Archive dans avril 2019

Les informaticiens chinois révoquent leurs conditions de travail

Un employé de JD.com livre un bouquet de fleurs lors d’un évènement de la Saint-Valentin organisé par la société chinoise de commerce électronique à Chengdu, dans la province chinoise du Sichuan, le 12 février.
Un employé de JD.com livre un bouquet de fleurs lors d’un évènement de la Saint-Valentin organisé par la société chinoise de commerce électronique à Chengdu, dans la province chinoise du Sichuan, le 12 février. FRED DUFOUR / AFP

Les développeurs chinois s’arrangent. Depuis quelques semaines, ils révoquent leurs conditions de travail sur GitHub, le site de répartition de code informatique, et l’une des inhabituelles plates-formes étrangères non blâmées en Chine. Alors que l’économie chinoise freine, certaines entreprises tentent de compenser des résultats en baisse en augmentant la pression sur leurs salariés, contraints à faire des heures additionnels. Le numéro 2 du commerce en ligne en Chine, JD.com, qui poursuivrait à révoquer 8 % de ses employés, menace les moins dévoués.

Sur GitHub, les programmeurs chinois dénoncent le rythme « 996 » qu’on leur impose : œuvrer de 9 heures à 21 heures, 6 jours sur 7. Soit des semaines à 72 heures, quand la loi chinoise exige qu’au-delà de 40 heures par semaine, les heures additionnelles soient volontaires, équilibrées, et ne devancent pas 36 heures par mois au total.

La culture du « 996 »

La lassitude couve depuis fin 2018. En raison des mauvaises conséquences, des entreprises chinoises de la tech ont pris de premières mesures d’économies. Baidu, Tencent, Alibaba ont annoncé des embauches en baisse, voire des réductions d’effectifs. Un rapport du site de recherche d’emplois Zhaopin observait une baisse de 15 % des offres publiées par les entreprises de la tech en janvier 2019 par rapport au même mois de l’année précédente. Les employés ont ressenti les premières conséquences de ces mesures d’austérité juste avant le nouvel an lunaire, début février, qui est la période traditionnelle de paiement des primes de fin d’année.

« Si vous ne vous sentez pas sous pression dans votre entreprise, vous feriez mieux de partir, parce que cela veut dire que votre employeur est en train de mourir »

En janvier, c’est le patron d’une plate-forme de commerce en ligne, Youzan, qui a initier le débat en appelant ses employés à opter la culture du « 996 ». « Si vous ne vous sentez pas sous pression dans votre entreprise, vous feriez mieux de partir, parce que cela veut dire que votre employeur est en train de mourir », écrivait-il sur le réseau social WeChat. Sur GitHub, la plateforme des développeurs, une page « 996 ICU » a été créée, parce qu’à œuvrer 12 heures par jour, 6 jours sur 7, vous risquez de finir en « Intensive care unit » (unité de soins intensifs). Le sujet avait été commenté ou « aimé » 211 000 fois, vendredi 12 avril. Un record. C’était aussi l’un des plus éclaircis sur Weibo, plate-forme chinoise similaire à Twitter, début avril.

La colère de la communauté des programmeurs n’a pas empêché d’autres sociétés de suivre l’exemple de Youzan. Chez JD.com, les salariés du service client ont encaissé un avertissement, d’après un e-mail interne publié sur un réseau social chinois. Il mettait en garde les travailleurs qui « ne se battaient pas pour en faire plus, quels que soient leurs performances, leur poste, leur santé ou leur situation familiale ». Mi-février, l’entreprise avait déclaré le licenciement de 10 % des cadres, et voulait supprimer la partie fixe du salaire de ses livreurs. D’après le site américain The information, JD.com voudrait licencier 12 000 postes.

« Nous n’avons pas besoin de ceux qui ne veulent travailler que 8 heures par jour, commodément »

Le créateur du groupe, Liu Qiangdong, a répliqué aux critiques sur Wechat, vendredi : JD.com n’optera pas le « 996 », mais doit garder l’esprit de combat de ses débuts et annuler des postes d’encadrement inutiles, a-t-il déclaré. Jack Ma, le fondateur d’Alibaba a aussi défendu cette culture de l’employé qui ne compte pas ses heures, sans qui ni son groupe, ni Tencent, l’autre géant de la tech de l’empire du Milieu, n’auraient vu le jour. « Nous n’avons pas besoin de ceux qui ne veulent œuvrer  que 8 heures par jour, confortablement », a-t-il déclaré lors d’un séminaire interne le 11 avril, d’après le compte WeChat officiel de l’entreprise.

Une licence qui oblige à respecter le droit du travail

La culture du « 996 » n’est pas nouvelle mais elle était plus pratique à digérer quand la tech chinoise éprouvait une croissance insolente, qui s’interprétait par des augmentations de salaires à deux chiffres tous les ans. « Tout le monde travaillait à ce rythme, mais avant, il y avait une énergie très positive. Actuellement, la carotte n’est plus là », déclare Elliott Zaagman, présentateur du podcast China Tech Investor. Il poursuit :

« L’augmentation est moins rapide, il y a moins d’argent facile. Au point que beaucoup d’entreprises annulent des postes. Chez JD.com, le management voudrait des salariés plus motivés, qui travaillent plus dur. Mais cela ne fonctionne que si les entreprises tiennent leurs promesses, comme chez Huawei où les employés, qui sont tous actionnaires, encaissent des primes très importantes grâce à la croissance de l’entreprise. »

Pour se défendre, certains développeurs ont assimilé une licence à leurs codes qui oblige les clients à respecter le droit du travail. En vertu de cette licence, les développeurs d’un logiciel libre peuvent attaquer une entreprise qui utiliserait leur code et abuserait de ses employés. C’est Katt Gu, étudiante en thèse d’informatique à l’université de l’Illinois et consultante juridique pour la start-up Dimension à Shanghaï, qui a défini les limites de cette « licence anti-996 ».

Elle développe :

« C’est une arme additionnelle. Si votre patron vous force à faire des heures additionnelles et que votre entreprise utilise ces codes, vous pouvez vous adresser non seulement à la justice, en vertu du droit du travail, mais vous pourrez aussi contacter le propriétaire des droits du logiciel, qui pourra attaquer la société sur le terrain de la législation des droits d’auteur. »

Déjà plus d’une centaine de programmes ont été placés sur GitHub intégrant la licence, conclu cette dernière.

Les travailleurs français découragés, une légende ?

« Soixante-quatorze pour cent des salariés français interrogés par Korn Ferry déclarent avoir de l’intérêt pour leur travail – un taux stable depuis cinq ans – et 75 % déclarent éprouver de la “fierté” à travailler pour leur entreprise. »
« Soixante-quatorze pour cent des salariés français interrogés par Korn Ferry déclarent avoir de l’intérêt pour leur travail – un taux stable depuis cinq ans – et 75 % déclarent éprouver de la “fierté” à travailler pour leur entreprise. » TIM PANNELL / Corbis / Photononstop

Une étude du cabinet de conseil Korn Ferry met en cause les notions perçues sur l’indifférence des salariés français vis-à-vis de leur entreprise.

Les travailleurs français seraient les plus inquiets au monde. Amplement commenté dans les médias, le ultime sondage en date conduit par Gallup sur la motivation des salariés a fait grand bruit : à en croire l’institut, seuls 6 % des employés français s’affirment engagés au travail. Un taux qui en fait les salariés les moins motivés d’Europe. Particularités culturelles, chômage élevé, management paternaliste… toutes sortes d’arguments ont été avancés par des experts en ressources humaines afin d’entourer l’origine de ce « mal français ».

Mais un récent sondage fait par Korn Ferry vient battre en brèche ce constat. Le cabinet de conseil a essayé, à son tour, de sonder la motivation des salariés français. Et les résultats de son enquête sont clairement moins alarmants que le sondage réalisé par Gallup. Ainsi, 74 % des salariés français consultés par Korn Ferry déclarent avoir de l’intérêt pour leur travail – un taux stable depuis cinq ans – et 75 % déclarent concevoir de la « fierté » à travailler pour leur entreprise.

Pourquoi de tels écarts entre ces deux sondages ? Il y a bien sûr une inégalité de méthodologie : Gallup a consulté par téléphone un échantillon de 1 000 salariés français sur leurs conditions de travail globales, tandis que Korn Ferry a compilé des données rentrées entre 2014 et 2018 pour le compte de ses clients établis dans l’Hexagone, soit 90 organisations et 170 000 salariés, en posant des questions plus directes.

Les deux études se permettent sur un point : certes plus bas que la moyenne mondiale, le moral des salariés français n’est in fine pas si distinct de celui de leurs voisins. Selon les calculs de Gallup, seuls 10 % des salariés européens seraient effectivement engagés dans leur travail. Quant aux résultats établis par Korn Ferry pour les salariés français, ils se situent dans la moyenne mondiale. Preuve que tout dépend de la manière dont les sondages sont lus…

Critique plus qu’éloge

Nonobstant, quelques écarts semblent symptomatiques. Seuls 37 % des salariés français consultés par Korn Ferry pensent être payés de façon juste pour le travail qu’ils font, contre 49 % au niveau mondial. De même, la proportion de salariés désirant rester plus de cinq ans dans la même entreprise est plus faible en France que dans les autres pays (avec un peu moins de la moitié des salariés, elle s’établit à 8 points en dessous de la moyenne mondiale).

Après le pays du chômage de masse, la France est désormais pays de l’embauche »

Dans une agence Pôle emploi, à Tourcoing (Nord), en octobre 2018.
Dans une agence Pôle emploi, à Tourcoing (Nord), en octobre 2018. PHILIPPE HUGUEN / AFP

Nous l’avons tous aperçu, depuis quelques mois, de petits cartons discrets sortent dans les magasins, à l’entrée des fabriques ou des chantiers : employés sollicités. Comme au bon vieux temps, la France, pays du chômage de masse, est désormais, le pays de l’embauche. Au vu de l’extraordinaire enquête 2019 de Pôle emploi sur les besoins de main-d’œuvre, la société en France pourrait mettre un panneau géant devant sa porte : ici, on embauche un million d’employés dans les services aux particuliers, 700 000 dans les services aux entreprises, 325 000 dans le commerce, 178 000 dans la construction… Et même les secteurs moribonds cherchent des bras : 240 000 postes sont à nantir dans l’industrie et 250 000 dans l’agriculture !

On ne sait pas si, comme l’a suggéré, en 2018, Emmanuel Macron, il suffit de traverser la rue pour avoir un job, mais le fait est que l’emploi est existant.Et dans tous les domaines. La liste des métiers les plus sollicités par les sociétés cette année laisse rêveur : viticulteur, agent d’entretien, serveur, animateur socioculturel, aide ménagère, artiste, cuisinier, informaticien… Il y en a pour tous les goûts et toutes les compétences. Sachant que du côté des cadres (à partir de bac + 3), on approche le plein-emploi depuis plus d’un an.

Problèmes de difficulté, d’image du métier et de l’entreprise

Cette embellie est phénoménale. On n’avait pas vu un tel emballement depuis les années fastes 2006-2008, quand le taux de chômage était arrivé aux alentours de 7 %. Il s’explique par la manœuvre du retour de l’augmentation et de cinq ans de mesures en faveur des sociétés, tant sur le plan financier que social.

Mais la réduction forte du chômage, qui est passé, en 2018, sous la barre des 9 %, n’est pas encore garantie. Car la face sombre de l’étude de Pôle emploi révèle une forte augmentation des difficultés d’embauche. Les entreprises prévoient 2,7 millions de d’embauche cette année, mais une sur deux reconnaît que ce sera difficile, tant elles ont du mal à trouver le bon candidat. Dans des métiers, comme les couvreurs, les charpentiers, les carrossiers, les mécaniciens auto ou les aides à domicile, plus de 80 % des employeurs questionnées peinent à recruter. Score presque pareil du côté des chauffeurs routiers, des électriciens ou des plombiers. Depuis 2016, ce phénomène de difficulté s’amplifie et devient un vrai facteur de blocage. Dans la construction, les deux tiers des sociétés sont en pénurie de recrutement.

Les travailleurs d’Arjowiggins révoquent le « pillage organisé » des fabriques sarthoises

A l’usine Arjowiggins de Bessé-sur-Braye (Sarthe), le 27 mars.
A l’usine Arjowiggins de Bessé-sur-Braye (Sarthe), le 27 mars. JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Les avocats accusent la maison mère, Sequana, Bpifrance et Bercy dans la ruine des usines sarthoises.

Dix jours. C’est le délai établi par les délégués des 726 salariés sarthois d’Arjowiggins effrayés de licenciement. Lundi 8 avril, ils ont envoyé trois courriers lourds de menaces, l’un au PDG du groupe Sequana (la maison mère), Pascal Lebard – leur ancien chef –, l’autre au directeur général de la banque publique d’investissement Bpifrance, Nicolas Dufourcq, et le troisième au ministre de l’économie, Bruno Le Maire.

Ils entendent mettre manifestement en cause les touchés dans la gestion du dossier Arjowiggins, qui a achevé, le 29 mars, à la liquidation de la fabrique sarthoise de Bessé-sur-Braye (568 salariés) et à la réparation partielle de sa voisine du Bourray, à Saint-Mars-la-Brière (112 salariés conservés sur 270). L’usine Greenfield de Château-Thierry (Aisne) étant, elle, reprise avec ses 75 salariés.

Les délégués du personnel et leurs conseils du cabinet LBBa, Mes Justine Candat et Thomas Hollande, reprochent le groupe Sequana d’avoir procédé à des mouvements de fonds illicites « pour plus de 20 millions d’euros », entre le jugement de rétributions et l’ouverture des procédures de redressement judiciaire des usines sarthoises. Et ce, aux appointements des filiales Antalis (distribution) et Arjowiggins Sourcing, toutes deux dirigées par Pascal Lebard.

S’appuyant sur l’article L632-2 du code du commerce, ils résilient « un pillage organisé » de la trésorerie des sociétés sarthoises, qui a « gravement entravé la poursuite de l’activité de ces entreprises » et « irrémédiablement compromis les chances de trouver un repreneur pour l’ensemble des activités françaises d’Arjowiggins Graphic ».

Uniquement le groupe suédois Lessebo Papers avait exprimé une proposition globale pour les trois usines, mais n’avait pu assurer l’apport de 33 millions d’euros (puis de 25 millions, dans un second temps) de fonds privés essentiels à la reprise, l’Etat et les régions Centre-Val de Loire et Pays de la Loire s’étant engagés, quant à eux, à supporter la même somme par le biais de fonds publics.

« Flux courants et habituels »

Pour les travailleurs, il apparaît clairement que ces « plus de 20 millions d’euros » emportés par le groupe ont eu un rôle déterminant dans l’échec de ce projet de reprise, et ils exigent actuellement de leur ancien PDG « de participer, sous dix jours, au financement des plans de sauvegarde de l’emploi » des fabriques sarthoises « à hauteur du montant des mouvements de fonds intervenus au préjudice de ces deux sociétés ». Une fois le délai passé, les avocats ont obtenu pour instruction « de saisir les juridictions civiles et répressives compétentes ».

 

Les personnes touchées par le cancer d’origine professionnelle sont augmentés d’une façon spectaculaire

Un médecin généraliste, à Bordeaux, en 2015.
Un médecin généraliste, à Bordeaux, en 2015. Regis Duvignau / REUTERS

L’Assurance maladie annonce, jeudi, le rapport « Santé travail : enjeux et actions ». Elle admet qu’une part non insignifiant des cancers professionnels demeure non affirmé.

Le cancer est transformé abondamment courant dans le monde du travail, que l’expérience de la maladie est en passe d’évolution une compétence. Qualification « Fighting cancer » peut-on ainsi lire dans les CV sur Linkedin. « Quand on traverse une maladie, on procure une compétence qui est d’aller chercher des ressources pour s’adapter dans l’urgence et gérer les crises, l’ex-malade a de quoi transmettre à ses pairs », déclare Hélène Bonnet, responsable chez Sanofi de « Cancer & travail : agir ensemble ». Jeudi 11 avril, l’Assurance maladie diffuse un rapport intitulé « Santé travail : enjeux et actions », qui dévoile que le nombre de cancers reconnus d’origine professionnelle a plus que triplé en vingt ans, passant de 541 à 1940, avec une moyenne annuelle de 1840 cas pour les cinq dernières années.

Il y a en hexagone 1 000 nouveaux cas de cancer par jour. La cartographie éditée en janvier par Santé publique France (ex-Institut de veille sanitaire) montre qu’en moyenne le cancer a intéressé 356 000 nouveaux cas par an de 2007 à 2016, et pour 2018 l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en a signalé 382 000. La part des cancers reconnus d’origine professionnelle (0,5 %) peut, à cette aune, paraître proportionnellement modeste.

Mais l’amélioration des cancers sans rapport avec l’amiante est menaçante : c’est la part du bilan qui augmente le plus ces dernières années. « Le nombre de cancers hors amiante représente désormais 23 % des cancers professionnels en 2017, contre 17 % en 2013 », mentionne la branche Risques professionnels de l’Assurance maladie. Il s’agit des cancers de la vessie, des cancers nasosinusiens et des leucémies, en lien avec l’exposition aux poussières de bois, au benzène, et aux produits noirs (goudrons, bitumes, asphaltes) pour la moitié d’entre eux. Dans le même temps, la part des cancers liés à l’amiante est passée à 77 % contre 83 % quatre ans plus tôt. Ils sont réduits dans le nord de la France dans les secteurs de la sidérurgie et le BTP et sur la population ouvrière.

Une participation financière de taille

Cette situation ne correspond pas à l’exposition actuelle des salariés, mais elle reflète la structure de l’emploi des cinquante dernières années. « La période de latence entre l’exposition aux facteurs cancérigènes et la survenue du cancer est de vingt à quarante ans. On ne connaîtra l’impact de l’exposition contemporaine des agents cancérigènes sur la santé des salariés que dans plusieurs années », ajoute l’Assurance maladie.

 

Pas une grande promotion pour les femmes diplomates françaises

Le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian (au centre), à la Conférence annuelle des ambassadeurs, le 29 août 2018.
Le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian (au centre), à la Conférence annuelle des ambassadeurs, le 29 août 2018. THIBAULT CAMUS / AFP

Une augmentation du nombre d’ambassadrices  mais les plus hauts postes demeurent attribuer aux hommes.

Les femmes diplomates déjà au sommet de leur carrière ou en attente de leur premier poste d’ambassadrice ne dissimulent pas leur captation. Bien que les efforts fait, l’amélioration vers la parité leur semble bien trop lente. « C’est un double ras-le-bol, celui de ne pas encore se voir absolument reconnues et celui de s’entendre dire de plus en plus souvent par les collègues : “Tu es une femme et tu auras donc un beau poste” », regrette l’une d’entre elles. « Il y a un vrai fossé entre la bonne volonté affichée et la réalité des choses. Le combler présupposerait un grand volontarisme politique au plus haut niveau et pas seulement au ministère », renchérit une de ses collègues.

« Si les améliorations en matière de féminisation sont certaines (…), ils sont encore nettement insuffisants », regrettaient fin février, dans une lettre au ministre Jean-Yves Le Drian, 21 députés de La République en marche, dont Mireille Clapot, vice-présidente de la commission des affaires étrangères.

Le grand mouvement d’ambassadeurs de l’été, qui prédit des mutations à 64 postes, repose la question et affile tous les appétits dans un ministère où il y a beaucoup moins d’ambassades vacants que de hauts employés à même d’y prétendre. Certains des postes à pourvoir sont parmi les plus prestigieux et les plus recherchés : ainsi de Washington, avec l’essor à la retraite de Gérard Araud, ou de New York, à la représentation auprès de l’ONU, que va laisser François Delattre. A la fin de l’automne, il y aura aussi Moscou avec le départ à la retraite de Sylvie Bermann.

Les prolongateurs ne sont pas encore appelés mais les tapages sur ce grand mercato, l’un des plus importants des dernières années, vont bon train. Philippe Etienne, conseiller diplomatique d’Emmanuel Macron, est pressenti pour Washington. Malgré cela, chargé de l’organisation du sommet du G7 sous présidence française fin août à Biarritz, il ne saurait s’y installer avant l’automne. Le poste aux Nations unies devrait être octroyé à Nicolas De Rivière, directeur des affaires politiques.

A priori, aucune femme n’est en lice. En aucun cas une femme n’a employé un de ces postes illustre aux Etats-Unis. Il risque même de ne plus y avoir aucune femme à la tête d’une ambassade dans un des pays membres persistants du Conseil de sécurité après le départ de Sylvie Bermann. Appelée en 2011 à Pékin avant de partir pour Londres puis Moscou, elle avait été la première diplomate française à employer de telles ambassades stratégiques. Seule resterait Anne-Marie Descôtes, à Berlin, pour symboliser les efforts de parité au plus haut niveau.

La lente décadence des classes moyennes dans les sociétés industrialisées

D’après un rapport de l’OCDE, diffusé mercredi, les changements de l’emploi, l’automatisation ou l’augmentation du coût du logement développent ce préjudice.

Election de Trump aux Etats-Unis, scrutin pour du Brexit au Royaume-Uni, les « gilets jaunes »… Si ces faits ont des origines politiques propres à chaque pays, ils ont un point commun : tous sont l’expression, avec plus ou moins de force, d’un ras-le-bol des classes moyennes. D’un épuisement intensifiée d’une angoisse : celle, chez de nombreux Français, Britanniques ou Américains, de perdre leur emploi. De ne plus profiter des mêmes pertinences d’ascension sociale que leurs parents. De voir leurs enfants vivre moins bien qu’eux.

Dans un rapport récent fait le mercredi 10 avril, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s’incline sur la « pression » à laquelle les citoyens se plaçant au milieu de l’échelle sociale sont soumis depuis les années 1980. Le constat dressé, certifiant les précédents travaux sur le creusement des différences, est angoissant : depuis 1980, la part de la classe moyenne, définie comme les économises gagnant entre 75 % et 200 % du revenu national médian, est descendu de 64 % à 61 % de la population dans les trente-six pays membres de l’OCDE. « La situation varie abondamment d’un Etat à l’autre, mais, dans la plupart d’entre eux, ces ménages ont vu leur niveau de vie stagner ou décliner », déclare Stefano Scarpetta, spécialiste de l’emploi pour l’organisation. Pis, leurs revenus ont amélioré beaucoup moins vite que ceux des 10 % les plus riches.

Pour saisir la mesure de ce déclin, l’OCDE s’est inclinée sur la situation des générations qui se sont succédé depuis l’après-guerre dans ses trente-six Etats membres. Les baby-boomeurs, nés entre 1942 et 1964, sont les plus chanceux, surtout car ils ont été moins affichés aux mutations de l’emploi que leurs enfants. Ainsi, 68 % d’entre eux appartenaient déjà à la classe moyenne lorsqu’ils avaient une vingtaine d’années. Cette part chute à 64 % pour la génération X née entre 1965 et 1982, et à 60 % pour les millennials, nés entre 1983 et 2002. La France, elle, se montre mieux lotie : le pourcentage est tombé de 68 % à 64 %, avant d’aider à 67 % pour les plus jeunes. Il n’empêche : « Pour la classe moyenne, les possibilités de grimper l’échelle sociale sont de plus en plus ténues, tandis que le risque de tomber dans la catégorie des bas revenus est de plus en plus prégnant », déclare M. Scarpetta.

L’aliénation des cadres sportifs aux fédérations

La ministre des sports, Roxana Maracineanu, assure que les « 1 600 cadres techniques, aujourd’hui fonctionnaires d’État mis à disposition des fédérations gratuitement (...) ne perdront pas leur statut » de fonctionnaire.
La ministre des sports, Roxana Maracineanu, assure que les « 1 600 cadres techniques, aujourd’hui fonctionnaires d’État mis à disposition des fédérations gratuitement (…) ne perdront pas leur statut » de fonctionnaire. LUDOVIC MARIN / AFP

« Il est hors de question de supprimer ces postes. » Questionnée mardi 9 avril, la ministre des sports, Roxana Maracineanu, a, à une autre foi, essayer de rassurer les conseillers techniques sportifs (CTS). Depuis la demande de Matignon à son ministère, en septembre 2018, de supprimer 1 600 postes d’ici à 2022 en ciblant ces cadres d’État, caractéristique et rouage du modèle sportif français, le monde du sport français s’inquiète.

Une « lettre blanche » du ministère des sports, confirmant des informations du Parisien, nous montre le futur de ces « chevilles ouvrières du sport français », comme ces cadres sportifs sont souvent qualifiés : ils devront passer graduellement, et sur la base du volontariat, sous la tutelle des différentes fédérations d’ici à 2025, leur détachement devenant ensuite obligatoire.

L’équipe de Roxana Maracineanu insiste sur le fait qu’il s’agit là d’un document de travail, non encore approuvé par la ministre, qui projette des « perspectives de travail » sur « un modèle qui va être réformé ». Mais les grandes lignes de l’évolution espérée par le gouvernement, à savoir un désengagement de l’Etat dans le fonctionnement du sport français, sont là. Tour d’horizon de ce qui se prépare.

Quand on parle de CTS, de quoi et de qui s’agit-il ?

Qu’ils soient directeurs techniques nationaux, entraîneurs nationaux ou conseillers techniques nationaux et régionaux, les 1 600 CTS garantissent la mise en place des politiques publiques dans le domaine de l’éducation, l’assimilation, la lutte contre le dopage…

Quel est le projet du gouvernement ?

« La réforme que j’engage va vers une plus grande autonomie des fédérations et une plus grande responsabilité des résultats sportifs qu’elles mettent en place, a résumé Roxana Maracineanu, mardi. Mais aussi qu’elles soient responsables des plans de développement des politiques sportives. »

« Ces 1 600 cadres techniques, actuellement fonctionnaires d’État mis à disposition des fédérations gratuitement, on a envie qu’ils deviennent des cadres techniques au service des fédérations », a déclaré Mme Maracineanu. Ils « ne perdront pas leur statut » [de fonctionnaire], insiste-t-on au ministère.

Par contre, en cessant progressivement d’être payés par l’Etat pour le devenir en majorité par les fédérations, les CTS permettront à la ministre de respecter « l’engagement présidentiel de réduire de 50 000 le nombre d’agents publics sur le périmètre de l’Etat et de ses opérateurs », comme le mentionné, à l’été 2018, la lettre de cadrage de Matignon.

Comment le détachement des CTS vers les fédérations va-t-il s’opérer ?

Un « détachement d’office immédiat » de ces agents du ministère vers les fédérations sportives « est écarté au profit d’une mise en œuvre progressive et sur la base du volontariat », précise le document de travail du ministère.

Si la réforme devrait rapidement être lancée, le ministère cible 2025 – après les Jeux olympiques de Paris 2024 – comme date butoir où « le détachement d’office sera mis en place ». Il fixe un chiffre de 50 % des CTS « détachés » dans les fédérations d’ici à 2025.

Un rapport de l’inspection générale de la jeunesse et des sports, remis en novembre 2018 à Roxana Maracineanu, avait recommandé « d’écarter tout scénario de rupture » immédiate, « dans le contexte de la préparation des équipes de France aux JOP [Jeux olympiques et paralympiques] de Tokyo 2020 et de Paris 2024 ».

Fer de lance de la contestation depuis septembre 2018, l’Association des directeurs techniques nationaux (ASDTN) dénonce ce qu’elle qualifie de « campagne de détachements sauvages vers les fédérations sportives ».

Le Syndicat national des activités physiques et sportives (Snaps), s’insurge que « le scénario de démantèlement du service public du sport et de son ministère semble poursuivre sa route en dépit des belles déclarations de la ministre lors de son audition » à l’Assemblée nationale.

Insistant sur la nécessaire « pédagogie autour de la réforme » auprès « d’agents et de présidents de fédérations ne connaissant pas parfaitement la position de détachement », la lettre blanche prévoit des réunions avec le comité olympique (CNOSF) et l’association des DTN avant la formalisation de la réforme.

En parallèle, « une négociation sera menée avec deux ou trois fédérations partenaires qui seraient prêtes à s’engager de manière volontariste dans le projet de réforme », prévoit la lettre blanche.

Les fédérations seront-elles accompagnées financièrement ?

L’ASDTN alerte sur « les dangers et surcoûts évidents de ces détachements » pour les fédérations.

Le projet prévoit que les « fédérations pilotes » pourront bénéficier de « modalités de compensation particulières au moins pour la première période de 5 ans ». Plusieurs candidates se sont fait connaître, selon le ministère, qui, à ce stade, n’en dévoile pas l’identité.

Certaines grosses fédérations sont en mesure d’assumer le poids financier d’une telle réforme et y aspirent, « demandeuses » selon le ministère de « récupérer le lien hiérarchique sur ces agents ».

Récupérer la tutelle des cadres d’Etat est le rêve de certains dirigeants fédéraux, qui deviendraient les uniques patrons de leurs directeurs techniques nationaux et entraîneurs de haut niveau.

D’autres fédérations, de sports moins médiatiques et moins à même d’attirer des sponsors, redoutent de ne pouvoir faire face à ces nouvelles dépenses.

Une compensation « pondérée en fonction de critères d’autonomie financière des fédérations » est prévue par le ministère et sera versée jusqu’en 2025. Le montant de cette aide sera estimé par un cabinet extérieur, afin de « garantir l’objectivité du résultat ».

Que se passera-t-il après 2025 ?

Cette date de péremption attise les critiques. L’ASDTN estime qu’elle marquera la « suppression de l’encadrement public du sport, alors que le détachement des cadres et sa compensation ne seront garantis que cinq ans et qu’ensuite un détachement obligatoire massif sans compensation s’appliquerait. »

« L’idée de la compensation n’est pas qu’elle s’arrête en 2025 », rétorque-t-on au ministère des sports, accusant les DTN d’agiter un chiffon rouge.

Bientôt employés par les fédérations, les futurs ex-CTS se concentreront-ils sur le seul haut niveau ou pourront-ils aussi poursuivre leurs activités moins rentables (en matière d’éducation, santé…) ? Sur ce point, la lettre blanche demeure muette.

Comment le CAC 40 plait les jeunes diplômés

Le marché de l’emploi des cadres est au beau fixe, surtout pour les bac + 5. Pour les employeurs, les sociétés s’adaptent.

Avec 4 300 poste de travaille en CDI en 2018, dont 65 % de jeunes diplômés, Capgemini, socié­té de conseils, services informatiques et transformation digitale, est l’un des plus gros recruteurs de cadres en France. En 2019, la tendance devrait être la même. « Le premier critère de sélection pour les jeunes diplômés est d’intégrer une entreprise apprenante », déclare Jihane Baciocchini, directrice du recrutement pour Capgemini France.

« Ils veulent contribuer à la fabrication des savoirs », ajoute Delphine Renard, directrice des ressources humaines. Pour ce faire, la société a développé le principe des communautés (par métiers, technologiques, sectorielles…) et élaborer depuis six mois une dynamique de codéveloppement, un processus d’animation de groupe crée sur l’intelligence collective. Répondre aux besoins de la nouvelle génération est une grande contribution dans une société  où la moitié des ­effectifs sont âgés de moins de 30 ans.

Les jeunes cadres désire de la lisibilité et de la transparence, et sont surtout friands d’évaluations de leur travail. Résultat: le traditionnel entretien annuel est mort et enterré, car jugé en décalage avec la réalité. « Nous sommes passés d’une évaluation annuelle de la performance à une validation en continu des compétences », conclu Delphine Renard. Une appli CapGenie permet au salarié de s’auto-évaluer et de consulter des commentaires de sa hiérarchie. Tous les manageurs ont été formés à cette nouvelle approche. « Nous avons de très bons retours des jeunes embauchés. Ils jugent le dispositif plus rapide et plus fluide », épanoui Delphine Renard.

Le monde pour terrain de jeu

Une revue de personnel trimestrielle, où les manageurs se focalise sur les compétences des salariés, a aussi été mise en place. Concrètement, « le rythme des promotions s’est accéléré pour passer de 22 % à 28 % entre 2017 et 2018 », illustre la DRH. Reste aussitôt, selon les retours des utilisateurs, des dysfonctionnements à résoudre sur l’application CapGenie.

Cette génération de jeunes diplômés est très mobile et a fait du monde son terrain de jeu. Afin d’éclairer la mobilité interne au ­niveau international, Schneider Electric (gestion de l’énergie et des automatismes) – le groupe est présent dans plus de 100 pays – travaille sur une plate-forme nommée « Open Talent Market », qui va voir le jour d’ici la fin de l’année. « Elle sera exhaustive et proposera, outre les postes à pourvoir, les ouvertures de projets avec appel à participation », mentionne Anissa Deal, directrice du recrutement.

Palmarès Universum 2019 : les jeunes favorisent le luxe, l’aviation et les salaires élevés

 C’est  une étude exclusive faite par « le Monde » sur la distribution des sociétés préférées des prochains diplômés des écoles d’ingénieurs et de commerce et management.

Manager dans le luxe ou conduire un projet dans l’aéro­spatiale : une avidité amplement distribuée par les 36 578 étudiants de niveau master en école d’ingénieurs ou en école de commerce qui arrivent d’installer le palmarès des sociétés idéales.

Mais en 2019 plus qu’avant ils désirent en  être bien payés et préserver un bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Consultés comme chaque année depuis 1999 par Universum, une entreprise suédoise, spécialisée dans la « marque employeur », ils ont indiqué les sociétés où ils songeraient d’œuvrer. Une enquête semi-assisté, interprétant 130 noms d’entreprise, leur a été soumis pour indiquer leur « top 5 employeurs ». Les étudiants ont aussi indiqué si leurs objectifs de carrière prioritaires se retrouvaient dans leurs « entreprises idéales ».

 

Infographie Le Monde

36 578 étudiants consultés

20 153 étudiants d’écoles de commerce et de management et 15 064 originaires d’écoles ­d’ingénieurs ont répondu, d’octobre 2018 à février 2019, à l’institut d’enquête inter­national Universum, spécialisé dans la marque employeur, afin de faire le distribution des sociétés qui les font le plus rêver. Les 36 578 jeunes interrogés, au total, dans 157 établissements sont de niveau master ; 56 % sont des hommes et 44 % des femmes.

Une enquête semi-assisté, comprenant 130 noms ­d’entreprise, est données aux étudiants, convoqués à désigner leur « top 5 employeurs ». Ils peuvent, en plus, citer ­spontanément d’autres noms, ce qui montre l’entrée de nouvelles sociétés dans le palmarès d’une année sur l’autre. La première édition française du sondage ­Universum des employeurs préférés des jeunes diplômés a eu lieu en 1999.

La tête de podium des sociétés les plus attirantes illustre une grande stabilité du choix des étudiants d’une année sur l’autre : le luxe et le digital font rêver les 20 153 futurs commerciaux et futurs manageurs qui plébiscitent, dans le même disposition qu’en 2018, LVMH, L’Oréal Group, Google, Chanel et Apple ; quant aux 15 064 étudiants ingénieurs, ils désignent Airbus, Google, Thales, Safran et Dassault Aviation comme leurs employeurs favoris. L’envie des futurs ingénieurs pour les secteurs de l’aéronautique et de la défense ne faiblit pas.

Google en recul de 1 point

Pour les cinq sociétés favorites des étudiants, les variations d’une année sur l’autre se nidifient dans la part des votants. Ainsi, le Géant américain Google, sans modifier de place dans les classements, consigne un recul de 1 point de pourcentage en un an chez les étudiants en écoles de commerce, malgré cela que le numéro un du luxe LVMH en gagne autant et approfondit l’écart avec L’Oréal Group, son challenger historique dans le palmarès.

Sur plus de 20 000 personnes consultées, « c’est une forte baisse pour Google », développe Aurélie Robertet. La ­directrice d’Universum France met ce repli sur le compte d’une préférence pour les entreprises françaises. Une transmutation intervenu en 2018 et qui s’est poursuivi cette année. Même si une des plus fortes augmentations dans le palmarès est celle du chinois Huawei (+ 18 pour les commerciaux et + 22 pour les élèves ingénieurs).

Dans l’édition 2019, « quatre tendances ressortent clairement du choix des étudiants, explique Aurélie Robertet. Un intérêt croissant pour une bonne rétribution immédiate, une respiration à davantage d’autonomie, une préférence pour les sociétés françaises, et une amélioration à la marge de la “quête de sens” ». Ces aptitudes résultent à la fois des ­résultats du palmarès et des réponses des universitaires sur leurs secteurs favoris, leurs respirations professionnelles, leurs priorités ou encore leurs exigences salariales.