Au boulot, pratiquez-vous le déjeuner-smartphone ?

Au boulot, pratiquez-vous le déjeuner-smartphone ?

En entreprise, déjeuner seul à la cantine est généralement un signal négatif envoyé au collectif. Même si ce n’est pas forcément vrai, cela laisse entendre que vous n’êtes pas assez désirable pour trouver un ou une partenaire de mastication. Dans un monde où les rumeurs vont bon train, il n’en faut pas plus pour vous prêter des penchants asociaux, une haleine de chacal ou une conversation ennuyeuse. Néanmoins, cette norme est aujourd’hui remise en question. Si j’en crois ma propre entreprise (et ma planque incognito à côté des fontaines à eau), de plus en plus de gens pratiquent une nouvelle activité décomplexée et solitaire : le déjeuner-smartphone.

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Les yeux dans les yeux avec l’écran de leur iPhone SE adoré ou de leur Samsung Galaxy chéri, ces isolationnistes dégustent leur chili sin carne en scrollant des vidéos absurdes (oui, ce panda qui s’attaque à sa soigneuse et manque de la boulotter) ou en compulsant des e-mails en retard (absurdes également, dans leur grande majorité). D’après la dernière enquête Flashs-Selvitys-Openeat, publiée en avril, 18 % des salariés déclarent déjeuner seuls sur leur lieu de travail.

Si le déjeuner-smartphone est une activité risquée (votre écran est-il vraiment vinaigrette-proof ?), il n’est plus générateur d’un infamant stigmate social et s’inscrit dans une sorte de nouvelle normalité où le mobile vient s’insinuer dans chaque moment de vie. D’après une étude de l’institut Kantar en partenariat avec Amora datant de 2019, un tiers des Français utilisent systématiquement leur smartphone durant les repas, chiffre qui monte à 50 % pour les 18-34 ans. En entreprise, l’appareil et ses notifications viennent souvent interrompre les débats entre collègues. Quelqu’un avec qui vous discutiez à table peut alors s’abstraire soudainement des échanges pour s’évader vers les contrées numériques. Mais de la perturbation de l’interaction à la substitution de l’interlocuteur, il n’y a qu’un pas… vite franchi.

Un quasi-sujet

Qu’il serve à regarder une série, à consulter son compte LinkedIn ou à vérifier grâce à la caméra que l’on n’a pas une feuille de salade coincée entre les dents, le smartphone, depuis que tout est mis en œuvre pour l’anthropomorphiser, n’est plus un simple objet mais un quasi-sujet, partenaire de déjeuner potentiel concurrençant avantageusement votre collègue moulin à paroles (lequel ne possède pas de mode « silencieux »). Pratiquer le déjeuner-smartphone, c’est donc réussir la prouesse presque quantique de déjeuner avec quelqu’un tout en ne déjeunant qu’avec soi-même (la preuve, votre nouveau partenaire ne tentera jamais de vous taxer une frite).

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LJD

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