Le chômage des jeunes est-il un mal français ?
Non. Le taux de chômage des jeunes est effectivement mauvais en France, mais on ne peut pas dire que la faiblesse du taux d’emploi est une mauvaise chose en soi. Ceux qui veulent travailler ne trouvent pas d’emploi, mais peu de jeunes en France sont en recherche d’emploi parce qu’ils font d’autres choix, notamment de faire des études, ce qui n’est pas une mauvaise idée. La proportion de chômeurs par rapport à l’ensemble des 15-29 ans est relativement faible. Le taux de chômage est un indicateur intéressant mais insuffisant. La spécificité française, ou plutôt méditerranéenne, c’est la difficulté d’accès à un premier emploi. C’est le cas également en Grèce et en Italie, qui ont des taux de chômage des 15-24 ans supérieurs au taux français.
Le chômage frappe plus de 12 % des jeunes Européens actifs. Dans tous les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la crise économique a rappelé que le chômage des jeunes est dû au manque de qualification. En France, par exemple, entre 80 000 et 150 000 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail sans diplôme. Les plus qualifiés ne connaissent le chômage qu’à la marge, avec un chiffre proche du taux moyen de 8,8 %, alors que, dans certaines banlieues, les non-qualifiés subissent un chômage à 50 %. Le chômage des jeunes est un enjeu essentiel dans toute l’Europe, car le non-emploi en début de vie professionnelle fait perdre ses acquis : le capital humain se dégrade.
Le chômage en soi n’est pas inquiétant, si c’est un chômage d’ajustement. Le problème, c’est le chômage qui dure ou se répète, et qui peut concerner tous les jeunes : ceux qui s’insèrent directement mais sont rattrapés par le chômage, ceux qui ne s’insèrent jamais et, au milieu, l’immense majorité des jeunes qui alternent chômage et travail, sous-emploi et travail, emploi déclassé et travail, pendant une durée plus ou moins longue.
Si les plus en difficulté sont souvent ciblés par des mesures, c’est ce troisième groupe qui bénéficie le plus de l’intervention publique, car on sait qu’un programme « jeunes » peut suffire à les remettre sur le marché. Un des mérites des politiques publiques est de cibler les programmes sur les peu ou pas qualifiés, en laissant les employeurs s’occuper des jeunes de haut niveau.
Certains ne jurent que par le diplôme, comme la Corée du Sud, Malte et la France. Les employeurs continuent de valoriser la capacité du système formel à évaluer les compétences des jeunes, matérialisées par le titre.
Or un jeune qui a suivi une formation sans obtenir de certification n’est pas sans compétence. Il faut donc multiplier les routes qui mènent à la certification, parallèlement au système classique. La première pourrait être la validation des acquis de l’expérience. La France est pionnière dans cette voie, mais n’est pas allée au bout de l’idée, qui peut pourtant permettre une bonne gestion de l’échec scolaire. La certification peut alors devenir ce qu’elle doit être : un véritable reflet des savoirs, du savoir-faire et des compétences plutôt qu’un signal d' »employabilité ». Il faut sortir du tout-diplôme en début de vie active et favoriser les allers retours entre études et construction d’une expérience (voyages, volontariat, vrais stages…). C’est cela qui va permettre aux jeunes de construire un réseau d’insertion et d’éclairer leurs choix d’orientation.