de l’info sur l’antenne par leurs analyses et leurs dossiers ».

Le réaménagement futur de la dissertation numérique inquiète pareillement, alors que la radio est déficitaire et soumise à un plan d’économies. Ce projet a été annoncé par la direction de la station, le 23 janvier, mais il n’a toujours pas été présenté. Cela fait craindre aux journalistes une « contraction » de leurs effectifs pour admettre à Europe 1, dont les audiences ne cessent de régresser depuis près de trois ans, de diminuer sa masse salariale.

Malgré les nombreuses explications demandées par la rédaction, le flou persiste. « Ce plan devait être présenté en détail fin février, mais on n’en sait constamment pas plus, déclare un pigiste. L’ambiance est pesante, on ne sait pas de quoi notre avenir sera fait. » Le contenu éditorial suscite les demandes. « Est-ce qu’on sera une simple vitrine de la radio ou un vrai site d’information », se questionne un journaliste. Dans une position, l’intersyndicale a demandé « à la direction d’apporter au plus vite la réponse que les [salariés indûment employés en contrats précaires] attendent, aussi bien sur la recyclage de leurs contrats que sur la clarification de la stratégie numérique de l’entreprise ». « C’est un combat que nous menons depuis des années », déclare Olivier Samain, délégué du Syndicat national des journalistes (SNJ) à Europe 1.

Fréquentée, la direction n’a pas convoité s’exprimer. En novembre 2018, le vice-PDG d’Europe 1, Laurent Guimier, avait développé vouloir engager la radio dans un nouveau modèle prenant en compte à la fois l’antenne traditionnelle, dite « linéaire », mais aussi les enceintes connectées et les podcasts avec l’ambition de être le « numéro un de la production audio pour le numérique ».

En 2017, le directeur d’Europe 1 de l’époque, Denis Olivennes, interpellé par les représentants syndicaux, avait lancé une vague de titularisations, portant d’abord sur 22 travailleurs, puis ensuite sur 30. Mais, accentue M. Samain, « il y a des endroits de l’entreprise, comme la rédaction numérique, où ce courant de CDIsation n’est pas passé ».

Grève pesante et démesurée des enseignants polonais pour de meilleures rémunérations

Devant une école en grève, à Varsovie, le 8 avril.
Devant une école en grève, à Varsovie, le 8 avril. Czarek Sokolowski / AP

La bienveillante politique sociale des ultraconservateurs au pouvoir ignore jusqu’ici intentionnellement les réclamations des professeurs.

Ecoles fermées, enseignes de contestation aux fenêtres et aux frontons des établissements : les enseignants polonais ont commencé, lundi 8 avril, une grève continue d’une ampleur récente depuis 1993. De la maternelle au lycée, 60 % à 90 % des établissements scolaires sont restés fermés selon les régions, et le mouvement a été suivi par 600 000 enseignants sur 700 000. A trois jours du brevet des collèges et à six mois des élections législatives, le gouvernement ultraconservateur du parti Droit et justice (PiS) se voit mesuré à sa première grève massive depuis son arrivée au pouvoir en novembre 2015.

A l’arrivé d’un marathon électoral qui verra se joindre, en l’espace d’un an, les élections européennes, législatives et présidentielle, le chef de la plupart, Jaroslaw Kaczynski, a montré début mars un vaste paquet de engagements électorales, dont le coût est estimé à 40 milliards de zlotys (9,3 milliards euros). Extensions des allocations familiales au premier enfant, treizième mois pour les retraités, une grande baisses d’impôts : toutes ces mesures, prévues pour entrer en vigueur avant les élections, font l’impasse sur la condition des enseignants. Ces derniers s’apprécient largement sous-payés, et réclament de longue date des augmentations.

Au lycée Boleslaw-Prus de Varsovie, une chambre d’une dizaine d’enseignants tient le piquet de grève dans le hall d’entrée, dans un établissement désert. Quelques banderoles aux fenêtres, des petits badges attachés aux habits : ici comme dans tout le pays, peu accoutumé aux mouvements sociaux de masses depuis la chute du communisme, on fait la grève dans le calme. Jolanta Szewczyk, professeure de polonais depuis trente-neuf ans, tient à appuyer que c’est une « lutte pour la dignité », une « accumulation de frustrations » dans un métier qui a subi une « énorme perte de prestige ». Proche de la retraite, elle encaisse 3 300 zlotys net par mois (770 euros) et espère obtenir 2 000 zlotys de retraite (465 euros).

Plus fructueuse d’être caissière

« Les rémunérations ne sont qu’un aspect du problème, mais le seul pour lequel nous avons le droit de protester », mentionne pour sa part Robert Michalski, enseignant d’informatique depuis vingt-neuf ans. En Pologne, les enseignants ne bénéficient du droit de grève que pour des raisons salariales. « Une collègue débutante a fait le calcul qu’il serait plus rentable pour elle de travailler à la caisse d’un supermarché », s’indigne une autre manifestante. Un professeur débutant peut prévoir en Pologne un salaire tout juste au-dessus du salaire minimum, qui est de 375 euros net. « Ces salaires provoquent une sélection des effectifs “par le bas”, déclare M. Michalski. La jeunesse n’a aucune motivation à se lancer dans des carrières dans l’éducation. C’est très menaçant pour la qualité de l’éducation à l’avenir. »

Les déboires du 737 MAX est sur la liste de fournisseurs de Boeing

En France, plusieurs entreprises œuvrent pour l’avionneur américain, soit 30 000 emplois, pour un chiffre d’affaires annuel de 5,3 milliards d’euros.

Des Boeing 737 MAX de la compagnie américain Southwest Airlines, à Victorville, en Californie, le 28 mars.
Des Boeing 737 MAX de la compagnie américain Southwest Airlines, à Victorville, en Californie, le 28 mars. MARK RALSTON / AFP

Les affaires de Boeing ne se termine pas. Cloués au sol, depuis le 13 mars, à la suite de deux catastrophes aériennes en cinq mois (en octobre 2018 et en mars), qui ont fait 346 victimes, les appareils moyen-courriers 737 MAX de l’avionneur américain ne devraient pas voler de nouveau de sitôt. Preuve que le fabriquant américain s’attend à une plus longue immobilisation que prévu, le groupe a décidé diminuer  de 20 % sa production dès la mi-avril.

L’avionneur ne sortira plus que 42 exemplaires par mois de son nouveau moyen-courrier, contre 52 auparavant. Un ralentissement qui va à rebours des objectifs de Boeing, qui, à l’origine, avait programmé d’augmenter ses rythme pour sortir, dès juin, 57 exemplaires par mois de son 737 MAX. Cette décision de l’avionneur a jeté un froid sur sa chaîne de fournisseurs. Notamment en France, où Boeing pèse lourd.

En 2005, en prévision du commencement de son 787 Dreamliner, le fabriquant a créé la « Boeing French Team ». Un véritable écosystème de fournisseurs et d’équipementiers qui s’est étoffé au fil des années pour participer à la production du Dreamliner, puis du 777X et, enfin, du 737 MAX. En 2019, cette « Boeing French Team » englobe plus d’une centaine de sous-traitants, soit 30 000 emplois directs et indirects pour un chiffre d’affaires annuel de 6 milliards de dollars (environ 5,3 milliards d’euros).

« Boeing va-t-il payer les moteurs ? »

Une trentaine de sous-traitants français sont impliqués dans la production du 737 MAX. L’un des plus importants est le motoriste Safran, qui, au travers de CFM, sa coentreprise avec l’américain General Electric, détient l’exclusivité de la fourniture des moteurs de ce modèle. Pour l’heure, le fabricant du moteur LEAP-1B, qui équipe le 737 MAX, se veut serein. Toutefois, déclare Safran, « si l’immobilisation de l’avion se prolonge au-delà de l’été, cela va être dur pour certains fournisseurs ».

Surtout les plus petits, comme Latécoère, Crouzet ou LISI Aerospace. Ce dernier, dont les usines dévolues à l’avionneur de Seattle sont situées aux Etats-Unis, prévoit « d’ajuster sa production à un moment ou à un autre, en fonction des besoins de Boeing », indique Emmanuel Viellard, directeur général du groupe. Actuellement , les premières semaines d’immobilisation du 737 MAX n’ont pas pénalisé certains fournisseurs comme Safran ou LISI Aerospace, qui étaient en retard dans la fabrication des moteurs. « Cela nous a permis de retrouver de la marge de manœuvre », ajoute M. Viellard.

Amiante : « L’entrée en vigueur du préjudice d’anxiété n’est pas automatique »

La Cour de cassation a augmenté le 5 avril, l’étendue du préjudice d’anxiété à l’ensemble des salariés touchés professionnellement à l’amiante.

« La demande en réparation du préjudice d’anxiété se fonde désormais sur les règles du droit commun de la responsabilité civile. » Photo : un salarié en tenue de protection sur chantier de désamiantage d'un bâtiment, déflocage du plafond.
« La demande en réparation du préjudice d’anxiété se fonde désormais sur les règles du droit commun de la responsabilité civile. » Photo : un salarié en tenue de protection sur chantier de désamiantage d’un bâtiment, déflocage du plafond. Alain Le Bot / Photononstop

Le préjudice d’anxiété des ouvrier de l’amiante est une création jurisprudentielle. Le 11 mai 2010, la Cour de cassation reconnaissait un préjudice d’anxiété aux travailleurs ayant exécutés dans un endroit dit « classé amiante », c’est-à-dire ouvrant droit au dispositif de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (préretraite amiante dite « ACAATA »). Depuis 2010, l’anxiété est définie par la Cour de cassation comme une « situation d’inquiétude permanente face au risque de développer une maladie liée à une exposition à l’amiante ».

Donc , des travailleurs non porteurs d’une maladie liée à l’amiante, peuvent demander la réparation d’un préjudice découlant de la peur de contracter une maladie. Le champ d’application du préjudice d’anxiété était jusqu’alors très limité aux seuls salariés exposés au risque d’inhalation de poussière d’amiante dans un établissement classé amiante.

Le seul fait d’avoir œuvré dans une société inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à l’ACAATA suffisait à l’octroi de dommages et intérêts au titre du préjudice d’anxiété. Le demandeur était dispensé de rapporter la preuve d’une exposition fautive au risque amiante mais également de l’inquiétude permanente.

Le salarié doit prouver la défaillance de son employeur

Un ouvrier exposé à l’amiante dans un endroit non classé amiante peut-il obtenir la réparation auprès de son employeur ou ancien employeur d’un préjudice d’anxiété lié au risque de survenance d’une maladie ? Telle était la question de principe posée à l’assemblée plénière de la Cour de cassation.

Le 5 avril, la formation la plus solennelle de la Cour de cassation répond par l’affirmative et opère un revirement de jurisprudence. Désormais, l’ensemble des travailleurs exposés professionnellement à l’amiante, peuvent être admis à agir à l’encontre de leur employeur ou ancien employeur en réparation d’un préjudice d’anxiété.

Reste à se questionner sur les conditions dans lesquelles ce préjudice pourra être alloué par les juridictions. La réparation du préjudice d’anxiété n’est pas automatique. La Cour de cassation prend soin d’en délimiter les contours. Donc , la demande en réparation du préjudice d’anxiété se fonde aussitôt sur les règles du droit commun de la responsabilité civile.

C’est donc sur le solliciteurs à l’action – le salarié – que pèse la charge de la preuve. Il devra tout d’abord démontrer une exposition à l’amiante de nature à générer un risque élevé de développer une maladie grave. Il lui appartient ensuite de prouver la faute de son employeur, c’est-à-dire le manquement de celui-ci à son obligation de sécurité telle que définie par le code du travail. Rappelons, que ce dernier met à la charge de l’employeur, l’obligation de prendre les mesures adéquate pour garantir la sécurité et protéger la santé des ouvriers.