Pas de SNCF à deux vitesses. C’est le message délivré par Guillaume Pepy dans un entretien paru jeudi 4 octobre dans le quotidien Les Echos. Le patron de la SNCF entend proposer un « nouveau pacte social » aux cheminots dont le gouvernement veut progressivement éteindre le statut. A partir du 1er janvier 2020, les nouvelles recrues du groupe public doivent être embauchées dans un cadre contractuel alors que 131 000 employés jouissent encore du statut de cheminot.
« Il ne peut y avoir de SNCF (…) avec les statutaires, d’un côté, et les nouveaux salariés, de l’autre, déclare Guillaume Pepy. Pour cela nous allons payer plus cher les jeunes qui débutent leur carrière, et des dispositions du statut vont bouger ». Il précise que « l’automaticité de la progression professionnelle ne disparaîtra pas, mais [qu’]elle devra être négociée avec les partenaires sociaux, afin que les salariés d’aujourd’hui comme ceux de demain soient traités avec équité ».
Ce « pacte social », qui doit concerner tous les employés de la SNCF, est décrit par M. Pepy comme sauvegardant les garanties du statut sur l’emploi, le droit syndical et le régime des retraites.
D’ici 2026, 10 % à 15 % des 140 000 postes de la SNCF doivent disparaître du fait de la digitalisation. D’après le patron du groupe public, « d’autres vont naître de la croissance du trafic et des innovations industrielles. Et 35 % des postes vont voir leur contenu changer radicalement ». Le dirigeant avait assuré cet été que le groupe ne prévoyait aucun plan social.
Cela fait quatre ans qu’ils « trépignent d’impatience », confie l’ex-délégué CGT Mickaël Wamen. Depuis ce jour de janvier 2014 où ils ont signé avec la direction de leur usine Goodyear d’Amiens-Nord le protocole mettant fin à sept ans de lutte pour conserver leurs emplois. Et acté, du même coup, la fermeture de l’usine et le licenciement de ses 1 143 salariés.
Les 847 anciens salariés qui contestent leur licenciement économique vont enfin pouvoirassister à l’audience qui se tient jeudi 4 octobre devant les prud’hommes d’Amiens. Un nombre de plaignants exceptionnel, qui a obligé à délocaliser le procès au Zénith de la ville.
« Normalement, c’est un lieu de fête, mais nous ne sommes pas dans cet état d’esprit, lance Mickaël Wamen d’un ton vif. Notre espoir est de fairecondamner lourdement cette multinationale, et de montrer que c’est encore possible de faire condamner une multinationale pour licenciement abusif en France en 2018. » Toujours prêt à en découdre, l’ex-représentant syndical devrait prendre la parole devant les anciens salariés avant l’audience.
« Mais avec 847 plaignants, je pense que c’est le plus gros procès contre des licenciements économiques jamais fait en France », estime l’avocat des ex-salariés, Fiodor Rilov, spécialiste des procédures collectives contre les multinationales lors des fermetures d’entreprises – il était notamment l’un des avocats des salariés de Continental.
Un combat commencé en 2007
Le combat des Goodyear a commencé en 2007 : lorsque la direction a proposé la création d’un complexe industriel unique dans les usines de pneus d’Amiens-Nord et d’Amiens-Sud, devant se traduire par la suppression de 550 postes (sur 2 700) et la réorganisation du travail en 4 × 8, imposant aux ouvriers d’être présents une vingtaine de week-ends par an sans réelle augmentation de salaire.
Une réorganisation acceptée par les salariés du site d’Amiens-Sud, mais refusée par ceux d’Amiens-Nord. Début d’un bras de fer de ces derniers avec la direction, qui lance alors une série de plans de suppressions d’emplois dont les salariés obtiennent systématiquement l’annulation en justice, en même temps qu’ils se font connaître par des actions médiatiques, au Mondial de l’automobile ou lors de manifestations.
La séquestration du DRH et du directeur de la production de l’usine pendant une trentaine d’heures fera la « une » des médias. Des faits pour lesquels sept salariés ont été condamnés à des peines allant jusqu’à douze mois de prison avec sursis en 2017.
Après des années d’attente – Goodyear a tardé à fournir les documents stratégiques exigés par l’avocat des salariés, et la chancellerie a fini par trouver une salle pouvant accueillir l’audience –, un nouveau round judiciaire se joue ce jeudi 4 octobre.
L’entreprise a toujours justifié les licenciements au nom de la sauvegarde de la compétitivité du groupe. « Notre objectif est de faire la démonstration qu’il n’y avait pas l’ombre d’un commencement d’une justification économique pour fermer l’usine d’Amiens-Nord », annonce Me Rilov, qui précise qu’en 2014 « le groupe Goodyear a fait 2,5 milliards de dollars de profit net, soit le profit le plus élevé que Goodyear ait jamais fait de son histoire ».
« Un drame social »
L’avocat entend également démontrer que le véritable employeur des ex-salariés n’était pas la direction française de Goodyear mais bien sa maison mère, Goodyear Dunlop Tires Operation, installée au Luxembourg. Rappelant que cette procédure est antérieure aux récentes réformes du code du travail, et notamment aux ordonnances Macron : les difficultés économiques d’une entreprise ne s’apprécient désormais plus qu’au niveau national, même si la multinationale dont elle est une filiale fait des profits.
« Ce procès, c’est aussi l’occasion de dire qu’il faut qu’on arrête de donner des droits aux multinationales, car derrière un licenciement, il y a de la souffrance, insiste encore Mickaël Wamen. C’est à un drame social qu’on assiste à Amiens. »
A ce jour, 188 anciens salariés sont partis à la retraite.Parmi les autres, selon la direction de l’entreprise, 346 ont retrouvé un travail, 102 ont créé leur entreprise, et 189 ont « quitté le congé de reclassement » après une « formation qualifiante ». Des chiffres contestés par l’ex-leader syndical, qui affirme que la grande majorité des anciens salariés sont encore dans des situations précaires : chômage, RSA, intérim ou CDD. L’enjeu, à travers ce procès, est donc aussi, pour eux, d’obtenir d’importantes indemnités.
La prestigieuse Harvard Business Review publia, en décembre 2003, le résultat d’une enquête menée auprès de 200 « gourous » du management, leur demandant quels étaient les penseurs vivants qui les avaient le plus influencés. Le nom qui revenait régulièrement était celui du célèbre Pr Peter Drucker ; mais le deuxième, James March, était inconnu du grand public. Pourtant, cet universitaire discret, mort le 27 septembre, en Californie, a révolutionné de nombreux domaines de l’économie, de la psychologie, de la sociologie, des sciences de l’éducation et de la philosophie politique.
James March, né le 15 janvier 1928, est un des fondateurs de la théorie des organisations (comment les comportements individuels s’articulent pour produire le comportement d’une organisation), de l’apprentissage organisationnel (comment les organisations font évoluer leur vision du monde et leurs règles de fonctionnement) et du néo-institutionnalisme (quelles institutions structurent favorablement le comportement des individus, des organisations et de la société).
« Don Quichotte » pour comprendre les organisations
Il a aussi marqué des générations d’étudiants enthousiastes, qu’il fit travailler à partir d’œuvres littéraires comme Don Quichotte et Guerre et Paix, plutôt que sur les classiques « études de cas » de décisions managériales comme dans les business schools.
Selon les économistes traditionnels, un décideur étudie les conséquences des différents choix possibles et sélectionne celui qui produit le meilleur résultat. Mais, comme l’a montré James March, un décideur submergé ne peut inventorier et évaluer toutes les actions envisageables. Au lieu d’optimiser chaque choix, il s’arrête à la première solution conduisant à un résultat jugé satisfaisant selon ses critères du moment.
Les choses se compliquent au sein des organisations, où la décision résulte de coalitions politiques entre des protagonistes aux convictions et intérêts parfois…
« Le fait de faire la tâche qui est la nôtre et de ne point être un touche-à-tout est justice » :cette réflexion que nous offre Platon dans La République est furieusement actuelle pour un DRH confronté aux mutations du travail nécessaires pour intégrer l’intelligence artificielle et autres nouvelles technologies dans leur entreprise.
Dans la perspective d’une profonde refonte de l’organisation, quelle place doit avoir chaque salarié ? Chacun doit-il avoir sa propre tâche et s’y tenir ? Faut-il favoriser la polyvalence… les « multitâches », au risque de brouiller les frontières entre les métiers ? Le salarié doit-il étendre son activité au-delà de l’entreprise ? Que dit la littérature managériale du devenir de l’individu ?
L’édition 2018 du Prix du livre RH, qui récompense chaque année le meilleur ouvrage en ressources humaines, apporte des éléments de réponse, en abordant des sujets aussi divers que le déplacement des frontières entre le travail et l’activité personnelle à l’heure où n’importe quelle microtâche se monnaye sur une plate-forme numérique ; la banalisation de l’addiction en entreprise pour résister au stress, pour « faire le job », mais aussi comme facteur d’intégration dans une communauté professionnelle ; les ressorts de l’engagement au travail ; et enfin la complexité de la fabrique des différences femmes-hommes dans l’entreprise.
Casser les silos
Dans son essai Les Nouvelles Frontières du travail à l’ère numérique (Seuil, 2017), le sociologue Patrice Flichy revient sur la banalisation de la polyactivité, interroge les liens entre hobby, passion et travail. Avec le numérique, chaque individu peut augmenter son domaine d’activités en mobilisant de nouvelles compétences acquises par autodidaxie. « Ainsi des zones de débordement apparaissent entre le travail dans l’entreprise et l’autre travail », décrit-il. Pour le sociologue, c’est la notion de travail qui change pour…
Livre. Cannabis, amphétamines, alcool ? Quand la transformation du travail semble impossible, la transformation de soi apparaît comme une alternative. L’essai Se doper pour travailler (Erès) le démontre à travers plusieurs enquêtes de terrain sur l’usage des substances psychoactives (SPA) au travail, dans le BTP, la police, dans les cabinets d’avocats, dans les aéroports, en France, et à l’international.
L’objectif de l’ouvrage est d’ancrer la prévention à l’analyse du travail réel dans une approche multidisciplinaire (sociologique, juridique, psychologique, ergonomique, etc.). Car « les usages de SPA répondent aux enjeux de l’activité de travail », souligne la chercheuse Dominique Lhuilier.
Se doper pour travailler est le résultat d’un travail collectif, mené sous la direction des chercheurs Renaud Crespin (CNRS), Dominique Lhuilier (CNAM) et Gladys Lutz. Il décrit un phénomène d’une ampleur considérable et identifie les motivations des « consommateurs », les fonctions professionnelles du recours aux substances psychoactives, ainsi que les réflexions menées dans les entreprises sur l’organisation d’une action syndicale possible pour protéger les salariés, car l’enjeu de santé publique est important.
Energie, concentration, productivité
Le dopage au quotidien « est très fréquent », affirment les auteurs. Il n’est pas généralisé, mais il n’est réservé ni à une catégorie socio-professionnelle ni à un secteur d’activité. Des ouvriers, des cadres, des employés, des intérimaires consomment des drogues et des psychotropes.
Pourquoi ? Pour se dépasser, pour garder le rythme, pour supporter la souffrance physique ou psychique, pour anesthésier les peurs, pour s’intégrer à une équipe, bref pour rester adaptés aux conditions de leur emploi. « Les produits leur permettent de trouver l’énergie qui leur fait défaut, la concentration qu’ils espèrent et la productivité qu’ils recherchent…
Livre. « Au rythme actuel, il faudra attendre encore plus d’un siècle et demi au niveau mondial avant que les écarts de salaire entre femmes et hommes disparaissent. » Cette lointaine perspective décrite par Christophe Falcoz, professeur associé à l’IEA Lyon, ne l’a pas découragé pour se lancer dans l’étude de « l’égalité réelle » entre les femmes et les hommes au travail.
Son manuel L’Egalité femmes-hommes au travail analyse distinctement les concepts de parité, de mixité et d’égalité pour aider les entreprises à établir un diagnostic précis, indispensable pour avancer efficacement vers une « égalité réelle ». Comment ? En redéfinissant, par exemple, les classifications, les grilles de compétences et les échelles de promotion.
Pour Christophe Falcoz, la France est aujourd’hui « au milieu du gué », avec des écarts de salaires qui se résorbent, mais lentement et surtout, des femmes qui restent cantonnées dans un petit nombre de métiers. Ainsi, « seuls 19 métiers sur 86 sont mixtes ». L’observation des pratiques des entreprises montre en quoi la confusion, parfois sciemment entretenue, entre mixité et égalité peut-être source d’effets pervers.
« A travail de valeur égale, salaire égal » en 1972
Son ouvrage rappelle ce qui, jusque-là, a permis d’avancer vers l’égalité, à savoir les évolutions législatives. A la sortie de la deuxième guerre mondiale, les arrêtés Parodi (1945) ont ainsi fait disparaître la référence au salaire féminin, puis la loi de 1972 a instauré le principe « à travail de valeur égale, salaire égal ».
Enfin, plus récemment la loi Copé-Zimmerman introduisit le quota de femmes dans les conseils d’administration. Mais les écarts de salaire restent importants et augmentent avec l’âge et les responsabilités.
Le directeur de recherches en sciences de gestion accorde une place primordiale au rôle des responsables des ressources…
Livre. Pourquoi est-ce que ça va mal ? Comment ? Que faire pour que ça aille mieux ? C’est à ces questions que répondent, chacune à leur manière, les multiples écoles de psychologie clinique, de psychanalyse, de développement personnel, de coaching, etc. Il existe pourtant une autre approche à ces questions, à peu près jamais utilisée : la question du lien entre don et reconnaissance.
Cette approche trouve son origine chez un anthropologue : Marcel Mauss, auteur, en 1925, du célèbre Essai sur le don, dans lequel il montre que les sociétés archaïques ne reposaient pas sur le marché, mais sur le don, sur ce qu’il appelait la triple obligation de donner, recevoir et rendre les présents. « Obligation est faite aux acteurs sociaux, pour qu’ils deviennent pleinement sociaux et soient reconnus comme tels, de se montrer généreux », résument Alain Caillé et Jean-Edouard Grésy.
Dans Œil pour œil, don pour don, le sociologue et l’anthropologue formulent une hypothèse, à la croisée de l’anthropologie, de la philosophie et de la psychologie : « les troubles psychiques résultent d’un mauvais ajustement entre les moments du donner, du recevoir et du rendre ».
Attente d’une juste reconnaissance
En permanence, et dans toutes les relations sociales, on attend la juste reconnaissance, explicite parfois, implicite le plus souvent. Toute existence s’inscrit au cœur du cycle demander, donner, recevoir et rendre, et les troubles psychiques sont autant de blocages dans ce cycle fondamental. « Toujours prompts à donner, nous ne savons pas recevoir, ni même rendre. Ou encore, enfermés dans un sentiment de dette ou de faute, nous nous sentons en permanence obligés de rendre. »
Après avoir présenté, non sans humour, les ratés du donner, du recevoir et du rendre, Alain Caillé et Jean-Edouard Grésy se demandent ce qui engendre ces échecs et comment il est possible d’espérer en sortir. Une…
L’inquiétude grandit à Belfort, le berceau historique d’Alstom, dont la division énergie avait été rachetée par General Electric (GE) en 2015. Les difficultés du géant américain, en partie imputables à la déprime du marché des grosses turbines pour centrales électriques, et le limogeage surprise de son PDG, John Flannery, lundi 1er octobre, ont alourdi un climat déjà pesant. Son remplacement par Lawrence Culp, 55 ans, ex-patron de Danaher Corporation (2000-2014) et administrateur de GE depuis avril, n’a pas de quoi les rassurer.
L’homme a certes magistralement développé le conglomérat (équipements médicaux, informatique, etc.), transformant un groupe industriel traditionnel en « une société leader en science et technologie », selon un communiqué de GE, mais il n’hésitera pas à tailler dans le vif si nécessaire. Sa nomination a été saluée par une envolée de 7 % du titre à Wall Street. Entre ce qu’il professe depuis trois ans à la Harvard Business School et la réalité vécue dans les ateliers de Belfort, il y a un monde.
Une erreur stratégique
Dès sa nomination en août 2017, M. Flannery avait admis que le rachat pour 10 milliards d’euros d’Alstom Power – il en fut un des maîtres d’œuvre – avait été une erreur stratégique. L’opération avait été menée à contre-cycle, quand les marchés de l’électricité, et donc des turbines de centrales, baissaient fortement. Il ne s’est pas redressé depuis. Mi-juin, le PDG de GE avait prévenu Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, que la promesse faite lors de l’OPA de créer 1 000 emplois nets d’ici à la fin de 2018 était « hors d’atteinte ».
L’entreprise a annoncé, lundi, une révision à la baisse de sa prévision de bénéfice par action pour 2018 en raison des déboires de la division énergie. Celle-ci fut longtemps un centre de profits du groupe, avec les équipements médicaux désormais filialisés (IRM, scanner) et l’aéronautique (moteurs d’avion). Ses dirigeants ont aussi révélé l’inscription dans les comptes d’une charge exceptionnelle pouvant atteindre 23 milliards de dollars.
Quelques jours avant l’annonce des nouvelles difficultés pour le conglomérat, plusieurs dizaines de salariés de Belfort, qui emploie 4 200 personnes, avaient débrayé un après-midi. Ils ont bloqué plusieurs issues de l’usine, lundi matin, pour réclamer des embauches en CDI.
Mais c’est la menace de licenciements qui occupe les esprits depuis que GE a annoncé, en décembre 2017, la suppression de 12 000 emplois dans sa branche énergie à travers le monde, dont 5 000 en Europe (et 4 500 dans l’ex-périmètre d’Alstom), pour l’essentiel en Allemagne, au Royaume-Uni et en Suisse.
Des salariés français « en sursis »
En avril, un délégué CGT déclarait à L’Usine nouvelle qu’il ne s’agissait que d’un « sursis » pour les salariés français. Ils se sentaient peu ou prou protégés par la promesse des 1 000 emplois créés. On n’en est plus là. D’autant que GE a bouclé en mai un plan de suppression de quelque 250 emplois sur son site de GE Hydro (hydraulique), à Grenoble, finalement moins lourd que prévu après les grèves et les occupations décidées par les syndicats.
Pour l’heure, le dernier décompte fait état de 323 créations d’emplois nettes par GE dans l’Hexagone. Un bilan actualisé doit être publié dans quelques semaines. Si le compteur s’arrête à ces 323, l’amende due par GE s’élèvera à 34 millions (à raison de 50 000 euros par emploi non créé prévu lors du rachat d’Alstom).
Le groupe américain souligne qu’il continue d’embaucher en France, notamment dans le secteur de l’énergie. Reprise à Alstom, son usine de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) produit déjà des turbines et des nacelles d’éoliennes. Le site de Cherbourg (Manche) a lancé la production de pales. Ces éoliennes doivent équiper les trois parcs offshore qu’EDF va construire et exploiter au large des côtes françaises.
Après plusieurs mois de suspense, le tribunal de commerce de Paris a décidé, mardi 2 octobre, de redonner les clés de La Grande Récré à son PDG, Jean-Michel Grunberg, en préférant son plan de continuation à l’offre de reprise du groupe Fnac Darty. Les deux choix étaient assez proches en termes de périmètre : le projet de Fnac Darty conservait 106 magasins sur 166 (à fin mai 2018) et 838 salariés sur 1 220, tandis que celui de Ludendo, la maison mère de La Grande Récré, gardait 104 magasins et 900 emplois. Les 88 magasins en franchise à fin mai 2018 n’étaient pas concernés.
M. Grunberg s’était allié à la Financière immobilière bordelaise (FIB), un fonds spécialisé dans l’immobilier commercial, qui s’est engagé à prendre 95 % du capital du groupe avant la fin de l’année. À la tête de 2 milliards d’actifs dans l’immobilier, la FIB, propriété de l’homme d’affaires bordelais Michel Ohayon, a repris en février les fonds de commerce et les murs de 22 magasins Galeries Lafayette en province.
Le plan de continuation déposé le 11 juin prévoyait que le groupe, détenu à 62 % par la holding familiale, se sépare des filiales et magasins non rentables, notamment à l’étranger (Espagne, Suisse, Belgique) pour ne conserver en direct que des magasins La Grande Récré en France, où Ludendo emploie 734 salariés depuis une restructuration conduite cet été.
Un regroupement envisagé avec Toys’R’US
Le tribunal n’a finalement pas retenu, mardi, l’offre déposée le 15 juin par le groupe Fnac Darty, qui ne reprenait pas le passif évalué à 150 millions d’euros. Lors de la première audience fin juillet, le distributeur n’avait pas défendu son offre pour éviter d’éventuels « recours juridiques ».
Car la candidature surprise de Fnac Darty avait crispé Jean-Michel Grunberg, déterminé à conserver les rênes de l’entreprise fondée en 1977 par son père. Ludendo avait porté plainte fin juillet contre Fnac Darty pour « diffamation publique », estimant que son concurrent discréditait son plan de continuation auprès de ses fournisseurs.
Dans le cas où, mercredi 3 octobre, le tribunal, qui doit également statuer sur l’avenir de Toys’R’Us France, accorderait son aval à l’offre de Michel Ohayon parmi les trois en lice, ce dernier envisagerait de regrouper les deux réseaux sous l’enseigne La Grande Récré.
Benjamin Smith n’a pas manqué ses débuts. Pour la première fois depuis sa nomination, à la mi-août, le nouveau directeur général d’Air France-KLM a rencontré, lundi 1er octobre, les représentants de l’intersyndicale d’Air France. Une entrevue qualifiée de « franche et directe » par les dix organisations syndicales de la compagnie aérienne, qui représentent toutes les catégories de personnels.
La réunion a duré plus longtemps que prévu. C’est en anglais que le nouveau patron canadien d’Air France a répondu aux questions en français des syndicats. Toutefois, soulignent ceux-ci, M. Smith, en gage de bonne volonté, « a fait des efforts pour parler français ».
En dépit de la barrière de la langue, il semble que le directeur général ait marqué des points. Il n’a pas heurté de front le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), fer de lance d’un conflit de plusieurs mois qui a provoqué la démission de l’ex-PDG du groupe Air France-KLM, Jean-Marc Janaillac, le 4 mai. Il faut dire que M. Smith avait soigneusement préparé le terrain.
Quelques heures avant la réunion, les syndicats avaient appris le départ du directeur des ressources humaines d’Air France, Gilles Gateau, une de leurs têtes de Turc. Il quittera ses fonctions le 12 octobre. Son éviction fait suite à la démission, jeudi 27 septembre, du directeur général d’Air France, Franck Terner, l’autre bête noire des syndicats.Benjamin Smith « a fait le boulot », a jugé un délégué de SUD à l’issue de la rencontre. « Les changements à la tête du management démontrent la volonté du directeur général de renouer le dialogue social », a estimé Philippe Evain, le président du SNPL, qui a qualifié cette première rencontre de « riche ».
« Il a parfaitement compris nos problématiques »
Pour autant, les représentants des pilotes, comme ceux des autres catégories de salariés (personnels navigants commerciaux, etc.), ne semblent pas disposés à faire de concessions à leur nouveau patron. « Nous lui avons réitéré nos demandes », a souligné le SNPL. « L’intersyndicale lui a réaffirmé sa revendication salariale d’un rattrapage de 5,1 % pour l’ensemble des salariés d’Air France et la nécessité de solder le conflit en cours très rapidement », a déclaré Françoise Redolfi, déléguée de l’UNSA-PNC.
Pour M. Smith, qui s’est donné pour priorité de mettre un terme au conflit social, le temps presse. Les pilotes lui ont accordé un mois pour y arriver. L’échéance, fixée avant la fin du mois d’octobre, approche, et le SNPL s’attend à « un épilogue à très court terme ». A l’en croire, le patron de la compagnie franco-néerlandaise – et également directeur général d’Air France jusqu’à la fin de l’année – serait sur la même longueur d’onde, même si aucune nouvelle réunion avec l’intersyndicale n’a été programmée. « Il a parfaitement compris nos problématiques », affirme un délégué du SNPL. Surtout, ajoute le représentant des pilotes, Benjamin Smith « aurait parfaitement conscience qu’il doit sa place à un conflit non résolu ».
« Il sait très bien qu’il ne peut rien construire contre les salariés », observe Philippe Evain, président du Syndicat national des pilotes de ligne
Début mai, Jean-Marc Janaillac avait remis sa démission après le rejet (à plus de 55 %), par l’ensemble des personnels, de sa proposition d’accord salarial. Au terme de près de quatre mois de recherche infructueuse, le comité des nominations d’Air France-KLM avait finalement débauché l’ancien numéro deux d’Air Canada.
Face aux syndicats, M. Smith a fait part de sa volonté « d’agir vite ». Pas question pour lui de se mettre à dos la majorité des personnels de la compagnie. « Il sait très bien qu’il ne peut rien construire contre les salariés, et notamment les pilotes », plaide le président du SNPL, qui assure être prêt à jouer le jeu de la concertation directe avec le patron d’Air France.
Si les premiers pas du directeur général semblent avoir été réussis, les organisations syndicales restent sur le qui-vive. Philippe Evain se dit « raisonnablement optimiste », mais il observe que, « pour l’instant, il n’y a rien de concret ». En pratique, syndicats et direction ne sont pas encore entrés dans le cœur de la négociation.
L’intersyndicale attend beaucoup du nouveau patron d’Air France. « Nous lui avons réitéré le sentiment d’injustice des salariés d’Air France face aux augmentations obtenues par les personnels de KLM : 4,5 % pour les salariés et jusqu’à 13 % pour les pilotes », note le président du SNPL.
Les syndicats s’interrogent sur la marge de manœuvre de Ben Smith. Ils se demandent quelle sera l’attitude du conseil d’administration de la compagnie vis-à-vis de leurs revendications. Pendant les mois de conflit émaillés d’une quinzaine de journées de grève, certains administrateurs se sont fortement opposés à la hausse des salaires réclamée par les représentants des personnels.
Les départs presque simultanés de M. Terner et de M. Gateau montrent que le nouveau patron du groupe a décidé d’en finir avec cette opposition de principe. Il faut dire que la grève a valu à Air France une perte sèche de 335 millions d’euros. Surtout, le directeur général ne voudra pas briser la dynamique positive retrouvée par la compagnie depuis cet été. « Juillet et août sont allés au-delà des objectifs (…) et les réservations sont bonnes jusqu’à la fin de l’année », s’est réjoui Patrick Alexandre, directeur général adjoint, chargé du commercial d’Air France-KLM, à l’occasion de l’ouverture du salon du tourisme Top Resa, mardi 25 septembre.