Actionnariat familial : quel avenir ?
Gouvernance. Dès ses origines, le capitalisme s’est développé dans la matrice de l’institution familiale, qui garantissait la confiance dans les échanges économiques. Au début du XIXe siècle, le droit ne fit que renforcer cette symbiose : le code civil institua en même temps les sociétés commerciales et la famille dite « nucléaire ». Cette dernière fut réduite à la linéarité directe entre ses membres, centrée sur les parents, avec les grands-parents en amont et les enfants en aval.
La loi fit ainsi disparaître la communauté familiale élargie mais elle renforça l’institution familiale pour en faire le cœur de la société civile. Le nom de famille était une garantie morale auprès des tiers et le « père de famille » devait en assurer la respectabilité. Parallèlement, la société commerciale fut promue comme l’institution-clé de la dynamique capitaliste. Elle fut conçue comme un véhicule juridique permettant l’accumulation du capital par transfert générationnel et conservation dans les mêmes familles.
En toute logique, la société en commandite fut la forme juridique dominante, pendant plus d’un siècle : dirigée par un gérant ayant le statut de commerçant, elle imposait à celui-ci d’engager ses biens propres en cas de faillite de l’entreprise. Une telle responsabilité personnelle était d’autant plus grande que l’entrepreneur hypothéquait le patrimoine familial dans la durée, son capital étant reçu et transmis par héritage. Le nom des familles témoignait de leur implication sur le long terme et garantissait la pérennité des entreprises au point de devenir celui des entreprises elles-mêmes : Wendel, Renault ou Krupp.
Une gouvernance qui retrouve une nouvelle pertinence
Ce capitalisme d’héritage déclina dès le début du XXe siècle. Le montant des investissements nécessaires à la production de masse dépassait les capacités des familles ou leur faisait courir un risque économique trop grand. Beaucoup commencèrent à diversifier leur patrimoine dans des holdings financières. Plus radicalement, l’esprit démocratique contesta le bien-fondé d’un pouvoir capitaliste acquis selon l’antique droit de succession. De garant de la pérennité, le capital reçu en héritage apparut comme le reliquat d’un régime paternaliste arbitraire et dépassé.
C’est alors que la société anonyme s’est imposée : ni l’actionnaire ni le dirigeant ne sont responsables sur leurs biens propres. Sans attaches, ils peuvent entrer et sortir de l’entreprise en utilisant le jeu du marché. Parallèlement, parce que les actionnaires sont devenus anonymes et que leur responsabilité se limite à leurs apports financiers, la demande de responsabilité s’est déplacée vers les entreprises elles-mêmes. D’où l’exigence contemporaine d’une responsabilité sociale des entreprises (RSE) associée désormais à une mission.
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