Sarah, « travailleuse du clic » 

Sarah, « travailleuse du clic » 

Classeur avec les bons de réductions pour les acahats.

FELIX LEDRU

Des dizaines de milliers de microtravailleurs se connectent fréquemment à des plates-formes offrant des tâches rétribuées à la pièce pour arrondir leurs fins de mois. Une activité particulièrement effectuée par des femmes au foyer, qui demeure méconnue.

Où va le travail ? On pourrait la saisir pour une femme d’affaires. Assise sur son canapé, des lunettes papillon attachées sur le nez et l’œil immobilisé sur l’écran de son ordinateur portable, Sarah Guyon parcourt, impassible, la liste des « missions » payées du jour.

Deux centimes d’euro pour cliquer sur un article du Figaro, 18 centimes pour installer un logiciel admettant de lire des fichiers PDF, 36 pour inscrire ses coordonnées dans une requête de devis pour le réparateur automobile Speedy… « Ça ne paraît pas énorme comme ça, mais, en me connectant tous les jours, j’arrive à encaisser 200 à 300 euros par mois », ajoute cette mère de 26 ans.

Il y a cinq ans, après la naissance de son deuxième enfant et les premières « galères financières », elle est venue grossir les rangs de l’armée visible des « travailleurs du clic », ces personnes réalisant en ligne des tâches, fréquemment très rapides, rémunérées à la pièce. Ils seraient aujourd’hui plus de 250 000 en France à se connecter occasionnellement sur des plates-formes de microtravail – un nombre qui dépasse celui des personnes œuvrant pour Uber ou Deliveroo –, et 15 000 à y être « très actifs » selon une étude éditée en février par des chercheurs de Télécom ParisTech, du CNRS et de MSH Paris Saclay.

Pour l’heure, le travail du clic n’est ni entouré ni reconnu comme tel. Et Sarah Guyon, qui vit à Montmeyran, dans la Drôme, est continuellement regardée par l’Insee comme « inactive ».

Course contre la montre

Sa journée, cadencée par les allers-retours matin, midi et soir jusqu’à l’école, où quatre de ses six enfants sont scolarisés, ressemble malgré cela à une course contre la montre. L’après-midi, une fois le ménage fait et ses deux derniers nourris et endormis, Sarah se met au salon et se connecte une autre fois sur ses deux plates-formes de microtravail préférées – Moolineo et Loonea. Elle commence alors les tâches : donner son adresse pour obtenir et tester la dernière lessive Ariel 3 en 1, solliciter pour participer au panel de téléspectateurs de l’institut d’études marketing Harris Interactive, cliquer sur des articles de Grazia et Challenge, s’inscrire à la newsletter de la parfumerie Marionnaud, remplir de nouvelles demandes de devis…

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LJD

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