L’argot de bureau : les « slasheurs », les couteaux suisses qui ne voulaient pas trancher

L’argot de bureau : les « slasheurs », les couteaux suisses qui ne voulaient pas trancher

Argot de bureau

Quel est le point commun entre Vendredi 13, les films de la saga Scream, et un huissier de justice barman le soir et joueur de fléchettes le week-end ? Non, ne répondez pas « ils me font tous peur » : ce sont des slasheurs.

Connaissez-vous les slasher movies ? Ce sous-genre du film d’horreur met en scène les meurtres méthodiques d’un tueur en série, parfois dans une maison pleine de jeunes gens innocents, souvent la nuit, avec un profond sadisme, et un couteau qui coupe, to slash signifiant « trancher, taillader ». Massacre à la tronçonneuse (1974) est d’ailleurs l’un des premiers slashers.

Quel est donc le rapport avec la pluriactivité ? Aucun. Heureusement, l’étymologie n’a rien à voir avec un quelconque objet tranchant ou, à la rigueur, le « couteau suisse ». Elle provient tout simplement du slash, ce signe typographique qui sépare les différentes activités du slasheur.

Le slasheur (gardons le u pour le distinguer du slasher) enchaîne donc les boulots en série : la plupart du temps, il a choisi de ne pas choisir. S’il est possible de « slasher » au sein de la même entreprise (en ayant un poste polyvalent), cela se fait souvent pour le compte de plusieurs employeurs, parfois même sous différents statuts d’emploi (salarié à temps partagé, à mi-temps, indépendant, intermittent, intérimaire…).

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Six millions de pluriactifs en France

Marci Alboher, autrice américaine de One Person/Multiple Careers (2007), est connue pour avoir popularisé l’expression, qui sert à valoriser ce mode de travail qui diffère de la norme. Elle utilise souvent la métaphore de la tapisserie : à force de coudre différents morceaux différents de soi, on obtient une carrière customisée, unique… et non une personne instable.

Il existerait aujourd’hui six millions de pluriactifs en France, selon une étude menée en 2022 pour le Salon SME, qui réunit des indépendants. Le statut d’autoentrepreneur, né en 2009, a favorisé l’émergence du schéma « job alimentaire agrémenté d’une passion quelques heures par semaine ». Selon l’étude SME, 67 % des slasheurs le sont pour augmenter leurs revenus, 29 % pour tirer des revenus d’un hobby. Parmi les slasheurs sachant se lâcher, on trouvera le pompier/cracheur de feu, le dentiste/confiseur, le tradeur/président d’une association caritative.

Autonome, le slasheur est souvent présenté comme enthousiaste et audacieux, symbole du monde du travail en communauté, flexible, « ubérisé ». Sans vouloir se jeter de roses, bien sûr, les slasheurs se qualifieront parfois de multipotentiels ou de « polymathes », un terme grec signifiant qu’ils ont des compétences dans des domaines qui n’ont aucun lien, l’idole des polymathes étant Léonard de Vinci.

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