Les chercheurs d’emploi, premières victimes du numérique
Difficulté à se connecter à Internet, faire une prospection en ligne ou pianoter un mail : pas moins de 13 millions de Français sont touchés par la « fracture numérique ». En première ligne, les demandeurs d’emploi. De nos jours, presque tous les métiers requièrent des compétences numériques.
En mois de mars, l’ex-secrétaire d’Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, inaugurait à Strasbourg le douzième lieu de formation « Emmaüs Connect ». le but du dispositif : combattre le mal qui touche des millions de Français : la « fracture numérique ». Destiné aux personnes qui n’ont pas Internet ou qui trouvent des difficultés à s’en servir, l’espace d’Emmaüs Connect offre l’accès au matériel connecté et fourni des ateliers pour s’initier au numérique.
Car cette année, tous les Français ne sont pas égaux sur la toile. Ecrire un mail, exploration sur le web ou même se connecter est du parcours du combattant pour bon nombre de français. Selon la Mission Société Numérique, dirigée par le gouvernement, 13 millions de Français sont victimes d’« illectronisme » : un néologisme servant à désigner l’inaptitude ou le manque de maîtrise des outils numériques pour effectuer des démarches courantes.
En première lieu, les chercheurs emploi. Internet est devenu incontournable, aussi bien pour trouver un travail que pour percevoir ses droits au chômage. L’inscription à Pôle emploi se fait uniquement en ligne depuis 2016. « On a formé 3 000 jeunes en service civique pour accompagner ces personnes à l’utilisation de nos nouveaux services, se défend Karine Meininger, directrice des services aux demandeurs d’emploi de l’opérateur public. On a aussi mis en place des postes informatiques en agence et on propose une aide téléphonique ».
75 % des emplois exigent la maîtrise des compétences numériques
Mais, selon une investigation de Pôle emploi, 13 % des demandeurs d’emploi n’utilisent pas ou peu Internet dans leur recherche. « Il y a des personnes qui ne savent pas du tout l’utiliser et d’autres qui estiment ne pas en avoir besoin », constate Karine Meininger,. Sans oublier ceux qui ne disposent d’aucun abonnement Internet, par carence de moyens ou parce qu’ils sont situés dans une « zone blanche » mal couverte par les opérateurs téléphoniques.
Un problème d’autant plus aigu que 75 % des emplois demande désormais la maîtrise de compétences numériques indique un rapport France Stratégie remis au gouvernement en juillet 2018. Tous les secteurs sont touchés, et y compris pour les emplois les moins qualifiés : « les métiers d’aide à la personne font de plus en plus appel à la domotique, les livreurs doivent désormais traiter des bons de commande numérisés… Beaucoup de métiers qui n’étaient pas spécialement qualifés demandent actuellement d’avoir des compétences numériques de base », déclare Karine Meininger.
Il s’agit de borner les abus dans un secteur très montré au dumping social. Mais, étant donné les profondes divisions qui présentent entre les Etats du centre et ceux de la périphérie, le « paquet transport » tel que réformé par les eurodéputés est un parfait compromis à l’européenne, avec ses avancées et ses faiblesses.
Etait-il éventuel d’aller plus loin dans le support des chauffeurs et des intérêts des entreprises de transport hexagonales ? Pas sûr. Il s’agit en tout cas d’un bon thème de discussion pour la campagne des européennes.
Parmi les points forts du « paquet », les mandatés ont utilisé la prohibition du repos hebdomadaire nécessaire des chauffeurs dans leur cabine. La France faisait partie des pays qui défendaient cette mesure. Les chauffeurs routiers devraient par ailleurs bénéficier d’un droit de retour régulier dans leur pays d’origine, au moins toutes les quatre semaines. Et ce, pour en finir avec les pratiques de certaines entreprises qui les encouragent de leur famille durant plusieurs mois d’affilée.
« Réelles avancées »
Les opérations de cabotage (livraison d’un point à un autre dans un même pays, par un camion venu de l’étranger) seront bornées. Elles ne seront pas autorisées plus de trois jours par an. En outre, entre chaque intervalle de cabotage, le camion devra réintégrer dans son pays d’attache, et y rester au moins 60 heures avant de repartir. Il s’agit de prévenir « le cabotage systématique », effectué par des chauffeurs payés bien moins cher que ceux des pays où ils réalisent leurs livraisons.
Autres dispositions : pour mieux combattre contre les entreprises « boîtes aux lettres », enregistrées dans un pays mais salariant des chauffeurs venus d’ailleurs, les transporteurs devront réhabiliter d’une « activité substantielle » dans l’Etat dans lequel ils sont enregistrés. Les véhicules légers (moins de 3,5 tonnes), de plus en plus abîmés pour le cabotage, seront soumis aux mêmes règles que les camions. Par ailleurs, les élus ont voté l’application des règles du renoncement (même salaire horaire pour le même travail) dès le premier jour, pour les opérations de livraison internationales, y compris le cabotage.
Mais les eurodéputés de l’Est, lourdement opposés au raffermissement des règles, ont obtenu des exemptions importantes : le principe de la capitulation ne s’apposera pas pour des livraisons« bilatérales », d’un point A en France, par exemple, à un point B, en Belgique. Dans ce cadre, les chauffeurs pourront aussi accomplir une opération de cabotage à l’aller et une au retour (ou deux à l’aller et aucune au retour), sans être examinés comme des « détachés ».
La députée Verte Karima Delli, patronne de la commission transport à Strasbourg, a révoqué « la création en Europe d’une classe de salariés de seconde zone »
« Ces orientations représentent de réelles avancées pour les droits des travailleurs et pour une concurrence plus loyale dans le transport routier », s’est félicité Elisabeth Borne, la ministre française des transports. « La bataille a été difficile, mais désormais nous abordons de l’objectif de doter [les trois millions de chauffeurs routiers] de conditions de travail dignes », a pour sa part salué Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy, chef de file des eurodéputés socialistes hexagonaux.
La députée Verte Karima Delli, présidente de la commission transport à Strasbourg, a, elle, révoqué « la création en Europe d’une classe de salariés de seconde zone. Les chauffeuses et chauffeurs du secteur routier sont victimes du “deal” passé entre le gouvernement français et les Etats périphériques, qui en avaient fait une monnaie d’échange afin d’obtenir un accord sur la révision de la directive générale sur le détachement ».
Manœuvre protectionniste
Il est vrai qu’avec d’autres Etats, la France a accueilli que le transport soit sorti du champ de la révision de la directive sur le travail dégagé et fasse l’objet d’un texte hétérogène. Il est aussi vrai qu’en 2017, Paris avait obtenu un aboutissement du détachement à un an, contre l’avis des pays de l’Est, qui estimaient bien prendre leur revanche avec le « paquet transport ».
Ces dernières semaines, les élus de l’Est ont essayé d’esquiver un vote du Parlement sur ces textes, considérant qu’ils représentaient une manœuvre protectionniste de l’Ouest à l’égard de leurs entreprises. Dans les pays baltes ou en Bulgarie, le transport représente une part élevé du produit intérieur brut (plus de 12 % dans le cas de la Lituanie).
« Obtenir de l’Est l’abstraction du renoncement à tous les types de transport, c’était impossible. Ces capitales considèrent que l’Ouest a profité à plein de l’accroissement, particulièrement en investissant le secteur financier à l’Est, et qu’on doit leur laisser le transport », glisse une source parlementaire.
Ces textes approuvés par les eurodéputés verront-ils le jour avant les élections européennes ? Cette vision est peu probable. Au Conseil, les Etats sont, eux aussi, parvenus à un accord (fin 2018). Leur position est proche de celle du Parlement. Mais les deux institutions doivent entrer en discussion pour achever à une position commune. Ce qui peut prendre au minimum un trimestre.