Master en « philo pour l’entreprise » pour les étudiants en philo
S’interroger sur l’innovation, répliquer au besoin de sens des jeunes cadres… Plusieurs défis pour lesquels sont postulés des consultants en philosophie, formés à l’université. La pratique, qui demeure marginale, tend à se changer
Un grand bâtiment de style industriel, le Centquatre logeait anciennement les pompes funèbres de la Ville de Paris. Il abrite actuellement des activités plus joyeuses – expositions, concerts, danse. Et aussi un incubateur de start-up. A l’entrée, une machine au minois animal formé sur un bras détaché reçoit le visiteur. « C’est un robot social, précise Julien de Sanctis. Il est habile de lire la conduite de son interlocuteur et de s’y ajuster pour donner une sensation d’empathie, et il apprend les contenus que les humains avec qui il entre en contact lui transmettent. » Contradictoirement aux apparences, le jeune homme n’est pas créateur de robots mais… philosophe.
« Midis philo »
Ce jeune doctorant est l’un des premiers salariés mobilisés par la jeune pousse Spoon, à l’origine de l’automate. Ses missions sont multiples : définir les valeurs de l’entreprise, diffuser sur les questions éthiques posées par l’IA, en passant par l’organisation de « midis philo » pour ses collègues.
« En fait, mon rôle est de demander : de quelles valeurs et de quel modèle sociétal veut-on que le robot soit le reflet ? Puis de formuler des protections pour que cela se regagne dans le produit et dans le management », résume Julien de Sanctis, diplômé du master Ethires de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, spécialisé dans la formation de « philosophe d’entreprise ». Maintenant en convention industrielle de formation par la recherche (Cifre) chez Spoon, il prépare aujourd’hui une thèse à l’université de technologie de Compiègne sur l’éthique appliquée à la robotique sociale.
Maintenant, quelques établissements – comme l’Université catholique de Lyon – présentent ce type de cursus. Créé il y a neuf ans, le master 2 Ethires de la Sorbonne est l’un des plus anciens. Son objectif : aménager des personnes qui vont « accompagner les organisations – entreprises, collectivités, ONG… – dans la prise de terme et la recherche de stratégies qui révèrent les nouvelles exigences sociétales et environnementales ».
Des formations à la réflexion
Les étudiants philosophes mènent pendant l’année scolaire des « missions entreprise » : depuis la création du master, ils ont œuvré pour l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris sur l’implication des médecins face à l’utilisation de substances illicites par des patients pour apaiser la douleur, ou avec la RATP sur le changement de la relation client. « Cela permet aux étudiants de se familiariser avec les codes et acteurs de l’entreprise. Pour les dispositions, c’est l’occasion d’être un peu bousculées dans le regard sur leurs pratiques », développe Marie Garrau, responsable de ce master.
Le 8 mars, l’Europe célèbre la Journée internationale des droits des femmes : rapports, déclarations, conférences, etc. La circonstance pour les institutions de mettre en avant leur travail en matière d’égalité hommes-femmes, sans forcément risquer faire référence aux vieux dossiers qui n’avancent pas.
Bien sûr, des choses sont faites partout dans l’Union européenne : une nouvelle législation vient d’être optée sur le congé parental et le congé de paternité. Mais d’autres, réciproquement, prennent la poussière dans les tiroirs des institutions. C’est le cas d’un projet de règle de 2012 visant à assurer la présence de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées en Bourse, qui prévoit qu’en présence de candidats à qualifications égales, priorité doit être accordée au candidat du sexe sous-représenté. Un palier largement dépassé par la France (44 %), grâce notamment à sa loi du 28 juillet 2011, mais que tous les autres Etats membres peinent à atteindre (avec moins de 10 % pour l’Estonie et la Grèce).
Blocage d’une dizaine d’Etats membres
En présentant sa proposition en 2012, la Commission avait insisté sur la nécessité de ne pas perdre de temps, puisque, « au rythme actuel, quarante années seraient nécessaires pour parvenir à réduire les différences actuelles ». Or, sept ans ont passé. Mais une dizaine d’Etats membres – assez pour bloquer la proposition – s’y opposent. La Commission de Jean-Claude Juncker, soutenue par le Parlement, refuse de retirer son texte. Mais rien n’est sûr pour celle qui la remplacera.
Autre exemple, qui concerne le cœur des institutions : la formation sur la prévention du harcèlement, y compris sexuel, au Parlement européen. Elle bénéficie en théorie du soutien des députés. Ils ont pourtant refusé, en février, de la rendre obligatoire dans leur règlement intérieur, lors d’un vote à bulletin secret. Cette formation est pourtant défendue depuis plusieurs années par MeTooEP, un ensemble de travailleurs du Parlement européen actifs contre le harcèlement sexuel. Il a donc fait circuler une déclaration d’engagement contre le harcèlement sexuel faisant référence à cette formation. Ladite proclamation s’adresse aux députés et aux candidats députés à l’approche des élections européennes, mais demeurera valable ensuite. Et pas uniquement le 8 mars.