Une forte présence des clubs d’anciens des grandes écoles
A l’Insead, l’association des «alumni » arrange des meetings ou des « dîners mystère » durant lesquels un ancien convoque chez lui d’autres diplômés inconnus. A l’heure de LinkedIn, la puissance de ces associations ne semble pas remise en cause.
Paris 7e, 20 heures pétantes, prêt de la tour Eiffel. Rory Wheeler et sa femme ont passé l’après-midi à cuisiner. Le jeune couple est un peu tendu : ce samedi de février, ils ont invité à dîner dans leur appartement quatre personnes qu’ils n’ont jamais aperçues. A part les noms et les adresses courriel des convives, envoyés par l’Association des anciens élèves de l’Institut européen d’administration des affaires (Insead), ils ne savent rien d’eux. Leur point commun : être diplômés de ce business school très célèbre cachée dans la forêt de Fontainebleau (Seine-et-Marne), qui a enseigné des générations de cadres dirigeants.
Aimeront-ils le poulet rôti sauce aigre-douce, le côtes-du-rhône ? « Quand ils ont su qu’on recevait des inconnus, mes beaux-parents, qui ont passé l’après-midi à la maison, nous ont examinés comme des extraterrestres », plaisante Rory, 33 ans. Tout le monde arrive à l’heure. On installe les invités, âgés de 28 à 69 ans, qui font des métiers très différents : ancien assistant parlementaire en recherche d’emploi, journaliste, créatrice d’une entreprise dans l’événementiel et docteur en physique des matériaux.
Tous s’étaient inscrits pour collaborer à un random dinner (« dîner mystère »), une initiative de l’association des anciens. Depuis le début de l’année, vingt-six dîners ont déjà eu lieu, dont deux à Lyon. « Assez vite, on a échangé des idées, parlé de politique, d’entrepreneuriat, évoque Rory. C’était très festif. Nous avons passé une bonne soirée et nous le referons. » Ils s’abandonnent en se promettant de rester en contact.
Les « bonnes » personnes
Pourquoi préparer à manger pour des inconnus ? « C’est du réseautage », dit Rory Wheeler. Rien de plus normal dans ce monde des très grandes écoles, qui dissolvent particulièrement leur pouvoir sur ces liens. Lorsqu’il s’est inscrit dans le Master of Business Administration (MBA) de l’Insead, Rory venait y chercher ce qui manquait à sa carrière : un carnet d’adresses. Originaire du Zimbabwe, passé par une fac de droit, à Toulouse, il n’éprouvait qu’une personne lorsqu’il a débarqué à Paris pour passer l’examen d’entrée à l’école d’avocats. Epuisé par le rythme abusif du cabinet dans lequel il travaille toujours, il a décidé il y a deux ans de reprendre les études à Fontainebleau – et convaincu sa hiérarchie de prendre une partie des frais de scolarité (80 000 euros) à sa charge. « Avant l’Insead, j’ai eu un mal fou à rencontrer les “bonnes” personnes, c’est-à-dire les grands cadres dirigeants. Ils étaient inabordables, je ne les voyais même pas. »
Le conseil de prud’hommes de Lyon observe, mardi 12 mars, les sollicites de 1 208 salariés et ex-salariés de Renault Trucks qui réclament la reconnaissance de leur « préjudice d’anxiété » après le classement « amiante » du site de construction de camions de Vénissieux (Rhône). L’audience – hors normes au vu du nombre de plaignants –, a été délocalisée dans une salle polyvalente de Rillieux-la-Pape, dans la banlieue lyonnaise.
Le site de Renault Trucks (ex-RVI), immédiatement filiale de Volvo, à Vénissieux, a été reconnu « site amiante » par arrêté publié au Journal officiel à l’automne 2016, permettant ainsi aux salariés en poste jusqu’en 1996 d’avoir droit au dispositif de retraite anticipée des travailleurs de l’amiante. Cette inscription intéresse la période allant de 1964 à 1996.
« A l’époque, personne n’était averti, on divisait l’amiante à la scie. Il n’y avait aucune souhait, on utilisait des soufflettes pour nettoyer les postes de travail », témoigne le président de l’Association prévenir et réparer (APER), Jean-Paul Carret. La « prise de conscience », dit-il, a eu lieu à la fin des années 1990, « après les premiers décès ». L’APER a dénombré au moins une « vingtaine » de morts liées à l’amiante depuis 2000 et une « quarantaine » de cas convenus comme maladies professionnelles.
Epée de Damoclès
Actuellement, les plaignants, principalement des retraités et quelques salariés en fin de carrière, vivent « toujours avec une épée de Damoclès ». « Ça trotte dans les têtes à chaque fois qu’ils enseignent qu’un ancien collègue est mort », dit M. Carret, qui définit que ces 1 200 dossiers étaient « une première vague », « 200 autres doivent être examinés ultérieurement ».
Contacté par l’Agence France-Presse, Renault Trucks n’a pas souhaité faire de « commentaires sur les actions de justice en cours le concernant ». Le groupe a simplement ajouté que l’entreprise « n’avait jamais affiché ses salariés à des risques connus », garantissant que « plus aucun produit amianté » n’était utilisée « dans ses processus depuis le 1er janvier 1997 ».
Le protecteur des plaignants, Me Cédric de Romanet, réclame 15 000 euros pour chacun d’eux, attendu que « les études épidémiologiques montrent, inopportunément, que le temps d’exposition est sans effet » sur le risque de déployer une maladie liée à l’amiante.
Le secrétaire de l’APER, Patrick Gérard, a pour sa part regretté que, « sur le plan pénal, la bataille n’avance pas ». « Aujourd’hui, on sait faire condamner l’entreprise, mais on n’arrive pas à faire condamner les patrons, les donneurs d’ordre », a-t-il affirmé.