Le projet de loi pour une modernisation de la fonction publique
L’ambition est d’attacher « un nouveau contrat social » avec les employés. Le ministre de l’action et des comptes publics, et Olivier Dussopt, son secrétaire d’Etat, ont présenté en conseil des ministres, mercredi 27 mars, un projet de loi visant à changer la fonction publique.
M.Dussopt a canalisé des discussions avec les neuf distributions représentatives pendant un an. Le projet reste cependant fidèle à la feuille de route fixée par le premier ministre, Edouard Philippe, en février 2018. En montrant les grandes lignes du texte, en février 2019, le secrétaire d’Etat a révoqué un excès de « normes et de lourdeurs », évoqué une « transformation profonde de la fonction publique » et tenté de déminer un éventuel conflit social : « Cette réforme n’est pas celle de la fin du statut ou de la “casse” du service public. C’est, au contraire, celle d’un statut modernisé. »
« Les réformes abaissent le service public »
Les syndicats sont de régularité pour admettre l’abondance de la réforme, mais ils n’en font pas la même relecture que le gouvernement. « Non, ces réformes ne sont pas portées par la volonté d’un meilleur service public, mais bien par des principes de coupes financières, dénoncent-ils dans un communiqué, mercredi 27 mars. Les réformes dégradent le service public, loin des promesses de “modernisation”. » Sept d’entre elles ont demandé aux fonctionnaires d’organiser des masses mercredi. Elles appellent à une journée de mobilisation et de grève le 9 mai.
Que contient le projet de loi ? L’un des points plaisants est la réforme des instances de dialogue social. « Est-on véritablement efficace quand on a aujourd’hui 22 000 instances de dialogue dans la fonction publique ? », avait consulté Edouard Philippe, en février 2018. Pour l’exécutif, la réponse est manifestement non. Après le conseil des ministres, mercredi, Gérald Darmanin a précisé que « la moitié » de ces instances expirerait et évoqué « une sorte de pendant des ordonnances travail pour le public ». Les missions des commissions administratives paritaires, qui se prononcent aujourd’hui sur toutes les décisions individuelles concernant la carrière des fonctionnaires, seront modifiées : elles deviendront une instance de recours, sauf en matière disciplinaire. Le gouvernement regrette que les mutations connaissent parfois aujourd’hui « un délai de huit à quatorze mois ». De même, les comités techniques (CT) et les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) accorderont. Pour les syndicats, c’est un casus belli.
Autre terrain plaisante que le gouvernement s’apprête à fouler : le recours accru aux contractuels, un agent sur cinq aujourd’hui. Mercredi, Gérald Darmanin a parlé de « généralisation du contrat, qui n’est pas la fin du statut, mais qui peut être une alternative au statut ». Les administrations pourront recruter plus de contractuels et ceux-ci pourront même dorénavant occuper des postes de directeurs. Un « contrat de projet », à durée déterminée, sera créé pour des missions spécifiques. Le gouvernement s’engage en contrepartie à progresser la situation des contractuels, et particulièrement les plus aléatoires.
Par ailleurs, le projet de loi prédit des mesures pour assister les mobilités de fonctionnaires entre fonctions publiques et vers l’extérieur. Mercredi, Gérald Darmanin a de nouveau remémoré un « plan de départ volontaire », expression qui avait fait polémique il y a un an, alors que son secrétaire d’Etat s’échine à préciser qu’il n’y aurait pas un plan global, mais certains plans de départ. Le complément des agents dont l’emploi est supprimé sera renforcé. Le dispositif comprend « un accompagnement défini » et la création d’« un congé de transition professionnelle ». Le projet évoque particulièrement la résignation des fonctionnaires dans le cas où des missions seraient confiées au privé. Une rupture conventionnelle sera éprouvée pour les contractuels. « Nous allons favoriser les départs volontaires vers le privé, a présenté M. Dussopt, mercredi, avec des dispositifs qui existent en droit commun et que nous allons renforcer. » Ces dispositions doivent particulièrement assister le gouvernement à tenir la promesse d’Emmanuel Macron d’annuler 120 000 postes sur la durée du quinquennat.
Résultats professionnels
Autre chantier, la rétribution au mérite. Le texte prévoit que le salaire des contractuels pourra être fixé en tenant compte de leurs résultats professionnels mais aussi de ceux de leur service. Le sujet est malgré cela moins détaillé qu’annoncé. Le sujet devrait être approfondi dans le cadre de la réforme des retraites. C’est ce que convoitaient les syndicats.
Le texte rappelle, en outre, que le temps de travail annuel nécessaire est de 1 607 heures et que, par conséquent, tous les accords dérogatoires qui ont été adoptés, particulièrement dans les collectivités locales, doivent être révisés.
De même, un « volet déontologie » envisage de consolider l’examen de potentiels conflits d’intérêts lorsqu’un fonctionnaire rejoint dans le secteur public après un procédé dans le privé.
Le projet de loi met aussi en musique une partie des mesures de l’accord sur l’égalité femmes-hommes dans la fonction publique, parafé en novembre entre M. Dussopt et une partie des syndicats. Il s’agit entre autres de la convalescence du jour de manque pour les femmes enceintes mais aussi d’imposer aux administrations l’élaboration d’un plan d’action, ou encore de conserver les droits à amélioration lors d’un congé parental.
Le tribunal de grande instance de Strasbourg a agréé, mercredi 27 mars, un nouveau sursis à l’aciérie Ascoval à Saint-Saulve après trois récentes offres de reprise et deux marques d’intérêt dans ce dossier aux multiples effets.
Un mois après la cession du groupe franco-belge Altifort, qui a fait l’effet d’une douche froide, les 281 salariés du site étaient suspendus à cette nouvelle solution de justice, dans ce feuilleton évolué un marqueur de la politique industrielle du mandat Macron.
Lundi, trois offres de reprise et deux marques d’intérêt ont été placées auprès des organes chargés de l’action, encore assorties à ce stade de conditions suspensives. Deux d’entre elles sont jugées spécialement crédibles : celles du sidérurgiste britannique British Steel et du spécialiste italien des aciers spéciaux Calvi Networks, qui envisagent la reprise totale de l’activité et du personnel. L’usine est maintenant en sous-activité, depuis vendredi et jusqu’au 15 avril, toutes les commandes ayant été honorées.
Ces projets « sont cohérents, il va actuellement falloir qu’ils soient présentés au tribunal de façon complète, autant en termes commercial, industriel que financier », assure à l’Agence France-Presse (AFP) Nacim Bardi, délégué syndical CGT, qui définit que le personnel doit rencontrer prochainement ces repreneurs potentiels.
Ascoval : Plus qu’une aciérie, une « famille de sang et de cœur »
Des « gens très sérieux »
Une troisième offre, placée par le fonds SecuFund Industry et portée par l’ancien patron d’Ascometal Frank Supplisson, prévoit une reprise partielle des salariés et un changement de l’activité. Les marques d’intérêt ont été énoncées par des lettres d’intention de l’industriel régional Pascal Cochez et d’un groupe hollandais souhaitant disposer de plus de temps pour étudier le dossier.
Lundi, la secrétaire d’Etat à l’économie, Agnès Pannier-Runacher, s’est ravie de voir des « gens très sérieux » porter ces projets de reprise, « un beau signal pour les salariés et les familles qui sont derrière ». « Mais ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué ! », a-t-elle prévenu.
L’usine de Saint-Saulve, devenue Ascoval en 2017, attend un repreneur depuis la vente judiciaire, en février 2018, du groupe Asco Industries, auquel le métallurgiste Vallourec avait cédé 60 % de l’usine, tout en conservant 40 % des engagements de commandes. A la mi-décembre, le tribunal de Strasbourg avait mis fin à un long suspense en validant la reprise de l’usine par Altifort. Mais, à la surprise générale, le projet a échoué en février, le groupe franco-belge n’ayant pas réussi à réunir les 35 millions d’euros qu’il s’était escompté à apporter. Le tribunal de Strasbourg avait alors agréé un nouveau sursis d’un mois à l’aciérie, qui vient d’être renouvelé, mercredi 27 mars. Tout en saluant « l’attitude très responsable du personnel de l’aciérie », Bercy garantit :
« L’intérêt porté à l’usine d’Ascoval, quelques semaines seulement après l’échec du projet d’Altifort, réaffirme la qualité et l’intérêt de cette usine. »
« L’ambiance était lourde » ces ultimes semaines mais « ce qui est encourageant, c’est que notre dossier intéresse les industriels. C’est un nouvel espoir », affirme un salarié proche de la direction à l’AFP. « Les salariés sont fatigués. On est tous à bout », communique pour sa part Nicolas Lethellier, délégué CGT. « On a envie que ça se termine, cette condition dure depuis trop longtemps. »