L’argot de bureau : le « street-sourcing », chassez le candidat, il sort du métro
« Bonjour, vous avez deux minutes pour sauver votre avenir ? – Non, désolé, j’ai pas le temps, je suis en retard à mon cours d’aqua-yoga (ou toute autre excuse en carton)… » Il n’est pas toujours facile de dire non à un soldat en tunique bleue ou jaune fluo vous tendant une embuscade à la sortie du métro, dans un centre commercial ou au cœur d’une artère piétonne, pour vous alerter sur la faim dans le monde ou la fin du monde.
Pourtant, ce jeune dynamique qui vous harcèle avec le sourire a bien mentionné qu’il s’agissait de votre avenir, et non de l’avenir de la planète… Le voici qui vous tend une série de prospectus aux logos familiers : surprise, vous y reconnaissez celui d’une chaîne de restauration rapide, d’un géant de la grande distribution, ou le nom d’une PME dans le bâtiment. C’est de la fin du mois que vous parle ce démarcheur, puisqu’il est recruteur.
Après le foot de rue ou l’art de rue (street art), dites bonjour au recrutement de rue ! Le principe du « street-sourcing », mis en avant récemment par la start-up française Ethypik, est limpide : le recruteur interpelle les passants pour savoir s’ils sont en recherche d’emploi. Si c’est le cas, ces derniers peuvent remplir un questionnaire dans la foulée, et seront recontactés.
Elargir le supermarché de l’emploi
Cette réinterprétation moderne de l’affiche « I want you » de l’armée américaine intervient à l’heure d’une autre guerre, celle des « talents ». Face aux difficultés à embaucher, l’heure est à la « diversification des canaux de recrutement », enjoignent les experts. Les pratiquants du street-sourcing prennent simplement l’expression au pied de la lettre : les canaux sont autant de rues dans une ville qui regorge de ressources humaines.
« To source » se traduit par « s’approvisionner », il s’agit donc ici d’un élargissement du supermarché de l’emploi. E. Leclerc a même joué cette mise en abyme jusqu’au bout en organisant en janvier « La Grande Rencontre », un job dating implanté directement dans 470 de ses centres, pour pourvoir 7 000 postes.
Le street-sourcing permettrait de favoriser la diversité dans le recrutement. Il crée la rencontre avec des profils cachés, souvent éloignés de l’emploi et ayant des compétences à faire valoir, mais qui n’auraient pas strictement répondu aux critères des annonces en ligne – comme posséder le niveau « B2 » en bulgare, ou justifier de vingt ans d’expérience tout en étant un profil junior –, ou n’auraient pas osé candidater.
A la rencontre des populations isolées
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