La France compte 8,3 millions d’aidants de personnes dépendantes (post-AVC, cancer, handicapé, parent ou enfant malade, etc.), dont 47 % travaillent, indique l’Association française des aidants. Dans les entreprises, ce sont deux salariés sur dix qui sont concernés : « Un chiffre qui a doublé en dix ans », assure le mutualiste Malakoff Médéric (Enquête « Santé et qualité de vie au travail des salariés », juin 2018).
L’enjeu est de taille : « Avec l’allongement de l’espérance de vie des parents de salariés et la hausse du nombre de maladies chroniques, les salariés aidants sont de plus en plus nombreux », explique Fabien Piazzon, l’auteur d’Absentéisme : l’alerte rouge. Panser et repenser le travail (Nouveaux Débats Publics). Sur 1 000 salariés aidants accompagnés, le besoin d’aide est à 25 % lié au vieillissement, 19 % au handicap, 8 % au cancer, 8 % à un AVC et 8 % à d’autres maladies, confirme Formell, une société spécialisée dans l’accompagnement des actifs aidants.
L’impact sur l’absentéisme n’est pas précisément chiffré, indique l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail. Mais il est avéré : « L’absentéisme est lié aux conditions de travail, à la motivation, à la santé des personnels ou à celle de leurs proches. Les salariés aidants se retrouvent dans cette troisième catégorie. Leur quotidien est parfois proprement infernal », remarque Fabien Piazzon.
Manque de sommeil, anxiété, isolement, les aidants finissent par avoir des problèmes de santé qu’ils n’avaient pas avant. « Les statistiques des services sociaux des Carsat [caisse d’assurance retraite et de la santé au travail] montrent que 50 % des aidants familiaux décèdent avant les proches qu’ils aident, consécutivement à des pathologies d’épuisement », indique Christophe Roth délégué national CFE-CGC dans le Guide des aidants.
Les répercussions au travail sont nombreuses : redistribution de la charge de travail, fatigue, stress, démotivation, risque d’erreurs, etc. « L’accompagnement est un facteur de cohésion d’équipe. Les groupes de parole permettent de conseiller les manageurs sur leur perception de la situation et de coconstruire avec le salarié sa propre solution. Mais avec la multiplication des maladies chroniques, on reçoit des manageurs désarmés, épuisés », témoigne Hélène Bonnet, responsable du programme « Cancer et travail : Agir ensemble » du groupe pharmaceutique Sanofi.
Une nouvelle négociation de la convention d’assurance-chômage s’est engagée entre les partenaires sociaux – une réunion s’est tenue le 18 décembre à ce sujet. Elle a récemment pris un nouveau tournant, initié par le Medef, qui propose de dissocier d’un côté une couverture universelle gérée et financée par l’Etat, et de l’autre une assurance complémentaire obligatoire pilotée par les syndicats.
Cette proposition tire profit d’une double brèche ouverte par le gouvernement.
D’une part, la suppression des cotisations salariales d’assurance-chômage a changé la donne, puisqu’une partie du système d’assurance-chômage se trouve dorénavant financé par l’impôt (CSG).
D’autre part, le gouvernement s’est avancé sur le terrain d’un revenu universel d’activité, sans plus de précisions jusqu’alors.
Ceci traduit une certaine volonté de reprise en main par l’Etat du système de couverture des risques de carrières, qui conduit aujourd’hui le Medef à plaider, avec opportunisme, pour une remise à plat complet du système. Cela reviendrait à se calquer sur le système de retraite, qui combine un régime de base géré par l’Etat et un régime complémentaire d’assurance géré par les syndicats, ces derniers se désengageant donc du régime de solidarité.
Prudence de mise
Le système envisagé comporterait une nouvelle allocation unique se substituant à l’allocation de solidarité spécifique et potentiellement à d’autres minima sociaux tels que le revenu de solidarité active (RSA), à laquelle s’ajouterait une assurance-chômage complémentaire limitée dans son montant et sa durée.
Que penser d’une telle perspective ? La prudence semble devoir être de mise, afin d’éviter que la juxtaposition de deux systèmes, gérés indépendamment l’un de l’autre, ne conduise à réduire les incitations à l’emploi. Cet écueil est plus prégnant pour les travailleurs peu qualifiés, et plus particulièrement pour les jeunes les moins qualifiés.
La valeur de l’emploi relativement au chômage demeure en effet faible, au regard de la pénibilité du travail et de divers coûts connexes (transport notamment), pour les individus les moins formés et aux rémunérations proches du smic. A titre d’exemple, ce gain financier à travailler se chiffre à environ 300 euros par mois pour une personne sans enfant bénéficiaire du RSA qui reprend un emploi à mi-temps au smic, contre un peu moins de 200 euros précédemment sous le régime du revenu minimum d’insertion (RMI). Un effet positif de faible ampleur sur le taux de retour à l’emploi est ainsi imputé à la bascule du RMI vers le RSA. Cet effet reste toutefois fragile : à mesure que l’on rendrait les revenus d’assurance-chômage plus élevés que ceux du RSA, les incitations à travailler chuteraient.
Question de droit social. Lorsqu’en février 2018 Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, a annoncé des plans de départs volontaires dans la fonction publique, un rapprochement immédiat s’est opéré avec les plans de départs volontaires, les fameux PDV qui, depuis des décennies, ponctuent les restructurations d’entreprises du secteur privé.
Pourtant, à l’exception du sigle « PDV », les dispositifs en question n’ont quasiment rien en commun. Inconnus du code du travail mais consacrés par la jurisprudence, les PDV se sont fait une place de choix dans la palette des dispositifs permettant à une entreprise qui connaît des difficultés économiques de réduire sa masse salariale sans pour autant procéder à des licenciements économiques proprement dits.
En substance, l’employeur fixe un nombre idéal de départs, tous basés sur le volontariat, en précisant le périmètre de la restructuration envisagée c’est-à-dire les secteurs d’activité et les postes concernés.
Les salariés intéressés acceptent alors de quitter l’entreprise selon des modalités financières arrêtées après consultation des représentants du personnel. Ils ne sont pas licenciés mais partent à l’amiable avec des indemnités supérieures à celles qu’ils auraient perçues dans une hypothèse de départ contraint.
Communication politique
Les pouvoirs publics se sont toujours montrés très favorables à cette formule qui a une image beaucoup plus positive que les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), synonymes de licenciements secs. A tel point que les ordonnances Macron ont en quelque sorte donné un fondement légal aux PDV en créant les « ruptures conventionnelles collectives ».
Alors, les PDV dans la fonction publique, même combat ? Certainement pas, au moins pour le moment. D’aucuns ont voulu voir une véritable révolution dans l’annonce de ces PDV dans la fonction publique. C’est privilégier la communication politique au détriment de la rigueur juridique.
Ce dispositif n’est pas nouveau dans la fonction publique. Depuis des décrets de 2008 et 2009, un fonctionnaire peut en effet déjà postuler à un départ volontaire et percevoir une indemnité de départ, si son service est restructuré ou encore s’il décide de créer ou de reprendre une entreprise.
Pour être éligible, le fonctionnaire doit se trouver à plus de cinq ans de l’âge d’ouverture du droit à pension. L’administration peut toutefois refuser une demande d’indemnité de départ volontaire pour des raisons tirées de l’intérêt du service.
Qui se souvient de décembre 2017 ? Un climat des affaires au beau fixe, des créations d’emplois par milliers, des ménages confiants… A l’époque, la croissance taquinait les 2 %. La nouvelle année promettait d’être radieuse et… patatras ! Ce qui s’annonçait comme un léger coup de mou en début d’année a viré au ralentissement généralisé. Le recul du pouvoir d’achat au premier trimestre, conjugué à un environnement international moins porteur, a affecté l’activité. La colère populaire à l’automne a fait le reste.
Résultat : au quatrième trimestre, le produit intérieur brut (PIB) français progresserait d’environ 0,2 %, selon la note publiée, mardi 18 décembre, par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). C’est deux fois mois que ce qui était attendu. Les comptables nationaux ont donc revu – une fois de plus – leurs prévisions à la baisse : finalement, la croissance de l’activité ne devrait pas dépasser 1,5 % en 2018. Une estimation conforme à celle livrée, jeudi 13 décembre, par la Banque de France, et qui porte l’acquis de croissance à 1 % pour la mi-2019.
Un quatrième trimestre heurté
Il faut dire que les trois derniers mois de l’année ont été rudes. La suppression complète des cotisations salariales et la première tranche de baisse de la taxe d’habitation, censées redonner de l’air aux ménages et relancer la consommation, n’ont pas eu l’effet escompté. Loin s’en faut… En décuplant l’incidence de la hausse des taxes sur les carburants, le renchérissement des cours du pétrole a libéré une vague de colère rarement observée en France. Ses conséquences sur l’activité sont, encore aujourd’hui, difficiles à évaluer.
L’Insee, qui a terminé ses calculs le 13 décembre, estime que « le mouvement des “gilets jaunes” pourrait ôter 0,1 point à la croissance du PIB au quatrième trimestre ». A titre de comparaison, les grèves massives de 1995, avaient coûté 0,2 point. Cette fois, les événements ont surtout affecté les commerces et la consommation. Certaines dépenses pourront être reportées, mais des secteurs comme l’hébergement-restauration, les loisirs et les transports, devraient enregistrer des pertes sèches.
Le climat des affaires s’en ressent. Alors que le moral des chefs d’entreprises semblait se stabiliser en novembre, les blocages et manifestations ont fait plonger les courbes. L’indice composite établi par le cabinet IHS Markit pour mesurer l’activité a chuté de 5 points, passant à 49,3 contre 54,2, son niveau le plus bas depuis trente mois. D’après l’Insee, un léger mieux est à espérer au premier semestre 2019, même si « la production manufacturière ne progresserait pas » sur cette période.
Taux de chômage stable
Pas étonnant, dans ce contexte de tassement, que l’emploi marchand ait marqué le pas. L’Insee a dénombré trois fois moins de créations de postes en 2018 qu’en 2017 (107 000 contre 341 000). Environ 64 000 sont attendues au premier semestre 2019, notamment dans les services. Très haut ces dernières années, l’intérim poursuivrait son repli. A l’inverse, la montée en puissance des Parcours emplois compétences (PEC) redonnerait quelques couleurs à l’emploi non marchand, très touché par l’effondrement des contrats aidés. Le taux de chômage, lui, resterait stable, à 9,1 %, avant d’atteindre 9 % au printemps 2019.
Mais l’horizon n’est pas complètement bouché : les entreprises vont bénéficier, l’an prochain, de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en réduction pérenne de cotisations patronales. Leur taux de marges augmenterait de 1,5 point, pour s’élever à 33,5 % début 2019 et ainsi retrouver des niveaux d’avant la crise. Un facteur qui devrait soutenir l’investissement et profiter à l’emploi.
Les sociétés, grandes et petites, seront-elles mises à contribution pour financer les mesures de soutien au pouvoir d’achat annoncées par Emmanuel Macron, le 10 décembre ? C’est le scénario qui se dessine, mais l’Insee n’a pas pu l’intégrer dans ses prévisions. Ses analystes estiment, en revanche, que le gonflement de la prime d’activité, l’annulation de la hausse de la CSG sur les retraites de moins de 2 000 euros et la défiscalisation doublée de l’exonération de charges sociales des heures supplémentaires auront un effet bénéfique sur le pouvoir d’achat. Elles le doperaient de 0,5 point au premier trimestre 2019, alors que l’inflation ralentirait.
« Grosses incertitudes »
Reste à savoir comment le coup de pouce se répercutera sur la consommation. « Il y a de grosses incertitudes sur l’ampleur du rebond », reconnaît Julien Pouget, responsable du département conjoncture à l’Insee. Comme la confiance des ménages est très entamée, une partie des gains de pouvoir d’achat sera mise de côté : le taux d’épargne passerait de 14,7 % en 2018 à 15,2 % au cours du premier semestre de 2019. Les dépenses de ménages se redresseraient néanmoins, en hausse de 0,7 %, puis 0,5 %, aux deux premiers trimestres de 2019.
La dynamique globale de l’activité dépendra enfin de l’environnement international. La France, toute tiraillée qu’elle est, n’est pas la seule économie de la zone euro à connaître un ralentissement. « Le rattrapage consécutif aux récessions passées est en train de s’estomper », note l’Insee. En d’autres termes, il faut s’attendre à un affaiblissement durable de la croissance des principaux pays du Vieux Continent.
A Paris, des centaines d’étudiants protestent depuis plus d’une semaine contre la hausse des frais d’inscription pour les étudiants non européens en 2019.
Plusieurs centaines d’étudiants de Paris-Nanterre mobilisés en assemblée générale mardi 18 décembre ont reconduit le blocage de leur université jusqu’à jeudi. Comme sur le campus de Tolbiac (université Paris-I-Panthéon-Sorbonne), ils protestent notamment contre la hausse des frais d’inscription pour les étudiants non européens en 2019.
A Nanterre, les votants se sont largement exprimés à main levée pour la reconduction, lors de cette AG un peu moins massive et tendue que celle de la semaine précédente, réunissant 900 étudiants selon l’université et un millier selon une des organisatrices.
« Le blocage, c’est notre préavis de grève à nous pour faire plier le gouvernement », a lancé à la tribune Mickaël, un étudiant. Si l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants extra-communautaires devait entrer en vigueur, le président de Paris-Nanterre, Jean-François Balaudé, s’est engagé la semaine dernière à ne pas l’appliquer dans son établissement.
L’atmosphère s’est fortement tendue en fin d’AG lorsque les participants ont dû voter pour ou contre le report en janvier des partiels non tenus en décembre. Ce report a finalement été adopté par une majorité des étudiants présents. Les plus mobilisés étaient appelés à se rendre dans la foulée à l’université parisienne de Tolbiac avant de manifester à 14 h 30 devant le ministère de l’enseignement supérieur.
La veille, un huissier était venu constater le blocage des bâtiments par quelques dizaines d’étudiants. La plupart avaient été rouverts dans la journée avec l’appui de vigiles privés. Une partie des partiels avait ainsi pu se tenir. Une dizaine de cars de CRS ont été postés lundi aux abords de l’université « pour le cas où il y aurait des violences », avait indiqué le président Jean-François Balaudé.
Altercation lors d’une AG à Tolbiac
Réunis en assemblée générale, environ 300 étudiants du site de Tolbiac (Paris-I) ont aussi voté mardi matin la poursuite du blocage de la fac. « Le centre Pierre-Mendès-France était bloqué ce matin et la plupart des cours n’ont pas pu se tenir aujourd’hui », a précisé l’université, précisant que la reconduction du blocage avait été votée pour mercredi.
Pendant l’AG, une altercation a opposé un professeur de mathématiques à des étudiants, a ajouté Paris-I. « La sécurité est intervenue pour les séparer », a précisé un membre de l’université.
« Tolbiac a une fois encore été la scène de débordements ce midi en marge d’une assemblée générale », a tweeté la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal
La semaine dernière, la faculté avait indiqué que les examens de langue qui devaient se dérouler cette semaine au centre Pierre-Mendès-France, situé dans le 13e arrondissement de Paris, étaient reportés à la première semaine du second semestre, du 21 au 26 janvier.
Presque six mois après l’incendie qui a ravagé près de la moitié de leur usine, le 29 juin, les 87 salariés de l’entreprise SGI (Société de galvanoplastie industrielle), à Plaisir (Yvelines), sont encore sous le choc de l’annonce, le 6 décembre, de la fermeture définitive de ce site de traitement de surface de pièces pour l’aéronautique. Une décision qu’ils ne comprennent pas, d’autant que « la communication avec la direction est quasi inexistante », selon un technicien.
SGI est une filiale du florissant groupe hollandais Aalberts, qui emploie plus de 12 000 salariés dans le monde. Le 6 décembre, la réunion du comité d’entreprise a tourné à l’assemblée générale du personnel, très en colère. Le directeur des affaires juridiques et sociales, Manuel Isely, a confirmé la fermeture du site, qu’il avait annoncée trois jours auparavant par un SMS adressé à un délégué.
La procédure d’information/consultation des représentants du personnel devrait commencer en janvier. Des reclassements en interne devraient être proposés notamment à l’usine de Villers-Cotterêts (Aisne), distante de 120 kilomètres de Plaisir et où la production serait délocalisée. « Je pense qu’une dizaine de personnes serait intéressée par une mutation », estime Yannick Morel, délégué syndical central CGT. Les autres seront donc licenciés. Des salariés qui ont, en moyenne, 48 ans et 22 années d’ancienneté.
Situation tendue
M. Isely aurait aussi indiqué que les assurances ont versé 20 millions d’euros d’indemnités à SGI, qui est propriétaire du terrain. « La reconstruction coûterait entre 8 et 12 millions d’euros, précise M. Morel. Mais la direction préfère toucher l’argent et nous jeter dehors ! » Sollicitée, cette dernière ne veut pas s’exprimer pour le moment.
La situation est tendue. L’ancien directeur du site, « qui était à fond pour la reconstruction, a été écarté », déplore M. Morel. Les délégués demandent en vain le rapport d’expertise sur les causes de l’incendie et celui de l’assureur. Joséphine Kollmannsberger, maire LR de Plaisir, a, quant à elle, été mise hors circuit. « J’avais reçu la direction après l’incendie, car elle cherchait un emplacement plus important. Je l’avais mise en contact avec un porteur de foncier. » Elle n’a plus eu de nouvelles jusqu’à ce qu’elle apprenne, « il y a quelques jours, par un salarié », la décision de la fermeture.
Ils sont neuf et vont tenter d’arracher une requalification de leur statut d’indépendant en salariés. Mardi 18 décembre, des chauffeurs et anciens chauffeurs VTC attaquent devant le conseil des prud’hommes de Paris la plate-forme Uber. « Cela fait un an et demi que la procédure est enclenchée, mais nous arrivons enfin au tribunal, une première étape très importante, assure Sayah Baaroun, du syndicat SCP VTC, qui accompagne ces chauffeurs dans leur démarche depuis des mois. Derrière, il y en aura d’autres. L’appel, voire la Cour de cassation. Mais nous sommes en train de faire bouger les lignes. »
Jusqu’à présent la quasi-totalité des chauffeurs « indépendants » travaillant pour des plates-formes VTC de mise en relation avec des clients ont toujours été déboutés de leur demande de requalification en salariés par la justice. Cependant, les conditions ont changé.
« L’environnement juridique a été modifié, confirme Maître Teissonnière, qui assure la défense des neuf chauffeurs. Dans son arrêt du 28 novembre, la Cour de cassation a modifié les critères définissant les liens de subordination entre un travailleur indépendant et une plate-forme, et cela nous donne des arguments supplémentaires. »
La Cour de cassation a tapé du poing sur la table
En novembre, la Cour de cassation a tapé du poing sur la table en requalifiant comme salarié un coursier à vélo, qui travaillait pour la plate-forme, aujourd’hui liquidée, Take Eat Easy. Les juges estiment que « le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné », au moyen d’un système de géolocalisation et d’un régime de sanctions.
De fait, Uber, comme toutes les autres plates-formes sont potentiellement impactées par cette jurisprudence, ce que souhaite démontrer Me Teissonnière. « Avec le numérique, les plates-formes ont réinventé le système du travail à la tâche que vivaient les canuts au XIXesiècle, juge Me Teissonnière. Comme aujourd’hui, ces travailleurs détenaient leur outil de travail, mais étaient totalement soumis à leurs donneurs d’ordre. Aujourd’hui, nous avons les moyens juridiques de le démontrer pour les chauffeurs VTC. »
Chez Uber, on reste néanmoins serein. « Le conseil de prud’hommes de Paris a confirmé à deux reprises cette année que les chauffeurs utilisant l’application Uber sont des indépendants », rappelle-t-on au sein de la société américaine. Ils s’appuyaient sur l’ancienne jurisprudence qui prenait en compte quatre critères principaux pour définir un contrat de travail : l’existence d’un contrôle horaire de la part de la plate-forme, l’existence d’un lien de subordination, d’un lien d’exclusivité ou de non-concurrence et d’une dépendance économique.
« Une relation commerciale »
Dans deux arrêts récents, les prud’hommes de Paris estimaient que ces critères n’étaient pas réunis et que les chauffeurs requérants devaient s’en remettre au tribunal de commerce, en charge des relations commerciales. Aujourd’hui, deux nouveaux critères apparaissent donc. Cela peut-il changer la donne ? « On l’espère, indique M. Baaroun. La question du contrôle, via la géolocalisation, et le régime de sanctions, dont les déconnexions, sont largement utilisées par Uber. »
L’interprétation diffère chez Uber. « Aujourd’hui, nous avons une relation commerciale avec les chauffeurs qui utilisent la plate-forme, explique-t-on dans l’entreprise. Or, dans toute relation commerciale, il existe des obligations pour les deux parties. Un régime de sanctions, qui inclut la déconnexion, est appliqué par la société quand certaines clauses ne sont pas respectées par les chauffeurs. »
Un jugement du tribunal des prud’hommes de Paris est attendu au plus tôt en février.
La RATP a annoncé lundi 17 décembre le versement d’une prime exceptionnelle en janvier à « plus de 30 500 salariés » percevant un salaire annuel brut inférieur à deux smic.
Elle s’élèvera à 400 euros pour ceux touchant un salaire annuel inférieur à 1,5 smic (soit 26 644,66 euros bruts hors primes) et à 200 euros pour les employés percevant un salaire annuel compris entre 1,5 et 2 smic (35 526,48 euros bruts hors primes), a précisé la direction à l’Agence France-Presse (AFP).
« Par cette mesure exceptionnelle, la RATP tient à s’associer pleinement à l’effort national engagé au bénéfice d’une meilleure qualité de vie », a déclaré la direction, faisant référence à « l’appel au volontarisme des entreprises » lancé par Emmanuel Macron en réponse au mouvement des « gilets jaunes ».
« Oui au confort », « Oui à l’avenir », « Oui à la performance », « Oui à InOui »… Les slogans s’affichent en format XXL, accompagnés d’immenses photos de cheminots face aux TGV en révision. Nous sommes au centre technique SNCF du Landy, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), au nord de Paris. Suivie par une poignée de cadres – les dirigeants du lieu –, une manageuse en tenue de sécurité découvre, avec une évidente satisfaction, la campagne de communication interne. Elle se tourne vers son voisin, visiteur, pour la première fois, du technicentre. Petit clin d’œil. Vif éclat de rire. « Pas mal, non ? »
Cette femme, c’est Rachel Picard, 52 ans. C’est elle qui a mis du « oui » partout dans la vie de la SNCF, de ses agents, de ses clients. La directrice générale de la branche Voyages a la haute main sur les TGV haut de gamme InOui (elle a créé le concept). Mais aussi sur les Ouigo à petit prix, qui sont désormais au départ de la gare de Lyon, depuis le 9 décembre. C’est encore elle qui dirige le site Oui.sncf, l’ancien Voyages-sncf.com, dont elle a changé le nom en 2017. C’est elle – toujours – qui, le 12 novembre, vient de vendre Ouibus, la filiale « cars Macron » de la SNCF, à Blablacar. Ouibus, ancien iDBUS, qu’elle avait rebaptisé – on serait tenté d’inventer le mot « ouisé » –, en 2015.
Surprenante « Mme Oui », dotée d’une personnalité bien à elle. Car il y a un « style Rachel » (tout le monde l’appelle comme cela à la SNCF) : une propension aux clins d’œil complices et aux rires sonores, des tenues colorées qui font un peu jaser, une apparence « décontractée ». Mais qu’on ne s’y trompe pas : Rachel Picard est bien une patronne dotée d’une détermination sans failles. « Il y a en elle un alliage entre une extrême sensibilité et une énorme rigueur, ajoute le président de la SNCF, Guillaume Pepy. Avec Rachel, les chiffres sont les chiffres. »
Les chiffres, justement, Mme Picard va les scruter attentivement dans les jours qui viennent. A partir de la fin de la semaine du 17 au 23 décembre, Voyages SNCF – autrement dit, les trains longue distance, TGV et Intercités – va connaître l’un de ses pics critiques. C’est même le branle-bas de combat. Du 21 décembre au 6 janvier 2019, la branche Voyages va transporter 7,6 millions de personnes, soit 3 % de plus qu’en 2017,et faire circuler quelque 15 700 trains.
Personnage haut en couleur, Albert Frère, le marchand de clous de Charleroi, en Belgique, devenu milliardaire et décédé le 3 décembre, n’avait pas son pareil pour parler simplement du monde des affaires. Il avait coutume de répéter « petit minoritaire, petit con, gros minoritaire, gros con ». Sous-entendu, si vous avez beaucoup d’argent investi dans une entreprise et pas le droit de décision, vous avez toutes les chances de finir, un jour, en dinde de Noël. L’affaire Renault-Nissan illustre à merveille cet adage et les conséquences d’une gouvernance si mal ficelée que l’on voit mal comment Renault pourrait en sortir indemne.
Le constructeur automobile vient de prendre sa plus belle plume pour demander poliment à la société Nissan – dont elle est le plus gros actionnaire, avec 43,4 % du capital, et qui réunit son conseil d’administration, lundi 17 décembre – de convoquer, d’urgence, une assemblée générale pour statuer sur l’avenir de leur alliance et la composition de ses instances dirigeantes. Plutôt une bonne idée, compte tenu de la crise aiguë que traverse cette union franco-japonaise unique au monde par son ampleur et son organisation. Depuis que Carlos Ghosn, qui tenait seul tous les fils de cette union, médite en prison sur la vanité du pouvoir, l’ambiance est glaciale entre les deux entreprises.
Mais voilà : Renault n’a pas la possibilité d’imposer la tenue d’une telle assemblée ni de proposer la moindre résolution, sans l’accord du conseil de Nissan, où elle n’a pas voix au chapitre. Car la participation pourtant proche des 50 % de Renault dans Nissan ne lui donne aucun droit. Et comme Nissan, de son coté, est propriétaire de 15 % de Renault sans droits de vote, les deux entreprises sont paralysées. Gros minoritaires, gros…
Equilibre précaire
Cette situation ubuesque est le fruit d’une construction complexe tentant de ménager les susceptibilités de l’entreprise japonaise et celles de l’Etat français. Trois ans après l’investissement de 5 milliards d’euros de Renault dans Nissan, le pacte fondateur de l’alliance, appelé « Ama » (Alliance Master Agreement), est signé en 2002. Celui-ci laisse une large autonomie au japonais, afin de préserver sa culture, aux antipodes de celle du français. Ce qui ne posait pas de problème, puisque le patron de Nissan était le même que celui de Renault : Carlos Ghosn. En 2015, la France accroît par surprise sa participation dans Renault pour bénéficier de droits de vote double. Pour faire passer la pilule auprès des Japonais, furieux du procédé, l’Ama est amendé, et Renault abdique de la plupart de ses droits sur Nissan, y compris la nomination de ses dirigeants et membres du conseil d’administration.